Gérard Philipe
Gérard Philip, dit Gérard
Philipe, né le 4 décembre 1922 à Cannes et mort le 25 novembre 1959 à Paris,
est un acteur français. Actif au théâtre comme au cinéma, il fut en France,
jusqu'à sa mort prématurée, l'une des principales vedettes de l'après-guerre.
Le public garde de lui une image juvénile et romantique, qui en fait l'une des
icônes du cinéma français.
Biographie
Enfance et jeunesse
Cadet de son frère Jean,
Gérard naît à Cannes (Alpes-Maritimes), dans une famille aisée, de Marcel
Philip (1893-1973) et de Marie Elisa Villette (1894-1970), dite « Minou »,
fille d'un pâtissier beauceron établi à Chartres et d'une émigrée tchèque
directement venue de Prague.
Son père, riche hôtelier
(propriétaire de divers établissements sur la Côte d'Azur et à Paris) et avocat
dans un cabinet de contentieux juridique cannois, appartenait en 1936 à la
ligue nationaliste des Croix-de-Feu, puis s'enthousiasma pour Jacques Doriot et
son rêve de national-socialisme à la française, adhéra au Parti populaire
français (PPF) et devint secrétaire de la fédération de Cannes4.
Propriétaire-gérant du Parc palace-hôtel à Grasse, il y abrita l'état-major
mussolinien en 1940 puis l'état-major nazi en 1942. Il fut condamné à mort
après la guerre pour ses crimes de collaboration et il s'est réfugié en
Espagne.
Gérard suit toute sa
scolarité au lycée de l'Institut Stanislas de Cannes tenu par les marianistes
où il est bon élève. Il y obtient, au début de la guerre, son baccalauréat.
Inscrit à la faculté de droit à Nice en 1942, son père le destine à une
carrière de juriste, mais, rencontrant de nombreux artistes réfugiés sur la
Côte d’Azur, alors en zone libre depuis 1940, il décide de devenir comédien. Sa
mère le soutient dans ce choix.
La guerre, les débuts
d’acteur
En 1941, Marc Allégret,
réfugié sur la Côte d’Azur, se laisse entraîner chez madame Philip qui pratique
des séances de voyance et de spiritisme au Parc Hôtel Palace à Grasse,
propriété de son mari. Sachant que son fils veut faire du théâtre, « Minou » persuade
Allégret de l'auditionner. Au terme de cet essai, le cinéaste lui conseille de
s’inscrire au Centre des jeunes du cinéma à Nice puis l’envoie prendre les
cours d’art dramatique de Jean Wall et Jean Huet à Cannes. Le comédien Claude
Dauphin le fait jouer au théâtre à partir de 1942 avec Une grande fille toute
simple d’André Roussin au casino de Nice.
En 1942, Marc Allégret
l'engage pour une silhouette dans le film La Boîte aux rêves, réalisé par son
frère Yves. En novembre de la même année, la zone libre est occupée par l’armée
allemande.
En 1943, la famille Philip
s’installe rue de Paradis, dans le 10e arrondissement de Paris. Gérard
s’inscrit au Conservatoire national supérieur d'art dramatique, suit les cours
de Denis d'Inès puis de Georges Le Roy et obtient le second prix de comédie.
En 1943, Gérard Philipe
obtient son premier succès et la célébrité à l’âge de vingt ans, en pleine
Seconde Guerre mondiale, dans le rôle de l’ange du Sodome et Gomorrhe de Jean
Giraudoux.
Membre des FFI, il participe
à la Libération de Paris en 1944. Il contribue notamment à la libération7 de
l'Hôtel de Ville de Paris, en août 1944, en compagnie de trente personnes sous
les ordres de Roger Stéphane.
Sur les conseils de « Minou
», Gérard ajoute un « e » à son nom pour obtenir treize lettres avec son nom et
son prénom, chiffre porte-bonheur8.
Son père, Marcel, est
condamné à mort par contumace le 24 décembre 1945 pour intelligence avec
l'ennemi et appartenance à un groupe antinational, sans qu'aucune preuve soit
jamais versée au dossier. Il s'enfuit alors en Espagne et devient professeur de
français à Barcelone9. Gérard, Anne et leurs enfants lui rendront de fréquentes
visites. Marcel bénéficie de la loi d'amnistie de 1968 et peut alors rentrer en
France.
Amour et famille
En 1942, Gérard rencontre
Nicole Navaux, une ethnologue épouse du diplomate François Fourcade. Ils se
lient en 1946, se marient le 29 novembre 1951 à la mairie de Neuilly-sur-Seine
après le divorce de Nicole. Il demande à son épouse de reprendre son premier
prénom, Anne, qu'il trouve plus poétique. Ils ont deux enfants : Anne-Marie
Philipe, née le 21 décembre 1954, devenue écrivain et comédienne elle aussi, et
Olivier Philipe, né le 10 février 1956. Installés boulevard d'Inkermann à
Neuilly, puis rue de Tournon à Paris en 1956, Anne et Gérard avec leurs enfants
passent leurs vacances d’été à Ramatuelle, en Provence, dans une propriété de
la famille d'Anne.
L’après-guerre : gloire et
engagement
Gros plan sur un panneau
rectangulaire à la base d'une colonne où il est écrit en noir sur fond blanc la
citation : "Le théâtre est un problème social comme toutes les questions
artistiques. Gérard Philipe"
Citation de Gérard Philipe
sur une colonne du Théâtre des Abbesses aux pieds de la butte Montmartre à
Paris, 18e arrondissement.
La notoriété de Gérard
Philipe au théâtre et en tournée grandit encore grâce à la création de Caligula
d’Albert Camus en 1945. Le film Le Diable au corps de Claude Autant-Lara en
1947, où il est le partenaire de Micheline Presle, lui apporte la gloire au
cinéma.
Anne et Gérard Philipe
deviennent tous deux compagnons de route du Parti communiste français. Acteur
engagé, il est l'un des premiers à signer l'appel de Stockholm, en 1950, contre
l’armement nucléaire en pleine guerre froide. Il effectue plusieurs tournées
dans les pays socialistes, où il jouit d'une grande notoriété. Président du
Syndicat français des artistes-interprètes (SFA) à partir de 1958, il se révèle
un grand responsable syndical pour les métiers artistiques du cinéma et du
théâtre. Toutefois, durant ces mêmes périodes, ces engagements ne l’empêchent
pas de visiter très régulièrement Paul Marion, l’ancien ministre de
l’Information de Vichy, à la prison centrale de Clairvaux où ce dernier purge
sa peine.
Le « jeune premier »
Gérard Philipe en 1954 dans
le costume de Don Rodrigue.
En 1951, Jean Vilar, qui
vient de prendre la direction du Théâtre national populaire, l'invite à
intégrer sa troupe et à jouer Le Prince de Hombourg de Kleist et Le Cid de
Pierre Corneille, ce qu'il accepte avec enthousiasme. Gérard assure ainsi un
immense succès populaire au répertoire classique, à Paris, en tournée, au
Festival d'Avignon. Il met lui-même en scène plusieurs pièces de Musset et
d'auteurs contemporains comme Henri Pichette et Jean Vauthier. De cette troupe
composée de comédiens prestigieux, Philippe Noiret, Jeanne Moreau, Daniel
Sorano entre autres, il dit : « [...] pour moi le TNP c'est chez moi, c'est ma
maison ».
Gérard Philipe ne délaisse
pas le cinéma pour autant et joue en 1952 le Fanfan la Tulipe de
Christian-Jaque avec Gina Lollobrigida, qui lui vaut de devenir une « idole des
jeunes » à travers le monde. En 1956, il réalise en coproduction avec
l'Allemagne de l'Est, et avec l'aide de Joris Ivens, le long métrage Les
Aventures de Till l'espiègle. Production ambitieuse mais mal maîtrisée, le film
ne rencontre pas le succès en France.
Sa jeunesse, sa beauté et
son charisme dans les films d'Yves Allégret, Christian-Jaque, Marcel Carné,
Claude Autant-Lara, René Clair, René Clément, Luis Buñuel ou Roger Vadim lui
valent une renommée internationale mais pas celle des « jeunes turcs », les
futurs cinéastes de la Nouvelle Vague, qui rejettent l'acteur même si ce
dernier souhaitait prendre part à ce nouveau mouvement.
La fin brutale
Le 25 novembre 1959, en
pleine gloire et à l’apogée de sa popularité, alors qu'il vient de finir le
tournage du film La fièvre monte à El Pao de Luis Buñuel au Mexique, il est
emporté par un cancer du foie foudroyant12 à Paris (17 rue de Tournon, où un
panneau Histoire de Paris lui rend hommage), quelques jours avant son 37e
anniversaire, plongeant dans la tristesse ses nombreux admirateurs.
Conformément à ses dernières volontés, il est enterré vêtu du costume de Don
Rodrigue (Le Cid), dans le petit cimetière de Ramatuelle.
Quelques jours plus tard
décédera à son tour un autre « jeune premier » au destin brisé lui aussi en
pleine gloire et à la fleur de l'âge, son confrère acteur Henri Vidal.
Dans les années qui suivent
le décès de son mari, Anne Philipe publie deux biographies intitulées Souvenirs
(1960) et Le Temps d’un soupir (1964).
Soixante ans après sa mort,
son gendre Jérôme Garcin publie Le dernier hiver du Cid14, récit de ses
dernières semaines (Gallimard, 2019)15.
Œuvre
Filmographie
1947 : Le Diable au corps de
Claude Autant-Lara : François Jaubert
1947 : La Chartreuse de Parme
de Christian-Jaque : Le marquis Fabrice Del Dongo
1949 : La Beauté du diable
de René Clair : Méphistophélès et Henri Faust, jeune
1950 : Juliette ou la Clé
des songes de Marcel Carné : Michel, le rêveur qui recherche Juliette
1950 : La Ronde de Max
Ophüls : Le comte
1951 : Fanfan la Tulipe de
Christian-Jaque : Fanfan la Tulipe
1952 : Les Belles de nuit de
René Clair : Claude, obscur compositeur de musique
1953 : Si Versailles m'était
conté... de Sacha Guitry : D'Artagnan
1954 : Le Rouge et le Noir
de Claude Autant-Lara : Julien Sorel
1955 : Les Grandes Manœuvres
de René Clair : Armand de La Verne, lieutenant des dragons
1955 : Si Paris nous était
conté de Sacha Guitry : Le chanteur des rues
1958 : Le Joueur de Claude
Autant-Lara : Alexei Ivanovitch, le jeune Moscovite
1959 : Les Liaisons
dangereuses 1960 de Roger Vadim : Le vicomte de Valmont
1959 : La fièvre monte à El
Pao de Luis Buñuel : Ramon Vasquez
Discographie
Gérard Philipe est l'un des
acteurs français qui a le plus enregistré de disques en aussi peu de temps, en
l'occurrence entre 1952 et 1959, année de sa mort.
Le contenu en est très
éclectique, du très célèbre Petit Prince d'Antoine de Saint-Exupéry (enr. en
1954) à Pierre et le Loup de Serge Prokofiev, en passant par de grands poètes
tels Victor Hugo, François Villon, Jean de La Fontaine, Guillaume Apollinaire,
ou encore Louis Aragon et Paul Éluard, en collaboration avec Jean-Louis
Barrault.
Il fit de nombreuses
adaptations discographiques ou radiophoniques de pièces de théâtre que souvent
il avait jouées avec succès sur la scène du TNP que son ami Jean Vilar,
dirigeait depuis 1951.
Il s'agit essentiellement de
tragédies classiques du xviie siècle, ou de drames modernes du xixe siècle : Le
Cid de Pierre Corneille, Le Prince de Hombourg d'Heinrich von Kleist, La
Tragédie du roi Richard II de William Shakespeare, Ruy Blas de Victor Hugo, le
répertoire d'Alfred de Musset (Lorenzaccio, On ne badine pas avec l'amour ou
Les Caprices de Marianne).
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Bibliographie
Anne Philipe, Claude Roy,
Souvenirs (biographie), 1960 ;
Paul Giannoli, La vie
inspirée de Gérard Philipe, Éditions Plon, 1960 ;
Henri Pichette, Tombeau de
Gérard Philipe, Gallimard, 1961 ;
Maurice Périsset, Gérard
Philipe ou la jeunesse du monde, Au fil d'Ariane, 1964 ;
Anne Philipe, Le Temps d’un
soupir, Julliard, 1964 ;
Monique Chapelle, Gérard
Philipe, notre éternelle jeunesse, Robert Laffont, 1965 ;
Georges Sadoul, Gérard
Philipe, Seghers, 1967 ;
Urbain Jacques, Il y a dix
ans, Gérard Philipe, La Thiele, 1969 ;
Pierre Leprohon, Gérard
Philipe, Anthologie du Cinéma, 1971 ;
Georges Sadoul, Gérard
Philipe, Lherminier Éditeur, 1979 ;
Maurice Périsset, Gérard
Philipe, éditions Alain Lefevre, 1979 ; rééd. Éditions de la Seine, 1994 ;
Gérard Bonal, Gérard
Philipe, biographie, Seuil, 1994 ; rééd. 2009 ;
Gérard Bonal, Gérard
Philipe, un acteur dans son temps, Bibliothèque nationale de France, 2003 ;
Jean Vilar, Gérard Philipe,
J'imagine mal la victoire sans toi, Association Jean Vilar, 2004 ;
Olivier Barrot, L'Ami
posthume, Gérard Philipe 1922-1959, Grasset et Fasquelle, 2008 ;
Jérôme Garcin, Le Dernier
Hiver du Cid, Gallimard, 2019, 208 p
(art.W.fr. fragm.)
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