Se afișează postările cu eticheta BUNUEL. Afișați toate postările
Se afișează postările cu eticheta BUNUEL. Afișați toate postările

vineri, 18 septembrie 2020

Luis Bunuel 4

 

Luis Buñuel, Mon dernier soupir, Robert Laffont, 1982

Luis Buñuel, Mon dernier soupir, Robert Laffont, 1982

Luis Buñuel a été un cinéaste important. Il est aujourd’hui un peu oublié. Mon dernier soupir est un ouvrage de souvenirs, écrit avec l’aide de Jean-Claude Carrière, au soir de sa vie. Il décédera l’année suivante. Il était né au tout début du XXème siècle, en Espagne. Issu d’une famille bourgeoise et plutôt aisée, il se retrouve rapidement en porte à faux avec l’hypocrite société catholique et rigoriste de son temps. Il se liera d’amitié avec Federico Garcia Lorca, Dali, et quelques autres qui auront bouleversé la culture espagnole. Il décrit la société espagnole dans laquelle il a grandi comme encore engoncée dans un Moyen Âge qui n’en finissait pas. Par ses inclinaisons, il fut un révolté, plutôt anarchisant, sans être engagé nulle part, quoique pendant la Guerre d’Espagne il se rangea naturellement du côté des Républicains, ce qui lui valut un exil prolongé jusqu’en 1961. Assez peu intéressé par les choses de l’argent, plutôt orienté vers la poésie, il en vint naturellement à fréquenter les surréalistes. Il fut donc membre du groupe de Breton à Paris. Il ne s’en éloignera que trois ans plus tard. Cette fréquentation le marquera à jamais.  Il est un des rares cinéastes connus qui peut être qualifié de surréaliste. Il lui en restera tout au long de sa vie au moins deux choses : d’abord un athéisme militant, ensuite une sorte de passion pour les écrits de Sade. Un grand nombre de ses films sont marqués par l’athéisme et brocardent l’Eglise catholique, en long, en large et en travers. Je me demandais d’ailleurs si dans notre monde réactionnaire d’aujourd’hui il serait possible de faire des films par exemple ouvertement crachant sur l’Islam. La réponse est non. L’équivalent des films de Buñuel sur l’Islam entrainerait certainement des procès et des bombes dans les salles qui oseraient les projeter. 

Luis Buñuel, Mon dernier soupir, Robert Laffont, 1982 

La Cène représentée dans Viridiana scandalisa l’Eglise catholique 

Ayant grandi dans un pays où l’extrême pauvreté côtoyait l’extrême richesse, Buñuel était très marqué par l’absurdité de tels rapports de classes et le grotesque qui allait forcément avec. S’il détestait autant l’Eglise ce n’était pas seulement pour les absurdes croyances qu’elle mettait en scène, mais aussi parce qu’elle était en Espagne ouvertement le soutien de la réaction et des grands propriétaires. Même s’il n’approuve pas les meurtres de prêtres que les anarchistes commirent au moment de la Guerre d’Espagne, il les comprend. 

Luis Buñuel, Mon dernier soupir, Robert Laffont, 1982 

La voie lactée 

La filmographie de Buñuel ne se réduit sûrement pas à cette opposition farouche. Elle porte aussi sur le rêve, les fantasme, l’érotisme et la mort. Autodidacte consommé, il apprit un peu de technique à Paris. Dès ces débuts, dans ces deux courts métrages, Le chien andalou et L’âge d’or, il brisera les structures traditionnelles de la narration. Ces coups d’éclat ne seront cependant que des feux de paille. Après un détour chaotique par Hollywood, il fera d’abord carrière au Mexique, pays dont il prendra la nationalité et où il s’établira définitivement. Bien que cette période soit moins homogène que la suivante, avec des hauts et des bas, c’est peut-être là qu’elle est le plus originale. Elle se marie d’ailleurs plutôt bien avec le fait que le Mexique après la Seconde Guerre mondiale développait une cinématographie propre, avec de très beaux films, le plus souvent fauchés d’ailleurs. Cette période fut couronnée d’un Prix de la mise en scène au Festival de Cannes en 1951 – c’était du temps où le Festival de Cannes ressemblait un peu à quelque chose – pour Los Olvidados, puis d’une Palme d’or pour Viridiana en 1961. Cette reconnaissance internationale lui permit d’accéder à des budgets plus huppés. Il revint donc tourner en France, Le journal d’une femme de chambre, d’après Octave Mirbeau en 1964 et avec Jeanne Moreau.

Luis Buñuel, Mon dernier soupir, Robert Laffont, 1982 

Los Olvidados 

Le reste de sa carrière est plus connu, mais pour ma part je le trouve un peu trop sage, moins percutant que ce qu’il pouvait faire au Mexique par exemple avec des films plutôt étranges comme Subito al cielo en 1952. Il tournera deux films avec Catherine Deneuve, Belle de jour et Tristana, sans doute ce que cette actrice aura fait de mieux. Le premier film est assez convenu, l’histoire d’une femme qui s’ennuie et se prostitue pour réaliser un certain nombre de ses fantasmes. Buñuel ne l’aimait pas trop. Le second est plus étrange avec une histoire d’amputation et de jambe articulée, un retour à cette vieille idée d’un handicap physique irrémédiable autant que paradoxal où se mêle la culpabilité et la honte. Le charme discret de la bourgeoisie ne m’a pas laissé un souvenir impérissable, comme La voie Lactée. Mais quand on voit le cinéma d’aujourd’hui complètement engoncé dans des formalismes d’un autre âge, Buñuel apparait comme un très grand cinéaste. Comme je l’ai dit ce n’était pas un très grand technicien, il ajustait ses capacités créatrices à l’importance de son sujet. C’est un peu l’inverse d’Hitchcock si on veut : ce dernier n’a jamais eu grand-chose à dire, mais il usait de nombreux artifices techniques qu’il maitrisait – encore que ses ignobles transparences ou l’usage de la couleur verte pour les rêves nous font douter parfois de cette maîtrise – pour masquer le vide de ses films. Il n’existe plus guère de cinéastes de cette trempe, ou peut-être ne veut-on plus produire ce genre de films dont l’œuvre est reconnaissable directement à la fois par une thématique personnelle et une façon de filmer originale. Dans les années 50 et 60, des cinéastes comme Fellini, Bergman, Orson Welles et bien sûr Buñuel avaient suffisamment de succès pour qu’ils deviennent des sortes d’étalon du cinéma mondial.

Luis Buñuel, Mon dernier soupir, Robert Laffont, 1982 

Tristana 

L’ouvrage de Buñuel retrace évidemment un engagement de cinéaste et d’homme de son temps. Cela suffit à en faire l’intérêt, mais au détour des pages on y trouve aussi beaucoup d’humour, ne ménageant guère les personnes qu’il a pu connaitre et donc n’hésitant pas à nous faire part, sans trop d’ostentation cependant, de ses détestations. Il est plutôt caustique avec Dali, ce clown d’Avida Dollars[1], assez peu indulgent avec l’œuvre de Federico Garcia Lorca, et très critique avec Chaplin.  On pourra trouver ses réflexions sur la Guerre d’Espagne assez peu approfondies, s’il fustige les anarchistes et le POUM pour leur désorganisation, il ne tient pas compte du coup d’Etat stalinien du 3 mai 1937 qui envoyèrent les sections d’assaut contre les anarchistes et le POUM, alors que les troupes franquistes avançaient déjà à vive allure

Extraits 

« Impossible de boire sans fumer. Pour ma part je me suis mis à fumer vers l’âge de seize ans et je n’ai jamais arrêté. Il est vrai que je n’ai fumé que rarement plus de vingt cigarettes par jour. […] Le tabac, qui se marie admirablement avec l’alcool (si l’alcool est la reine, le tabac est le roi) est un chaleureux compagnon de tous les événements d’une vie. C’est le grand copain des bons et des mauvais jours. On allume une cigarette pour fêter une joie ou pour cacher une amertume. Quand on est seul ou quand on est ensemble. […] Aussi me permettrai-je, respectables lecteurs, pour en terminer avec ces considérations sur l’alcool et le tabac, pères des amitiés puissantes comme des rêveries fécondes, de vous donner un double conseil : ne fumez pas et ne buvez pas. C’est dangereux pour la santé. »

 

On me dit : et la science ? Ne cherche-t-elle pas, par d’autres voies, à réduire le mystère qui nous entoure ?

Peut-être, mais la science ne m’intéresse pas. Elle me semble prétentieuse, analytique et superficielle. Elle ignore le rêve, le hasard, le rire, le sentiment et la contradiction, toutes choses qui me sont précieuses. Un personnage de La voie lactée disait : « Ma haine de la science et mon mépris de la technologie m’amèneront, finalement, à cette absurde croyance en Dieu. » Il n’en est rien. En ce qui me concerne c’est même tout à fait impossible. J’ai choisi ma place, elle est dans le mystère. Il me reste à le respecter. »

 

« Une chose est désormais certaine : la science est l’ennemie de l’homme. Elle flatte en nous l’instinct de toute-puissance qui conduit à notre destruction. D’ailleurs une récente enquête le prouvait : sur sept cent mille scientifiques « hautement qualifiés » travaillant à l’heure actuelle dans le monde, cinq cent vingt mille s’efforcent d’améliorer les moyens de mort, de détruire l’humanité. Cent quatre-vingt mille seulement recherche les méthodes de notre sauvegarde. »



[1] C’est l’anagramme de Salvador Dali, surnom donné pour le moquer par André Breton.

=============================================================================

382 photos et images de Luis Bunuel - Getty Images

https://www.gettyimages.fr/photos/luis-bunuel?family=editorial&phrase=luis%20bunuel&sort=best

BUNUEL 3 / BIO + FILMOGRAFIE

 



                          LUIS   Buñuel                             Luis Buñuel  si SALVADOR DALI


https://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Luis_Bu%C3%B1uel/99034

Luis Buñuel

Cinéaste espagnol naturalisé mexicain (Calanda, Aragon, 1900-Mexico 1983).

LES PREMIÈRES EXPÉRIENCES

Inscrit au collège des Jésuites de Saragosse, puis étudiant à l'université de Madrid, Luis Buñuel est un élève éclectique et brillant, qui s'intéresse à la fois aux sciences et aux lettres – il est très attiré par la musique, l'histoire des religions et l'entomologie –, et un sportif – il tâte de la boxe. C'est aussi déjà un passionné de cinéma : en 1920, il fonde le premier ciné-club espagnol. Il se lie d'amitié avec Federico García Lorca, R. Gómez de la Serna, Rafael Alberti, J. Ortega y Gasset et Jorge Guillén, et suit de très près les divers mouvements européens d'avant-garde.

LA RENCONTRE AVEC LE GROUPE SURRÉALISTE

En 1925, il vient à Paris, écrit des articles, fréquente le groupe surréaliste, devient l'assistant de Jean Epstein et met au point avec le peintre Salvador Dalí le scénario d'un film qui va faire l'effet d'une bombe. Un chien andalou (1928) obtient, en effet, un grand succès de scandale, ce qui n'est apparemment pas du goût de son auteur, qui déclare être victime d'un malentendu : « Que puis-je contre les fervents de toute nouveauté, même si cette nouveauté outrage leurs convictions les plus profondes, contre une presse vendue ou insincère, contre cette foule imbécile qui a trouvé beau et poétique ce qui au fond n'est qu'un désespéré, un passionné appel au meurtre. » Le film est une totale provocation : il se veut surréaliste et fait appel successivement à l'inconscient, au hasard, à la gratuité, à l'absurde, à la métaphore poétique, à la correspondance psychanalytique. Mais le succès du film n'est pas le fait du seul snobisme. D'autres jeunes gens n'hésitent pas à clamer leur enthousiasme. Ainsi Jean Vigo, qui déclare : « Un chien andalou est une œuvre capitale à tous les points de vue : sûreté de la mise en scène, habileté des éclairages, science parfaite des associations visuelles et idéologiques, logique solide du rêve, admirable confrontation du subconscient et du rationnel. » L'Âge d'or, réalisé en 1930 grâce au mécénat du vicomte de Noailles, fait tout pareillement scandale. Mais là certains spectateurs furieux ne se contentent pas de siffler : le Studio 28, qui présente le film, est saccagé par des commandos fascistes et antisémites. Le film est interdit, ce qui ne saurait, bien au contraire, refréner les éloges d'André Breton : « Voilà une œuvre qui demeure à ce jour la seule entreprise d'exaltation de l'amour total tel que je l'envisage. »

L'ÉCLIPSE AMÉRICAINE

En 1931, la république est proclamée en Espagne. Buñuel rentre dans son pays et réalise Las Hurdes (Terre sans pain), un « essai cinématographique de géographie humaine sur une région stérile et inhospitalière, où l'homme est obligé de lutter heure par heure pour sa subsistance ». Ce document, conçu comme un reportage et une enquête, est en fait un violent cri de révolte contre les effroyables conditions d'existence de certaines populations socialement « rejetées ». Après ce vigoureux pamphlet, on était en droit d'attendre d'autres œuvres de contestation de la part de quelqu'un qui avait fait une entrée si fracassante dans le monde du cinéma, mais Buñuel va décevoir ses plus fidèles partisans. Pendant une vingtaine d'années, son destin prendra une curieuse tournure. Buñuel effectuera à Paris des travaux de doublage pour la firme Paramount, retournera en Espagne superviser des coproductions pour la Warner Bros, deviendra producteur de films, partira pour les États-Unis, puis pour le Mexique, où on lui fait réaliser des comédies légères et des drames à succès. Il avouera plus tard lui-même : « Évidemment, j'ai dû faire de mauvais films, mais toujours moralement dignes. »

En Europe, beaucoup ont appris à oublier l'enfant prodige quand, en 1950, sort sur les écrans un film mexicain intitulé Los olvidados. Celui-ci est signé Luis Buñuel. La critique internationale, en soulignant les mérites du film, insiste sur la résurgence d'anciens thèmes bunuéliens, comme l'onirisme et la cruauté, et prédit une nouvelle carrière éclatante à un réalisateur qui semble retrouver un rythme régulier de production. Tous les films qui suivent Los olvidados ne sont pourtant pas des chefs-d'œuvre, mais, dans la Montée au ciel (1951), Robinson Crusoé (1952), El (1953), la Vie criminelle d'Archibald de la Cruz (1955) ou la Mort en ce jardin (1956), on retrouve des éléments intéressants qui permettent de compter Buñuel parmi les metteurs en scène les plus importants des années 1950.

EN LUTTE CONTRE LES TABOUS DE LA SOCIÉTÉ BOURGEOISE ET DE LA MORALE TRADITIONNELLE

Trois films, Nazarin (1958), Viridiana (1961) et l'Ange exterminateur (1962), vont combler les espérances des « bunuéliens » et détruire les dernières réticences de ceux que le souvenir de l'Âge d'or obsédait trop pour pouvoir apprécier objectivement un cinéaste parfois curieusement assez peu inspiré (notamment pour Cela s'appelle l'aurore [1956], tourné en France, et pour La fièvre monte à El Pao [1959], qui fut le dernier film de Gérard Philipe).

Nazarin, âprement discuté, fait rebondir la querelle d'un Buñuel chrétien ou athée. Viridiana, tourné en Espagne, obtient la palme d'or au festival de Cannes de 1961 et suscite certains remous dans le pays natal de l'auteur, où la censure l'interdit bientôt, ce qui oblige Buñuel à revenir au Mexique pour entreprendre l'Ange exterminateur.

On retrouve dans ces trois films le style bunuélien dans ses paroxysmes les plus séduisants. Usant de la palette mordante d'un Goya, Buñuel ne cesse d'attaquer une société bourgeoise, toujours étudiée et critiquée dans ses rapports proches ou lointains avec le christianisme. Il est satirique avec humour, un humour toujours noir, n'hésite pas à pousser la cruauté jusqu'aux approches du sadisme, crée un monde de malaise et d'étrangeté par l'emploi obsessionnel d'objets fétiches, attaque avec une joyeuse férocité le conformisme social et l'aliénation religieuse.

Après avoir tourné en France le Journal d'une femme de chambre (1964) [d'après Octave Mirbeau et avec Jeanne Moreau dans le rôle principal] et Belle de jour (1967) [d'après Joseph Kessel], qui remporte le grand prix du Festival de Venise, Buñuel annonce qu'il abandonne le cinéma. Mais, revenant sur sa décision, il réalise en 1968 la Voie lactée, en 1969 Tristana (d'après Benito Pérez Galdós), en 1972, Le Charme discret de la Bourgeoisie, en 1974 Le Fantôme de la liberté et en 1977 Cet obscur objet du désir. Sollicité, célébré (un Oscar en 1972), il n'en reste pas moins insaisissable, déroutant, irréductible, un esprit libre, unique qui n'a jamais renié ses convictions les plus profondes : « Je suis contre la morale conventionnelle, les fantasmes traditionnels, le sentimentalisme, toute la saleté morale de la société. La morale bourgeoise est pour moi l'antimorale, parce que fondée sur de très injustes institutions, la religion, la patrie, la famille et autres piliers de la société », ni sa foi à l'égard du cinéma : « Il suffirait que la paupière blanche de l'écran puisse refléter la lumière qui lui est propre pour faire sauter l'univers. Mais, pour le moment, nous pouvons dormir tranquilles, car la lumière cinématographique est sûrement dosée et enchaînée. Le cinéma est une arme magnifique et dangereuse si c'est un esprit libre qui le manie. » Et lorsqu'il avoue par boutade : « Je suis toujours athée, grâce à Dieu », ne cherche-t-il pas à déguiser ce qui peut apparaître comme l'une des clefs de son œuvre ?

==================================================================================


BUÑUEL (Luis)

cinéaste mexicain d'origine espagnole (Calanda, Aragon, Espagne, 1900 - Mexico 1983).

Il étudie chez les jésuites, à Saragosse. À Madrid, il se lie à Gómez de la Serna, Federico García Lorca et la génération de 1927. Comme eux, il écrit des poèmes ; il anime en outre la rubrique cinématographique de la Gaceta Literaria (1927) et le premier ciné-club espagnol. À Paris, entre-temps, il est l'assistant d'Epstein. Un chien andalou, écrit en collaboration avec Dalí, facilite son ralliement au mouvement surréaliste. « Le surréalisme m'a révélé que, dans la vie, il y a un sens moral que l'homme ne peut pas se dispenser de prendre, dira-t-il. Par lui, j'ai découvert que l'homme n'était pas libre. » L'Âge d'or (1930) suscite des attaques de la droite et est finalement interdit. Les surréalistes publient un manifeste pour sa défense : « Buñuel a formulé une hypothèse sur la révolution et l'amour qui touche au plus profond de la nature humaine... » Revenu en Espagne, il tourne Terre sans pain, documentaire sur las Hurdes, région déshéritée où la détresse atteint les limites de la bestialité ; le gouvernement républicain l'interdit. Il devient l'homme clé de Filmofono, entreprise madrilène qui veut produire des films populaires et d'une certaine tenue ; à ce titre, il travaille comme producteur exécutif sur quatre longs métrages à la veille de la guerre civile, puis se met à la disposition des autorités républicaines et monte le film de propagande Espagne 1937. La fin du conflit le surprend aux États-Unis, où il travaille au musée d'Art moderne de New York. Il finit par s'installer au Mexique, où il tourne régulièrement de 1946 à 1965, apportant quelques touches personnelles dans la production commerciale de ce pays. Los olvidados(1950), primé à Cannes, rappelle son talent à la critique, mais ne lui assure pas tout de suite une marge d'autonomie plus grande. Il contrôle davantage ses sujets et se permet progressivement plus de liberté dans la mise en scène. La Vie criminelle d'Archibald de la Cruz ouvre la voie aux premières coproductions françaises (Cela s'appelle l'aurore, la Mort en ce jardin, La fièvre monte à El Pao) ; il y aborde des thèmes politiques avec plus de moyens, mais aussi avec plus de lourdeurs et de schématisme. Les coproductions avec les États-Unis (Robinson Crusoé, la Jeune Fille)s'avèrent plus proches de son univers. Nazarin, la meilleure réussite avec El de cette première phase mexicaine, annonce Viridiana, 1961, tourné en Espagne, qui lui vaudra la Palme d'or à Cannes et un nouveau scandale, car le Vatican crie au sacrilège. À plus de soixante ans, Buñuel atteint enfin à l'indépendance nécessaire à l'épanouissement d'une maturité jusqu'alors soumise aux contraintes économiques et artistiques du cinéma.

Un chien andalou et l'Âge d'or préfigurent la matière et le style des grands films ultérieurs. Le premier associe des images oniriques et exalte le désir érotique. Le second dénonce les obstacles rencontrés dans la société bourgeoise et issus de la morale chrétienne. Le réquisitoire s'accompagne d'une subversion des valeurs établies et d'un hommage alors blasphématoire à Sade. Un chien andalou s'écarte du formalisme à la mode au sein de l'avant-garde française. Buñuel ne cultive point l'expérimentation tournant à vide, les effets optiques ou les trucages. Il prétend recréer une réalité poétique, déchirer les voiles de la perception, secouer le spectateur, l'inviter à « voir d'un autre œil que de coutume » (Vigo). L'Âge d'or ne se complaît pas dans l'ambiguïté. Il porte toute la charge libertaire du surréalisme « au service de la révolution ». À l'aube du parlant, il innove par la dissociation du son et de l'image, le dialogue en voix off, l'utilisation de la musique (classique et paso doble). Avec Brahms en contrepoint, le constat détaché de Terre sans pain est d'une férocité à peine retenue. Les bons sentiments ne sont pas de mise et cela fait toute la différence entre Los olvidados et le néoréalisme contemporain. À la pitié et à l'humanisme, Buñuel préfère la lucidité et la révolte. Le père Lizzardi (la Mort en ce jardin), Nazarin et Viridianamontrent que la charité (vertu cardinale du christianisme) est non seulement un palliatif inefficace, mais aussi un instrument de soumission. En politique également, l'humaniste (Cela s'appelle l'aurore), le réformiste (La fièvre monte à El Pao), pourtant sympathiques, aboutissent à l'échec. De l'anticléricalisme (le Grand Noceur, Don Quintin l'amer par ex.), Buñuel passe à une critique des fondements de la civilisation chrétienne ; son rejet du dogme devient attitude philosophique, refus des simplifications, des vérités figées, des oppositions tranchées (la Voie lactée). Le réalisme ne suffit pas, et l'imaginaire aussi fait partie de la réalité. « Le cinéma est la meilleure arme pour exprimer le monde des songes, des émotions, de l'instinct », dit-il. Pendant des années, cette part nocturne de l'humanité ne passe qu'à petites doses dans ses films mexicains, au détour de scènes oniriques ou de rêveries éveillées (Los olvidados, la Montée au ciel). Le désir, refoulé ou assumé, imprègne cependant un nombre croissant de ses personnages (Susana, El bruto, El, les Hauts de Hurlevent, la Vie criminelle d'Archibald de la Cruz, la Jeune Fille).

Après l'Ange exterminateur et Belle de jour, rêve et réalité redeviennent les vases communicants chers à André Breton. Buñuel brouille les cartes, dilue les règles du récit logique, cartésien ; il abandonne la psychologie, la sociologie et autres béquilles de la vraisemblance romanesque, télescope les coordonnées de temps et d'espace, trace des fausses pistes, s'amuse sur des chemins de traverse, oblige enfin le public à entreprendre une réarticulation et interprétation des images, un peu à la manière des romans-maquette-à-monter de Cortázar. Il recourt à des œuvres littéraires, notamment de Pérez Galdós (Nazarin et Tristana),Mirbeau (le Journal d'une femme de chambre), Kessel (Belle de jour), Lou["]ys (Cet obscur objet du désir). Ses adaptations impliquent des remaniements profonds, touchant la structure du récit et les personnages, des transpositions d'époque et de pays. La caméra est souvent en mouvement, mais lentement, sans fioritures, de manière imperceptible, fonctionnelle, limitant par ses recadrages les coupes à l'intérieur des séquences. Ce dépouillement, parfois confondu avec un certain classicisme, s'appuie sur des scénarios fortement charpentés. Buñuel délaisse la progression dramatique et accumule les épisodes, soit en suivant un déplacement temporel et spatial (le voyage, typique du roman picaresque), soit en empruntant une structure plus complexe, dans ses derniers films. De l'Âge d'or au Fantôme de la liberté, il prise les enchaînements au travers d'associations d'images ou d'idées. Ce dernier film pousse à l'extrême l'éclatement des règles narratives ; il frustre volontairement l'attente du spectateur et l'encourage à rompre avec ses habitudes de regard et de compréhension. Le cinéaste aime la symétrie et les structures dualistes dans ses scénarios, pour mieux nier les schémas dualistes de pensée (le bien et le mal se confondent trop dans la vie). Pour ce travail soigné d'écriture, il trouve trois collaborateurs réguliers : Luis Alcoriza (dix films, du Grand Noceur à l'Ange exterminateur, en passant par Los olvidados), Julio Alejandro (les Hauts de Hurlevent, Nazarin, Viridiana, Simon du désert, Tristana) et Jean-Claude Carrière (pour les six films tournés en France, du Journal d'une femme de chambre à Cet obscur objet du désir). L'étrange humanité des films de Buñuel rappelle le Goya des peintures noires et des Caprices. Ces monstres « engendrés par le sommeil de la raison » possèdent une vitalité animale qui fait défaut aux beaux protagonistes dont le réalisateur critique les normes (Nazarin, Viridiana). Marginalisés et rejetés par la société, leur conduite échappe à la dichotomie innocence-perversion, comme chez les enfants pour qui le péché n'existe pas encore. L'abondant bestiaire rassemblé par ce passionné d'entomologie témoigne de la part d'instincts étouffée par les conventions sociales. Admirateur du burlesque américain, Buñuel ne se départit jamais de l'humour. Cela lui permet d'éviter l'esprit de démonstration du film à thèse, tout en abordant les sujets les plus sérieux : le racisme et le colonialisme (Robinson Crusoé, la Jeune Fille) ; les filigranes de la religion (Simon du désert, la Voie lactée) ;la conception patriarcale et possessive de l'amour bourgeois (Tristana, Cet obscur objet du désir) et son corollaire, la dépendance féminine (le Journal d'une femme de chambre, Belle de jour, Tristana) ; le comportement d'une classe sociale, dont le rituel (les repas, l'adultère) sont traqués de l'Âge d'or au Charme discret de la bourgeoisie, en passant par l'Ange exterminateur. On peut déceler dans ses films toute une série de jeux et procédés surréalistes : les objets détournés de leur fonction originelle, les « objets symboliques à fonctionnement multiple », le collage (visuel et/ou sonore), les récits à tiroirs, la parodie, les répétitions, l'accumulation selon le hasard objectif. Au côté rhétorique de la métaphore, Buñuel préfère le pouvoir poétique de l'image surréaliste (passible d'interprétation psychanalytique en tant que symbole inconscient, mais assez éloignée du symbolisme académique). Les éléments personnels, sublimés et transformés, sont nombreux, que ce soit à propos de l'érotisme, de la vieillesse, des inquiétudes politiques et artistiques de l'auteur. Le mystère étant pour lui « l'élément essentiel de toute œuvre d'art », il voudrait apporter au spectateur le doute sur la pérennité de l'ordre existant, selon le mot d'Engels qu'il a repris à son compte. Tout comme jadis il a dynamité le mélodrame de l'intérieur, par l'ironie et la surenchère (Don Quintin l'amer), il cultive les finales en pirouette, démolissant ce qui a précédé (Belle de jour, la Voie lactée) ou faisant rebondir l'action (l'Ange exterminateur). La franchise avec laquelle est abordé l'érotisme, depuis ses manifestations enfantines jusqu'au voyeurisme, à l'onanisme, au fétichisme, au travestissement, n'exclut pas la pudeur et le recours à la suggestion, voire à la gravité, car il est conscient du lien conflictuel entre Éros et Thanatos (la Vie criminelle d'Archibald de la Cruz, l'Ange exterminateur, Belle de jour). Sollicité, célébré (un Oscar en 1972), il n'en reste pas moins insaisissable, déroutant, irréductible : un esprit libre, unique.

Films  :

Un chien andalou (1928) ; l'Âge d'or (1930) ; Terre sans pain (Las Hurdes / Tierra sin pan, DOC, 1932) ; Gran Casino (1946) ; le Grand Noceur (El gran calavera,1949) ; Los olvidados (id., 1950) ; Susana la perverse(Susana, demonio y carne, id.) ; Don Quintin l'amer (La hija del engaño / Don Quintin el amargao, 1951) ; Pierre et Jean (Cuando los hijos nos juzgan / Una mujer sin amor, id.) ; la Montée au ciel (Subida al cielo, id.) ; l'Enjôleuse (El bruto, 1952) ; Robinson Crusoé (id., id.) ; Tourments (El, 1953) ; les Hauts de Hurlevent (Abismos de pasión/Cumbres borrascosas, id.) ; On a volé un tram(La ilusión viaja en tranvía, id.) ; le Rio de la Mort (El río y la muerte, 1954) ; la Vie criminelle d'Archibald de la Cruz (Ensayo de un crimen, 1955) ; Cela s'appelle l'aurore (1956 ; FR/ITAL) ; la Mort en ce jardin (id. ; FR/MEX) ; Nazarin (id., 1958 ; MEX) ; La fièvre monte à El Pao (1960 ; FR/MEX) ; la Jeune Fille (The Young One, id. ; MEX) ; Viridiana (id., 1961 ; ESP/MEX) ; l'Ange exterminateur (El ángel exterminador, 1962 ; MEX) ; le Journal d'une femme de chambre (1964 ; FR/ITAL) ; Simon du désert (Simón del desierto, 1965 ; MEX) ; Belle de jour (1967 ; FR/ITAL) ; la Voie lactée (1969 ; FR/ITAL) ; Tristana (id., 1970 ; FR/ITAL/ESP) ; le Charme discret de la bourgeoisie (1972 ; FR) ; le Fantôme de la liberté (1974 ; FR) ; Cet obscur objet du désir (1977 ; FR).

Juan Luis Buñuel s’efface à l’âge de 83 ans (1934-2017)

Posté par vincy, le 12 décembre 2017

Dans l'indifférence générale, le réalisateur et scénariste français Juan Luis Buñuel est mort le 6 décembre dernier, le même jour que Johnny Hallyday. Son décès a été annoncé dans la presse espagnole le 8 décembre. Né le 9 novembre 1934, le fils de Luis Buñuel et père de Diego Buñuel venait de fêter ses 83 ans.

Photographe, sculpteur, peintre, scénariste, réalisateur, documentariste et même acteur (Henry et June, L'aventure c'est l'aventure), ce touche-à-tout qui avait vécu en France, aux États-Unis et au Mexique a commencé en étant l'assistant réalisateur de son père en 1960 pour La jeune fille. Avec lui, il a travaillé sur Viridiana, Le journal d'une femme de chambre et Cet obscur objet du désir. Il assista aussi Louis Malle (Viva Maria!, Le voleur), Henri Verneuil et Luigi Comencini.

A partir de 1966 il réalise quelques courts documentaires avant de se lancer dans une fiction longue, Au rendez-vous de la mort joyeuse, récompensé à Sitges, avec Françoise Fabian. Il signe ensuite La femme aux bottes rouges en 1974, avec Catherine Deneuve et Fernando Rey, Léonor en 1975 avec Michel Piccoli, Ornella Muti et Liv Ullmann, et La rebelión de los colgados 1986.

Très vite, il se tourne vers la télévision pour des téléfilms ou des séries. Il prend sa retraite il y a 20 ans.

Les reprises de l’été: Belle de jour de Luis Bunuel

Posté par vincy, le 2 août 2017

Ce qu'il faut savoir: Restauré en 4K, Belle de jour, chef d'œuvre atemporel de Luis Bunuel a eu les honneurs de Cannes Classics cette année pour célébrer son cinquantième anniversaire. A sa sortie, le film avait été sacré par un Lion d'or à Venise (en plus du prix Pasinetti) et Catherine Deneuve avait obtenu une nomination comme meilleure actrice aux BAFTAS. C'est en fait avec le temps que Belle de jour est devenu culte. Même si le film a été un gros succès en France (2,2 millions de spectateurs en 1967, soit davantage que Les demoiselles de Rochefort sorti la même année), sa réputation a surclassé de nombreux films du cinéaste. Lors de sa re-sortie aux Etats-Unis en 1995, parrainé par Martin Scorsese, le film avait rapporté près de 5M$ au box office nord américain, soit l'un des plus gros scores des années 90 pour une re-sortie (et de loin la plus importante recette cette année-là puisque La horde sauvage, 2e des re-sorties n'avait récolté que 700000$). William Friedkin considère que c'est l'un des plus grands films du cinéma. Carlotta films et StudioCanal vous proposent de le (re)voir en salles dès le 2 août.

Le pitch: La belle Séverine est l’épouse très réservée du brillant chirurgien Pierre Serizy. Sous ses airs très prudes, la jeune femme est en proie à des fantasmes masochistes qu’elle ne parvient pas à assouvir avec son mari. Lorsque Henri Husson, une connaissance du couple, mentionne le nom d’une maison de rendez-vous, Séverine s’y rend, poussée par la curiosité. Elle devient la troisième pensionnaire de Mme Anaïs, présente tous les jours de la semaine de quatorze à dix-sept heures, ce qui lui vaut le surnom de « Belle de jour »…

Pourquoi il faut le voir? Pour Bunuel. Pour Deneuve. Pour tous les comédiens. Pour cette formidable interprétation visuelle et érotique du fantasme et de l'inconscient. On ne sait par où commencer. Il y a tellement de bonnes raisons de voir Belle de jour. Aujourd'hui encore, iil reste un modèle dans le registre de la fantasmagorie. Si le film atteint un tel équilibre entre le sujet, la mise en scène et l'interprétation (au point que Belle de jour et Catherine Deneuve fusionneront en un même symbole iconique), c'est sans doute parce qu'il s'affranchit de toutes les audaces, tout en étant formellement inventif et relativement pudique. Malgré sa perversité, c'est la poésie que l'on retient, cet onirisme si souvent plagié par la suite. Malgré l'aspect délirant du récit, c'est une succession d'abandons et de fêlures qui retiennent l'attention. Il y a une liberté absolue : celle à l'écran et celle qu'on laisse au spectateur.

"Son héroïne est à la fois maître de son destin, et maîtresse soumise aux vices des autres. Il n'y a rien de manichéen, car il ne fait que démontrer l'inexplicabilité de la sexualité. Avec un sens subtil du bon goût, le cinéaste espagnol parvient à nous exhiber des perversions qu'il ne juge jamais, mais qui accentuent le surréalisme du film" peut-on lire sur notre critique. "Bunuel réussit à composer un puzzle où puiseront nombre de cinéastes pour éclater leur narration et mieux fusionner le langage irrationnel du cinéma avec les logiques individuelles d'un personnage. Un portrait presque inégalable qui en dit bien plus sur rouages, les blocages et les engrenages de la psychologie d'une femme que de nombreux films bavards ou livres savants."

Et puis s'il faut un ultime argument, combien de films affichent au générique Deneuve, Piccoli, Jean Sorel, Geneviève Page, Francisco Rabal, Pierre Clementi, Françoise Fabian, Macha Méril et Francis Blanche?

Le saviez-vous? Un "roman de gare" de Joseph Kessel, des producteurs réputés commerciaux. Il n'y avait qui prédestinait Belle de jour à être un chef d'œuvre du cinéma. Co-écrit par Bunuel et Jean-Claude Carrière (c'est leur deuxième collaboration ensemble), le film s'est pourtant affranchi de toutes les contraintes. Même les pires. A commencer par la censure qui imposa des coupes au réalisateur (qu'il regrettera plus tard), notamment la scène entre Séverine et le Duc. On su plus tard que le tournage fut tendu. Les producteurs faisaient tout pour isoler le cinéaste de ses comédiens, entraînant malentendus et manque de confiance. Deneuve, à l'époque 23 ans, se sentait très vulnérable, et même en détresse, selon ses propres confidences. "J'étais très malheureuse" expliquait-elle, sentant qu'on abusait d'elle et qu'on réclamait d'elle toujours plus, notamment en l'exposant nue (il y a quelques subterfuges dans le film). Bunuel en avait conscience. Même si le tournage a été tendu, si l'actrice craignait son réalisateur, et si Deneuve et Bunuel avait un souci de compréhension dans leurs attentes respectives, cela ne les a pas empêché de tourner Tristana par la suite. Elle l'a toujours cité parmi les "cinéastes qui l'ont faite", aux côtés de Demy, Truffaut et Polanski. Elle avait accepté le rôle sans hésiter, alors que le personnage était très loin de l'image qu'elle véhiculait. Vierge et putain, et comme disait Truffaut: "Ce film coïncidait merveilleusement avec la personnalité un peu secrète de Catherine et les rêves du public."
Les deux scénaristes ont cependant pris soin d'interroger des tenancières de maisons closes sur les habitudes des clients et de nombreuses femmes sur leurs désirs. Dans ce film, le "vrai" est une fiction tandis que l'imaginaire est "réel".

Bonus: Grâce à Carlotta Films et StudioCanal, certaines salles diffuseront une rétrospective du cinéaste Luis Bunuel, "Un souffle de libertés", avec "6 œuvres majeures et anticonformistes", soit l'apogée d'une immense carrière en liberté (et les plus belles actrices françaises au passage): Le Journal d’une femme de chambre, La Voie lactée, Tristana, Le Charme discret de la bourgeoisie, Le Fantôme de la liberté, Cet obscur objet du désir.

BUNUEL 2 / FILMOGRAFIE

https://www.cineclubdecaen.com/materiel/ctfilms.htm

Luis Buñuel

Luis Bunuel
(1900-1983)
33 films
1
10
13
histoire du cinéma : naturalisme
1 - Mise en scène

Le compagnonnage de Bunuel avec le mouvement surréaliste ne pouvait qu'être passager. Il n'y a nul exaltation de quoi que ce soit chez le cinéaste. Les valeurs spirituelles qu'il admire (la théologie, le combat social) sont dépouillées de toute forme de sacralisation. Elles sont certes sources de jouissances mais purement égoïstes. Les valeurs spirituelles demeurent fragiles face à la puissance de la pulsion de mort et d'anéantissement. C'est de ce pessimisme foncier que Bunuel tire la force de ses descriptions des milieux sociaux divers qu'il traverse. Bien que les personnages aient toujours un formidable imaginaire, la mise en scène de Bunuel reste puissamment réaliste, se contentant de filmer la pulsion à l'œuvre.

Pour Gilles Deleuze, Luis Bunuel est ainsi avec Eric von Stroheim le plus grand créateur du naturalisme au cinéma. Le naturalisme, pour Deleuze, n'est pas le réalisme mais sa prolongation, son épuisement dans un surréalisme particulier. Le naturalisme en littérature, c'est essentiellement Zola : c'est lui qui a l'idée de doubler les milieux réels avec des mondes originaires. Dans chacun de ses livres, il décrit un milieu précis, mais aussi il l'épuise et le rend au monde originaire.

L'image naturaliste, l'image pulsion, a deux signes : les symptômes et les fétiches. Les symptômes sont la présence des mondes originaires dans le monde dérivé, le monde de circonstance, social, décrit dans le film. Les fétiches sont des représentations des morceaux arrachés au monde dérivé.

Les symptômes du monde originaire

Le milieu réel, actuel, social n'est que le médium d'un monde originaire qui se définit par un commencement radical (un commencement du monde), une ligne de plus grande pente, et une fin absolue.

Chez Bunuel, l'invention des mondes originaires peut apparaître sous des formes localisées très diverses, artificielles ou naturelles : la jungle de studio dans La mort en ce jardin, le salon mystérieusement clos de L'ange exterminateur ou la rocaille de L'âge d'or, le désert de Simon, le monde primordial du Charme discret de la bourgeoisie, le dépôt d'ordure dans Los Olvidados, les mendiants dans Viridiana.

Les mondes originaires
 
 
 
Des mondes originaires qui auront raison des personnages : la rocaille de L'âge d'or (1930), le dépôt d'ordures dans Los Olvidados (1950), la jungle de studio dans La mort en ce jardin, (1956), le salon mystérieusement clos de L'ange exterminateur (1962)

Même localisé, le monde originaire n'en est pas moins le lieu débordant où se passe tout le film, c'est à dire le monde qui se révèle au fond des milieux sociaux si puissamment décrits. Le monde originaire est un commencement du monde, mais aussi une fin du monde, et la pente irrésistible de l'un à l'autre : c'est lui qui entraîne le milieu, et aussi qui en fait un milieu fermé, absolument clos, ou bien l'entrouvre sur un espoir incertain.

 
Les fourmis, autres symptômes de la présence des mondes originaires dans Un Chien Andalou ou La mort en ce jardin.

Les milieux dérivés ne cessent de sortir du monde originaire, et d'y entrer ; et ils n'en sortent qu'à peine comme des ébauches déjà condamnées, déjà brouillées, pour y entrer plus définitivement, s'ils ne reçoivent un salut qui ne peut venir lui-même que d'un retour à l'origine. Ainsi le lieu primordial de L'Ange exterminateur qui s'incarnait d'abord dans un salon bourgeois mystérieusement clos, puis à peine le salon rouvert, se rétablit dans la cathédrale ou les survivants sont à nouveau réunis. Ainsi le lieu primordial du Charme discret de la bourgeoisie qui se reconstitue dans tous les lieux dérivés successifs pour empêcher l'avènement qu'on y attend. C'était déjà la matrice de L'Age d'or qui scandait tous les développements de l'humanité et les réabsorbait à peine en étaient-ils sortis.

 

L'image pulsion : une poétique de la dégradation des mondes dérivés

L'essentiel du naturalisme est dans l'image pulsion. La pulsion et sa capacité de dévoration d'un milieu définit une poétique convulsive de la dégradation. Stroheim décrivait des pulsions élémentaires : la pulsion de faim, la pulsion sexuelle ou même la pulsion d'or dans Les rapaces. Elles sont inséparables des comportements pervers qu'elles produisent cannibalisme, sadomasochisme, nécrophilie. Chez Bunuel, les pulsions sont parfois aussi intellectuelles. La pulsion théologique, la pulsion sociale ou la pulsion artistique y sont constamment exaltées comme sources de jouissance égoïste mais dénoncées aussi comme en opposition avec les lois de la survie.

D'où le pessimisme foncier de Bunuel envers les solutions sociales qui s'avèrent vaines pour les plus pauvres : prison modèle de Los Olvidados, échec de Nazarin. Chez Buñuel comme chez Sade, le Bien ne peut mener qu'au Mal et les valeurs les plus profondes du catholicisme, en l'occurrence la bonté et la charité, ne peuvent qu'engendrer des monstres, Viridiana (1961) en fera l'expérience.

Chez les pauvres ou chez les riches, les pulsions ont le même but et le même destin : mettre en morceaux, arracher les morceaux, accumuler les déchets, constituer le grand champ d'ordures et se réunir toutes dans une seule et même pulsion de mort. Mort, mort, la pulsion de la mort, le naturalisme en est saturé. C'est ainsi que l'on peut voir l'image des squelettes des évêques sur les rochers à dans l'Age d'or. C'est aussi la raison profonde de la référence au marquis de Sade qui éclaire toute la fin du film, en tant qu'il est le philosophe et l'artiste où la pulsion de vie se combine dans une pulsion sexuelle associée à une pulsion de mort.

Le destin de la pulsion, lorsqu'elle en peut agir en toute liberté, est de s'emparer avec ruse, mais violemment de tout ce qu'elle peut dans un milieu donné, et, si elle peut, de passer d'un milieu dans un autre. L'épuisement complet d'un milieu, mère serviteur, fils et père, c'est aussi ce que fait Susana. Les joies de la pulsion ne se mesurent pas à l'affect, c'est à dire à des qualités intrinsèques de l'objet possible. Il faut que la pulsion soit exhaustive.

La pulsion est un acte qui arrache, déchire, désarticule : le fétiche est un gros plan objet. Le fétiche c'est l'objet de la pulsion, c'est à dire le morceau qui à la fois appartient au monde originaire et est arraché à l'objet réel du milieu dérivé. C'est toujours un objet partiel, quartier de viande, pièce crue, déchet, culotte de femme, chaussure. La chaussure comme fétiche sexuel est une obsession partagée par Stroheim (La veuve joyeuse).

Les fétiches du monde originaire
Un chien andalou
 
Los Olvidados
 
 
La mort en ce jardin
L'oeil d'Un chien andalou, le morceau de viande de Los Olvidados Les botines dans Le journal d'une femme de chambre ou La mort en ce jardin : des fétiches du monde originaire.

La perversion n'est pas une déviation mais une dérivation, expression normale de la pulsion dans le milieu dérivé. C'est un rapport constant du prédateur à la proie. L'infirme est la proie par excellence, puisqu'on ne sait plus qui est morceau chez lui, la partie qui manque ou le reste de son corps. Mais il est prédateur aussi, et l'inassouvissement de la pulsion, la faim des pauvres, n'est pas moins morcelant que l'assouvissement des riches.

 

2 - Biographie
Après avoir été assistant de Jean Epstein sur Maurat et sur La chute de la maison Usher, Luis Bunuel décide de faire un film avec Salvador Dali. C'est à Figueras, pendant la semaine de Noël 1927, en six jours seulement, qu'ils écrivent un scénario essentiellement fondé sur le récit de leurs rêves respectifs et sur la logique de l'association libre. Ainsi naît Un chien andalouL'Age d'or prolonge la période surréaliste avec une conscience plus grande du fonctionnement du cinéma. C'est, pour Buñuel, le passage à la fiction après Un chien andalou que l'on peut décrire comme un documentaire sur l'inconscient dans lequel tout recours à une intrigue était violemment exclu. L'Age d'or demeure l'un des grands scandales de l'histoire du cinéma. Violemment attaqué par l'extrême-droite, le film est finalement interdit par le préfet de police Chiappe.

Par une volte-face dont Buñuel a le secret, son film suivant, Terre sans pain (las Hurdes) est un pur documentaire social, consacré à l'une des régions les plus pauvres d'Espagne. Cette œuvre de combat, accompagnée de façon décalée par la Symphonie n°4 de Brahms est, elle aussi, interdite par le gouvernement espagnol.

S'ouvre alors une longue période d'incertitude dans la vie artistique de Luis Buñuel. Pour gagner sa vie, il double des films américains en espagnol. Après la guerre d'Espagne qu'il fait, en tant qu'homme de cinéma, aux côtés des républicains, il part aux États-Unis où il est engagé au musée d'Art moderne au Service cinématographique de la marine puis à la Warner où il reprend ses activités de doublage.

Au terme de quatorze années de silence officiel, Luis Buñuel entame en 1946 une seconde carrière prolifique et passionnante au Mexique avec Gran casino produit par Oscar Dancingers. L'alliance féconde du cinéaste et du producteur donne naissance à huit films parmi lesquels Los Olvidados et El font figure de phares. La période mexicaine de Buñuel s'étend de 1946 à 1962, année de L'Ange exterminateur, avec un intermède français dans la seconde moitié des années cinquante - Cela s'appelle l'aurore (1956) ; La mort en ce jardin (1956) ; La fièvre monte à El Pao (1959) ; un film espagnol, Viridiana (1961) et un post scriptum, Simon du désert en 1964.

Si dans cette période passionnante, Los Olvidados (1950) fait figure de grand film, c'est d'une part qu'il permet à Buñuel d'être redécouvert en Europe grâce à la présentation du film à Cannes en 1951 et sa distribution en France. Cette redécouverte est facilité par un sujet évident, la délinquance juvénile, l'enfance malheureuse dans les grandes métropoles.

Alors que Luis Buñuel s'apprête à tourner à Mexico une adaptation du Journal d'une femme de chambre, le producteur Serge Silbermann lui propose de réaliser le film en France, avec Jeanne Moreau plutôt qu'avec Silvia Pinal. Ainsi commence en 1963, la dernière période de l'œuvre de Luis Buñuel, marquée par une collaboration féconde avec le scénariste Jean-Claude Carrière : six films sont ainsi conçus et réalisés en étroite relation avec lui, dont cinq produits par Serge Silbermann et un par les frères Hakim (Belle de jour, 1966). Outre le post-scriptum mexicain de Simon du désert (1964) s'intercale également un film franco-espagnol,Tristana (1969) avec Catherine Deneuve.

Dans La voie lactée (1968), le charme discret de la bourgeoisie (1972) ou Le fantôme de la liberté (1974), Bunuel réinvente sa propre écriture automatique, il n'y a plus d'intrigue à proprement dit mais une série de séquences liées les unes aux autres par un fil extrêmement ténu. Son pouvoir créateur, son ironie et sa poésie sont portés là à leur plus haut degré. L'invention permanente s'oppose au désir de possession. Le voyage, le rêve et les rencontres sont l'occasion de surprises et d'apparitions toujours renouvelées. En ce sens, Cet obscur objet du désir (1977) clôt magnifiquement cette filmographie, l'apparition aléatoire des deux actrices qui interprètent le même rôle défie autant le rêve de possession de Fernando Rey que celui du spectateur de posséder le fin mot de l'histoire.

 

3 - Bibliographie :
  • Gilles Deleuze : L'image-temps, chapitre 8 : De l'affect à l'action : l'image-pulsion.
  • Thierry Jousse : Luis Buñuel, collection Arte mille et une nuits, 1997
  • Charles TESSON : Luis Bunuel, Ed. Cahiers du Cinéma, 1995
  • Luis BUNUEL : Mon dernier soupir, Ed Robert Laffont, 1982
  • André BAZIN : Le cinéma de la cruauté, 1975
  • Marcel OMS : Don Luis Bunuel Ed. du Cerf 1984
  • Maurice DROUZY: Luis Bunuel architecte du rêve, Ed.Lherminier, 1978

 

4 - Filmographie :
1929Un chien andalou 

Avec : Simone Mareuil (la jeune fille), Pierre Batcheff (l'homme), Luis Buñuel (l'homme au rasoir du prologue).15 mn.

Sur un balcon, un homme aiguise un rasoir, regarde le ciel au moment où un léger nuage avance vers la pleine lune. Une tête de jeune fille, les yeux grands ouverts. Le nuage passe sur la lune, la lame du rasoir traverse l'œil de la jeune fille...

  
1930L'Age d'or 

Avec : Gaston Modot (The Man), Lya Lys (Young Girl), Caridad de Laberdesque (Chambermaid and Little Girl). 1h03.

les images d'un documentaire scientifique sur les scorpions. Puis on se retrouve sur une île dont les abords sont gardés par les squelettes d'archevêques. Des bandits installés sur cette île meurent lorsqu'arrivent d'importants personnages venus fonder la Rome impériale. La cérémonie de la pose de la première pierre est troublée par un scandale : un homme fait l'amour dans la boue avec une jeune femme. Il est arrêté par les policiers.

Puis une réception a lieu chez le père de la jeune femme que l'homme, libéré, cherche à retrouver....

  
1933Terre sans pain 

(Las Hurdes, Tierra Sin Pan).

Cet essai cinématographique de géographie humaine a été tourné en 1932, peu de temps après l'avènement de la République Espagnole. De l'avis des géographes et des voyageurs, la contrée que vous allez visiter, appelée "Las Hurdes" est une région stérile et inhospitalière, où l'homme est obligé de lutter, heure par heure, pour sa subsistance.

  
1947Gran casino 

(En El Viejo Tampico). Avec : Libertad Lamarque, Jorge Negrete, Mercedes Barba, Agustin Isunza, José Baviera, Francisco Jambrina, Charles Rooner, Julio Villarea 1h25.

Deux hommes évadés d'une prison trouvent du travail dans une exploitation pétrolière. Soupçonnés d'avoir tué un homme d'affaire, l'un d'entre eux mène une enquête et découvre que le meurtre était commandité par un grand trust…

  
1949Le grand noceur 

(El Gran Calavera). Avec : Fernando Soler, Rosario Granados, Francsico Jambrina, Luis Alcoriza, Antonio Bravo, Antonio Monsell, Nicolas Rodriguez, Maria Luisa Serrano. 1h30.

Parce qu'il vit mal son veuvage, un homme riche dilapide sa fortune dans l'alcool et la débauche. Ses proches qui savent profiter de ses largesses craignent la banqueroute et montent une mascarade pour le faire réagir. Au lendemain d'une énorme beuverie, ils lui font croire qu'il est ruiné et qu'eux mêmes se sont mis à travailler. Il se rend compte de la supercherie

  
1950

Los Olvidados 

(Pitié pour eux) Avec : Alfonso Mejía (Pedro), Estela Inda (La mère de Pedro), Roberto Cobo (El Jaibo). 1h27.

Des enfants, plus ou moins abandonnés, de la banlieue de Mexico se sont organisés en bande pour vivre. Évadé d'un centre de redressement, Jaibo a pris la direction du groupe qui commence à sévir dans le secteur, rossant, pour le voler, un mendiant aveugle.

  
1951

Susana la perverse 

(Susana). Avec : Fernando Soler (Don Guadalupe), Rosita Quintana (Susana), Víctor Manuel Mendoza (Jesús).1h22.

Susana s'évade d'une maison de redressement. Dans sa fuite, elle échoue dans une hacienda aisée où elle est chaleureusement accueillie. A force d'ingénuité, elle s'immisce dans la vie de la ferme qu'elle pervertit de ses charmes.

  
1951Don Quintin l'amer 

(La Hiya Del Engano). Avec : Fernando Soler (Don Quintin Guzman), Alicia Caro (Marta), Fernando Soto (Angelito). 1h18.

Don Quintin Guzman, voyageur de commerce, n'est pas heureux en affaires. En rentrant chez lui après une mission ratée, il surprend son épouse dans les bras de son meilleur ami. Fou de rage, il chasse sa femme, qui au passage, lui annonce qu'il n'est pas le père de sa fille.

  
1952La montée au ciel 

(La Subida Al Cielo). Avec : Lilia Prado, Esteban Marquez, Carmen Gonzales, Manuel Dondé, Leonor Gomez, Chel Lopez, Paula Rendon. 1h25.

Le jour de son mariage avec Albina, Oliverio apprend que sa mère est mourante. Tandis qu'il se rend en ville afin de faire rédiger par l'avoué les dernières volontés de la malade, ses frères s'efforcent de faire signer à cette dernière un testament en leur faveur....

  
1952Une femme sans amour

(Una mujer sin amor). Avec : Rosario Granados (Rosario), Tito Junco (Julio Mistral), Julio Villarreal (Don Carlos Montero). 1h30.

Rosario, mariée et mère d’un jeune garçon, Carlos, tombe amoureuse d’un jeune ingénieur. Vingt-cinq ans plus tard, on apprend qu’un riche étranger lègue sa fortune au fils cadet de Rosario. L’aîné mène l’enquête et découvre que son cadet est le fruit de l’adultère

  
1953L'enjoleuse 

(El Bruto). Avec : Pedro Armendariz, Katy Jurado, Andrès Soler, Rosita Arenas, Roberto Meyer, Beatriz Iegas, José Muñoz, Jaime Fernandez, Diana Ochoa. 1h23.

Pour réaliser une opération fructueuse, Cabrera doit procéder à la démolition d'un vieil immeuble qu'il possède. Les locataires sont des ouvriers pauvres qui résistent aux mesures d'expulsion. Sur les conseils de sa femme Paloma, Cabrera fait appel à Pedro, un jeune boucher que son esprit simple, la rudesse de ses gestes et la force herculéenne ont fait surnommer El Bruto, la brute. Le colosse est chargé d'intimider les locataires les plus récalcitrants. Emporté par sa fougue, il tue le viel ouvrier Carmelo. Séduite par la carure de l'assassin, Paloma devient sa maîtresse. Les amis de Carmelo attaquent El Bruto qui parvient à s'enfuir...

  
1953El 

Avec : Arturo De Cordova, Delia Garces, Luis Beristain.

Au cours de la messe du Jeudi Saint, Francesco, riche propriétaire foncier et catholique pratiquant, tombe amoureux de Gloria. Celle-ci est fiancée à Raoul, jeune ingénieur qu'il avait quelque peu perdu de vue. Fort habilement, Francesco invite le couple à une réception et réussit à séduire Gloria. Il l'épouse...

  
1953

Les Hauts de Hurlevent 

(Abismos de Pasion, Cumbres Burrascosas).Avec : Irasema Dillian, Jorge Mistral, Lilia Prado.

Après dix ans d'absence, Par une nuit d'orage, Alexandro rentre à la maison. Il est toujours amoureux de Catalina. Les parents de celle-ci avaient adopté Alexandro qui fut confiné dans un rôle de domestique après leur mort par le frère de Catalina, Ricardo. Alexandro quitta le pays et jura de revenir riche pour enlever Catalina...

  
1954Le rio de la mort 

(El Rio y la Muerte). Avec : Columba Dominguez (Mercedes), Miguel Torruco (Felipe Anguiano).1h33.

La haine règne à Santa Viviana, depuis que les familles Anguiano et Menchaca s'entretuent. Gerardo, le dernier des Anguiano, a été en ville, loin de la violence du village. Médecin à Mexico, il refuse de perpétuer la dette de sang qui a endeuillé sa famille depuis des générations..

  
1954Les aventures de Robinson Crusoé 

(Aventuras De Robinson Crusoe). Avec : Daniel O'Herlihy, Jaime Fernandez, Felipe de Alba.

Rescapé d'un naufrage, Robinson Crusoé doit survivre dans une île déserte, en compagnie de son chien Rex et d'une petite chatte. Il retourne à l'épave et sauve des vivres, des vêtements féminins, des chaînes, une Bible, des fusils, des écus, une longue-vue et quelques grains de blé...

  
1954On a volé un tram 

(La illusion viaja en tranvia). Avec : Lilia Prado (Lupita), Carlos Navarro (Juan « Caireles »), Fernando Soto (« Tarrajas »). 1h22

.« Caireles » et « Tarrajas », deux employés de la compagnie des tramways, apprennent que le tram 133, qu'ils venaient de réparer, est destiné à la ferraille. Après une soirée arrosée, ils volent le tramway pour le sauver du rebut.

  
1955La vie criminelle d'Archibald de La Cruz 

(Ensayo De Un Crimen). Avec : Ernesto Alonso, Miroslava, Rita Macedo

Archibald, alors qu'il était tout enfant, a vécu une bien étrange aventure : sa jeune et jolie gouvernante lui avait raconté que la boîte à musique offerte par sa mère avait le pouvoir extraordinaire de donner la mort à celui ou à celle dont on souhaitait se débarrasser. Par jeu, Archibald avait pensé très fort à la mort de la gouvernante et celle-ci s'était immédiatement effondrée..

  
1956Cela s'appelle l'aurore

Avec : Georges Marchal, Lucia Bose, Giani Esposito

Angela, l'épouse du docteur Valerio, a un léger malaise dans une petite rue d'une ville corse. Elle téléphone à l'usine où son mari soigne un accidenté du travail. Angela se plaint d'être délaissée par un époux qui se dévoue entièrement à sa clientèle pauvre. Sur les conseils de Valerio elle part se reposer dans sa famille, à Nice.

  
1956La mort en ce jardin 

(La Muerte En Este Jardin). Avec : Georges Marchal, Simone Signoret, Michel Piccoli, Charles Vanel, Michèle Girardon.

Dans un petit village, à la frontière du Brésil, arrive Chark, un aventurier, au moment où des chercheurs de diamants, dépossédés de leurs placers, se préparent à attaquer la petite garnison gouvernementale. Accusé de vol, Chark est arrêté au moment où éclate la révolte, ce qui lui permet de s'évader.

  
1959Nazarin 
Avec : Francisco Rabal (Nazarin), Marga López (Beatriz), Rita Macedo (Andara), Jesús Fernández (Ujo). 1h34.

Nazarin, humble prêtre vit dans une misère profonde due à une charité sans limite. Il se sacrifie pour les déshérités tout en sachant qu'il ne peut trouver, sur cette terre, qu'incompréhension, rebuffades, violences physiques et morales et qu'il se trouvera méprisé, insulté par ceux-la mêmes pour qui il se dévoue...

  
1959La fievre monte à El Pao 
(Los Ambiciosos). Avec : María Félix (Inés Vargas), Gérard Philipe (Ramón Vasquez), Jean Servais (Alejandro Gual). 1h49.

El Pao est la capitale de l'île de l'Odeja. La misère côtoie le luxe du palais du gouverneur. La femme de ce dernier, Inès Vargas, le trompe avec le colonel Olivares. Le gouverneur Vargas est assassiné Un autre dirigeant, encore plus sanguinaire, Gual, lui succède immédiatement. Gual fait arrêter le professeur Gardenas, un homme idéaliste, sans doute peu conscient des risques qu'il encourt. Ramon Vasquez, qui fut un élève du professeur déplore fortement son arrestation. Pendant qu'on arrête Garcia, Inès confie à Vasquez ses ambitions : ensemble, ils vont essayer d'améliorer le régime de l'île.

  
1960La jeune fille 
(The Young One). Avec : Zachary Scott, Kay Meersman, Bernie Hamilton, Claudio Brook, Graham Denton

Travers, un Noir accusé de viol, se réfugie sur une île de la côte sud-est des U.S.A., où vivent Miller, le garde-chasse et Evvie, une fillette dont le grand-père, Pee-Wee, vient de mourir.

  
1961Viridiana 
Avec : Silvia Pinal (Viridiana), Francisco Rabal (Jorge), Fernando Rey (Don Jaime), José Calvo (Beggar), Margarita Lozano (Ramona). 1h30.

Viridiana, juste avant sa prise de voile, obéit aux ordres de la mère supérieure du couvent qui exige qu'elle aille rendre visite à son bienfaiteur et oncle Don Jaime . Le vieil homme vit seul dans son domaine depuis la mort de sa femme, survenue au cours de leur nuit de noce. Troublé par la ressemblance de Viridiana avec sa femme, Don Jaime veut la garder auprès de lui...

  
1962

L'ange exterminateur 

(El angel exterminator). Avec : Silvia Pinal (Leticia, la cantatrice), Jacquline Andere (Alicia Roc), José Baviera (Leandro), Enrique Rambal (Nobile), Auguto Benedico (le docteur). 1h30.

Nobile, riche aristocrate de Mexico, invite ses amis à diner dans sa luxueuse maison de la rue de la Providence. Quelques faits bizarres se produisent : des domestiques partent sans expliquer leur comportement, le groupe connaît une impression de déjà vécu, Ana retire de son sac deux pattes de poulet alors que Blanca joue au piano une sonate de Paradisi. Et voici qu'une étrange absence de volonté empêche les invités de franchir les limites du grand salon. Sentant venir la fatigue, les invités campent sur place. A l'aube le sortilège continue, il est impossible de sortir du salon. Le vernis des conventions disparaît, les belles manières font place à l'égoïsme le plus brutal. Un cadavre est caché dans un placard, deux amoureux se suicident, on perce les canalisations pour boire. Le sortilège cesse après que l'un des invités ait eu l'idée de replacer chacun dans sa position initiale, au moment de la sonate de Paradisi, Les naufragés de la rue de la Providence sortent... Tout le monde se retrouve dans la cathédrale pour un Te Deum de remerciement. C'est là que le sortilège recommence alors que des émeutes éclatent dans les rues.

  
1964

Le journal d'une femme de chambre 

Avec : Jeanne Moreau (Célestine), Georges Géret (Joseph), Michel Piccoli (M. Monteil), Françoise Lugagne (Mme Monteil). 1h41.

En 1928, Célestine est engagée comme femme de chambre au Prieuré, propriété bourgeoise de la famille Monteil, en Normandie. Elle découvre les petits travers de chacun : les appétits sexuels et le goût de la chasse de M. Monteil, la frigidité et l'obsession de la propreté de Mme Monteil, le fétichisme de la bottine féminine du vieux Rabour, le racisme maurassien du domestique Joseph, le militarisme borné du voisin Mauger, capitaine en retraite....

  
1965Simon du désert 

Avec : Claudio Brook (Simon), Silvia Pinal (The Devil), Luis Aceves Castañeda (Priest), Antonio Bravo (Priest). 45 min.

Simon est un émule de St-Simeon, ascète syrien, qui aurait vécu quarante ans sur une colonne. Comme lui, il vit en ermite, et fait pénitence au sommet d'une tour de huit mètres de haut, dressée en plein désert syrien....

  
1967Belle de jour 

Avec : Catherine Deneuve (Severine Serizy), Jean Sorel (Pierre Serizy), Michel Piccoli (Henri Husson).1h45

Pierre, médecin, n'a pas d'enfant de sa jolie femme qu'il aime mais qu'il sent souvent si lointaine. Séverine rêve, c'est vrai, mais ses rêves sont de ceux qu'on ne raconte pas. Ils sont alimentés par les récits que lui font Husson, un bellâtre jouisseur et Renée, sa maîtresse, sur certaines "maisons" où de jeunes et belles femmes sont à la disposition d'hommes qui viennent y réaliser leurs rêves.

  
1969La voie lactée 

Avec : Paul Frankeur (Pierre), Laurent Terzieff (Jean), Alain Cuny (L'homme à la cape), Edith Scob (La Vierge Marie). 1h45.

Deux vagabonds, Pierre, un vieil homme pieux, et Jean, un jeune athée, se rendent à Saint Jacques de Compostelle, espérant faire une large moisson d'aumônes. En chemin, ils rencontrent les grandes figures bibliques, une série de personnages qui incarnent chacun une hérésie de l’église catholique et sont confrontés aux manifestations de la grâce, du monde, du démon.

  
1970Tristana 

Avec : Catherine Deneuve (Tristana), Fernando Rey (Don Lope), Franco Nero (Horacio), Lola Gaos (Saturna). 1h35.

Tolède 1929. Après la mort de sa mère, Tristana est recueillie par son tuteur Don Lope, un aristocrate de soixante ans vivant péniblement de ses rentes. L'ayant pour ainsi dire séquestrée en douceur, Don Lope fait la conquête de sa pupille dont il deviendra selon les circonstances et selon ses désirs, tantôt le père, tantôt l'amant...

  
1972Le charme discret de la bourgeoisie 
Avec : Fernando Rey (Don Rafael), Paul Frankeur (M. Thevenot), Delphine Seyrig (Mme Thevenot), Bulle Ogier (Florence), Stéphane Audran (Alice Senechal), Jean-Pierre Cassel (M. Senechal). 1h45>

L'ambassadeur d'un petit pays d'Amérique du Sud revient en Europe. Il y retrouve deux amis très chers, Sénéchal et Théveno, ils décident de dîner ensemble chez Sénéchal. Le jour dit, les invités se présentent chez lui, mais il est absent et sa femme n'est pas au courant. Ils décident de dîner au restaurant... mais le patron, mort dans l'après-midi, est exposé dans un coin de la salle. Dans les semaines qui suivent, ils vont essayer de se réunir, mais en vain...

  
1974Le Fantôme de la liberté 
Avec : Jean-Claude Brialy (Foucauld), Monica Vitti (Mme Foucaud), Milena Vukotic (L'infirmière), Michael Lonsdale (Le chapelier). 1h44.

La bonne du couple Foucauld bute sur un mot difficile alors qu'elle lit un épisode sacrilège de la guerre napoléonienne en Espagne. Echappant à sa surveillance, la jeune Véronique a suivi un quidam aux allures de satyre qui lui a offert une série de cartes postales, Les parents sont horrifiés en regardant les photographies... de monuments célèbres, notamment l'obscène Sacré-Coeur de Paris. Après avoir renvoyé la bonne, Foucauld raconte un rêve étrange à son médecin...

  
1977Cet obscur objet du désir 
Avec : Fernando Rey (Mathieu), Carole Bouquet (Conchita), Ángela Molina (Conchita), Julien Bertheau (Le Juge). 1h45.

Sur un quai de gare, Mathieu Faber provoque un véritable scandale en versant le contenu d'un seau d'eau sur la tête d'une jeune femme au visage marqué de coups. Il raconte aux voyageurs de son compartiment les raisons de son comportement et l'histoire d'une étrange passion...