SELECTIE WOODY ALLEN:
Zelig /1983
The Purple Rose of Cairo / 1985
Radio Days / 1987
Crimes and Misdemeanors / 1989
Match Point /2005
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ZELIG / 1983
Leonard Zelig est en apparence un homme tout à fait quelconque, mais bientôt l'Amérique des années vingt va littéralement se passionner pour lui : on constate en effet que ce petit homme banal a en fait tendance, par des facultés chimiques totalement inexplicables, à se transformer à l'image des êtres qu'il côtoie. En présence d'un obèse, il grossit à vue d'œil ; face à un noir, sa peau noircit ; aux côtés d'un Asiatique, ses yeux se brident instantanément.
Lors d'une de ses métamorphoses, Zelig est arrêté et conduit à l'hôpital. Les plus grands spécialistes se succèdent pour observer ce phénomène, mais, fort heureusement pour Zelig, la charmante doctoresse Eudora Fletcher prend son cas particulièrement à cœur et l'arrache aux autres médecins. Elle va traiter Zelig par l'hypnose, et, sous l'effet du traitement, il parle de ses problèmes d'enfance, d'identité juive, et lâche ces quelques mots révélateurs : "je veux être aimé"...
Mais Zelig n'est pas au bout de ses peines : sa sœur Ruth l'enlève aux soins du Dr Fletcher et, en compagnie de son amant, fait de lui un phénomène de foire, dans le monde entier. Cependant, le destin veille puisque Ruth Zelig se fait assassiner en Espagne par son amant jaloux, Martin Geist.
Eudora Fletcher récupère Zelig et l'isole dans sa maison de campagne. Ce seront les séances de la chambre blanche qui feront date dans l'histoire de la psychiatrie car enregistrées sur caméra par Paul Deghuee. De nouveau sous hypnose, celui qu'on a surnommé "l'homme-caméléon" avoue son amour à Eudora. Ils se marient mais les forces du Mal agissent encore : une danseuse nommée Lita Fox prétend que Zelig a été son mari et l'a abandonnée avec un bébé. Bientôt, deux, trois, dix femmes font les mêmes révélations à la presse. Zelig devient alors un personnage honni et banni de son Amérique natale. Il disparaîtra, mais Eudora le retrouvera en Allemagne, en compagnie des Nazis ! Finalement, leur retour aux États-Unis sera triomphal, car, avec son amie, Zelig bat le record de la traversée de l'Atlantique en avion... et sur le dos.
Le film prend la forme d'un documentaire où alternent interviews contemporaines de personnalités, témoins de l'époque ou spécialistes, et images d'archives commentées en voix off.
Tout est totalement fabriqué. Dans les interviews contemporaines, Susan Sontag, Irving Howe, Saul Bellow, Bricktop, Bruno Bettelheim, John Morton Blum jouent leur propre rôle alors que les personnages de Eudora Fletcher, de sa sœur et Paul Deghuee vieillis mais aussi de Calvin Turner, Mike Geibell, Ted Bierbauerr et Oswald Pohl sont joués par des acteurs. De même, aux images d'archives en plans généraux, succèdent, en plans rapprochés de fausses images avec les acteurs, principalement pour les rôles de Leonard Zelig, Eudora et Meryl Fletcher et Paul Deghuee. Dans ces archives filmés, il est retenu les véritables apparitions de Joséphine Baker, Charles Chaplin, Carole Lombard, Dolores del Rio, Adolphe Menjou, Tom Mix, Calvin Coolidge, F. Scott Fitzgerald, Charles A. Lindbergh, William Randolph Hearst, Joe DiMaggio, Al Capone et... Adolf Hitler, Josef Goebbels, Hermann Göring, Rudolf Hess. Mais apparaissent aussi, incrustés dans ces images, les faux docteurs, les personnages principaux dont bien évidemment Allen lui-même notamment dans la séquence la plus célèbre où, devenu une personnalité du régime nazi, il anéantit le discours de Nuremberg de Hitler en reconnaissant Eudora dans la foule.
L'ensemble est dominé par la judéité de Leonard Zelig-Woody Allen. Traumatisé des l'enfance par des parents affolés et masochistes, Leonard est encombré d'un "moi" obsédant et hétérogène au monde qui l'entoure. Se sentant menacé par sa propre personnalité, il souhaite ressembler à Monsieur Tout-le-Monde afin d'être aimé. Il fait pourtant l'expérience que ce n'est là qu'un refuge illusoire, étant tout le monde, il n'est personne et n'est donc jamais vraiment aimé. D'où la fameuse séquence avec Hitler. Il est devenu nazi afin de se fondre dans la masse mais est réveillé de sa léthargie par Eudora.
La forme du faux documentaire permet de donner un peu de vraisemblance à ce discours mais s'avère vite assez lassante (heureusement le film est court). Le meilleur du film est probablement constitué par les séquences jouées entre Woody Allen et Mia Farrow : "J'ai travaillé avec Freud mais j'étais en désaccord avec lui : il ne réservait l'envie de pénis qu'aux femmes".
Jean-Luc Lacuve le 17/04/2013
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La rose pourpre du Caire (1985)
1935, les Etats-Unis en pleine crise économique. Cecilia, serveuse dans un café, fait vivre son mari Monk, qui est chômeur et passe son temps avec ses amis, au lieu de chercher du travail. Le seul dérivatif de Cecilia est le cinéma : dès qu'elle le peut, elle court au "Jewel", le cinéma du coin où elle voit chaque film plusieurs fois de suite.
Cette semaine-là, le "Jewel" présente La rose pourpre du Caire, où les protagonistes, Henry, Jason, Rita et Larry sont de riches oisifs qui vont partir en Egypte pour tromper l'ennui. Ils y rencontreront un jeune explorateur, Tom Baxter, qu'ils ramèneront à New York pour lui faire partager leur vie mondaine.
Mais un jour, alors que Cecilia voit le film pour la troisième ou quatrième fois, un événement inouï se produit : le personnage de Tom Baxter délaisse le film, se tourne vers la salle où il a remarqué Cecilia et sort de l'écran ! Il entraîne Cecilia dans une aventure sentimentale qui la sidère, mais Tom ne peut pas aller très loin, car il n'est pas un être de chair et de sang... mais une simple image !
Pendant ce temps, c'est la révolution à Hollywood : on n'a jamais vu un personnage quitter l'écran. Chez le producteur du film, c'est la panique. La carrière du film est menacée ! On envoie donc l'acteur Gil Shepherd, celui qui incarne l'explorateur Tom Baxter, dans la petite ville où s'est produit l'incident, pour tenter de ramener le personnage de Baxter à la raison et lui faire réintégrer l'écran !
Et là, de nouveau, Cecilia tombe amoureuse de Gil. Ce qui ne l'empêche pas de passer une nuit fabuleuse dans l'univers du film avec Baxter. Gil vient chercher Cecilia dans le cinéma. Baxter tente de la rappeler dans l'écran mais, lorsque Gil affirme à Cecilia qu'il l'aime et lui promet de l'emmener à Hollywood, elle refuse de revenir avec Baxter et lui affirme qu'elle préfère la réalité à l'imaginaire. Vaincu, Baxter regagne tristement l'écran.
Cecilia s'en va faire ses valises et rompt avec son mari. Mais, alors qu'elle revient rapidement devant le cinéma, son propriétaire lui affirme que toute l'équipe du film est partie pour Hollywood sans l'attendre. Gil Shepherd n'avait fait que de fausses promesses à Cecilia pour que tout rentre dans l'ordre et ainsi préserver sa carrière. Cecilia n'a plus pour se consoler que le nouveau film de Fred Astaire et Ginger Rogers. Serrant contre elle son ukulélé, Cecilia les regarde danser Cheek to Cheek.
La rose pourpre du Caire pose la belle et triste morale des perdants que Woody Allen ne cessera d'affirmer tout au long des années 80 et 90.
Sommée de choisir entre Baxter, l'illusion et Gil, l'homme réel, Cecilia choisit ce dernier."Je suis réelle et, quelle que soit la tentation pour moi, il faut que j'opte pour le monde réel". C'est un choix tout à fait rationnel. Baxter avait montré de nombreuses fois les limites dues à la virtualité de son corps. De plus, sauf à être fou, chacun préfère, à potentialité égales, le réel au virtuel. Or ici, Gil lui offre tout à la fois son amour et la possibilité de devenir une vedette à Hollywood.
La force de cette séquence est ainsi moins de poser un choix entre réel et virtuel que d'exalter déjà la beauté du perdant, Baxter. Lui seul a droit au gros plan, à la plus belle des lumières orangées. Il s'incline noblement devant la décision de Cecilia. Pourtant son plaidoyer était le plus beau "Je vous aime, je suis fidèle, homme de parole, courageux, romantique et j'embrasse comme un dieu". Gil n'avait pu répliquer qu'un sec : "Et moi je suis vrai". Baxter regagne tristement l'écran, non sans se détourner une dernière fois vers celle qu'il aime.
La morale du film est, d'une certaine façon, bien plus conventionnelle que le choix du réel sur le virtuel. Elle dit que le réel est décevant, ou, selon le mot de Mallarmé, que "L'art rétribue des imperfections de la vie". Ayant constatée que le rêve qu'elle avait fait avec Gil ne se concrétisera pas dans la réalité, il reste à Cécilia la possibilité d'être émue par Top hat, le film avec Fred Astaire et Ginger Rogers.
Alors que les années frics, les années 80, ne cessent de faire l'apologie, du réel, de la responsabilité tout autant que du cynisme économique, Allen, parfaitement inactuel, exalte les perdants, les honnêtes, les faibles et les victimes ; ceux pour lesquels il fait du cinéma.
Jean-Luc Lacuve le 14/06/2011.
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Radio days / 1987
(Radio days). Avec : Mia Farrow (Sally White), Dianne Wiest (Bea), Seth Green (Joe), Don Pardo (l'animateur de 'Guess That Tune'), Martin Rosenblatt (Mr. Needleman), Helen Miller (Mrs. Needleman), Danielle Ferland (l'enfant star). 1h28.
Une voix " off " évoque les souvenirs pittoresques des grandes heures de la radio, quelques semaines avant la Seconde Guerre mondiale. Joe se souvient des rues du quartier de Rockaway sous les couleurs d'un automne pluvieux.
"Il était une fois " deux cambrioleurs en activité dans l'appartement des voisins, Mr et Mrs Needleman. Tout en cambriolant, ils participent à un jeu radiophonique qu'ils remportent. Les Needleman sont étonnés de voir arriver le lendemain matin meubles et appareils ménagers divers !
Joe est le fils d'une modeste famille juive, aussi nombreuse qu'unie. Il se passionne pour les aventures du Vengeur Masqué. Ses parents trouvent les prétextes les plus futiles pour se quereller; l'oncle Abe, grand prêcheur devant l'Éternel, n'a d'oreilles que pour la chronique du commentateur sportif Bill Kerm; Tante Cecil est toujours hilare à l'écoute du ventriloque de la radio; Tante Bea, béate devant les chansons sentimentales, songe à l'introuvable Prince Charmant. Cette pauvre Tante Bea qui n'avait vraiment pas de chance... L'un de ses prétendants, Mr Manulis, avait pris la fuite au moment crucial en entendant Orson Welles annoncer l'arrivée des Martiens !
Joe n'a pas oublié ses tours pendables et ses premières émotions, généralement liés à des émissions de radio : une chanson qui lui rappelle Evelyn Goorwitz, son premier amour déçu; l'école hébraïque qui n'avait pas apprécié le détournement d'une collecte au profit du Vengeur Masqué; l'annonce d'une invasion imminente, japonaise ou allemande, éclipsée par l'éveil sexuel : sa future institutrice se dandinant, nue, derrière sa fenêtre. B y avait aussi la candidate Sally White, à la voix inégalable, prête à donner son corps au premier venu qui pourrait lui obtenir un "job " à la radio...
Souvenirs nostalgiques d'une époque bercée par les chroniqueurs et feuilletons radiophoniques, au son des mélodies de Cole Porter, Glenn Miller et des airs éternels, tels " Tico, Tico " et " September Song".
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Crimes et délits / 1989
(Crimes and Misdemeanors)
Avec : Martin Landau (Judah Rosenthal), Anjelica Huston (Dolores Paley), Claire Bloom (Miriam Rosenthal), Stephanie Roth (Sharon Rosenthal), Gregg Edelman (Chris), Mia Farrow (Halley Reed). 1h44.
Documentariste ambitieux et exigeant mais la plupart du temps sans travail. Cliff Stern a épousé Wendy Rosenthal, dont les quatres frères ont, chacun dans leur branche, réussi : Judah, ophtalmologiste réputé, est considéré comme un bienfaiteur de l'humanité ; Ben est un rabbin respecté ; Lester a créé une série télévisée à succès ; Jack a lui aussi une position enviable, mais dans la pègre.
Pour gagner sa vie, Cliff accepte de tourner une émission sur Lester. Délaissé par son épouse, il trouve réconfort et compréhension auprès de la productrice de l'émission, Halley Reed, qui, cependant refuse ses avances. Le reste du temps, il écoute les doléances de sa soeur Barbara, s'occupe de sa nièce Jenny et travaille à un sujet qui lui tient à cœur : un portrait du vieux philosophe Louis Levy, lequel, à son grand chagrin, finira par se suicider.
Mais les ennuis de Cliff ne sont rien comparés à ceux de sa belle-famille. Ben est en train de perdre la vue et Judah est harcelé par Dolores Paley, une hôtesse de l'air avec qui il a, depuis deux ans, une liaison. Ne pouvant se résoudre à quitter son épouse Miriam, Judah finit par demander l'aide de son frère Jack. Celui-ci trouve aussitôt la solution : il fait assassiner la jeune femme.
Après avoir connu les affres de l'angoisse et de la culpabilité, Judah finira par reprendre le dessus, tandis que Cliff verra avec regret Halley filer le parfait amour avec Lester.
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MATCH POINT / 2005
Avec : Scarlett Johansson (Nola Rice), Jonathan Rhys-Meyers (Chris Wilton), Emily Mortimer (Chloé Hewett Wilton), Matthew Goode (Tom Hewett), Brian Cox (Alec Hewett), Penelope Wilton (Eleanor Hewett). 2h04.
Avec : Scarlett Johansson (Nola Rice), Jonathan Rhys-Meyers (Chris Wilton), Emily Mortimer (Chloé Hewett Wilton), Matthew Goode (Tom Hewett), Brian Cox (Alec Hewett), Penelope Wilton (Eleanor Hewett). 2h04.
Voix off : "Celui qui a dit "la chance plutôt que le talent" pénétrait bien la vie. On n'ose pas admettre combien la vie dépend de la chance. C'est terrifiant que tant de choses échappent à notre contrôle. A l'instant où la balle frappe le haut du filet, elle peut, soit passer de l'autre coté, soit retomber en arrière. Avec un peu de chance, elle passe et on gagne... ou, elle ne passe pas, et on perd". La balle reste en haut. Fondu au noir.
Jeune prof de tennis issu d'un milieu modeste irlandais, Chris Wilton se fait embaucher dans un club huppé des beaux quartiers de Londres pour 225 livres la semaine. Il ne tarde pas à sympathiser avec Tom Hewett, un jeune homme de la haute société avec qui il partage une passion pour l'opéra. Il se rend ainsi à Coven Garden écouter la Traviata dans la loge des Hewett où Chloé, la sœur de Tom, en tombe immédiatement amoureuse.
Chris, invité par les Hewett, fait la connaissance de la ravissante fiancée de Tom, Nola Rice, une jeune Américaine venue tenter sa chance comme comédienne en Angleterre. Très vite, Chris fréquente régulièrement les Hewett et séduit Chloé : ensemble, ils visitent les galeries de peintures, vont au cinéma et deviennent amants.
Les deux couples de Tom et Nola et de Chris et Chloé se retrouvent régulièrement au restaurant où Tom affirme sa philosophie : "La vie est une pure question de hasard, sans but et sans dessin. La foi est une faiblesse de l'âme". Chloé qui a dit tout le bien qu'elle pensait de Chris à son père le fait engager dans le groupe de celui-ci, Global infrastructure and Finance, où il est promis à un bel avenir.
Le soir chez Chloé, Chris trouve un prétexte pour retrouver Nola et Tom au cinéma où passe Carnets de voyage. Comme ils ne viennent pas, il rentre penaud chez Cholé. Il retrouve pourtant Nola alors qu'elle se rend à une audition qu'elle sait d'avance sans espoir. Dépressive, Nola lui apprend qu'elle a débuté comme actrice au Colorado entre une mère alcoolique et un père qui les a abandonnées très tôt. Elle lui dit qu'on le dresse pour devenir l'époux de Chloé dont les parents avaient craint qu'elle n'échoue dans les bras d'un patron de pub gastronomique.
Au manoir des Hewett, le père de Cholé propose effectivement à Chris de prendre des cours de commerce pour occuper d'ici un an un poste de haute responsabilité au sein de son groupe. En revanche, la mère humilie, Nola sur ses prétentions à devenir actrice. Affligée, Nola s'en va seule dans le jardin sous la pluie. Chris la rejoint et ils font l'amour sous l'orage dans les blés.
De retour à Londres, Nola veut rester fidèle à Tom et repousse Chris. Il suit des cours de commerce et se marie avec Chloé. Ils emménagent dans un superbe appartement donnant sur la Tamise.
Bientôt Tom annonce avoir rompu avec Nola puis se marie avec Heather. Chloé veut des enfants; ce que Chris refuse. Il rencontre par hasard Nola à la Tate moderne devant les toiles de David Hepher. Ils font l'amour et commence alors une liaison de quelques mois. Chloé se prépare à ouvrir une galerie sur Bruton St. alors que Nola travaille dans une boutique de Ledbury road.
Après un hiver de passion où les amants se retrouvent régulièrement dans le petit appartement de Nola, c'est lors d'un long week-end chez les Hewett que Nola cherche à joindre Chris. Elle ne cesse de l'appeler et comme il ne vient pas, elle le rappelle pour lui annoncer qu'elle est enceinte. Chris interrompt le week-end familial, prétextant un travail urgent, pour rejoindre Nola. Celle-ci veut garder l’enfant et l’élever avec Chris. Il est sur le point de tout révéler à sa femme mais hésite, puis renonce. Comme lui explique son ami-confident, il ne tient pas assez à Nola pour abandonner la vie princière que lui offrent ses beaux-parents....
Il promet toutefois à Nola d’annoncer à Chloé son intention de la quitter, mais il lui demande de patienter jusqu’au retour des vacances, trois semaines en Grèce. Nola se résigne, non sans exprimer sa jalousie. Cependant, l'exposition Maurice Lewis dans la galerie de Cholé étant reportée, les vacances sont annulées. Chris renonce à en avertir Nola et profite pleinement de sa situation professionnelle. Alors qu’il discute affaires avec son beau-père dans son luxueux appartement londonien, Chris ment au téléphone à Nola et affirme être en Grèce. Un jour, elle l’aperçoit par hasard dans la rue. Comme il lui ment encore au téléphone, elle vient lui faire une scène à la sortie de son travail en menaçant de prévenir elle-même Chloé. Il promet d’agir. La nuit, alors que Cholé dort à ses côtés, il prend sa décision
Dans la résidence des Hewett, Chris prend un fusil et des cartouches, tandis que Chloé le cherche partout. Lors d’une nouvelle scène chez Nola qui s’impatiente d'une rupture toujours retardée, Chris promet que ce sera fait le lendemain et lui donne rendez-vous après son travail à 17h45. Le lendemain Nola reçoit un appel de Chris : tout est réglé et il l’attend directement chez elle à l’heure dite. Chris quitte le bureau avec le sac de sport où il a mis le fusil. Il sonne chez Mme Eatsby, la voisine de Nola ; la vieille dame, d’abord méfiante, le laisse entrer quand elle le reconnaît. Pendant qu’elle prépare son médicament, Chris monte fébrilement son fusil, puis s’approche d’elle et la tue ; il renverse hâtivement divers objets du salon, vole médicaments et bijoux pour faire croire à un cambriolage et enlève l’alliance de la main de la morte. Puis, embusqué sur le palier, Chris attend Nola ; il la tue d’un coup de carabine dès qu’elle arrive et se précipite au théâtre où Chloé commençait à s’inquièter du retard de son mari.
Pendant qu’il assiste au spectacle, la police est sur les lieux du crime ; selon les premières conclusions de l’enquête, il s’agirait d’un cambriolage lié à la drogue avec meurtre de la vieille dame suivi du meurtre du témoin, Nola, « rentrée au mauvais moment ». Au petit déjeuner, Chloé découvre la mort de Nola dans le journal et en informe Chris qui simule parfaitement la surprise. Tom, au téléphone, a la même formule que tous: « la mauvaise place au mauvais moment »
Chez les parents Hewett, Chris se cache pour ranger au plus vite le fusil qu’il avait pris. Quand il revient au salon, Chloé annonce qu’elle est enceinte. Tous se réjouissent, mais un coup de fil apprend à Chris qu’il doit appeler la police. Il se rend au commissariat et jette les bijoux dans la Tamise. Il lance l’alliance qui heurte le parapet, rebondit en l'air... et retombe du côté du quai, sans que Chris s’en aperçoive. Au commissariat, Chris, confondu par les révélations du journal intime de Nola, reconnaît avoir eu une liaison suivie avec elle, mais ment sur ses promesses de divorce, tout en appelant à la discrétion des enquêteurs. Après son départ, l’un des deux inspecteurs reste soupçonneux à l’égard de Chris.
La nuit, Chris se réveille en sursaut à sa table de travail. Ayant renversé un verre de vin, il se rend dans la cuisine et off déclare "On apprend à refouler sa culpabilité et à vivre avec". Il faut bien sinon elle nous submerge". Surgit alors le fantôme de Nola puis celui de la vieille Mme Eatsby qui se plaint d'avoir été tuée alors qu'elle est totalement innocente. Cynique, Chris lui répond : "Les innocents sont souvent sacrifiés pour une plus grande cause. Vous avez été un dégât collatéral". Et quand elle lui fait remarquer qu'il a aussi tué son enfant, il réplique cynique encore, "Sophocle a dit : ne jamais naitre est peut être la plus grande aubaine". Comme le fantôme de Nola lui affirme qu'il a certainement laissé des traces compromettantes, et lui prédit un châtiment, il déclare sans y croire : "Il conviendrait que je sois arrêté et puni. Ce serait au moins une petite marque de justice. Une petite dose d'espoir pour donner un sens."
"Chris Wilton les a tuées" s'écrie alors l'inspecteur, réveillé en sursaut dans son lit par cette illumination.. Le lendemain il en parle à son coéquipier qui douche son enthousiasme en lui rapportant les faits de la nuit : un drogué a été tué dans le quartier dans une fusillade et il portait l’alliance de Mme Eastby ; son nom et sa date de naissance y étaient gravées.
Chloé vient d’accoucher et la famille sable le champagne. Le beau-père affirme qu'avec une telle ascendance, le bébé est certain de réussir dans la vie. Tom, son oncle, déclare "Tout ce que je demande, c'est qu'il ait de la chance...que la chance navigue avec lui. Chris regardant la Tamise, émet alors probablement la déclaration sur la chance qui ouvrait le film.
Match point est pénétré d'un esprit de sérieux qui en fait un point d'aboutissement dans l'oeuvre de Allen. Le cinéaste interrompt ainsi la veine des films énergiques et légers qu'il réussissait si bien depuis l'entrée dans le nouveau millénaire.
Le film commence comme Comédie érotique d'une nuit d'été (1982) pour s'achever comme Crimes et délits (1989). Dans le premier, Woody rêvait de faire l'amour dans un champ de blé sous l'orage, de déchirer les vêtements de sa maîtresse avant de lui faire fougueusement l'amour puis de la masser tendrement avec de l'alcool. Autant de fantasmes que, incarnés dans le corps de Jonathan Rhys-Meyers, il nous propose aujourd'hui. La sensualité de ces séquences doit beaucoup il est vrai à Scarlett Johansson.
Grand admirateur de Ingmar Bergman, Woody Allen accomplit le même parcours spirituel. Après avoir interrogé la présence de Dieu jusqu'à Hannah et ses soeurs (1986), il a acquis la certitude que Dieu n'existe pas. Reste donc la morale développée depuis Crimes et délits : l'homme est constitué des choix qu'il fait.
C'est ainsi sans moralisme qu'il laisse s'enfermer Chris dans le mensonge pour sauvegarder son confort de grand bourgeois ou qu'il le laisse accomplir le crime qui le libérera. Son travail de mise en scène s'attache aux détails du mensonge (ne pas se couper, confondre Grèce et Sicile..) et aux difficultés du crime (charger l'arme, attendre entre les deux crimes). L'intrigue suit celle de Crimes et délits jusque dans le dialogue moral avec des personnages absents surgis de l'ombre et le triomphe des hommes sans scrupules.
Crimes et délits renvoyait par son titre et son sujet à Crime et châtiment où Raskolnikov croyait pouvoir assassiner sans remord une veille femme innocente. Woody Allen se permet ici de dire à quel point il a maintenant dépassé le stade des remords comme triomphe de la vérité. Il montre ostensiblement Chris Walton lire Dostoïevski et avec quel "profit" ! Il saura repousser les reproches posthumes de la vieille voisine innocente. Il saura manipuler le commissaire qui tourmentait Raskolnikov et qui avait tout deviné.
Le contrepoint offert dans Crimes et délits à cette sinistre certitude que le monde est pourri était fourni par le personnage interprété par Woody Allen, perdant peut-être mais bien plus vivant que les prisonniers de leur apparence bourgeoise.
C'est ici la chance qui tient le rôle de possible contrepoint au triomphe des uns et à la déconfiture des autres. Les plans de la bague jetée au fleuve et frappant le parapet pour hésiter à tomber finalement du côté trottoir sont certainement parmi les plus pensés du cinéma.
Ces plans avaient été préparés par le plan inaugural de la balle de tennis heurtant le filet. Mais la force de ce qui n'aurait pu être qu'une trouvaille est d'avoir déjà épuisé le sens de ce premier plan en l'investissant du discours des personnages. Chris a en effet déjà évoqué ce rôle de la chance dans ses discussions avec Tom, avec Nola puis avec son ex-adversaire. Si bien que lorsque surgissent les plans de la bague ce n'est pas l'utilité scénaristique du plan inaugural qui est rappelé mais son analogie formelle. Le sens lui-même est travaillé puisque l'on est d'abord persuadé que le point est perdant alors que, comme nous l'apprendrons plus tard, il est victorieux : la bague ramasée par un drogué innocentera Chris alors que l'Inspecteur était sur la bonne piste. Très beau panoramique 180 droite-gauche de la fenetre où tombe la neige jusqu'au lit où Chris huile le corps de Nola avec retour gauche-droite vers la fenetre terminé avec le fondu-enchaîné neige-fleurs du printemps. Ce mouvement d'appareil marque la fin de l'amour dans la petite chambre face au grand parc des Hewett.
La bande-son est particulièrement soignée et très éloignée des airs de jazz en général choisis par Woody Allen. Una furtiva lagrima, extrait de L’Élixir d’amour de Donizetti est entendu quatre fois : en ouverture, lorsque Chris retrouve Nola au musée, quand Nola l’a menacé de parler à Chloé et lors de la dernière séquence quand il contemple la Tamise et oublie son crime en invoquant la chance. La Traviata est écoutée à l'opéra de Covent-Garden. La séquence du corps huilé de Nola dans la chambre en hiver est accompagnée de "Mi par d’udir ancora / Je crois entendre encore" extrait des Pêcheurs de perles de Bizet. C’est l’air de l’amour heureux, qui va bientôt se clore mais déjà empreint de nostalgie tant par ses paroles que par le timbre voilé de la voix de Caruso que par les grésillements de l'enregistrement archaïque
Toute la scène 5 de l’acte II de l’Othello de Verdi, celle où Iago le convainc de l’infidélité de Desdemone, sert de base au montage au double crime de Chris. Les moments de déchainement de la jalousie accompagnen la préparation et l'exécution des crimes alors que les rares moments où Desdemone est vue comme innocente accompagnent le cheminement de Nola vers la mort. Il existe donc un véritable montage parallèle entre musique et image qui ne s'applique pas à l'identité de sens entre l'opéra et le film puisqu'il n'est ici nullement question de jalousie mais à l'identité de déchaînement de violence pour Chris-Othello et de pure innocence sacrifiée pour Nola-Desdemone. Chris se débarrasse des pièces à conviction sur un l'air de "O figli, o figli miei" de Macbeth, autre opéra shakespearien de Verdi.
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MINUIT A PARIS, 2011
(Midnight in Paris). Avec : Owen Wilson (Gil), Rachel McAdams (Inez), Marion Cotillard (Adriana), Kathy Bates , Tom Hiddleston , Kurt Fuller (John), Carla Bruni (la guide du musée). 1h34.
Images d'un Paris de cartes postales : la tour Eiffel, la butte Montmartre, le Louvre, l'Opéra, les quais de la Seine Notre-Dame, sous le soleil, sous la pluie, au crépuscule et la nuit avec, off, un standard de Sidney Bechet.
Un jeune couple d'Américains, Gil et Inez, fait escale à Paris avant de se marier. Gil est un scénariste hollywoodien qui a le sentiment d'avoir galvaudé son talent d'écrivain. Inez, une blonde énergique de bonne famille ne songe qu'à son confort petit-bourgeois. Ils sont accompagnés des parents d'Inez, des républicains tendance Tea Party qui entretiennent une forte suspicion à l'égard de leur futur gendre- cet amoureux de Paris ne peut être qu'un communiste-, lequel le leur rend bien en traitant, lors d'un déjeuner au Bristol, son futur beau-père de "pervers lunatique".
Pour ne rien arranger, Inez tombe à Paris sur un ancien compagnon d'études accompagné de sa femme. Paul est un universitaire insupportablement prétentieux qui vient donner à Paris une conférence à la Sorbonne.
Les deux couples sillonnent ensemble les monuments et événements parisiens. Paul se révéle un expert en à peu près tout, Versailles, Rodin jusqu'au vin de Bordeaux, et plus encore un raseur hors pair qui suscite l'admiration d'Inez en même temps que l'exécration de Gil.
Celui-ci, à bout, décline une invitation tardive à danser dans une boite de nuit et marche seul dans les rues de Paris, assailli par sa volonté de retrouver l'âge d'or des années 20. Sur les douze coups de minuit, apparait une Peugeot 1920 dont les occupants l'invitent, inexplicablement, à venir avec eux.
Gil se retrouve dans une fête des années 20 où il croise, interloqué, Cole Porter, Scott et Zelda Fitzgerald. Ceux-ci l'amènent dans un bar où ils retrouvent Ernest Hemingway. Gil demande à celui-ci de lire son livre. L'écrivain-boxeur, s'y refuse mais promet, s'il le lui ramène à l'instant de le confier à Gertrud Stein. Gil se précipite chez lui mais, anxieux, revient sur se spas pour ne plus découvrir qu'une laverie à la place du café.
La nuit suivante, il promet à Inez une surprise en l'amenant au lieu d'où surgit la Peugeot 1920. Mais Inez se lasse avant les douze coups de minuit. Chez Gertrud Stein, Gil rencontre Picasso et surtout la ravissante Adriana, ex-amante de Modigliani, avec laquelle il déambule dans la nuit.
Les beaux-parents ayant décidé de partir pour le Mont saint Michel, Gil reste à Paris. Apres leur retour précipité, le père, se doutant de quelque chose engage un détective. Gil échange en toute fraternité des vues avec Buñuel, Man Ray et Dali qui l'entretient du Christ et des rhinocéros.
Mais Adriana l'entraîne dans une autre faille temporelle, à la poursuite d'un autre âge d'or, celui de la Belle Epoque en 1890. Chez Maxim's, ils rencontrent Toulouse-Lautrec, Degas et Gauguin. Adriana ne veut plus quitter la belle époque et Gil comprend qu'il lui faut regagner la sienne.
Hemingway ayant lu son livre à la suite de Gertrud Stein lui fait dire par celle-ci qu'Inez a du succomber aux avances de Paul. Gil décide de rompre. Comme il reste seul dans Paris, il croise la jolie Gabrielle qui aime Paris sous la pluie.
Midnight in Paris, en assumant tranquillement et franchement son passage dans le fantastique, permet de revenir à ses situations charmantes où l'on s'interroge sur l'intérêt de garder au fond de soi une part de mystère et d'inexplicable qui enchante le quotidien. Au delà de la bêtise de l'entourage de Gil, c'est leur certitude qui les condamne bien plus surement.
Gil depuis son physique au charme incertain, sa situation d'exilé géographique et historique, son amour de l'art et de la pluie, est perpétuellement en situation d'attente. Allen en joue en lui multipliant les rencontres de grands personnages du passé (Hemingway et la noble attitude, Gertrude Stein et le refus de l'apitoiement sur soi, Buñuel auquel il souffle le sujet de L'ange exterminateur...) en lui servant une critique désopilante d'une toile surréaliste de Picasso, en attendant la séquence de la pluie.
Un film charmant donc où Allen prend enfin le risque de se montrer exilé de son époque, rêvant d'un Paris de cartes postales à contempler d'aujourd'hui avec antibiotiques et valium.
Jean-Luc Lacuve, le 15/05/1920
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