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marți, 25 octombrie 2022

The Man Who Shot Liberty Valance 1962 / John Ford

 

L'HISTOIRE

Un sénateur débarque incognito à Shinbone pour assister à l’enterrement d’un mystérieux inconnu : Tom Doniphon. Pressé par les journalistes locaux d’expliquer les raisons de sa venue, et d’éclaircir les lecteurs sur ce Doniphon, le sénateur Ranse Stoddard revient avec émotion sur les événements qui firent sa carrière des années auparavant, lorsqu’il essaya de débarrasser Shinbone d’un dangereux gangster : Liberty Valance...

 

ANALYSE ET CRITIQUE

L’Homme qui tua Liberty Valance (The Man Who Shot Liberty Valance). Placé sous le double signe d’un passé révolu (tua shot) et d’un long flash-back, le film de John Ford est un portrait crépusculaire des Etats-Unis. Ce n’est pas un hasard si une bonne moitié du film se déroule de nuit : l’Ouest, tel que le cinéma de Ford nous l’a maintes fois représenté, vit ses derniers instants ; les shérifs peu à peu remplacés par des hommes de loi, les colts par des livres de droit, la diligence par le chemin de fer. C’est à la naissance d’un pays et de son Histoire que nous convie ici le cinéaste, mais aussi et surtout à la mort d’une certaine idée de l’Ouest, du western, et de son cinéma…

(ATTENTION, SPOILERS...)

Est-ce ainsi vraiment un hasard si c’est en époussetant une vieille diligence que James Stewart enclenche le long processus narratif du film, ce flash-back qui constitue le cœur même de L'Homme qui tua Liberty Valance ? L’Histoire, la vraie, celle de Ransom Stoppard & Tom Doniphon - et par là-même celle des Etats-Unis - est cachée sous cette fine couche de poussière, poudre aux yeux qui aura transformé les héros en cadavres anonymes et les quidams en figures légendaires. Car Ransom Stoppard n’a jamais tué Liberty Valance, mais il en retirera tous les bénéfices : une stature politique internationale, une femme dévouée et une vie comblée ; alors que Tom Doniphon, lui, mourra seul, ignoré de tous, en “poor lonesome cowboy“ qui n’aura jamais su déclarer sa flamme à la femme qu’il aime. C’est à cette vision mélancolique et amère de l’Histoire que nous invite John Ford : les héros ne sont pas forcément ceux que l’on croit. Dans L'Homme qui tua Liberty Valance, l’immense John Wayne - autrefois héros si fringant chez Ford - finit las et désabusé, oublié de tout un pays, abandonné par la femme qu’il aime, ignoré par la grande Histoire. Pendant que James Stewart dans une séquence finale splendide et tout aussi tragique, prend conscience, accablé, de l’énormité de la supercherie : une vie et un amour construits sur un mensonge, une carrière légendaire due une ironie de l’existence.

 

Dans ce moment de véritable drame, John Ford se surpasse et - à l’égal d’un Kurosawa (Rashomon), Mankiewicz (La Comtesse aux pieds nus) ou Kubrick (The Killing) - se met à jongler avec le temps, nous offrant en l’espace d’un quart d’heure une même scène de duel, apogée du film, sous deux angles de caméra opposés - soit deux perspectives totalement différentes sur la petite et la grande Histoire. En quelques plans, Ford montre alors qu’à 68 ans, il faudra encore compter sur lui. Le plus beau, c’est que le reste du film est à l’unisson : science du cadrage époustouflante tant dans les nombreuses scènes d’intérieur que lors du duel, photographie aux contrastes majestueux de William Clothier, musique bouleversante de Cyril Mockridge. Qu’on se le dise, à près de 70 ans, Ford est encore vert.

On le voit, nous sommes loin d’un western lambda, notamment grâce à un scénario d’une richesse exceptionnelle qui constitue une superbe métaphore sur l’illusion (et donc le cinéma) puis s’autorise une réflexion profonde et d’une rare intensité sur l’Histoire des Etats-Unis. On ne retient souvent de ce film que sa phrase mythique - « Quand la légende est plus belle que la réalité, imprimez la légende » - alors que la richesse de ce film ne saurait se résumer à ce simple dialogue, certes brillant. D’une puissance pédagogique digne d’un Frank Capra ou du Preminger de Tempête à WashingtonL'Homme qui tua Liberty Valance est aussi un film éminemment politique. Etude au scalpel de l’histoire législative des Etats-Unis, le film de John Ford est une variation sur le "melting pot", grâce notamment à une scène d’éducation civique simple et émouvante regroupant des restaurateurs suédois, cinq ou six enfants mexicains et un métayer noir autour de la Constitution américaine et d’un James Stewart qui n’est alors pas sans rappeler les Mr. Smith ou Alfred Kralik de sa jeunesse. Bref, de l’entertainment non seulement brillant mais intelligent.

 

On se demande alors aujourd’hui comment les producteurs purent hésiter six longs mois devant une telle combinaison de talents. Le film, si dur à mettre en chantier malgré un casting sensationnel (la première rencontre de John Wayne et James Stewart à l’écran, plus une performance éblouissante de Lee Marvin qui compose un des "bad guys" les plus charismatiques de l’histoire du western), est pourtant de nos jours une évidence.

Peut-être tout simplement qu’avec L'Homme qui tua Liberty Valance commençait sûrement à disparaître une certaine idée du western, genre majeur depuis la naissance de Hollywood, mais qui devait profondément changer avec la future disparition de John Ford et l’arrivée des LeonePenn et autres Peckinpah. Car non content d’être un film profondément mélancolique sur l’Histoire des Etats-Unis, L'Homme qui tua Liberty Valance l’est aussi quant à l’Histoire du western. Placé sous le signe d’un enterrement, mené par un héros désabusé, mélancolique et vieillissant, L’Homme qui tua Liberty Valance est un splendide chant du cygne, une ébauche du testament que Ford parachèvera avec La Conquête de l’OuestLes Cheyennes et Frontière chinoise. Un chef d’œuvre, tout bêtement.

DANS LES SALLES

L'HOMME QUI TUA LIBERTY VALENCE
UN FILM DE JOHN FORD (USA,1961)

DISTRIBUTEUR : SWASHBUCKLER FILMS
DATE DE SORTIE : 6 AOÛT 2014

La Page du distributeur


 

EN SAVOIR PLUS

La fiche IMDb du film
Par Xavier Jamet - le 8 février 2003

Diligenta / John Ford, 1939

 

L'HISTOIRE

Les Apaches de Geronimo ont quitté leur réserve et semblent vouloir reprendre le sentier de la guerre. Malgré cette menace, plusieurs personnes décident de prendre place à bord d’une diligence assurant la liaison entre Tonto et Lordsburgh. Dans un premier temps escorté par la cavalerie, ce groupe hétéroclite se compose du shérif de Tonto, d’un conducteur débonnaire, d’un médecin alcoolique, d’une prostituée expulsée de la ville, d’un banquier malhonnête, d’un mystérieux joueur sudiste, d’un timide représentant en whisky et de l’épouse enceinte d’un officier de cavalerie. En cours de route, un nouveau passager se joint à eux, Ringo Kid, un hors-la-loi malgré lui qui cherche à se venger de la mort de membres de sa famille.

ANALYSE ET CRITIQUE

 

"C’était durant l’une de ces années où, dans le territoire, les signaux de fumée des Apaches montaient en spirale des sommets rocheux des montagnes et où plus d’un ranch n’offrait plus que quelques mètres carrés de cendres noircies sur le sol ; alors, le départ d’une diligence de Tonto marquait le début d’une aventure dont la fin heureuse n’était pas garantie..." Tel est le début de la nouvelle Stage to Lordsburgh d'Ernest Haycox paru dans le Saturday Evening Post et dont les personnages vont séduire John Ford. Le cinéaste se décide à l’adapter même s’il la trouve par ailleurs assez mal construite et même si le récit comporte de troublantes similitudes avec Boule de suif de Maupassant. Les producteurs, David O Selznick en tête, se montrent réticents et refusent de s’en laisser imposer par un réalisateur quel qu’il soit. Ils accepteraient éventuellement si Marlène Dietrich et Gary Cooper étaient de la partie mais Ford ne veut rien savoir. Heureusement, il trouve en la personne du producteur Walter Wanger un homme qui décide de prendre le risque. Le jeune John Wayne pense que ce serait lui faire trop d’honneur de se faire offrir le rôle du Kid mais Ford le pousse à accepter. Le Duke ne le regrettera jamais puisque ce sera le film qui fera de lui une star, et le succès ne le quittera alors jamais plus.

 

On ne compte plus les textes, exégèses, critiques et autres analyses qui ont fleuri depuis lors sur ce classique intemporel et universel. Ce film tient effectivement une place d’une très grande importance dans l’histoire du cinéma mais sans minimiser toutes ses qualités, il serait injuste de ne pas tempérer cet enthousiasme, de replacer ce film dans son contexte avant de dire tout le bien dont nous pouvons penser de ce western. Le cinéma américain avait atteint une sorte de perfection à la fin des années 20 mais, en généralisant, l’arrivée du parlant va amener une baisse qualitative de l’ensemble de la production durant la décennie suivante (et ceci dit, nous le répétons, malgré de notables et nombreuses exceptions). Cela est dû au fait que cet art est obligé de se réadapter à cette nouveauté que constitue la parole et qu’au départ la plupart ne se préoccupent plus que des dialogues. Les acteurs aussi doivent tout réapprendre. De plus, le matériel technique pour les tournages devient très lourd (par exemple les caméras doivent être insonorisées dans d’immenses caissons, voir à ce sujet Chantons sous la pluie) et l’ensemble de ces changements fait que les films de cette époque sont souvent statiques, bavards, ternes ou, à l’inverse facilement maniéristes. Les années 30 sont peut-être la décennie qui supporte aujourd’hui le plus mal le vieillissement et John Ford n’échappe pas à la règle, bon nombre de ses "classiques" de l’époque comme La Patrouille perdue ou Le Mouchard peuvent paraître de nos jours bien ennuyeux.

 

1939 ! Date marquante pour le cinéma américain, l’année qui débute ce que l’on a coutume d’appeler l’âge d’or hollywoodien, une période d’une vingtaine d’années dont le fameux classicisme américain est issu, classicisme dont la recette est aujourd’hui quasiment perdue. C’est en cette année faste pour le cinéma que sortent aussi Seuls les anges ont des ailes de HawksFemmes de CukorAutant en emporte le vent et Le Magicien d’Oz de FlemingNinotchka d'Ernst LubitschMr Smith au Sénat de Capra... C’est justement en 1939 que Ford va retrouver un second souffle avec deux autres films remarquables en plus de celui qui nous concerne : Sur la piste des Mohawks et Vers sa destinée dans lequel Henry Fonda endosse avec talent le rôle d'Abraham Lincoln. On a un peu trop facilement tendance à dire que La Chevauchée fantastique a marqué un tournant dans l’histoire du western ; il serait ridicule de le nier mais il ne faut pas que ce soit au détriment d’autres œuvres tout aussi honorables. N’oublions pas qu’en cette même année, et même quelques mois avant Stagecoach, sortirent d’autres westerns tout aussi honorables et qui ne méritent pas d’être passés sous silence au profit du film de Ford : Le Brigand bien-aimé de Henry KingLes Conquérants de Michael Curtiz et Pacific Express, l’un des meilleurs films de Cecil B. DeMilleLa Chevauchée fantastique est sorti alors que le genre connaissait un certain regain : plus d’une centaine de westerns avaient été distribués l’année précédente mais il s’agissait surtout de bandes stéréotypées à très petits budgets, réalisées par des metteurs en scène de seconde zone et jouées par des acteurs presque tous inconnus, quasiment tous oubliés de nos jours. John Ford contribuera à réhabiliter le genre en le faisant sortir du mépris dans lequel on le tenait alors.

 

Cette mise au point - un peu longue - étant terminée, nous pouvons maintenant nous concentrer sur ce western à la fois ambitieux et divertissant, intimiste et spectaculaire, passionnant par la richesse de ses personnages, la qualité de sa réalisation et la mise en place des jalons et thèmes traditionnels qui traverseront toute l’histoire du genre. Le terme de chef-d’œuvre est souvent attribué à ce film et on le retrouve souvent dans les listes des plus grands films de l’histoire au côté de Citizen Kane. Ce statut, il l’a acquis plus certainement par ses apports au genre "western" que par ses qualités intrinsèques qui ne sont pas plus évidentes que dans une centaine d’autres œuvres du genre. En effet, même à l’intérieur de la seule filmographie de John Ford, et sans vouloir rabaisser Stagecoach, il n’est pas interdit de lui préférer la plupart de ses westerns suivants, de La Poursuite infernale aux Cheyennes. En Amérique, ce classique n’a pas tout de suite été reconnu à sa juste valeur, les spectateurs n’étant au départ pas très enthousiastes : on lui reproche trop de psychologie au détriment de l’action, une couleur locale atténuée, moins de schématisme réconfortant, tout ce pourquoi justement le film se démarque des westerns antérieurs. C’est surtout grâce à son accueil européen que le film a acquis une telle réputation, André Bazin disait par exemple : "équilibre parfait entre les mythes sociaux, l’évocation historique, la vérité psychologique et la thématique traditionnelle de la mise en scène western. Aucun de ces éléments fondamentaux ne l’emporte sur l’autre."

 

En redécouvrant ce film aujourd’hui, force est de constater que la mise en scène nous apparaît toujours aussi précise, millimétrée, à la fois moderne et classique : Ford soigne toujours autant ses cadrages et nous offre des gros plans de toute beauté. Les scènes d’extérieurs tournées en seulement 4 jours portent la marque inimitable du réalisateur : la vision des hommes, diligence et chevaux disséminés au milieu de ces paysages grandioses de Monument Valley (c’est d’ailleurs grâce à ce film que l’on découvre cet endroit), les travellings passant brutalement d’un plan d’ensemble sur la diligence perdue au milieu de l’immensité du ciel et de la terre aux gros plans sur les Indiens cachés au sommet des montagnes sont inoubliables. Au milieu de ces espaces vierges, Ford nous concocte une scène anthologique de poursuite dans laquelle Yakima Canutt nous étonne par ses cascades. C’est lui qui se cache dans la peau de cet Indien qui saute sur un cheval de l’attelage puis tombe entre les brancards avant d’être piétiné par les sabots des chevaux et de rouler sous la voiture. A l’époque, il n’existait pas de véhicules équipés pour filmer des scènes de cet acabit. Celles ci le furent à bord d’automobiles ordinaires qui devaient aller aussi vite que les chevaux, soit à 60 km/h, très rapide pour l’époque : le résultat demeure stupéfiant. Le reste, filmé en studio, est souvent du même niveau : la scène nocturne du duel final, loin de tout dramatisme outrancier, est d’une sécheresse et d’une sobriété exemplaires : elle annonce celle tout aussi réussie que l’on trouvera dans L’Homme qui tua Liberty Valance. L’autre scène nocturne de la demande en mariage de la prostituée par le hors-la-loi est empreinte d’une belle sensibilité et d’un romantisme encore assez rare chez Ford à cette époque, et qui trouvera son apogée dans le sublime La Charge héroïque.

 

Vivacité, précision et rigueur de la mise en scène mais aussi des personnages tous efficacement présentés, finement observés et croqués, qui se révèlent malgré tout un peu trop typés. L’intérêt réside surtout dans les rapports qui s’établissent au sein du groupe au fur et à mesure de l’avancée du voyage et de ses périls. Quelques phrases seulement suffisent pour ébaucher un caractère ou éclairer une situation. Ford utilise un système dramatique déjà employé et qui sera encore pillé par la suite, la réunion de caractères différents dans un espace restreint et dans une situation tendue avec la certitude qu’il en naîtra des réactions nombreuses et variées. On pourrait donc trouver à redire de l’utilisation d’une méthode usée jusqu’à la corde mais Ford évite toute facilité grâce à sa sincérité : nous le sentons à chaque moment rempli de compassion pour tous ces personnages, en quelque sorte victimes de la société, hormis pour le banquier qui représente tout ce que le capitalisme peut avoir de nuisible. Dallas et le docteur, joués par Claire Trevor et Thomas Mitchell, sont tous deux des figures déchues, "victimes de préjugés", qui retrouveront leur dignité au cours des évènements, par le regard que leur porteront alors les plus réticents, une fois que ces deux "héros" auront réussi à accoucher Lucy, la jeune femme interprétée par Louise Platt. L’estime pour la prostituée que l’on lira à ce moment dans le regard de la "jeune mère", auparavant excessivement froide envers elle, est une marque de la sensibilité de John Ford : Lucy s’humanise au contact d’une réprouvée et ses préjugés moraux s’évanouissent petit à petit. Que de beauté aussi dans la tendresse amoureuse du joueur, interprété par un John Carradine longiligne et mystérieux, pour Lucy. Mais c’est évidemment de John Wayne dont on se souvient le plus. Il vole la vedette à la tête d’affiche, Claire Trevor, par sa simple et première apparition dans ce mouvement d’appareil inoubliable qui zoome sur lui en gros plan. Au final, cet homme, que nous aurons pris le temps d’apprécier à sa juste valeur, tuera ses ennemis avec l’aval du shérif qui avait fait le voyage dans le but de l’empêcher de commettre cet acte : in extremis, les sentiments du shérif l’emportent sur le droit et la loi. Donc, une tendresse et une sensibilité de tous les instants, la marque de John Ford, mais que l’on est en droit de préférer dans bon nombre de ses films suivants, moins secs, plus romantiques, plus riches et plus ambiguës aussi (La Prisonnière du désert).

 

Les archétypes du western traditionnel seront posés à cette occasion et deviendront des bornes incontournables pour le genre cinématographique américain par excellence. Il ne restera plus aux grands réalisateurs du western que de se les approprier et d’en faire avec leurs différentes personnalités respectives autant de chefs-d’œuvre du genre, car contrairement à des clichés bien ancrés dans les esprits, le western recèle bien plus de pépites qu’on ne le croit, aussi variées les unes que les autres. A signaler qu’un remake homonyme du film a été fait en 1966 par Gordon Douglas qui, sur la même trame, se permet de réaliser l’un de ses films les plus médiocres ; il s’agit de La Diligence vers l’Ouest. Comme quoi, un bon scénario ne suffit pas à faire un bon film. Enfin pour l’anecdote, Frank Nugent, le scénariste de ses plus grands chefs-d’œuvre, demandant à John Ford à propos de la poursuite pourquoi les Indiens ne se contentaient-ils pas d’abattre les chevaux de la diligence, le réalisateur répliqua : « En réalité, c’est probablement ce qui se serait passé mais s’ils l’avaient fait, le film se serait terminé à ce moment-là. »

joi, 11 iunie 2020

JOHN FORD: Cine l-a ucis pe Liberty Valance (1962

L'homme qui tua Liberty Valance

 
   
 
1962
Voir : Photogrammes
Genre : Western
(The man who shot Liberty Valance). Avec : James Stewart (Ransom Stoddard), John Wayne (Tom Doniphon), Vera Miles (Hallie Stoddard), Lee Marvin (Liberty Valence). 2h02.
 
 
1910. Ransom Stoddard et sa femme sont venus assister à l'enterrement de Tom Doniphon. Stoddard, devenu un homme politique éminent, raconte à un jeune journaliste sa jeunesse et son arrivée dans l'Ouest…
Sa diligence est arrêtée par des bandits conduits par un certain Liberty Valance. Révolté, Stoddard est fouetté et humilié par Valance, et jure de faire arrêter Valance. En ville, celui-ci agit en toute impunité, car le shérif n'ose pas intervenir.
Tom Doniphon se prend de sympathie pour Stoddard et lui enseigne la loi de l'Ouest, celle du plus fort. Stoddard reconnaît qu'un colt est un argument convaincant dans ce pays, mais parallèlement, étant avocat, il ne renonce pas à la voie légale. Il organise les habitants de la ville, les laissant voter contre les grands propriétaires de bétail, dont Valance est l'homme de main.
Doniphon propose que Stoddard soit le délégué des habitants, avec le rédacteur en chef du journal, Peabody. Ce dernier est fouetté à mort par Valance. Ulcéré, Stoddard provoque Valance en duel. Contre toute attente, c’est celui-ci qui est tué. Hallie, la fiancée de Tom, choisit finalement Ransom. Tom noie son chagrin dans l'alcool. Il révèle alors à Ransom qu'en fait c'est lui qui a tué Valance : il a tiré en même temps que Ransom !
Récoltant les lauriers de cet exploit, Ransom épousera Hallie et sera trois fois gouverneur de l'Etat avant de devenir sénateur. Doniphon restera dans l'ombre, seul et oublié.
Ransom et Hallie repartent non sans que cette dernière ne dépose un cactus en fleur sur le cercueil de Tom. Ransom déclare vouloir revenir terminer sa vie ici comme avocat. Hallie l'y encourage : "C'était sauvage autrefois aujourd'hui c'est un jardin. Tu n'en es pas fier ?". Mais Jason, le responsable du train, leur fait remarquer qu'il doivent cela à L'homme qui tua Liberty Valance.
 
Archétype du western, L'homme qui tua Liberty Valance est aussi une vision désenchantée et crépusculaire de l'Ouest américain. Le directeur du Shinborne Star fait remarquer au sénateur Stoddard que "Nous sommes dans l'Ouest ici. Quand la légende dépasse la réalité, on publie la légende". Il refuse ainsi, in fine, de publier son récit démystificateur. Mais l'on se méprend souvent sur l'attitude de Ford face à cette formule. John Ford, lui, montre la réalité.
Il montre comment se fabrique l'idéologie. Il approfondit ici cette mise en place des justifications imaginaires de la réalité de la fin du Massacre de Fort Apache, où le personnage incarné par John Wayne exalte les vertus de son prédécesseur, pourtant officier vaniteux et incompétent.
C'est sur un crime fondateur que se construit le nouvel ordre de la civilisation : la mort de Liberty Valance qui devient, par un paradoxe uniquement apparent, la légitimation politique de Ransom Stoddard.
Ford ne condamne pas la légende, il se contente d'élargir le champ. Ansi, une première version du duel s'en tient à un champ tronqué : Stoddard tirant sur Liberty Valance et celui-ci s'écroulant. La version réelle la complète en montrant la vraie mort du bandit et le coup de feu simultané de Doniphon. Ce procédé de mise en scène, l'image modifiée, est fréquent chez Ford (La prisonnière du désertLes deux cavaliers) et prend toujours chez lui une dimension symbolique qui vise à faire sentir la différence entre la situation de départ et celle d'arrivée.
En reprenant le train, Stoddard ne peut s'empêcher de penser à ce qui se serait passé si on avait su quel était le véritable héros responsable de la mort de Liberty Valance : Tom Doniphon aurait sans doute épousé Hallie et serait devenu une figure légendaire du Far-West, alors que lui serait demeuré un petit avocat de province.
Lorsque le sympathique vieux Jason Tully, responsable du train, lui dit que rien n'est trop bon pour "l'homme qui tua Liberty Valance", Stoddard et sa femme semblent écrasés par cette fatalité. Il ne peut même plus allumer sa pipe et le film se termine sur cette scène à la fois tragique, dérisoire et sublime, sur la vision d'un couple marqué par le destin et incapable d'y échapper.
Pour cette méditation sur le mythe et la réalité, l'histoire et la légende, le passage à l'époque moderne, Ford refuse la couleur et tourne entièrement en studio malgré la pression des producteurs. Elargissant le champ de l'espace physique à l'espace mental, il se dirige ainsi vers le minimalisme et le dépouillement qui seront la marque de ses dernières oeuvres dont la conclusion sera, trois ans plus tard, Frontière chinoise.
Jean-Luc Lacuve, le 15/05/2006.
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John Ford

(1895-1973)
79 films + 38 perdus
3
12
15
histoire du cinéma : L'image-action
L'importance de l'œuvre de John Ford a été brillamment analysée par Patrick Brion et Gilles Deleuze. L'un et l'autre relèvent chez John Ford des thématiques et des motifs visuels qui en font un cinéaste à la fois épique et romanesque.
Pour Patrick Brion, l'œuvre de John Ford est une œuvre immense, une œuvre de 150 films qui recouvre presque cinquante ans - de 1917 à 1966 - de production. Les premiers films de John Ford appartiennent à l'époque où les grands studios commencent à s'ériger, le dernier film d'action, Frontière chinoise est tourné au moment où ces studios hollywoodien ne sont plus artistiquement que l'ombre de ce qu'ils avaient été.
De tous les grands cinéastes, John Ford a été celui dont l'œuvre a subi le plus durement les destructions et l'incurie des grands studios. Il n'existe en effet plus que trois des cinquante premiers films réalisés par Ford. L'erreur serait certainement de se rassurer en n'y voyant que de mineures œuvres de jeunesse. Straight Shooting, son sixième film et le premier à avoir survécu, se révèle déjà un film surprenant par ses idées de mise en scène, déjà d'une grande beauté plastique et d'une facture très moderne.
Aujourd'hui cinquante-quatre films mis en scène par Ford ont totalement disparu et, en dépit des multiples recherches entreprises par les divers organismes de conservation, il est à craindre que ce nombre demeure définitif, nous privant ainsi d'un pan entier de l'œuvre de Ford, de plus d'un tiers de ses films.
L'œuvre de Ford peut schématiquement être divisée en cinq périodes d'inégale durée. La première va de 1917 à 1921 et comporte notamment quarante et un films tournés pour l'Universal. Durant plusieurs mois, John Ford a travaillé dans l'ombre de son frère Francis.
La seconde recouvre la carrière de John Ford de 1922 à 1931. Ford va passer sans le moindre problème du muet au parlant et les films qu'il tournera durant cette période le seront pour la Fox. A l'Universal, Ford n'avait pratiquement tourné que des westerns. A la Fox au contraire, Ford va aller d'un genre à l'autre.
A partir de 1931 et jusqu'à la guerre, Ford va tourner pour la quasi totalité des grandes compagnies hollywoodiennes de l'Universal à la Metro-Glodwyn-Mayer, de la RKO à la 20th Century Fox et à la Columbia. Il dirige dès lors les comédiens les plus connus, Wallace Berry, Ronald Colman, Edward G. Robinson, Katherine Hepburn, Henry Fonda, Claudette Colbert ainsi que les siens : Wayne et McLaglen. Le "cinéaste à tout faire" de la Fox des années 22-31 devient un réalisateur exigeant et volontiers intraitable, un homme que l'on respecte. Au lieu de se couvrir en filmant selon différents angles ou d'accumuler de multiples prises, Ford s'arrange au contraire pour effectuer le minimum de prises. Il sait dès lors que le film ne peut lui échapper au montage :
" Les producteurs, dit-il, ne connaissent rien à la fabrication des films. Et c'est pour ça que je tourne mes films de façon telle qu'ils ne puissent être montés que d'une façon. Ils entrent dans la salle de montage et disent ; " Bon, collons un gros plan ici. " Mais il n'y en a pas. Je n'en ai pas tourné. " (Positif n°64/65, rentrée 1964).
De tous les grands cinéastes, Ford est l'un de ceux dont le ratio de tournage (prises tournées par plan) est le plus bas : 2,5. Ce qui représente, lorsque l'on connaît les multiples problèmes inhérents à un tournage (problème de son, erreur d'acteur, etc.) un véritable exploit. Il avait d'ailleurs coutume de dire aux monteurs après avoir terminé le tournage de certains films "Ne travaillez surtout pas, vous abîmeriez mon œuvre" (Témoignage sur John Ford " de Robert Parrish, Présence du cinéma n°21, mars 1965)
La quatrième partie de l'œuvre de Ford est celle couvrant la seconde guerre mondiale. Certaines des missions secrètes accomplies par Ford le sont restées, ce qui est le propre des missions secrètes. Mais Ford s'est trouvé à Midway en juin 1942, à Bône et à Alger quelque mois plus tard, au Brésil, aux Indes et en chine en 1943, en Normandie en 1944, en Yougoslavie auprès des partisans qui luttaient contre les Allemands, à Ramagen avec l'armée de Patton en 1945. Il s'agit là de théâtres d'opérations militaires importantes et dangereuses -Ford y a d'ailleurs été blessé- réservées à ceux qui peuvent être utiles.
La cinquième et dernière partie de son œuvre se développe sur 21 ans : de 1945 à 1966. Ford y est immédiatement au sommet de son art. Ford revisite l'Ouest américain avec son cycle de la cavalerie (Le massacre de fort ApacheLa Charge héroïqueRio Grande) et porte un regard de plus en plus amer sur la conquête de l'Ouest et les guerres indiennes. Le manichéisme parfois propre aux westerns d'antan laisse place à La prisonnière du désert, admirable réflexion sur la violence, le racisme et la folie des guerres et aux Cheyennes qui rappelle la tragédie vécue par la nation indienne, trahie par le gouvernement américain, spoliée affamée et décimée. Plus que jamais Ford est sensible à la vieillesse, à la mort et à la survie.
Ford cinéaste épique
Gilles Deleuze détecte une structure cosmique ou épique dans la majeure partie des westerns de Ford. Le héros devient égal au milieu par l'intermédiaire de la communauté, il ne le modifie pas mais en rétablit l'ordre cyclique. Le héros en tant que représentant de la collectivité, devient capable d'une action qui l'égale au milieu, et en rétablit l'ordre accidentellement et périodiquement compromis : il faut les médiations de la communauté et du pays pour constituer un chef et rendre un individu capable d'une si grande action. Tel est le rôle chez Ford, de ces moments collectifs intenses (mariage, fête, danse et chanson), de la présence constante des paysages grandioses et de l'immanence du ciel. Le mouvement est réel chez Ford, mais, au lieu de se faire de partie à partie, ou bien par rapport à un tout dont il traduirait le changement, se fait dans un espace global dont il exprime la respiration. Le dehors englobe le dedans, tous deux communiquent, et l'on avance en passant de l'un à l'autre, dans les deux sens, suivant les images de La chevauchée fantastique où l'intérieur de la diligence alterne avec la diligence vue de l'extérieur.
On peut aller d'un point connu à un point inconnu, terre promise comme dans Wagonmaster : l'essentiel reste l'espace global les comprend tous deux et qui se dilate à mesure qu'on avance à grand peine, et se contacte quand on s'arrête et se repose. L'originalité de Ford, c'est que seul l'espace global donne la mesure du mouvement, ou le rythme organique. Aussi est-il le creuset des minorités, c'est à dire ce qui les réunit, ce qui en révèle les correspondances même quand elles ont l'air de s'opposer, ce qui en montre déjà la fusion pour la naissance d'une nation : tels les trois groupes de persécutés qui se rencontrent dans Wagonmaster, les mormons, les comédiens ambulants, les Indiens.

Ford cinéaste romanesque
Mais Gilles Deleuze note que dès le début, on a non seulement des westerns épiques mais des westerns tragiques et romanesques avec des cow-boys déjà nostalgiques, solitaires, vieillissants ou même perdants-nés, des indiens réhabilités. Même chez Ford, le héros ne se contente pas de rétablir l'ordre épisodiquement menacé. L'organisation du film, la représentation organique, n'est pas un cercle mais une spirale où la situation d'arrivée diffère de la situation de départ : SAS'. C'est une forme éthique, plutôt qu'épique. Dans L'homme qui tua Liberty Valance, le bandit est tué et l'ordre rétabli. Mais le cow-boy qui l'a tué laisse croire que c'est le futur sénateur, acceptant ainsi la transformation de la loi qui cesse d'être la loi tacite épique de l'Ouest pour devenir la loi écrite ou romanesque de la civilisation industrielle. De même dans Les deux cavaliers, où cette fois le shérif renonce à son poste et refuse l'évolution de la petite ville.
Gilles Deleuze conclut que dans les westerns épiques comme dans les westerns romanesques, ce qui compte pour Ford c'est que la communauté puisse se faire sur elle-même des illusions : "Je crois au rêve américain" disait Ford à Andrew Sinclair (p. 124). Ce serait la grande différence entre les milieux sains et les milieux pathogènes. Jack London montrait dans Le cabaret de la dernière chance que, finalement, la communauté alcoolique est sans illusion sur elle-même. Loin de faire rêver, "l'alcool refuse de laisser rêver le rêveur ". Il agit comme une raison pure qui nous convainc que la vie est une mascarade, la communauté une jungle, la vie un désespoir (d'où le ricanement de l'alcoolique). On pourrait en dire autant des communautés criminelles. Au contraire une communauté est saine tant que règne une sorte de consensus qui lui permet de se faire des illusions sur elle-même, sur ses motifs, sur ses convoitises, sur ses valeurs et ses idéaux : illusions vitales, illusions réalistes plus vraies que la réalité pure. C'est aussi le point de vue de Ford qui dès Le mouchard montrait la dégradation presque expressionniste d'un traître dénonciateur, en tant qu'il ne pouvait se refaire d'illusion. On ne pourra donc pas reprocher au rêve américain de n'être qu'un rêve : c'est ainsi qu'il se veut. La société change et ne cesse de changer mais les changements se font dans un espace global qui les couvre et les bénit d'une saine illusion comme continuité de la nation.

Les motifs visuels
Les thématiques épiques et romanesques de Ford s'incarnent dans des motifs qui lui sont propre. L'espace global, creuset de la nation américaine s'incarne neuf fois dans la Monument valley dans laquelle John Ford a réalisé totalement ou partiellement neuf westerns : La chevauché fantastique (1939), La charge fantastique (1946) Fort Apache (1948), La charge héroïque (1949), La prisonnière du désert (1956), Le sergent noir (1960) et Les Cheyennes (1964). Le convoi des braves et Rio Grande, tous deux de 1950, l'auraient été également. Toutefois les lieux que montrent ces films ne se retrouvent pas dans les sept autres.
Monument valley dans les films de John Ford
 
 
Fort Apache (1948)
 
 
 
La permanence de l'espace global s'incarne dans la transmission entre adultes et jeunes, dans le dialogue ininterrompu des vivants et des morts. On y retrouve le thème de la tombe de l'être aimé, point de passage entre les vivants et les morts et lieu de recueillement. Deux femmes (1933), Judge Priest (1934), Vers sa destinée (1939), La poursuite infernale (1946) et La charge héroïque (1949) développeront cette idée romantique si chère à Ford.
Le dialogue avec les morts
Deux femmes (1933)
 
 
 
On trouve aussi le motif de la porte ouverte entre l'espace intime intérieur et l'ouverture sur les grands espaces associée à l'opposition entre l'amour et la vie sociale d'une part et la liberté de l'homme d'autre part (Straight shootingLa prisonnière du désert). Ford révèle ainsi un sens aigu de la frontière entre vie intérieure, solitude et vie sociale, affrontement que l'on retrouve en mode mineur dans les couples.
Joseph Mc Bride note que Ford a reconnu que Frederic Remington, qui l'avait inspiré pour la première fois en 1918 dans Du sang dans la prairie, était l'influence visuelle principale de Fort Apache. Les très belles peintures de Remington, à la tonalité souvent tragique, ont même inspiré toute la trilogie de la cavalerie, comme les tableaux plus romantiques de Charles M. Russel. Les pittoresques paysages et scènes indiennes de Russel sont imités par Ford dans les magnifiques images d'Indiens en marche de La charge héroïque. Le peintre l'ouest Charles Schreyvogel, un rival de Remington, a aussi laissé sa marque sur le cinéaste. "Mon père gardait un exemplaire de reproductions de Schreyvogel à son chevet, raconte Tat Ford. Il l'étudiait pour imaginer les scènes d'action de ses films (p.607)". Winton C. Hoch remporta un oscar pour sa photographie couleur de La charge héroïque. A cette occasion, il annonça les deux instructions précises de Ford avant le début du tournage ; "Je veux des couleurs à la Remington " et "Je veux qu'un des chefs indiens porte une chemise rouge (p.622)"
Le sergent noir est inspiré d'un tableau de Frederic Remington représentant des soldats noirs de la cavalerie dans l'Ouest. Goldbeck apporta la reproduction du tableau à Bellah avec selon ce dernier "la pensée que personne jusque-là n'avait jamais songé à raconter l'histoire du soldat de couleur et sa contribution à la marche vers l'ouest de l'empire américain. (p.815)". C'est en 1888 que Frederic Remington fit ses premiers croquis de soldats noirs. "Ce sont des hommes charmants avec qui servir, nota le peintre au cours d'une visite en Arizona, alors que les guerres indiennes faisaient rage. On me demande souvent s'ils acceptent de se battre. La réponse est facile. Ils ont combattu très souvent…". Remarquant que l'apparence des soldats noirs démentait les clichés les représentant comme des brutes ou des bouffons, Remington écrivit : "On doit admirer, le physique des soldats noirs : torses robuste, larges épaules, ces hommes font belle figure " (p. 817)."
Patrick Brion note l'importance des digressions chez Ford, voir du mélange des genres, mais il est probale que celles-ci (mariage, fête, danse et chanson) sont les étapes, moments collectifs intenses, nécessaires à ce que Deleuze désigne par les médiations de la communauté et du pays pour constituer un chef et rendre un individu capable d'une grande action.
Gilles Deleuze repère dans deux des westerns romanesques de Ford "un procédé très intéressant, qui est l'image modifiée : une image est montrée deux fois, mais la seconde fois, modifiée ou complétée de manière à faire sentir la différence entre la situation de départ (S) et celle d'arrivée (S'). Dans Liberty Valance, la fin montre la vrai mort du bandit et le cow-boy qui tire, tandis qu'on avait vu précédemment l'image coupée à laquelle s'en tiendra la version officielle (c'est le futur sénateur qui a tué le bandit). Dans Les deux cavaliers, on nous montre la même silhouette de shérif dans la même attitude mais ce n'est plus le même shérif. Il est vrai que entre les deux S et S', il y a beaucoup d'ambiguïté et d'hypocrisie. Le héros de Liberty Valance tient à se laver du crime pour devenir un sénateur respectable, tandis que les journalistes tiennent à lui laisser sa légende, sans laquelle il ne serait rien. Et, comme l'a montré Roy (Pour John Ford, édition du cerf), Les deux cavaliers ont pour sujet la spirale de l'argent qui, dès le début, mine la communauté et en fera qu'agrandir son empire."
Ce motif de l'image modifiée était déjà présent, magnifiquement, dans La prisonnière du désert. D'une part avec l'image de Debbie, qu'Ethan élève au dessus de lui au début du film pour marquer la reconnaissance de sa filiation et à la fin lorsqu'il résout enfin la question du racisme et renonce à la tuer bien que "souillée" par sa vie avec un indien. L'autre image modifiée est celle de l'embrasure de la porte, signe d'espoir d'intégration au début, signe du retour à la vie solitaire à la fin.
Les passages du western épique au western romanesque, de l'affirmation au doute, du célibataire à l'homme marié s'incarnent aussi par le changement de l'acteur principal : des rôles de Henry Fonda (Young Mister LincolnLes raisins de la colèreLa poursuite infernale, et Le massacre de Fort Apache) à ceux de John Wayne à partir du Massacre de fort apache dans lequel ils s'affrontent jusqu'à She wore a yellow ribbonL'homme tranquilleLa prisonnière du désertLes cavaliersL'homme qui tua Liberty Valance.
Pour Patrick Brion, Ford est aussi le cinéaste de la tendresse, de la dignité humaine (confiance en la parole donnée) de la joie de vivre sans grande trace de nostalgie. Pour Serge Daney (John Ford, Cahiers du cinéma, 1990, p. 62), en revanche et assez curieusement :
"Ford serait humaniste par désespoir, comme Mizoguchi. Lorsqu'on a ajouté tout à rien et que la somme reste égal à rien, il ne reste qu'à jouir et à jouer du mince privilège du "pithécantropus erectus" : la station debout, la pose, la tenue. L'homme est ce qui persiste et qui signe, rien de plus. Plutôt le Sternberg dernière manière que Hawks, pourtant grand cinéaste et ami de toujours. Nous sommes loin, en effet de la coquetterie hawksienne d'un quant-à-soi si sobrement exhibé qu'il en devient tonitruant. Ford moins subtil, est plus raffiné."
BIBLIOGRAPHIE :
  • Patrick Brion : John Ford, Editions de la Martinière, 2002.
  • A la recherche de John Ford : Joseph McBride. Traduit de l'américain (Searching for John Ford, New York, 2001) par Jean-Pierre Coursodon. Editions Actes Sud et Institut Lumière. Novembre 2007. 1 160 pages au format 14,5 x 24. Prix : 30,00 €
 
  • John Ford, Cahiers du cinéma 1990, sous la direction de Patrice Rollet et Nicolas Saada.
  • Andrew Sinclair, John Ford
  • Jean Roy, Pour John Ford, édition du cerf
  • Jean Mitry, John Ford, éditions universitaires

FILMOGRAPHIE : 117 films, 23 courts-métrages, 10 participations.
Les informations ci-près proviennent du livre John Ford de Patrick Brion. Nous retenons comme longs-métrages les fims de 5 bobines au moins ou de plus de 4400 pieds (une bobine du muet mesure 1 000 pieds soit 305 mètres avec un temps de projection d'environ 12 minutes).
Films perdus : 39 long-métrages avec leur nombre de bobines (les courts métrages figurent en italique).
  • 1917 : The tornado (2), The trail of hate (2), The scrapper (2), The soul herder (3), Cheyenne's pal (2), The secret man (5), A marked man (5)
  • 1918 : The phantom riders (5), Wild women (5), Thieves' gold (5), The scarlet drop (5), A woman's fool (6), Three mounted men (6)
  • 1919 : The craving (5), Roped (6), Harry Carey tour promotionel film (2), The fighting brothers (2), A fight for love (6), The rustlers (2), Bare fits (6), Gun law (2), The gun packer (2), Riders of vengeance (6), The last outlaw (2), The outcasts of poker flat (6), The ace of the saddle (6), The rider of the law (5), A gun fightin'gentleman (5), Marked men (5).
  • 1920 : The prince of avenue A (5), The girl in number 29 (5), Hitchin'posts (5)
  • 1921 : The big punch (5) The Freeza out (5), The Wallop (5), Desesperate trails (4 577), Action (4 590), Sure fire (4 481), Jackie (4 943)
  • 1922 : Little mis smiles (4884), silver wings (8 271), Nero (12), The village blacksmith (7540), the face on the barroom floor (5 787), Three jumps ahead (4 584)
  • 1923 : Hoodman Blind (5 434). 1924 : Hearts of oak (5 336). 1925 : Thank you (6 900). 1928 : Napoleon's barber (2 980, premier film parlant de Ford). 1929 : Strong boy (1h07)
Participations : 1926 : What price Glory (Raoul Walsh). 1927 : L'heure suprême (Frank Borzage). 1933 : Hot pepper (John Blystone). 1938 : Les aventures de Marco Polo (Archie Mayo). 1943 : Victory in Burma (Irving Asher). 1949 : Pinky (Elia Kazan). 1953 : Hondo (John Farrow). 1960 : The Alamo (John Wayne). 1963 : Le grand McLintock (Andrew V. McLaglen). 1965 : Young Cassidy (Jack Cardiff)
Courts-métrages : 1919 : By indian post western avec Pete Morrison (Jode MacWilliams), Duke R. Lee (Pa Owens), Magda Lane (Peg Owens). (0h20). Une bobine sur deux retrouvée. 1941 : Sex Hygiene (0h30). 1942 : La bataille de Midway (0h18), Topedo squadron (0h08). 1943 : We sail at midnight (0h20). 1955 : The red, white and blue line (0h10), La révélation de l'année (0h29), Bamboo cross (0h29). 1957 : The Growler story (0h29). 1959 : Korea-Battleground for liberty (0h30). 1976 : Chesty : a tribute to a legend (0h28).
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