Nous sommes au début des années 1950, nuit après nuit Claude (Gérard Philipe), un jeune compositeur, travaille sur un opéra, mais jusqu'à présent ses œuvres ne lui ont rien rapporté, aussi doit-il gagner sa vie comme professeur de musique dans une petite ville de province, donnant quelquefois aussi des leçons particulières. Hélas, ce qu’il gagne ne lui suffit pas pour payer à temps son loyer chaque mois. Pour fuir ses soucis et le bruit insupportable de son quartier, il préfère se réfugier dans son lit et se mettre à rêver d'un monde meilleur. S’inspirant de l’adage « Autrefois tout allait beaucoup mieux ! », il erre à travers les siècles passés dans son monde imaginaire. Parfois il est un compositeur d'opéra à succès au tournant du siècle, parfois un officier héroïque au service de Napoléon ou encore un courageux révolté pendant la Révolution française. Il est toujours entouré de belles femmes langoureuses dont il connait les visages dans la vie réelle, comme celui de la charmante Edmée de Villebois, à la fille de laquelle il donne des leçons particulières, ou celui de la caissière d'un café qui se métamorphose dans son rêve et devient Leïla, une séduisante femme de harem. À plusieurs reprises c’est sa jolie voisine Suzanne qui apparait aussi dans ses châteaux en Espagne.
À mesure que le temps passe, Claude en arrive à se soustraire de plus en plus à la réalité au point qu’il ne peut plus y faire face : sa carte d’identité est expirée et il se retrouve en prison un moment pour insulte à un représentant de l’État. Il veut même se procurer des somnifères afin de pouvoir dormir plus longtemps. Déjà ses amis s'inquiètent pour lui. Ils craignent qu’il soit fatigué de la vie au point qu’il en vienne à se jeter du haut d'un pont ou à en finir avec des somnifères, c'est pourquoi ils font tout ce qu’ils peuvent, allant jusqu’à payer son loyer pour empêcher son suicide qu’il a apparemment planifié.
Mais voilà que Claude, alors qu’il s'abandonne à ses fantasmes, rencontre des difficultés inattendues dans son monde de rêves : un mari jaloux par exemple le défie en duel, une armée de soldats algériens en veut à sa vie, et le voilà plongé dans la tourmente sanglante de 1789. Quand il se réveille, épouvanté par ses visions barbares, le présent ne lui semble plus tellement horrible. Il commence à apprécier la réalité quotidienne autour de lui, ainsi que la vraie Suzanne qui a bien mieux à lui offrir que n'importe quelle illusion. Pour échapper à ses poursuivants imaginaires, il n’a plus envie de dormir.
Entre-temps, une lettre l’attend toujours au bureau de poste, lettre qu’on a refusé de lui remettre puisque sa carte d'identité était périmée. Grâce à ses amis, il peut enfin la recevoir. C'est la réponse du directeur d’un opéra à qui il avait envoyé une de ses compositions quelques mois plus tôt. En fin de compte le directeur a aimé son opéra, Claude peut désormais envisager un avenir florissant avec Suzanne à ses côtés.
Gérard Philip2, ditGérard Philipe, né le à Cannes et mort le à Paris, est un acteurfrançais. Actif au théâtre comme au cinéma, il fut en France, jusqu'à sa mort prématurée, l'une des principales vedettes de l'après-guerre. Le public garde de lui une image juvénile et romantique, qui en fait l'une des icônes du cinéma français.
Biographie
Enfance et jeunesse
Cadet de son frère Jean, Gérard naît à Cannes (Alpes-Maritimes), dans une famille aisée, de Marcel Philip (1893-1973) et de Marie Elisa Villette (1894-1970), dite « Minou », fille d'un pâtissier beauceron établi à Chartres et d'une émigrée tchèque directement venue de Prague3.
Son père, riche hôtelier (propriétaire de divers établissements sur la Côte d'Azur et à Paris) et avocat dans un cabinet de contentieux juridique cannois, appartenait en 1936 à la ligue nationaliste des Croix-de-Feu, puis s'enthousiasma pour Jacques Doriot et son rêve de national-socialisme à la française, adhéra au Parti populaire français (PPF) et devint secrétaire de la fédération de Cannes4. Propriétaire-gérant du Parc palace-hôtel à Grasse, il y abrita l'état-major mussolinien en 1940 puis l'état-major nazi en 1942. Il fut condamné à mort après la guerre pour ses crimes de collaboration et il s'est réfugié en Espagne.
Gérard suit toute sa scolarité au lycée de l'Institut Stanislas de Cannes tenu par les marianistes où il est bon élève. Il y obtient, au début de la guerre, son baccalauréat. Inscrit à la faculté de droit à Nice en 1942, son père le destine à une carrière de juriste, mais, rencontrant de nombreux artistes réfugiés sur la Côte d’Azur, alors en zone libre depuis 1940, il décide de devenir comédien. Sa mère le soutient dans ce choix5.
La guerre, les débuts d’acteur
En 1941, Marc Allégret, réfugié sur la Côte d’Azur, se laisse entraîner chez madame Philip qui pratique des séances de voyance et de spiritisme au Parc Hôtel Palace à Grasse, propriété de son mari. Sachant que son fils veut faire du théâtre, « Minou » persuade Allégret de l'auditionner. Au terme de cet essai, le cinéaste lui conseille de s’inscrire au Centre des jeunes du cinéma à Nice puis l’envoie prendre les cours d’art dramatique de Jean Wall et Jean Huet à Cannes. Le comédien Claude Dauphin le fait jouer au théâtre à partir de 1942 avec Une grande fille toute simple d’André Roussin au casino de Nice6.
En 1942, Marc Allégret l'engage pour une silhouette dans le film La Boîte aux rêves, réalisé par son frère Yves. En novembre de la même année, la zone libre est occupée par l’armée allemande.
Gérard Philippe refuse de rejoindre le S.T.O (Service du travail obligatoire), fin 1943, et de ce fait, il devra vivre quelques mois dans la clandestinité, ou il rencontrera des résistants.
Membre des FFI, il participe à la Libération de Paris en 1944. Il contribue notamment à la libération7 de l'Hôtel de Ville de Paris, en , en compagnie de trente personnes sous les ordres de Roger Stéphane.
Sur les conseils de « Minou », Gérard ajoute un « e » à son nom pour obtenir treize lettres avec son nom et son prénom, chiffre porte-bonheur8.
Son père, Marcel, est condamné à mort par contumace le pour intelligence avec l'ennemi et appartenance à un groupe antinational. Il s'enfuit alors en Espagne et devient professeur de français à Barcelone9. Gérard, Anne et leurs enfants lui rendront de fréquentes visites. Marcel bénéficie de la loi d'amnistie de 1968 et peut alors rentrer en France.
Amour et famille
En 1942, Gérard rencontre Nicole Navaux, une ethnologue épouse du diplomate François Fourcade. Ils se lient en 1946, se marient le à la mairie de Neuilly-sur-Seine après le divorce de Nicole. Il demande à son épouse de reprendre son premier prénom, Anne, qu'il trouve plus poétique. Ils ont deux enfants : Anne-Marie Philipe, née le , devenue écrivain et comédienne elle aussi, et Olivier Philipe, né le . Installés boulevard d'Inkermann à Neuilly, puis rue de Tournon à Paris en 1956, Anne et Gérard avec leurs enfants passent leurs vacances d’été à Ramatuelle, en Provence, dans une propriété de la famille d'Anne.
Le , en pleine gloire et à l’apogée de sa popularité, alors qu'il vient de finir le tournage du film La fièvre monte à El Pao de Luis Buñuel au Mexique, il est emporté par un cancer du foie foudroyant12 à Paris (17, rue de Tournon, où un panneau Histoire de Paris lui rend hommage), quelques jours avant son 37e anniversaire, plongeant dans la tristesse ses nombreux admirateurs. La mort de Gérard Philipe entraînera une profonde émotion en France, où le comédien était très populaire. Conformément à ses dernières volontés, il est enterré vêtu du costume de Don Rodrigue (Le Cid), dans le petit cimetière de Ramatuelle (Var).
Quelques jours plus tard décédera à son tour un autre « jeune premier », lui aussi en pleine gloire et à la fleur de l'âge, son confrère acteur Henri Vidal.
Le nom de Gérard Philipe a été donné à de très nombreuses rues, plusieurs théâtres, des maisons de la culture, ainsi qu'à de nombreux établissements d'enseignement.
Un timbre postal d’une valeur de 50 centimes, le représentant dans le rôle du Cid, est émis le avec une oblitération premier jour le 10 à Cannes13.
Dans les années qui suivent le décès de son mari, Anne Philipe publie deux biographies intitulées Souvenirs (1960) et Le Temps d’un soupir (1964).
Soixante ans après sa mort, son gendre Jérôme Garcin publie Le dernier hiver du Cid14, récit de ses dernières semaines (Gallimard, 2019)15.
Gérard Philipe est l'un des acteurs français qui ont le plus enregistré de disques en aussi peu de temps, en l'occurrence entre 1952 et 1959, année de sa mort.
Il fit de nombreuses adaptations discographiques ou radiophoniques de pièces de théâtre que souvent il avait jouées avec succès sur la scène du TNP que son ami Jean Vilar, acquis comme lui aux idées communistes, dirigeait depuis 1951.
Il enregistra, en relation avec ses idéaux politiques, des disques de lectures de textes de Karl Marx : un 30 cm titré Les Pensées de Karl Marx, forgeron d'un instrument moderne de la connaissance - Le Philosophe matérialiste de l'histoire - L'Analyse implacable de la réalité capitaliste - Le Briseur de chaînes ; trois disques 18 cm intitulés Le Monde de 1715 à 1870 (La Lutte des classes selon Marx dit par Gérard Philipe) et la lecture d'extraits du Manifeste du Parti communiste.
Publicité
Gérard Philipe n'a accepté de faire de la publicité que pour les livres Gallimard, en 1950, en posant devant l'objectif de Lucien Lorelle, pour le publicitaire Henri Sjöberg. Cette affiche au slogan « Dévorez les livres comme Gérard Philipe » sera affichée sur tous les murs, pendant des années. Un des clichés est repris sur la couverture de Mon libraire de Patrick Cloux, paru en 2007.
Voir aussi
Récompenses
Prix d'interprétation au Festival international de Bruxelles en 1947 pour Le Diable au corps ;
Victoire du meilleur acteur du cinéma français en 1948 ;
Victoire du meilleur acteur du cinéma français en 1952 avec Daniel Gélin ;
Victoire du meilleur acteur du cinéma français en 1953 ;
Victoire du meilleur acteur du cinéma français en 1954 ;
Victoire du meilleur acteur du cinéma français en 1955 avec Jean Gabin ;
Il est dès lors hors concours et fait partie du jury d'honneur.
Christel Givelet, Gérard Philipe, le murmure d'un ange (essai17), Paris, 2009.
Jean Vilar, Gérard Philipe, J'imagine mal la victoire sans toi, TriArtis Editions, coll. Scènes intempestives à Grignan, en partenariat avec la Maison Jean Vilar d'Avignon, Paris 2019, (ISBN978-2-490198-12-2)