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marți, 13 august 2024

Ivory+Merchant+Prawer-Jhabvala

 


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L'histoire

Nous sommes en 1905. Lucy Honeychurch (Helena Bonham Carter), une jeune et charmante Anglaise de bonne famille, est en villégiature à Florence en compagnie de Charlotte Bartlett (Maggie Smith), une cousine plus âgée. Les hasards du voyage leur font croiser la route d’autres touristes britanniques : pour la plupart de dignes vieilles filles parties à la découverte du Continent comme Miss Lavish (Judi Dench) ou les sœurs Alan (Fabia Drake et Joan Henley)... Mais aussi des hommes : les uns aussi rassis que les mûres Anglaises peuplant la pension Bertolini tel le pasteur Beebe (Simon Callow) ; d’autres plus remuants à l’instar de George Emerson (Julian Sands), un jeune Londonien aussi déstabilisant que séduisant...

Analyse et critique

Fidèle à la construction du roman (1) d’E.M. Forster dont Chambre avec vue est l’adaptation, James Ivory choisit d’ouvrir et de clore son film en un espace identique - une pension de Florence pour touristes britanniques - dans lequel s’inscrit un même personnage : Lucy, l’héroïne de Chambre avec vue, interprétée avec une belle conviction par Helena Bonham Carter. Quelques mois seulement - sans doute guère plus d’une année - séparent ces séquences inaugurale et finale. Et pourtant la Lucy des derniers instants de Chambre avec vue diffère radicalement de celle des débuts du film, ainsi que le souligne élégamment la mise en scène de James Ivory. La première image de Lucy consistait en un gros plan cadrant en contre-plongée un visage encore poupin, à la puérilité accentuée par des yeux comiquement écarquillés et enserré par une coiffure des plus sages. À cette vision initiale répondra celle - ultime - d’une Lucy aux cheveux sensuellement déliées et dont le filmage en plan moyen dévoile un buste aux formes pleines se dessinant, comme en majesté, sur fond de paysage florentin... C’est donc, on l’aura compris, le récit d’une transition réussie de l’adolescence à l’âge adulte que met en scène James Ivory avec Chambre avec vue.

 

La passion amoureuse constitue le principal vecteur de cette mutation d’une Lucy presque encore enfant en une jeune femme accomplie. Puisque Chambre avec vue s’attache pour l’essentiel à dépeindre les affres sentimentales d’une héroïne dont le cœur balance entre deux hommes. Le premier d’entre eux est George, un représentant de la middle class anglaise empreint d’un idéalisme généreux et à qui le blond Julian Sands confère une séduisante présence. Quant au second des prétendants de Lucy, il s’agit du brun Cecil, un grand bourgeois londonien aussi intellectuellement sophistiqué que socialement méprisant. Le personnage est campé par un Daniel Day Lewis débutant mais au jeu déjà tout entier orienté vers la quête de la "performance"… que l’on appréciera ou pas, selon que l’on y voit une composition réussie ou du pur cabotinage ! C’est donc entre ces deux personnages tout à fait antithétiques que Lucy doit arrêter son choix : l’un - George - lui ayant déclaré sa flamme en lui volant un baiser passionné dans la solaire campagne toscane ; l’autre - Cecil - l’ayant très formellement demandé en mariage dans la quiétude d’un jardin anglais. Mais si le spectateur n’éprouve d’emblée aucun doute quant à l’inclination véritable de la jeune fille - Helena Bonham Carter fait sourdre du premier regard porté par Lucy sur George une attirance cruellement absente de ceux qu’elle accordera ensuite à Cecil - il faudra en revanche quelque temps au personnage pour prendre conscience de la réalité de son désir. Entre ce dernier et la jeune fille s’interpose en effet un ensemble de figures constituant autant d’empêchements à la compréhension par Lucy de ses propres aspirations.

 
 

Trahissant en cela une psyché encore immature, l’héroïne de Chambre avec vue se montre d’abord servilement soumise à la volonté de ceux que la norme sociale lui désigne comme de légitimes inspirateurs. Il en va ainsi de ses aînées - sa vieille cousine Charlotte, sa mère ou bien encore des amies plus âgées telles Miss Lavish ou les sœurs Alan - à qui la jeune femme abandonne régulièrement le soin de parler ou d’agir en son nom. On pense notamment à cette scène florentine durant laquelle Lucy - alors sur le point d’évoquer avec George le baiser qu’il vient de lui arracher - renonce finalement à se confronter au jeune homme, s’effaçant devant Charlotte - à la fois sa cousine et son chaperon - que James Ivory fait soudainement apparaître dans le cadre par un habile jeu de portes. S’intercalant spatialement entre Lucy et son amant, Charlotte fait physiquement obstacle à la parole de sa protégée, la réduisant au silence telle une enfant désobéissante. Demeurée seule avec George, Charlotte aura alors toute latitude de mettre un terme à une relation naissante qu’elle désapprouve. Et c’est avec la même passivité que Lucy se pliera dans un premier temps au mâle socialement dominant qu’est Cecil ; elle laisse par exemple celui-ci - lors de scènes d’une discrète cruauté - se moquer sourdement des maladresses de goût de ces bourgeois provinciaux que sont, aux yeux de ce dandy du West End, la mère et le frère de Lucy.

 
 

Mais le scénario de Chambre avec vue, là encore fort respectueux de l’architecture du récit d’E.M. Forster, ménage à Lucy de rares et essentielles occasions de se soustraire à l’aliénante présence de ces divers tuteurs. Ces échappées constituent certainement les plus belles séquences du film. Accompagnant la jeune fille dans une escapade solitaire à travers Florence ou bien encore lors de promenades dans les campagnes toscane et anglaise, la caméra aère spectaculairement un film se déroulant pour l’essentiel dans le cadre de somptueux - mais étouffants - intérieurs bourgeois. À la claustration et à l’ordonnancement impeccable de ceux-ci s’opposent alors des décors naturels à la fois ouverts - telle l’esplanade de la Place de la Seigneurie à l’ampleur dévoilée par un beau plan aérien - et foisonnants : les alentours aux allures préraphaélites de Windy Corner, la résidence de la famille de Lucy, n’ont rien à envier en luxuriance à celle des collines dominant Florence. En arpentant ces lieux - évidentes métaphores spatiales de la liberté - la jeune Anglaise pourra enfin prendre la mesure de ce à quoi elle aspire réellement.

 

James Ivory propose ainsi, avec Chambre avec vue, un très attachant portrait de femme en devenir, offrant une transposition cinématographique réussie d’un roman mêlant brillamment romantisme édouardien et réflexion féministe. (2)

(1) A Room with a View (1908) a été traduit en français sous le titre "Avec vue sur l’Arno". Il est actuellement disponible dans un volume de la collection Omnibus intitulé Rencontres et destins et incluant quatre autres romans d’E.M.Forster parmi lesquels Howards End (1910), un titre lui aussi adapté au cinéma par James Ivory, ou bien encore Route des Inde(1924), transposé en 1985 sur le grand écran par David Lean.
(2) Peut-être n’est-il pas inutile de rappeler qu’E.M. Forster fut un ami proche de Virginia Woolf, faisant notamment partie des habitués du groupe de Bloomsbury. Et que l’auteure de Mrs. Dalloway proclama à plusieurs reprises son admiration pour l’œuvre d’E.M. Forster. On pourra se reporter, à ce propos, avec profit à la postface de Monteriano, le premier roman d’E.M. Forster récemment réédité chez Le Bruit du Temps.

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La fiche IMDb du film

Par Pierre Charrel - le 19 novembre 2012

L'histoire

Dans l’Angleterre de la première décennie du XXème siècle, Retour à Howards End narre les relations tumultueuses entre deux familles de la bourgeoisie londonienne. D’une part les Schlegel - une fratrie composée de Margaret (Emma Thompson), Hélène (Helena Bonham Carter) et Tibby (Adrian Ross Magenty) - parfaits exemples d’une middle class britannique intellectuelle, éprise de modernité sociale et esthétique. D’autre part, la famille Wilcox placée sous l’autorité patriarcale de Henry (Anthony Hopkins), un riche homme d’affaires formant avec Mrs. Wilcox (Vanessa Redgrave) et ses trois enfants une famille aussi traditionnelle que les Schlegel sont anticonformistes. Entre ces deux clans bourgeois viendra s’intercaler Leonard Bast (Samuel West), un jeune homme aux limites de la pauvreté qu’Hélène prendra en affection...

Analyse et critique

Mouvantes figures que celles mises en scène par James Ivory dans Retour à Howards End. La mobilité constitue en effet le trait commun à l’ensemble des personnages de cette troisième adaptation par le cinéaste d’un roman d’E.M. Forster. (1) Cette incessante propension au mouvement des héros du film - et que résume idéalement cette formule d’E.M. Forster apparaissant au chapitre XVIII d’Howards End : « Je ne sais pas où ils se placent » - est d’emblée annoncée par un générique programmatique. Ses toutes premières incrustations (détaillant les différents producteurs du film) au lieu de s’afficher de manière classiquement statique, glissent élégamment de la droite vers la gauche de l’écran, comme agies par une dynamique propre. L’arrière-plan, jusque-là entièrement noir, s’emplit bientôt des vives couleurs d’un tableau prolongeant cette évocation initiale du mouvement : c’est en effet un détail de La Danse (2), une œuvre d’André Derain, qui se dévoile alors aux yeux du spectateur. Les volutes colorées de La Danse disparaissent ensuite pour laisser place au titre même du long métrage. Son inscription à l’écran se fait, elle aussi, de manière fort mobile : puisque c’est par le biais d’une animation que se dessinent les lettres composant Howards End, émergeant avec raffinement du fond de l’écran telles des fleurs stylisées, déployant des courbes aussi dynamiques que celles des danseurs d’André Derain.

Une fois ces informations liminaires dispensées, se profile alors à l’image un premier personnage de Retour à Howards End. Il s’agit de Mrs Wilcox, campée par l’impressionnante Vanessa Redgrave. La mise en scène de cette apparition poursuit le motif de la mobilité. James Ivory prend en effet le parti de s’attacher aux pas de Mrs. Wilcox déambulant dans le jardin édénique d’Howards End, son splendide cottage sis dans un coin non moins idyllique de la campagne anglaise. Le temps d’un court plan-séquence, la caméra filme en gros plan la traîne de la robe de soirée de Mrs. Wilcox serpentant entre les hautes herbes elles-mêmes agitées par une brise vespérale. Cette image - superbement composée - confinerait à l’abstraction si elle ne donnait en réalité à voir l’essence même du mouvement - un corps mobile dans un décor pareillement mouvant - soulignant ainsi encore un peu plus l’importance dans Retour à Howards End du motif du déplacement.

 

Ce dernier hante en effet littéralement le film, et se manifeste d’abord scénaristiquement. Globalement fort fidèle au roman d’E.M. Forster, le script de Ruth Prawer-Jhabvala fait état des voyages répétés dans lesquels l’écrivain entraînait ses personnages. Les héros de Retour à Howards End ne cessent ainsi de se déplacer à l’intérieur du vaste espace londonien, mais aussi entre la capitale britannique et l’Angleterre rurale ou bien, plus lointainement, entre la Grande-Bretagne et l’Allemagne, voire entre l’Europe et l’Afrique. En outre, ces pérégrinations multiples sont visuellement soulignées par la présence récurrente à l’écran d’objets emblématiques du déplacement (3) : des fiacres et autres véhicules hippomobiles, des trains emmenés par de rutilantes locomotives à vapeur, de massives voitures des premiers temps de l’âge automobile ou, plus modestement, des bicyclettes. Et lorsque - tel le jeune Leonard Bast, dont Samuel West livre une incarnation touchante - un personnage n’est pas suffisamment argenté pour s’offrir l’un ou l’autre de ces moyens de transport, c’est à pied qu’il arpente les rues londoniennes ou les poussiéreux chemins du Hertfordshire. Se déroulent alors de longues marches que James Ivory prend bien soin de restituer visuellement - nombreux sont les plans montrant Leonard marchant - ou bien encore par une évocation dialoguée, comme lorsque Leonard fait le récit à Margaret et Hélène d’une errance nocturne dans les alentours de Londres.

 

Montrés par la réalisation de James Ivory comme sans cesse en déplacement (4), chacun des personnages de Retour à Howards End apparaît ainsi comme engagé dans Le plus long des voyages, pour reprendre le titre d’un autre roman d’E.M. Forster. Mais si les odyssées des héros du film se traduisent à l’écran par autant d’évolutions spatiales, ces dernières doivent être en réalité comprises comme les représentations symboliques de quêtes d’ordre psychologique et social. Rejoignant en cela le propos de Chambre avec vueRetour à Howards End dépeint en effet des protagonistes œuvrant à s’assurer le contrôle de leur existence tout en se ménageant une place favorable dans la société ; ces deux objectifs allant de pair ainsi que le formule E.M. Forster dans le chapitre XV d’Howards End : « Osons admettre qu’une pensée indépendante a pour base, neuf fois sur dix, des moyens indépendants. »

Certains des héros de Retour à Howards End semblent être déjà arrivés au terme de ce cheminement, tel Mr. Wilcox - un riche homme d’affaires - dont Anthony Hopkins incarne avec brio la suffisance sociale. Mais le scénario de Retour à Howards End, aussi riche en rebondissements que le roman d’E.M. Forster, confrontera in fine ce bourgeois rassis à un drame démontrant que l’emprise qu’il croyait exercer sur sa vie est rien moins que sûre. C’est ce même final tragique qui offrira, au contraire, l’occasion aux sœurs Schlegel - Margaret étant aussi remarquablement interprétée par Emma Thompson qu’Hélène par Helena Bonham Carter - de s’assurer enfin la maîtrise de leurs destinées. Et c’est victorieuses que les deux jeunes femmes atteindront le terme d’un processus d’émancipation faisant écho - selon une même tonalité féministe - à celui de Lucy, l’héroïne de Chambre avec vue. Mais d’autres des personnages de Retour à Howards End s’avèreront pour leur part moins chanceux, emportés par l’acmé tragique spectaculairement dépeinte par les ultimes séquences du film. À l’intention des lecteurs de cette chronique n’ayant pas encore vu ce film, on se gardera cependant de dévoiler son dénouement...

  

Ce dernier achève, en tous cas, de conférer à Retour à Howards End une dimension particulièrement âpre. Et d’ainsi faire de ce film un sombre pendant à Chambre avec vue qui délivrait, quant à lui, une vision heureuse des luttes menées par des héros en quête de liberté ; l’une et l’autre de ces œuvres de James Ivory constituant ainsi une manière de diptyque aussi réfléchi que touchant sur les heurs et malheurs de femmes et d’hommes agis par un même désir d’une vie à soi...

(1) Rappelons que les deux autres films de James Ivory tirés de livres de cet écrivain britannique sont Maurice (1987) et Chambre avec vue (1985). Ce dernier, ainsi que Howards End - la traduction française reprenant le titre original du roman paru au Royaume-Uni en 1910 -, est actuellement disponible dans un volume de la collection Omnibus intitulé Rencontres et destins et réunissant au total cinq œuvres d’E.M. Forster.
(2) Cette utilisation de La Danse est, peut-être, pour James Ivory une manière de dater l’action de Retour à Howards End, par ailleurs jamais clairement identifiée durant le film. C’est en effet en 1910 que des peintures d’André Derain furent présentées pour la première fois à Londres lors d’une rétrospective sur le postimpressionnisme.

(3) « Que de vaisseaux, de rails et de routes ! » écrit E.M. Forster dans le chapitre XIX d’Howards End, décrivant quelques lignes après la « mince traînée de fumée » d’un train ou bien encore une « charrette à poney », détaillant avec le même soin que le fera - cinématographiquement - James Ivory ces divers moyens de transport.
(4) Tout est prétexte au mouvement dans Retour à Howards End, y compris des prises de vue a priori génératrices d’images fixes. On pense notamment à ces plans d’ensemble, destinés à camper un lieu, que James Ivory dynamise en les filmant à l’aide d’un travelling latéral ou aérien.

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La fiche IMDb du film

Par Pierre Charrel - le 20 novembre 2012
Le film
Affiche du film

Les Vestiges du jour

(The Remains of the Day)

L'histoire

En 1959, Miss Kenton écrit à son ancien chef, Mr Stevens, au sujet de la mort récente du maître de celui-ci, Lord Darlington, un comte anglais ; ils ont été tous deux à son service avant-guerre, elle comme intendante et lui comme majordome. Elle évoque également un scandale qui a éclaté après la Guerre ayant impliqué le comte. Afin d'aller rendre visite à Miss Kenton, Stevens obtient un congé de son nouveau patron, riche américain nommé Lewis qui a racheté le domaine Darlington. Chemin faisant, dans la limousine que Lewis lui a prêtée, Stevens repense au jour de 1936 où il a engagé Miss Kenton.

Analyse et critique

The Remains of the Day est certainement un des fleurons des productions Ivory/Merchant, avec cette très belle adaptation du roman éponyme de Kazuo Ishiguro. Le récit narre l'introspection à laquelle procède le majordome Mr Stevens (Anthony Hopkins) alors qu'il s'apprête à retrouver Miss Kenton (Emma Thompson,) avec laquelle il fut au service de Lord Darlington (James Fox) près de vingt ans plus tôt au milieu des années 30. Il se souvient de ce qui aurait pu être, de leurs désaccords et attirances mutuelles, sacrifiée sur l'autel de la dévotion à leur maître d'alors. Pourtant, tout au long de ces souvenirs, Stevens se remémore un Lord Darlington engagé dans les grandes affaires du monde, aux intentions nobles peut-être mais aux alliances douteuses avec les ténors de l'Allemagne Nazie émergente dont il contribuera à rétablir l'éclat avec les conséquences que l'on sait. L'ensemble du récit questionnera ainsi la fidélité finalement vaine de Stevens, les occasions qu'il a manqué de vivre réellement plutôt que de s'oublier derrière un maître inapproprié.

Kazuo Ishiguro avait mêlé l'intime et la grande Histoire avec une subtilité rare dans son roman. Il narrait ainsi le tournant politique critique des années 30 qui vit l'Angleterre (et d'autres nations européennes) soutenir le rétablissement militaire de l'Allemagne désormais gouvernée par Hitler pour préserver la paix, mais aussi par culpabilité à la suite d’un traité de Versailles abusif. En Angleterre ce mouvement se fit par des lords anglais sympathisant du régime nazi, par conviction ou en étant abusés. Par ses origines, Ishiguro se sera souvent interrogé sur les choix qu'il aurait eu à effectuer s'il était né une génération plus tôt dans un Japon totalitaire et s'il aurait suivi le mouvement de fanatisme collectif qui animait le pays. En replaçant cette idée dans cette Angleterre des années 30, l'auteur la situait à une plus petite échelle en confrontant un pouvoir qui se perd avec Lord Darlington et ses accointances suspectes, et un peuple s'interrogeant entre soumission aveugle et volonté propre représenté par le majordome Mr Stevens. James Ivory capture merveilleusement cela dans cette adaptation très fidèle où ces grands questionnements constituent un arrière-plan primordial mais diffus, et où ce sera surtout la terrible histoire personnelle de Stevens qui nous touchera au cœur.

Les sentiments, la nostalgie et les regrets de Stevens ne peuvent s'exprimer qu'à travers le souvenir. Ivory ouvre donc le film sur un ensemble de fondu enchaîné où s'entremêle le domaine de Darlington déserté du présent (et désormais occupé par le un propriétaire américain Mr Lewis (Christopher Reeve)) avec l'effervescence du passé, ces réunions au sommet, l'agitation des domestiques et surtout la présence de Miss Kenton. Le réalisateur reprend la structure du roman tout en l'allégeant (les rencontres du présent durant le voyage de Stevens son moins nombreuses, tout comme ces observations du panorama naturel anglais dont un passage donne son titre au livre) avec ce voyage physique mais surtout intérieur pour notre héros. Dans une sorte de métaphore entre colon et colonisé, Stevens est un masque sans émotion qui ne s'anime que pour satisfaire les attentes de Lord Darlington. Il excelle dans cette tâche où il croit contribuer à un grand dessein qui le dépasse, mais par lequel son maître va changer l'histoire pour le meilleur. L'arrivée de Miss Kenton comme intendante va bousculer ces certitudes et le confronter à ses manques. Ce seront d'abord ses carences relationnelles quand il s'avéra incapable de communiquer avec Miss Kenton dans le cadre de leur travail. Puis ses carences morales le montrant incapable de se révolter face aux dérives de Lord Darlington renvoyant deux servantes juives, et enfin la carence amoureuse où malgré des sentiments réciproques il ne saura répondre à l'amour de Miss Kenton.

Ivory reste totalement dans la continuité d'Ishiguro qui est un écrivain de la retenue et de la suggestion, où le bouillonnement des personnages est nié par leur voix intérieure faussement stoïque (ce sera tout aussi vrai dans Auprès de moi toujours) mais trahi par de subtil détail dans leurs réactions. Anthony Hopkins s'avère un bouleversant interprète pour exprimer cela. Le scénario de Ruth Prawer Jhabvala (reprenant le travail d'Harold Pinter pour une adaptation initialement destinée à Mike Nichols) agence ainsi des situations de plus en plus cruelles trahissant la coquille vide que semble être Stevens. Face au décès de son propre père, il n'oublie pas de renvoyer le médecin à un invité souffrant d'ampoules aux pieds, il se range aveuglément derrière l'opinion de Darlington lors du renvoi des jeunes juives et n'arrive pas à retenir une Miss Kenton bouleversée et sur le départ qui n'attend qu'une réaction de sa part pour s'affairer à une énième réunion politique de Darlington. Tout doit être sacrifié à l'atteinte de la dignité du grand majordome qu'il pense être, au soutien d'un maître qui en sait forcément plus et voit plus loin que lui (le scénario intégrant magnifiquement dans la narration toutes les envolées sur la définition d'un grand majordome, prétexte à de passionnantes réflexions dans le livre et montrant la vision étriquée de Stevens).

Le personnage aurait pu être détestable sans un Anthony Hopkins dont le phrasé distingué et impersonnel est constamment trahi par ce regard vacillant d'amour mais incapable d'être suivit par un mot ou un geste. Si l'on s'amuse des échanges revêches entre Stevens et Miss Kenton (comme des enfants l'amour ne pouvant s'exprimer que par le conflit), c'est par les timides expressions de son trouble qu'Hopkins bouleverse et rend ce majordome psychorigide si humain. Toute manifestation affective ne passe que par l'angle froid du travail, d'un "vous être très importante pour cette maison" lancée pour la remercier de ne pas avoir démissionné, ou ce moment terrible où il évoque un problème domestique alors qu'elle est en larmes suite à son attitude. Et parfois le temps d'un instant suspendu l'armure se fend dans la plus belle scène du film illustrant parfaitement leur relation. Miss Kenton taquine Stevens sur un ouvrage qu'il lit et ne souhaite pas lui montrer (un livre d'amour), elle s'agrippe à lui en lui retirant doucement le livre des mains tandis qu'il demeure immobile, l'observant fasciné et amoureux dans la pénombre sans pouvoir répondre à ce rapprochement. Emma Thompson, ardente, vindicative et lumineuse est absolument magnifique et le couple si troublant façonné par Ivory dans Retour à Howards End (1992) dégage toujours autant d'alchimie.

Le récit est d'autant plus cruel qu'en plus de ne pas (chercher à) comprendre les liaisons dangereuses de son maître, Stevens ne voit même pas à quel point elles méprisent sa propre condition sociale. Autant avec le personnage de Stevens que celui de Lord Darlington (excellent James Fox) le récit semble effectuer une transition de deux générations. On passe de l'anglais flegmatique plaçant l'honneur avant toute chose quitte à se faire duper (Darlington avec les allemands, Stevens avec Darlington) à celui plus lucide voyant au-delà de la surface représenté par le personnage de Hugh Grant, le virage étant annoncé par l'américain joué par Christopher Reeve (une idée renforcée par Ivory fusionnant en un seul personnage dans le film l'américain participant à la première réunion et celui possédant Darlington Hall à la fin) qui traitera judicieusement ces gentlemen pétris de bonnes intentions d'amateurs. A l'échelle de l'Histoire cela causera le déshonneur de ceux qui n'ont pas su voir et laisser envenimer la situation jusqu'à l'explosion de la Deuxième Guerre Mondiale. A un niveau plus intime ce sera une vie gâchée et des regrets éternels avec l'ultime entrevue entre Stevens et Miss Kenton, bien trop tard. Une fois de plus l'échange informel trahit le trouble de chacun et la détresse ne peut s'exprimer qu'une fois l'autre suffisamment éloigné avec les yeux baignés de larmes d'Emma Thompson, et un Anthony Hopkins brisé et immobile sous une pluie battante. Un grand film et une magnifique adaptation.

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La fiche IMDb du film

Par Justin Kwedi - le 19 juillet 2024


duminică, 11 decembrie 2022

KAZUO ISHIGURO / JAMES IVORY : Ramasitele zilei

  

Ramasitele zilei

De (autor): Kazuo Ishiguro

4.4
(14 reviews)
• Autor distins cu Premiul Nobel pentru literatura
• Autor distins cu Booker Prize pentru literatura
 
Aparut in Anglia, in 1989, romanul a primit in acelasi an prestigiosul Booker Prize si a fost transpus cinematografic, in anul 1993, de regizorul James Ivory, intr-un film de exceptie, avindu-i ca protagonisti pe Anthony Hopkins si Emma Thompson.
 
Stevens, majordom de moda veche, indragostit in tacere de frumoasa si inteligenta menajera din castelul lordului Darlington, se identifica intr-atit cu functia sa, incit trece senin pe linga dramaticele evenimente din timpul celui de-al Doilea Razboi Mondial. Nimic nu-l perturba de la indatoririle sale de „majordom absolut“ – nici chiar pierderea singurei fiinte iubite – si abia spre sfirsitul vietii intelege ca lumea s-a schimbat profund si ca el nu este decit „o ramasita a trecutului“.



Les restes du jour

w trad autom.eng-fr
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Les restes du jour
KazuoIshiguro TheRemainsOfTheDay.jpg
Première édition
AuteurKazuo Ishigurō
PaysRoyaume-Uni
LangueAnglais
GenreRoman historique
ÉditeurFaber et Faber
Date de publication
mai 1989
Type de supportImpression (relié)
pages258

The Remains of the Day est un roman de 1989 de l'auteur britannique lauréat du prix Nobel Kazuo Ishiguro . Le protagoniste, Stevens, est un majordome avec une longue expérience de service à Darlington Hall, une demeure seigneuriale près d'Oxford, en Angleterre . En 1956, il fait un road trip pour rendre visite à un ancien collègue et se remémore les événements de Darlington Hall dans les années 1920 et 1930. [1]

L'œuvre a reçu le Booker Prize for Fiction en 1989. Une adaptation cinématographique du roman , réalisée en 1993 et ​​mettant en vedette Anthony Hopkins et Emma Thompson , a été nominée pour huit Oscars . En 2022, il figurait sur la liste « Big Jubilee Read » de 70 livres d'auteurs du Commonwealth , sélectionnés pour célébrer le jubilé de platine d'Elizabeth II . [2]

Résumé de l'intrigue 

Le roman raconte, dans une narration à la première personne , l'histoire de Stevens, un majordome anglais qui a consacré sa vie au loyaux services de Lord Darlington (décédé récemment, et que Stevens décrit de manière de plus en plus détaillée dans des flashbacks ). Au fur et à mesure que l'œuvre progresse, deux thèmes centraux se révèlent : Lord Darlington était un sympathisant nazi ; et Stevens est amoureux de Miss Kenton, la gouvernante de Darlington Hall, la propriété de Lord Darlington. [3]

Le roman commence en 1956, avec Stevens recevant une lettre d'une ancienne collègue, la gouvernante Miss Kenton, décrivant sa vie conjugale, ce qui, selon Stevens, fait allusion à un mariage malheureux. De plus, Darlington Hall manque de personnel et pourrait grandement utiliser une femme de ménage qualifiée comme Miss Kenton. Stevens commence à envisager de rendre visite à Miss Kenton. Son nouvel employeur, un riche Américain du nom de M. Farraday, encourage Stevens à emprunter sa voiture pour prendre des vacances bien méritées - un "voyage en voiture". Stevens accepte et part pour Cornwall , où vit Mlle Kenton (maintenant Mme Benn).

Au cours de son voyage, Stevens réfléchit à sa loyauté inébranlable envers Lord Darlington, qui avait organisé de somptueuses réunions entre sympathisants allemands et aristocrates anglais dans le but d'influencer les affaires internationales dans les années qui ont précédé la Seconde Guerre mondiale ; sur la signification du terme « dignité » et ce qui constitue un grand majordome ; et sur sa relation avec son défunt père, un autre homme « sans fioritures » qui a consacré sa vie au service. En fin de compte, Stevens est obligé de réfléchir au caractère et à la réputation de Lord Darlington, ainsi qu'à la véritable nature de sa relation avec Miss Kenton. Au fur et à mesure que le livre progresse, les preuves de l'attirance et de l'affection mutuelles passées de Miss Kenton et Stevens s'accumulent.

Alors qu'ils travaillaient ensemble dans les années 1930 , Stevens et Miss Kenton n'ont pas réussi à admettre leurs vrais sentiments l'un envers l'autre. Leurs conversations, telles que remémorées par Stevens, montrent une amitié professionnelle qui a parfois failli se transformer en romance, mais c'était évidemment une ligne que ni l'un ni l'autre n'osait franchir. Stevens en particulier n'a jamais cédé, même lorsque Miss Kenton a essayé de se rapprocher de lui.

Lorsqu'ils se retrouvent enfin, Mme Benn, mariée depuis plus de vingt ans, admet se demander si elle a fait une erreur en se mariant, mais dit qu'elle en est venue à aimer son mari et attend avec impatience la naissance de leur premier petit enfant. Stevens réfléchit plus tard aux opportunités perdues, à la fois avec Miss Kenton et concernant ses décennies de service désintéressé à Lord Darlington, qui n'a peut-être pas été digne de sa fidélité inconditionnelle. Stevens exprime même certains de ces sentiments dans une conversation informelle avec un étranger amical du même âge et du même milieu qu'il rencontre vers la fin de ses voyages.

Cet homme suggère qu'il vaut mieux profiter du temps présent dans sa vie que de s'attarder sur le passé, car "le soir" est, après tout, la meilleure partie de la journée. À la fin du roman, Stevens semble avoir pris cela à cœur alors qu'il se concentre sur les "restes de la journée" titulaires, faisant référence à son futur service avec M. Farraday et à ce qui reste de sa propre vie.

Caractères 

  • M. Stevens, le narrateur, un majordome anglais qui sert à Darlington Hall ; un homme dévoué avec des exigences élevées et particulièrement soucieux de la dignité (illustré par le fait que le lecteur n'apprend jamais son prénom)
  • Mlle Kenton, la gouvernante de Darlington Hall, s'est mariée plus tard sous le nom de Mme Benn; un serviteur extrêmement capable et digne qui aide M. Stevens à gérer Darlington Hall. Au fil du temps, elle et M. Stevens développent un lien durable
  • Lord Darlington, le propriétaire de Darlington Hall ; une conférence qu'il tient entre des diplomates de haut rang est finalement un effort raté vers des pourparlers d'apaisement entre les puissances anglaises et allemandes ; cela provoque son déclin politique et social
  • William Stevens (M. Stevens senior), le père de M. Stevens, âgé de 72 ans, servant de sous-majordome ; Stevens senior subit un grave accident vasculaire cérébral lors de la conférence à Darlington Hall; son fils était partagé entre le servir et l'aider
  • Le sénateur Lewis , un sénateur américain qui critique Lord Darlington comme étant un "amateur" en politique
  • Le jeune Mr Cardinal, fils d'un des amis les plus proches de Lord Darlington et journaliste, est tué en Belgique pendant la Seconde Guerre mondiale
  • M. Dupont, un homme politique français de haut rang qui assiste à la conférence de Lord Darlington

Lors de son voyage en voiture, Stevens entre brièvement en contact avec plusieurs autres personnages. Ils sont des miroirs pour Stevens et montrent au lecteur différentes facettes de son personnage ; ils sont aussi tous gentils et essaient de l'aider. Deux en particulier, le Dr Carlisle et Harry Smith, mettent en évidence les thèmes du livre.

Historique des sorties et des publications 

Remains a été publié pour la première fois au Royaume-Uni par Faber et Faber en mai 1989, [4] et aux États-Unis par Alfred A. Knopf le 4 octobre 1989. 

Réception 

The Remains of the Day est l'un des romans britanniques d'après-guerre les plus appréciés. En 1989, le roman remporte le Booker Prize . [6] Il se classe 146e dans une liste composite, compilée par Brian Kunde de l'Université de Stanford , des meilleures fictions de langue anglaise du XXe siècle. [sept]

En 2006, The Observer a demandé à 150 écrivains et critiques littéraires de voter pour le meilleur roman britannique, irlandais ou du Commonwealth de 1980 à 2005 ; The Remains of the Day s'est classé huitième. [8] En 2007, The Remains of the Day a été inclus dans une liste Guardian de "Livres sans lesquels vous ne pouvez pas vivre" [9] et aussi dans une liste de 2009 "1000 romans que tout le monde doit lire". [10] The Economist a décrit le roman comme le "livre le plus célèbre" d'Ishiguro. [11]

Le 5 novembre 2019, la BBC News a inscrit The Remains of the Day sur sa liste des 100 romans les plus influents . [12]

Dans une revue rétrospective publiée dans The Guardian en 2012, Salman Rushdie soutient que « la véritable histoire… est celle d'un homme détruit par les idées sur lesquelles il a bâti sa vie ». [13] Selon Rushdie, l'obsession de Stevens pour la retenue digne lui a coûté des relations amoureuses avec son père et avec Mlle Kenton. [13]

Kathleen Wall soutient que Remains "peut être considéré comme concernant les tentatives de Stevens de lutter contre ses souvenirs et interprétations peu fiables et les ravages que sa malhonnêteté a fait dans sa vie" (souligné dans l'original). [14] En particulier, elle suggère que Remains conteste les récits savants du narrateur peu fiable . Wall note que l'effet ironique de la narration de M. Stevens dépend du fait que le lecteur suppose qu'il décrit les événements de manière fiable, tout en interprétant ces événements de manière intéressée ou particulière. [15]

Selon Steven Connor , Remains thématise l'idée d' identité nationale anglaise . Selon M. Stevens, les qualités des meilleurs majordomes, qui consistent à restreindre les émotions personnelles au profit de la préservation des apparences, sont "identifiées comme essentiellement anglaises". [16] Connor soutient que les premiers critiques de Remains , qui le voyaient comme un roman sur l'identité nationale japonaise, se sont trompés : "il semble n'y avoir aucun doute que c'est l'anglicisme qui est en jeu ou en cours d'analyse dans ce roman". [17]

Adaptations 

  • Le roman a été adapté dans un film du même nom en 1993. Réalisé par James Ivory et produit par Ismail Merchant , Mike Nichols et John Calley (c'est-à-dire, Merchant Ivory Productions), le film mettait en vedette Anthony Hopkins dans le rôle de Stevens, Emma Thompson dans le rôle de Miss Kenton . Le casting de soutien comprenait Christopher Reeve en tant que membre du Congrès Lewis, James Fox en tant que Lord Darlington, Hugh Grant en tant que Reginald Cardinal et Peter Vaughan en tant que M. Stevens, Sr. L'adaptation cinématographique a été nominée pour huit Oscars.Dans le film, l'homme qui a acheté Darlington Hall est le membre du Congrès Lewis, alors retraité de la politique.
  • Une adaptation radiophonique en épisodes de deux heures mettant en vedette Ian McDiarmid a été diffusée pour la première fois sur BBC Radio 4 les 8 et 15 août 2003. [18] [19]
  • Une adaptation musicale du roman d'Alex Loveless [20] a été mise en scène en 2010 au Union Theatre de Londres [21] [22] et a reçu des critiques positives. 
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  • Les vestiges du jour

     
      
     
    1993

    (The Remains of the Day). D'après le roman de Kazuo Ishiguro. Avec : Anthony Hopkins (James Stevens) Emma Thompson (Sally Kenton), James Fox (Lord Darlington), Christopher Reeve (Jack Lewis). 2h14.
     
     

    En 1959, Miss Kenton écrit à son ancien chef, Mr Stevens, au sujet de la mort récente du maître de celui-ci, Lord Darlington, un comte anglais ; ils ont été tous deux à son service avant-guerre, elle comme intendante et lui comme majordome. Elle évoque également un scandale qui a éclaté après la Guerre ayant impliqué le comte. Afin d'aller rendre visite à Miss Kenton, Stevens obtient un congé de son nouveau patron, riche américain nommé Lewis qui a racheté le domaine Darlington. Chemin faisant, dans la limousine que Lewis lui a prêtée, Stevens repense au jour de 1936 où il a engagé Miss Kenton.

    En 1936, le majordome Stevens, responsable de toute la domesticité du domaine Darlington, fait engager son père au passé prestigieux comme majordome-adjoint et une efficace Miss Kenton comme intendante. Celle-ci va se révéler excellente professionnelle, admiratrice des qualités réelles de Stevens bien que parfois en conflit avec lui. Celui-ci – quadragénaire consciencieux, réservé, témoignant d'une autorité naturelle – a totalement intériorisé les devoirs de sa charge sur laquelle il centre son existence. Appréciant réellement la personnalité et la compagnie de Miss Kenton, il se refuse d'y voir une autre raison que professionnelle.

    Toujours en 1936, le comte organise à Darlington une conférence internationale : l'Allemagne souhaite recouvrer sa dignité d'antan et se remilitariser (dans le livre, cette conférence a lieu en 1922 ; en 1936, non seulement l'Allemagne était déjà remilitarisée, mais appuyait la guerre d'Espagne de toute sa force aérienne). Ses invités et lui désirent la soutenir politiquement. Seul un membre du Congrès américain, le sénateur Lewis, se manifeste fermement contre la menace nazie. Les intervenants présents, dont le Français Dupont d'Ivry, sont même accusés par Lewis d'être de simples amateurs dans un monde régi désormais par une cynique realpolitik. Stevens gère la logistique de cette manifestation avec une telle implication que le décès de son père, survenant au même moment, passe au second plan, à la grande admiration du père pour son fils, et avec l'aide discrète et dévouée de Miss Kenton.

    Années d'avant-guerre : Stevens est contraint de licencier deux employées allemandes lorsque les amis étranges de Lord Darlington lui suggèrent de les renvoyer parce qu'elles sont juives, motif contre lequel proteste Miss Kenton. Bouleversé par la décision de son maître, il ne laisse cependant rien paraître de son sentiment, qu'il ne se sent pas qualifié pour exprimer. Miss Kenton, ne se sentant pas soutenue, menace de démissionner, sans toutefois passer à l'acte. Plus tard, Lord Darlington, pris de remords (« Ce que nous avons fait est mal »), cherche à faire retrouver les jeunes filles pour leur rendre leur emploi, en vain. Apprenant alors que Stevens partageait son avis depuis le début, Miss Kenton éclate en sanglots : « Monsieur Stevens, pourquoi ne dites-vous donc jamais ce que vous ressentez ? ».

    1959. Dans un pub où il s'est arrêté, l'allure et les excellentes manières de Stevens le font prendre pour un respectable aristocrate par les clients, et il se laisse prendre à ce jeu : il admet avoir vu Churchill, en se gardant bien de préciser dans quel contexte. Le médecin du village n'est pas dupe et, lorsque tous deux se retrouvent seuls, pose une question concernant « le traître Darlington ». Stevens répète, fort gêné toutefois, qu'il n'avait pas à juger son maître, que chacun peut faire une erreur et que lui-même entreprend justement ce voyage pour essayer d'en réparer une.

    1939. Lors d'une autre soirée de décideurs anglais, l'un d'eux veut tester la compréhension que peut avoir le peuple de la situation internationale tendue et il questionne à cet effet Stevens, lequel est incapable de donner quelque avis que ce soit. Un autre jour, Miss Kenton qui a surpris Stevens en pleine lecture s'étonne que ce soit juste d'un roman sentimental, à l'eau de rose. Stevens affirme ne lire que pour travailler son anglais. Faute de réponse sentimentale de Stevens qu'elle admire, elle commence à fréquenter Mister Benn, majordome d'un autre lord, qui finit par lui proposer le mariage. Quand elle l'annonce à Stevens d'un air de défi, celui-ci se contente de la féliciter sans chaleur. Peu après, il l'entend pleurer à travers la porte de sa chambre, mais se contente de lui faire remarquer la saleté d'une alcôve, sans intervenir ni poser de questions.

    1939. Une nouvelle entrevue, quasi clandestine, a lieu à Darlington, à laquelle participent le premier ministre du Royaume-Uni, Neville Chamberlain, et l'ambassadeur d'Allemagne Ribbentrop : la politique d'Hitler, en particulier ses visées sur la Bohême, est soutenue par tous les intervenants. Le discours autoritaire est désormais bien loin de l'esprit conciliant et amical de la conférence de 1936.

    1959. Stevens rencontre Miss Kenton ; cela fait vingt ans qu'ils ne se sont pas vus. Ils discutent de tout et de rien, de son mariage raté à elle, mais également du procès que Lord Darlington a perdu après la Guerre alors qu'il voulait défendre son honneur. Stevens offre à Miss Kenton de revenir à Darlington. Venant d'apprendre la grossesse de sa fille, celle-ci se voit contrainte de ne pas accepter. Ils se quittent… mais les frustrations liées à leur attirance réciproque sont toujours bien présentes.

    À la fin, alors que Stevens discute avec Lewis, un pigeon parvient à entrer dans la salle de réception du château. Ils arrivent finalement à le faire ressortir et là, on voit, par la fenêtre, Stevens mélancolique : le pigeon peut maintenant vagabonder où il veut ; tandis que lui reste en poste à l'intérieur du château auquel il a consacré sa vie. Le film se termine sur un plan éloigné du domaine.

     

    L'ensemble  des thèmes du film, comme l'était celui du roman, évoque une fatalité qui dépasse les protagonistes.

    Stevens  n'est jamais ridicule dans son attachement à sa fonction. Bien au contraire, sa conscience professionnelle n'est  pas exempt de dignité et de grandeur. Néanmoins, il n'a jamais pu agir selon son idéal et ses sentiments.  

    Lord Darlington est un brave homme, abusé à la fois par ses interlocuteurs et ses bons sentiments. Il est le digne représentant de l'Ancien Monde, celui de l'honneur, de l'ordre, domaine de la règle, et non pas de la realpolitik et de l'affairisme, domaine de la lutte, comme le rappelle Lewis, américain. Les conséquences dramatiques de ces malentendus sont rappelées à plusieurs reprises. On apprendra par exemple que M. Cardinal, son filleul, est décédé au front. Pendant son voyage, Stevens se montrera pensif et mal à l'aise en considérant la chambre du fils de ses hôtes, décédé lui aussi à la guerre.