luni, 10 februarie 2020

DE 3 ori LOUIS MALLE (Palme d'or la 24 de ani)

LOUIS MALLE:
1. Le monde du silence (1956)
2. Ascenseur pour l'echafaud (1958)
3. Le feu follet ((1963)
 L'Alain du film de Malle se tue pour ne pas vieillir, c'est du moins ce que déclarait Malle en 1964: 
"A la fin du Feu follet, le personnage se tue. Mais moi, j'ai été très frappé par le roman de Drieu La Rochelle et l'ai suivi naturellement et c'était le récit d'un suicide. Mais ce qui m'a intéressé ce n'était pas tellement ça. C'est quelqu'un qui faisait le bilan de sa jeunesse et qui savait très bien que, finalement dans une vie d'homme, ce qui est important, ce qui est grave et ce qui est beau, c'est la jeunesse. Et que, pour le reste, on va vers sa fin. Apres la jeunesse, on va se dégrader, s'abimer et de devenir une chose d'un peu dégoûtant. Ce qui est important, ce n'est pas tant que l'on se mette une balle dans la tête ou le cœur. Ce qui est important, c'est cet accès de lucidité que quelque chose est passé qui ne se passera plus, qui est le phénomène flamboyant de la jeunesse. Et qu'il ne faut pas essayer de la perpétuer ou de croire que ce qui est important est ce qui arrive aux adultes après, parce que, à mon avis, ce n'est pas vrai".
 "Si je n'entendais pas ta voix je serais perdu dans un pays de silence" 
Le monde du silence est celui des grands fonds marins dont l'équipe de plongeurs du commandant Cousteau nous fait découvrir la splendeur et les dangers, la vie surprenante et l'éblouissement d'une faune aux mille couleurs.

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L'HISTOIRE

  
Un samedi soir à Paris : ancien officier parachutiste travaillant pour un riche industriel nommé Simon Carala, Julien Tavernier assassine son patron dans un crime organisé avec la jeune épouse de celui-ci, Florence. Tout le plan visant à faire passer le meurtre pour un suicide se déroule parfaitement, jusqu'à ce que Julien se rende compte qu'il a oublié une corde pouvant le compromettre. Retournant dans les locaux de l'entreprise, il se retrouve coincé dans l'ascenseur au moment où le portier coupe le courant. Pendant ce temps, un couple de deux jeunes amoureux, Louis et Véronique, dérobe la voiture que Julien a laissée devant l'immeuble...

ANALYSE ET CRITIQUE

  
Les premières années du parcours cinématographique de Louis Malle furent assez fulgurantes : bachelier à 16 ans, il étudie pendant deux ans à Sciences Po, mais est rattrapé par sa passion pour le cinéma et abandonne les études politiques pour présenter le concours d’entrée à l’IDHEC. Là, une fois admis, il acquiert une certaine compétence technique, mais déçu par le contenu trop théorique des cours, abandonne le cursus en cours de route. C’est lors d’un stage à la télévision, en 1953, qu’il apprend que Jacques-Yves Cousteau s’est présenté à l’Institut en quête d’un stagiaire sachant nager : il postule pour le poste, est d’ailleurs l’un des seuls (les étudiants de l’IDHEC ne jurant que par la fiction) et devient successivement caméraman-plongeur, monteur, preneur de son, puis assistant réalisateur auprès du célèbre Commandant. Pendant ces trois ans aquatico-documentaires, Louis Malle participe à la réalisation de deux courts métrages (Station 307 puis Fontaine de Vaucluse), avant que son rôle décisif dans la construction dramaturgique du film ne finisse par convaincre Cousteau de le créditer comme co-réalisateur du Monde du silence (1956).

A 24 ans, Louis Malle a donc en poche une Palme d’or - mais aussi, dans le milieu du cinéma, une réputation grandissante d’arriviste ou de dandy, réputation due à la fois à son tempérament charmeur autant qu’à ses origines sociales (il est l’héritier des industries Béghin) : son insolente réussite agace, et le cinéaste sait qu’il a encore beaucoup à prouver. Dans l’attente du sujet idéal, qui lui permettrait de montrer ses talents de cinéaste, il observe encore beaucoup, auprès de Robert Bresson (il devient assistant sur Un condamné à mort s’est échappé, sur lequel il se liera d’amitiés avec François Leterrier), toujours auprès de Cousteau ou au contact de l’actualité (ainsi part-il en Hongrie au moment des évènements de Budapest, à l’automne 1956). C’est finalement son ami Alain Cavalier qui lui finit par lui soumettre un roman de Noël Calef, intitulé Ascenseur pour l’échafaud : comme tant d’autres cinéastes débutants, son premier film sera donc policier, mais Louis Malle a décidé qu’il ne ressemblerait à aucun autre. Il sait qu’il a beaucoup à prouver, mais il entend démontrer bien plus encore. C’est de cette intention, pleine d’audace et de tempérament, que naissent les qualités comme les défauts d’Ascenseur pour l’échafaud, rendant ce coup d’essai aussi admirable qu’assurément imparfait.
 
Car Louis Malle, comme tant de cinéastes nés dans les années 30 qui débuteront dans les mêmes années (TruffautDemyChabrolDevilleGodard…), est un fruit de son époque : enfant du cinéma, il s’est nourri de toutes les évolutions esthétiques du 7ème art, notamment depuis le milieu des années 40, et il connaît sur le bout des doigts son néoréalisme italien comme son film policier, français mais surtout américain. Par ailleurs, dans les temps tourmentés d’une jeunesse qui ne veut pas reproduire les erreurs de ses aînés (et les fantômes de la Seconde Guerre mondiale sont d’autant plus tenaces que le France est alors embourbée en Indochine), il est animé d’une véritable volonté iconoclaste, quasi révolutionnaire, qui lui donne envie de véhiculer un regard social critique mais aussi de participer à l’élaboration d’un autre cinéma, d’inventer de nouvelles formes et de nouveaux codes. Il y a en quelque sorte dans Ascenseur pour l’échafaud une volonté, discrète mais réelle, de proposer une sorte d’absolu de cinéma (1), un travail artistique ultime qui entremêlerait littérature, musique, peinture, qui aurait digéré le cinéma du passé et ouvrirait sur celui du futur, tout en n’omettant pas une véritable conscience sociale... en quelque sorte, le film rêvé par un petit virtuose de 25 ans à qui tout a jusqu’alors souri... Evidemment, celui qui embrasse trop a parfois tendance à mal étreindre, et le résultat n’a rien de cette ampleur, mais ce sont très précisément les mêmes raisons qui peuvent, selon le spectateur, rendre cet objet cinématographique aussi fascinant que parfaitement agaçant.
  
Quelques décennies plus tard, on peut considérer que le passage à la postérité d’Ascenseur pour l’échafaud est au moins justifié par un aspect : sa bande-originale, qui fut un grand succès commercial et qui demeure aujourd’hui probablement plus connue que le film en lui-même. Signée Miles Davis - jeune trentenaire qui était parvenu à se faire un nom aux Etats-Unis avec son Quintet, dans lequel on retrouvait notamment un John Coltrane quasi-débutant -, elle fut enregistrée en deux jours (4 et 5 décembre 1957) dans un dispositif extrêmement novateur qui contribua à sa légende : réunis en studio, les cinq musiciens (2) disposaient d’un moniteur diffusant la séquence à accompagner, avec la durée de celle-ci. Libre à eux alors d’improviser, selon la "couleur" voulue par Davis (le seul ayant déjà vu le film monté), de façon à faire coïncider le mieux possible la musique et l’image. Désireux d’aller vers l’abstraction, Miles Davis - dans une démarche souvent utilisée par les musiciens de Be-Bop - partait à l’occasion d’un standard, qu’il débarrassait de lignes mélodiques ou rythmiques trop reconnaissables pour laisser les cuivres ou la contrebasse construire un univers sonore singulièrement différent. Le résultat est à l’écran particulièrement efficace lors des séquences d’errance nocturne, lors desquelles la musique contribue à créer une atmosphère énergique et inquiète à la fois.

Le jazz - qui plus est partiellement improvisé -, la cavale des deux jeunes, une certaine liberté de ton : comment donc, en voyant Ascenseur pour l’échafaud, ne pas penser à la Nouvelle Vague, et en particulier à A bout de souffle que Jean-Luc Godard tournera moins de deux ans plus tard ? Et donc, pour un redoutable argument chronologique (Chabrol n’a pas encore tourné Le Beau Serge, ni Truffaut Les 400 coups), comment ne pas faire du film le "premier" film du mouvement ? Ce serait beau, ce serait simple, ce serait surtout à nos yeux aussi inutile qu’inexact. Pas parce que l’on ait spécialement envie de réfuter les indices qui tendraient à associer le film au mouvement, mais parce que cela reviendrait à occulter bien d’autres aspects au moins aussi importants. D’une part, Louis Malle n’a, sa vingtaine d’années mise à part, à peu près rien à voir avec l’émulation qui stimule alors les bouillonnants rédacteurs des Cahiers du Cinéma et qui débouchera ensuite sur les grandes lignes directrices, narratives comme esthétiques, de la Nouvelle Vague. En ce sens, la liberté de ton ou l’ambition qui le meuvent sont davantage, comme cela a déjà été évoqué, conjoncturelles que théoriques. D’autre part, s’il y a incontestablement des aspects, dans Ascenseur pour l’échafaud, qui peuvent rappeler la Nouvelle Vague, c’est bien parce que le film, nous l’avons là aussi déjà dit, se situe délibérément à un carrefour assez foisonnant de styles, d’époques ou d’influences, et qu’il est alors précurseur autant qu’il est indissociable de ce qui l’a engendré. La Nouvelle Vague est l’une des nombreuses routes qui passent par ce carrefour, ce n’est que l’une d’entre elles.
  
Avant de voir, éventuellement, où le film mène, il est donc au moins aussi important de savoir d’où il vient, et le réseau routier est au moins aussi complexe. Outre des emprunts sommaires à Roger Vadim (lequel avait confié la bande-originale de Sait-on jamais..., l’année précédente, au Modern Jazz Quartet de John Lewis) ou à Robert Bresson, on peut distinguer trois lignes de force qui divergent et s’entremêlent à l’occasion : l’une (qui concerne plutôt le couple Véronique-Louis) vient d’Italie, où le néoréalisme des années 40 a ouvert la porte à de jeunes talents iconoclastes, dont Mauro Bolognini ou Michelangelo Antonioni : le couple Véronique-Louis peut ainsi au moins autant faire penser aux blousons noirs des Vaincus (I Vinti, 1953) qu’à Michel Poiccard. Une autre vient, évidemment, des Etats-Unis, et de la grande tradition du Film noir, dans lequel un individu lambda (par exemple un employé d’une grande compagnie) met le doigt dans un engrenage criminel qui ne fera que révéler le poids de la fatalité (on peut immédiatement citer la séquence d'interrogatoire de Julien et son éclairage singulier). Et la troisième est franco-française, mais dans les tensions propres au cinéma hexagonal de l’époque : dans son exploration du "milieu" criminel, particulièrement active dans les années 50, le cinéma français oscille alors entre une tradition "à l’ancienne" (plutôt littéraire, avec des dialogues ciselés maîtrisés par des comédiens de stature et d’expérience) et une volonté de réinventer le genre, notamment formellement, en y insufflant une forme d’efficacité "à l’américaine". Entre Henri Decoin et Jean-Pierre Melville (3), entre Gilles Grangier et Jacques Becker, Louis Malle semble parfois naviguer à vue : la première séquence faisant intervenir Julien Tavernier, par exemple, peut par exemple - toutes proportions gardées - rappeler l’impressionnant casse central du Rififi chez les hommes de Jules Dassin : muette, elle décrit une préparation méticuleuse, dans laquelle le silence et le cadre seuls génèrent la tension. En ce sens, il y a une démarche quasi-béhavioriste chez Malle, qui semble s’interdire de commenter l’action qu’il décrit. Et puis, aux antipodes, débarquent les monologues intérieurs de Jeanne Moreau, extrêmement (trop) écrits, avec des commentaires comme : « Je t’ai perdu dans cette nuit, Julien. Il fallait te laisser tranquille, ne pas t’embrasser, ne pas caresser ton visage. Si tu n’as pas tué Simon ; tant pis, si tu as eu peur, tant mieux, mais il faut que tu reviennes, il faut que tu sois là, vivant, à côté de moi, Julien. Il faut. Il faut. Il faut. »

Il semblerait donc que l’un des responsables de ce déséquilibre soit l'adaptateur du récit de Noël Calef, Roger Nimier, un auteur assez en vogue à l’époque pour son aura trouble et son regard pessimiste : de l’aveu même de Louis Malle, Nimier n’avait à peu près aucun sens cinématographique. Seul, à ses yeux, comptait le verbe. Celui-ci ne manque à l’occasion pas de style mais s’incarne en général fort mal à l’écran, que ce soit dans la bouche de Yori Bertin (« Ils vont nous séparer. Toi tu seras chez les hommes. Moi chez les femmes. Nous ne serons plus ensemble qu’à la première page des journaux ») ou dans celle de Jeanne Moreau ; pour développer un peu le propos de Jacques Lourcelles dans son dictionnaire, on pourrait presque résumer le problème en disant, en substance, que les comédiens d’Ascenseur pour l’échafaud sont formidables dès qu’ils se taisent. C’est en ce sens Maurice Ronet qui s’en sort le mieux, dans un rôle de solitaire, et la manière dont il occupe l’espace réduit de l’ascenseur lors de ses tentatives pour s’en extraire témoigne de la qualité physique du comédien. A la fin du film, on voit apparaitre un quasi-débutant nommé Lino Ventura, lequel, avec son intelligence de jeu et une redoutable économie verbale, compose un personnage beaucoup moins vain que la plupart des autres protagonistes, démontrant un peu par l’absurde ce que le film aurait pu être sans ses mots trop encombrants.
 
Il est d’autant plus dommage que les dialogues pénalisent à ce point, notamment, tout ce qui concerne Louis et Véronique, que le portrait dressé par le film de cette jeunesse est pertinent, féroce, mais aussi moderne : ce sont les chimères de la société consumériste qui les ont éloignés des réalités du monde, et il semblerait ainsi que le beau blouson tout neuf, la belle voiture américaine ou l’appareil photo design aient plus d’importance aux yeux de Véronique que le vol, le meurtre ou le suicide. A défaut d’avoir des valeurs morales auxquelles se raccrocher, sa vision du monde est réduite à des signes extérieurs directs, essentiellement du registre de l’apparence. Mais en extrapolant un peu, à partir des quelques échanges entre Véronique et Florence (l’une qualifiant l’autre de vieille, l’autre traitant l’une comme une gamine, quand bien même elles n’ont que quelques années d’écart), on pourrait presque avoir l’impression qu’elles reconnaissent l’une en l’autre ce qu’elles étaient ou ce qu’elles pourraient devenir : finalement, Florence a épousé un homme beaucoup plus vieux qu’elle pour assurer sa situation financière, et ensuite pris un bel et jeune amant...

Plus globalement, c’est toute la société décrite par Ascenseur pour l’échafaud qui semble, doucement, grignotée par la veulerie et l’individualisme : personne n’aide réellement personne, dans le film, chacun étant trop occupé à satisfaire ses propres objectifs individuels. Cela est assez bien, quoique très rapidement, résumé par le personnage de Simon Carala, figure avant l’heure du grand patron siégeant en haut de son immeuble de verre, qui domine un monde dont il n’a que faire si ce n’est tirer profit. Il va sans dire que cet archétype, sans doute inspiré du cinéma américain, était pour le coup plus rare dans le cinéma français, simplement pour la rareté de tels immeubles dans le Paris des années 50 ! Plus généralement, Louis Malle, des années plus tard, exprimait d’ailleurs avec une certaine satisfaction le portrait anticipatif que son film dressait de la capitale, presque plus proche des années 60 à venir que de son époque de tournage. (4)
 
Pour tout dire, à courir tant de lièvres à la fois, il nous semble parfois qu’Ascenseur pour l’échafaud passe à côté de quelque chose ; prenons cette trame principale concernant Julien, accusé d’un crime qu’il n’a pas commis mais qui l’innocenterait de celui qu’il a réellement perpétué : on rêverait tout simplement de savoir ce que, à la même époque, un Fritz Lang aurait pu faire d’un tel postulat ! Mais à vouloir également raconter une (voire des) histoire(s) d’amour ; traduire l’atmosphère de ces nuits parisiennes ; livrer une critique du modèle consumériste qui fait rêver la jeunesse française ; évoquer le poids lancinent de la guerre sur la société de l’époque... le film donne parfois l’impression d’être dans l’approche de tout ce qu’il aimerait être mais ne parvient finalement qu’à effleurer. Ce n’est pas, entendons-nous bien, un film basé sur l’esbroufe, un coup d’éclat de petit malin recherchant le tape-à-l’œil ou l’ostentatoire, et il faut certainement reconnaître à Louis Malle une retenue et une rigueur certaine dans la réalisation, mais plutôt, à nos yeux, une œuvre dont les ambitions ont outrepassé la concrétisation. (5) C’est ainsi finalement lorsqu’il ne dit pas du tout, et qu’il laisse l’imaginaire du spectateur faire son travail, qu’il devient le plus stimulant : le personnage de Julien, par exemple, est ainsi habité d’une belle ambigüité. Au début, on jurerait qu’il s’agit d’un garçon brillant, par exemple un ingénieur, un héros de guerre bien sous tous rapports... et puis progressivement, par touches minimes, le film laisse deviner autre chose, une petite frappe, un mercenaire chargé d’intimider la concurrence industrielle, un assassin régulier peut-être... Le film se garde bien de conclure à son sujet, ménageant ainsi un trouble assez fascinant.

Le film obtint le Prix Louis Delluc 1957 - Malle l’obtint de nouveau 30 ans plus tard pour Au revoir, les enfants - alors que le film suivant du cinéaste, Les Amants, reçut un prix au Festival de Venise... Ces récompenses, régulières, qui jalonneront ainsi la carrière du cinéaste depuis ses débuts jusqu'à son terme, permettent peut-être de mettre un doigt assez subjectif sur ce qui nous semble être l’une des caractéristiques de ce séducteur notoire : à défaut de posséder un style majeur, Malle savait probablement comme peu de cinéastes sentir les courants d’une époque et réaliser le bon film au bon moment, en anticipant les mouvements sur le point de surgir ou en faisant naître à l’occasion la polémique (Le Souffle au cœur, Lacombe Lucien...). L’impact contextuel de ses films, représentatifs d’un esprit ou d’un temps, doit ainsi être pondéré lors de l’appréhension de sa filmographie, quand bien même leur aspect daté sauterait aux yeux. A cet égard, il convient, malgré ses défauts apparents, de ne pas sous-estimer l’importance historique d’Ascenseur pour l’échafaud.
 
(1) Des années plus tard, Louis Malle revoyant le film disait qu’il y avait essayé, « avec maladresse parfois, d’y combiner des admirations sans doute contradictoires pour Bresson, et Hitchcock. »
(2) Miles Davis à la trompette, Barney Wilen au saxophone ténor, René Urtreger au piano, Pierre Michelot à la contrebasse et Kenny Clarke à la batterie.
(3) Melville auquel Malle emprunte ici son chef opérateur Henri Decaë, pour une photographie exceptionnelle, présentant une grande diversité de textures, qui demeure l’un des incontestables points forts du film.
(4) La région parisienne ne comptant aucun établissement de ce type à l'époque, le fameux "motel de Trappes" du film fut trouvé en Normandie !
(5) Dans Le Masque et La Plume du 6 février 1958, Jean de Baroncelli dit du film qu’il est finalement plus intéressant pour ce qu’il laisse entrevoir du talent de Louis Malle que pour ce qu’il est.




EN SAVOIR PLUS

La fiche IMDb du film
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Le monde du silence (avec Jacques -Yves Cousteau / 1956)

Le monde du silence est celui des grands fonds marins dont l'équipe de plongeurs du commandant Cousteau nous fait découvrir la splendeur et les dangers, la vie surprenante et l'éblouissement d'une faune aux mille couleurs.
Quelques séquences clés s'insèrent harmonieusement dans la trame du récit : ainsi par exemple l'épisode de l'épave retrouvée d'un cargo échoué par trente mètres de fond. Sur le pont du navire on aperçoit encore une cloche, prise dans une gangue de coquillages. Un des plongeurs la débarrasse de sa carapace et la fait alors sonner, et il semble qu'elle émet un dernier appel aux marins engloutis.
La séquence des tortues de mer s'enveloppe d'un certain mystère. Sur les plages chaudes des tropiques, les grandes tortues pondent leurs oeufs; lorsqu'ils éclosent on aperçoit de minuscules tortues qui, instinctivement, se dirigent aussitôt vers les flots.
Beaucoup plus dramatique se révèle l'aventure du petit cachalot qui s'écarte trop du sillage de ses parents et se fait heurter par l'hélice du navire. Le couple de cachalots lance tout de suite un appel : de petits cris aigus et rapides, de nombreux cachalots surgissent de toutes parts pour tenter de sauver l'enfant blessé. La blessure est grave, le petit cachalot succombe, son sang colore la mer et attire une horde de requins. Les marins les attaquent à coups de trident et les assomment sur le pont de la "Calypso".
Enfin, intermède féérique, spectaculaire : brandissant leurs torches, les plongeurs exécutent un étonnant ballet aquatique.
 Carnets de plongée coréalisé avec Ichac avait été présenté et primé au festival de Cannes de 1951. Le monde du silence, coréalisé avec Louis Malle obtient la Palme d'or au Festival de Cannes en 1956.
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Le feu follet

 
Avec : Maurice Ronet (Alain Leroy), Bernard Noël (Dubourg), Jean-Paul Moulinot (Docteur La Barbinais), René Dupuis (Charlie), Bernard Tiphaine (Milou), Jeanne Moreau (Eva), Yvonne Clech (Mlle Farnoux) Hubert Deschamps (D'Averseau), Mona Dol (Madame La Barbinais), Ursula Kubler (Fanny), Alain Mottet (Urcel), François Gragnon (François Minville), Romain Bouteille (Jérôme Minville) Jacques Sereys (Cyrille Lavaud), Alexandra Stewart (Solange), Claude Deschamps (Maria), Tony Taffin (Brancion), Henri Serre (Frédéric). 1h48.



Alain Leroy, dans une triste chambre d'hôtel de Rosny-Sous-Bois, vient de faire, sans grand désir, l'amour avec Lydia. Elle est une amie de sa femme, Dorothy, qui est restée à New York le laissant subir, sans y croire, durant quatre mois, une cure de désintoxication alcoolique dans une clinique de Versailles. Lydia demande à Alain de l'épouser lorsqu'il aura divorcé de Dorothy. Plus riche que sa femme, elle saura le garder. En sortant de l'hôtel, Alain qui n'a pas d'argent, laisse sa montre en pourboire à la jeune gardienne de l'hôtel. Dans un bar de Rosny où ils prennent un café, Dorothy fait un chèque de 10 000 francs pour Alain.
Dans le taxi qui les raccompagne à Versailles, Lydia explique à Alain, qui l'a supplié de rester près de lui, qu'elle doit rentrer ce jour même à New York pour réceptionner les vêtements de sa maison de couture. En la quittant, Alain lui dit qu'il ne pourra la suivre à New York ni l'épouser car elle deviendrait une nouvelle Dorothy.
Alain lit dans sa chambre de la clinique puis déjeune avec les pensionnaires du docteur La Babinais. Il remonte dans sa chambre, découpe un article de journal sur la mort d'un enfant, joue avec de petits objets, écoute les gymnopédies de Satie, se met sans succès à écrire et finit par jouer avec un revolver. Le docteur La Barbinais l'incite à renouer avec sa femme, à lui envoyer un télégramme suite à une première lettre de réconciliation. Alain s'endort toujours aussi angoissé, promettant de se tuer le lendemain.
C'est madame La Barbinais qui réveille Alain. Il est décidé à toucher son chèque dans une banque de Paris mais hésite sur la teneur du télégramme à envoyer à Dorothy. De rage, il déchire son journal et écrit un télégramme lapidaire pour New York qu'il remet à la femme de ménage.
Dans un bar, il demande à deux livreurs des Galeries Lafayette de le conduire à Paris. Il retire les 10 000 francs de son chèque dans une banque puis se rend dans l'hôtel du quai Voltaire où il avait autrefois sa chambre et y menait grande vie. Les gérantes ne peuvent s'empêcher de faire des remarques négatives sur son apparence dès qu'il a le dos tourné. Alain discute avec Charlie, le barman, afin de savoir ce que sont devenus ses anciens amis. Ils se sont rangés et les freres Minville sont en prison. C'est un jeune homme flamboyant qui le connu tout jeune qui a pris sa chambre.
Il rend alors visite à son ami Dubourg qui s'est marié avec Fanny, à deux enfants et un chat. Passionné par l'égyptologie, il espère écrire un grand livre sur le sujet et reproche à Alain de ne pas vouloir entrer dans la vie adulte. Alain refuse son soutien moral, agacé par son ton pontifiant. Par l'intermédiaire de Jeanne, il est conduit auprès de ses anciens complices, aujourd'hui drogués.
Il apprend que les frères Minville ne sont pas en prison mais au Flore, café de saint Germain, où il va les attendre. Jérôme et François continuent leur guerre d'Algérie dans l'OAS et Alain ne peut adhérer à ce combat qui lui parait perdu d'avance. Une fois ses anciens amis partis, Alain voit un verre de cognac laissé à la table voisine. Il le boit et se sent envahi de nausées qui le conduisent aux toilettes du café. Des homosexuels qui le connurent autrefois ne peuvent s'empêcher de remarquer son air cadavérique d'alcoolique.
Il pleut et Alain se rend place des Vosges dans une réception mondaine, chez Cyrille Lavaud. Alain fait la connaissance d'un intellectuel, Brancion, qui cherche à séduire Solange, la femme de Cyrille et qui fut sa maitresse. Brancion n'a pas aimé l'anecdote célèbre d'Alain qui dormit ivre sur la tombe du soldat inconnu. Alain lui avoue "ne pas vouloir, pas prendre, pas désirer". Il laisse s'éloigner Frédéric et Marina. Il s'enfuit accompagné de Milou, rencontré chez Charlie, avec lequel il échange des confidences
Le lendemain matin, Alain fait sa valise, défait les images accrochées sur les miroirs, et donne de l'argent à la femme de ménage pour qu'on ne le dérange pas avant midi. Il finit son livre. Solange l'appelle pour l'inviter à déjeuner. Elle le prend pour une force de la nature, ce que réfute Alain. "Solange me répond pour Dorothy" dit-il. Il s'était donné jusqu'au 23 juillet. C'est le matin du 7 juin. Alain prend son pistolet et se tire froidement un coup de revolver dans le cœur. Une citation de Dieu la Rochelle écrite sur un plan du visage d'Alain termine le film.

Adaptation du roman de Pierre Drieu La Rochelle de 1931, Le Feu Follet de Louis Malle en modernise certains aspects et en transpose d'autres dans le contexte de 1963. Les grands ensembles, sont très présents en arrière-plan du voyage vers Paris, les plans sur les billets de banques évoquent la stabilité monétaire des nouveaux francs. Françoise Hardy et Sylvie Vartan sont les idoles de l'enfant des Dubourg. Le suicide de Marylin Monroe occupe une place de choix dans les coupures de presse qu'Alain collectionne sur les morts absurdes. La musique d'Eric Satie, compositeur de l'époque du surréalisme, est aussi adaptée à la déambulation dans Paris. Elle enveloppe le personnage d'une douceur mélancolique et tragique qui accompagne sa chute. Drieu La Rochelle, après avoir eu des sympathies pour le communisme, bascule dans l'idéologie fasciste. Gilles, le personnage de son roman éponyme, s'engage du côté de Franco dans la guerre d'Espagne. Ici, Alain a des amis dans l'OAS.
L'adaptation est fidèle aux différentes péripéties et personnages du roman. Le film marque aussi clairement son origine littéraire avec la voix off de la première séquence. Elle disparait ensuite complètement du film. La littérature ne revient qu'au dernier plan avec la citation du livre inscrite sur le visage de Maurice Ronet.
Dans le livre original, Alain est un toxicomane et non un alcoolique et toute l'action se situe à Paris. L'hotel où Alain et Lydia font l'amour est situé rue Blanche et c'est à pied et non en taxi qu'ils se rendent à la clinique du docteur La Barbinais. Mais la grande différence entre le livre et le film est que le personnage de Drieu a décidé de mourir, alors que celui tenu magnifiquement par Maurice Ronet, se voit poussé dans une envie de mourir par ses anciens amis et les événements qu'il va vivre pendant cet ultime passage à Paris. Alain Leroy décide finalement de mettre fin à ses jours parce que depuis toujours en marge des gens qu'il croise et qu'il n'a jamais compris. Dans le film, l'alcool lui a servi à ne pas se voir changer et à ne pas voir la vie comme elle était vraiment, la cure de désintoxication finie, la réalité le rattrape, il ne peut le supporter. Sa fatigue psychologique l'enfonce dans sa vision tragique du destin. L'Alain du livre se suicide pour devenir un homme (comme Drieu et Rigaut). Pour Drieu la Rochelle, le suicide est "l'acte de ceux qui n'ont pu en accomplir d'autres". Le suicide efface les défauts, comble les lacunes. Il rachète jusqu'au manque de talent. Drieu avait en effet écrit L'adieu à Gonzague (1929) pour rendre hommage à son ami, Jacques Rigaut, qu'il avait décrit avec cruauté sous les traits de Gonzague dans nouvelle de 1923, La valise vide. Gonzague drogué et menant grande vie n'était guère capable que d'écrire quelques fragments de journaux. Pour l'auteur du livre, le suicide est l'acte noble par excellence : "la dernière noblesse qui me reste est de disparaître", ce qui n'intéresse pas particulièrement Louis Malle. L'Alain du film de Malle se tue pour ne pas vieillir, c'est du moins ce que déclarait Malle en 1964 :
A la fin du Feu follet, le personnage se tue. Mais moi, j'ai été très frappé par le roman de Drieu La Rochelle et l'ai suivi naturellement et c'était le récit d'un suicide. Mais ce qui m'a intéressé ce n'était pas tellement ça. C'est quelqu'un qui faisait le bilan de sa jeunesse et qui savait très bien que, finalement dans une vie d'homme, ce qui est important, ce qui est grave et ce qui est beau, c'est la jeunesse. Et que, pour le reste, on va vers sa fin. Apres la jeunesse, on va se dégrader, s'abimer et de devenir une chose d'un peu dégoûtant. Ce qui est important, ce n'est pas tant que l'on se mette une balle dans la tête ou le cœur. Ce qui est important, c'est cet accès de lucidité que quelque chose est passé qui ne se passera plus, qui est le phénomène flamboyant de la jeunesse. Et qu'il ne faut pas essayer de la perpétuer ou de croire que ce qui est important est ce qui arrive aux adultes après, parce que, à mon avis, ce n'est pas vrai".
Malle déplace la mort d'Alain d'une journée de novembre à une journée d'été. Drieu écrit : "On était en novembre, mais il ne faisait pas bien froid" (page 18) se conformant à la date du suicide de Jacques Rigaut, le 6 novembre 1929. Dans le film, la date du 23 juillet, inscrite sur le miroir de la chambre d'Alain, n'est ainsi probablement pas la date de son suicide. Inscrite dès le premier matin où il rentre de sa nuit avec Lydia, il y a peu de chance qu'elle désigne le surlendemain où il se tuera presque sans raison à la suite d'un dernier malentendu avec Solange au téléphone qu'il interprète comme une réponse à sa lettre à Dorothy. Le premier soir, il s'était couché en se promettant de se tuer le lendemain... ce qu'il ne fait finalement pas. Un calendrier dans le café du Flore indique le 6 juin, le jour le plus long, dans la tête de tous les spectateurs après le succès du film de Zanuck de 1962. L'action se déroule ainsi vraisemblablement du 5 juin au matin au 7 juin à midi. La date du 23 juillet étant alors peut-être la date qu'il s'est fixé pour une réponde de Dorothy à sa lettre. Ecrite le 23 mai, après quatre mois de cure, le 23 juillet représenterait la date fatidique de six mois de cure. Date qui pourrait décider de sa survie avec sa femme ou de son suicide. Comme tout échappe à Alain, son suicide aussi puisqu'il en devance l'appel, brutalement, sans prévenir.
Jean-Luc Lacuve le 10/01/2008
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Test du DVD
Editeur : Arte Edition. Janvier 2008.





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