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duminică, 30 august 2020

Jean cocteau





(1889-1963)
6 films
Jean Cocteau nait le 5 juillet 1889 à Maisons-Laffite. Son oeuvre de cinéaste est relativement mince par rapport à sa production littéraire (poèmes, pièces, romans) ou graphique (dessins, fresques, céramiques). Cocteau était un touche-à-tout de génie, un "amateur" au sens le plus pur du terme, qui vit dans le cinéma un moyen parmi d'autres pour véhiculer ses fantasmes intimes, ses obsessions, sa "difficulté d'être". Il se voulait poète avant toute chose et baptisa son oeuvre poésie de roman, poésie de théâtre, poésie de cinéma, etc.
Dès 1925, il tourne un petit film (en 16 mm), à la manière de Chaplin, qu'il intitule tout simplement Jean Cocteau fait du cinéma : cette bande ne connut pas d'exploitation publique et l'unique copie fut perdue. En 1930, une subvention du vicomte de Noailles lui permet de réaliser (avec l'aide de Michel Arnaud et de l'opérateur Georges Périnal) un essai d'avant-garde, qui contient en germe le reste de son oeuvre : Le sang d'un poète. Tous les thèmes sont là : les souvenirs d'enfance, l'homosexualité, la drogue, le narcissisme, l'hommage à Eleusis et à ses mystères.
Cocteau abandonne ensuite l'écran pour la scène, n'y revenant qu'à l'occasion de scénarios ou de dialogues écrits pour d'autres : L'Herbier, de Poligny, Bresson et surtout Delannoy (L'éternel retour). Le succès de ce dernier film l'incite à mettre à nouveau (comme il dit) "les deux mains" à la caméra : c'est La belle et la bête (1946), conte de fées pour grandes personnes, s'adressant "à ce qui reste d'enfance en chacun de nous". Suivent des "mises en images" de ses propres pièces, qui sont agrementés de quelques effets de cinéma trop voyants : L'aigle à deux têtes (1947) et Les parents terribles (1948).
En 1950, c'est Orphée, sans doute son chef d'oeuvre, où la pièce d'origine est cette fois complètement remaniée en fonction des exigences de l'écran. L'échec qu'il rencontre l'éloigne à nouveau des studios; il n'y reviendra qu'avec Le Testament d'Orphée, grâce à l'appui d'un autre mécène, bien plus jeune que lui : François Truffaut. Cette oeuvre ultime renoue avec la veine autobiographique de ses débuts : Cocteau y filme même sa propre mort ! Celle-ci survint effectivement trois ans plus tard, le 11 octobre 1963.
"Mes films, avait coutume de dire Cocteau, n'ont ni queue ni tête, mais ils ont une âme !". Ils s'inscrivent dans une tradition du merveilleux et de la féerie inaugurée par Georges Méliès. Le texte littéraire y est, certes, prédominant : mais il s'en dégage une fascination certaine.
Jean Cocteau a collaboré à de nombreux autres films dont il signe généralement le scénario ou le dialogue :
Il a été parfois acteur : dans Le baron fantômeLa Malibran (Sacha Guitry, 1943), 8x8 (Hans Richter, 1952) ou son dernier film : Le testament d'Orphée.
Filmographie :
courts-métrages :
1925 : Jean Cocteau fait du cinéma
1950 : Coriolan
1952 : La villa Santo Sospir (0h36)
1957 : 8 X 8: A Chess Sonata in 8 Movements (1h20 en anglais)
1962 : Jean Cocteau s'adresse... à l'an 2000 (0h25)
Longs-métrages :
1930Le sang d'un poète 
Avec : Enrique Rivero (le poète), Elizabeth Lee Miller (la statue), Pauline Carton (la professeur de vol), Féral Benga (L'ange). 0h50.
Une cheminée d'usine s'apprête à tomber... Pendant ce temps, dans la chambre d'un poète, une statue sans bras s'anime brusquement. À son invite, le poète plonge dans un grand miroir ornant l'un des murs de la pièce. De l'autre côté, il découvre des lieux et des personnages étranges : un couloir d'hôtel borgne, une fumerie d'opium, une chambre où l'on donne une leçon de vol à une fillette, un hermaphrodite...
1946La belle et la bête 
Avec : Josette Day (La Belle), Jean Marais (Avenant / La Bête / Le Prince ), Marcel Andre ( Le père), Michel Auclair (Ludovic). 1h40.
Il était une fois un marchand ruiné qui vivait avec ses trois filles, les orgueilleuses, Félicie et Adélaïde et la bonne et douce Belle. Son fils Ludovic, un chenapan, avait pour ami Avenant, amoureux de Belle. Un soir, le marchand s'est perdu dans la forêt et a volé, pour l'offrir à Belle, une des roses du domaine de la Bête...
1947L'aigle à deux têtes 
Avec : Edwige Feuillère (la reine), Jean Marais (Stanislas), Jean Debucourt (De Willenstein), Silvia Monfort (Edith de Berg). 1h35.
Aux premières années du XXe siècle, une reine encore jeune assume le poids de son veuvage et les inconvénients de sa charge. Détestée par l'archiduchesse, sa belle-mère, elle traîne son ennui de châteaux en châteaux, étroitement surveillée par le comte de Foëhn, ministre de la police. Il rencontre un jeune exalté, Stanislas, qui a formé le projet de tuer sa souveraine....
1948Les parents terribles
Avec : Jean Marais (Michel), Josette Day (Madeleine), Yvonne de Bray (Yvonne), Marcel André (Georges). 1h40.
Michel, superbe jeune homme choyé par sa mère, Yvonne, avoue à cette dernière qu'il est tombé amoureux de Madeleine. Yvonne est furieuse tout comme Georges, le père de Michel - et également l'amant de Madeleine...
1959Orphée 
Avec : Jean Marais (Orphée), François Périer (Heurtebise), María Casares (La Princesse/ La mort), Marie Déa (Eurydice). 1h52.
Dans une ville idéale, où ce qui compte en littérature se réunit le soir au Café des Poètes, le célèbre poète Orphée voit arriver à bord d'une somptueuse voiture noire une femme étrange, belle et froide, intouchable princesse, qui paraît protéger un jeune homme appelé Cégeste...
1960Le testament d'Orphée 
Avec : Jean Cocteau (Le poète), Jean Marais (OEdipe), Henri Crémieux (Le savant), Yul Brynner (L'huissier), 1h20.
Le poète se promène dans le film et à travers le temps. Ce temps qui devait être anéanti par un revolver, invention d'un savant dont le poète vient troubler la vieillesse. Frappé par une balle, Cocteau rebondit dans un autre temps où il retrouve ses propres créations : le jeune poète Cégeste, la Princesse toujours belle et inaccessible, le fidèle Heurtebise...

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27 février 2010

9 janvier 2010

Les parents terribles (1948) de Jean Cocteau

Les parents terriblesLui :
Dans un appartement, une mère possessive vit recluse avec son mari, son jeune fils de 22 ans et sa sœur qui était autrefois éprise du mari. Le fils annonce à ses parents qu’il est amoureux d’une jeune fille qui était jusque là entretenue par un vieux protecteur qu’elle a décidé de quitter. Jean Cocteau a écrit Les Parents Terribles pour le théâtre où il rencontra un certain succès dès 1938. Pour le porter à l’écran dix ans plus tard, il choisit un format très proche du théâtre, ne modifiant qu’assez peu le texte et confinant l’ensemble à deux appartements. Le sentiment de huis clos étouffant est ainsi très fort, une atmosphère lourde qui n’est pas sans évoquer certaines adaptations de Tennessee Williams. Le décor, volontairement chargé et vieillot, donne l’impression de se resserrer sur les personnages, de former une sorte de carcan. Le drame qui s’est noué est extrêmement puissant, digne d’une tragédie grecque, avec une interprétation très forte d’Yvonne de Bray, grande actrice de théâtre et inspiratrice de la pièce originale. Vu aujourd’hui, le film pourra toutefois paraître à certains assez daté, sentiment accentué par le fait que tous les acteurs ont 15 à 20 ans de plus que leurs personnages.
Note : 3 étoiles
Acteurs: Jean MaraisJosette DayYvonne de BrayMarcel AndréGabrielle Dorziat
Voir la fiche du film et la filmographie de Jean Cocteau sur le site IMDB.
Voir les autres films de Jean Cocteau chroniqués sur ce blog…
Remake :
Les Parents Terribles (Intimate relations) de l’anglais Charles Franck (1953)

Orphée (1950) de Jean Cocteau


OrphéeLui :
Jean Cocteau transpose le mythe d’Orphée à l’époque actuelle, transposition qu’il faut plutôt voir comme une interprétation très personnelle de cette légende grecque. Dans un quartier genre Saint-Germain des Prés, Orphée est ainsi un poète à succès méprisé par la jeunesse. Il va faire connaissance avec La Mort, sous les traits d’une jeune femme qui va le fasciner et dont il va tomber amoureux. Il est indéniable que Jean Cocteau s’identifie à Orphée (ce sera encore plus net dans le film Le Testament d’Orphée, dix ans plus tard).
OrphéeCinématographiquement, Orphée se distingue par son inventivité et certaines libertés que Cocteau prend dix ans avant la Nouvelle Vague. Il utilise avec parcimonie certains trucages pour créer des effets surréalistes assez réussis. Le texte est beau et les acteurs l’interprètent avec la bonne mesure, sans mettre trop d’emphase. Maria Casarès incarne une Mort troublante et fascinante que les effets d’éclairages rendent plus envoûtante encore. Le film reste très facile d’accès, il suffit de se laisser gagner par lui. Malgré son positionnement marqué dans le temps, il apparaît aujourd’hui assez intemporel.
Note : 5 étoiles
Acteurs: Jean MaraisFrançois PérierMaría CasaresMarie DéaJuliette GrécoEdouard Dermithe
Voir la fiche du film et la filmographie de Jean Cocteau sur le site IMDB.
Voir les autres films de Jean Cocteau chroniqués sur ce blog…
Remarques :
Orphée1) Jean Cocteau avait déjà adapté Orphée en pièce de théâtre en 1925, adaptation un peu plus proche de la légende grecque mais déjà très personnelle.
2) Les scènes situées dans le Royaume des Morts ont été tournées dans les ruines de Saint-Cyr (bombardé pendant la guerre).
3) Les dessins du générique sont de Cocteau lui-même, tout comme la voix off.
4) En plus de Juliette Gréco (qui joue Aglaonice, l’amie d’Eurydice), on peut remarquer la présence dans des petits rôles non crédités au générique de Jean-Pierre Melville (le directeur de l’hôtel), de Jean-Pierre Mocky (l’un des jeunes fauteurs de trouble), de Jacques Doniol-Valcroze, futur réalisateur et fondateur des Cahiers du Cinéma (l’un des jeunes au café).
5) Voici comment Cocteau parle de son film : « Orphée est un film qui ne peut exister que sur l’écran. J’ai essayé d’y employer le cinématographe non comme un stylographe mais comme de l’encre. J’y mène plusieurs mythes de front et je les entrecroise. Drame du visible et d’invisible. La Mort d’Orphée se trouve dans la situation d’une espionne. Elle se condamne elle-même au bénéfice de l’homme qu’elle doit perdre. L’homme est sauvé, La Mort meurt, c’est le mythe de l’immortalité. »
Autres adaptations du mythe d’Orphée au cinéma :
Orfeu negro (Orphée noir) film franco-brésilien de Marcel Camus (1959)
Parking de Jacques Demy (1985) avec Francis Huster
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4 août 2010

La belle et la bête (1946) de Jean Cocteau


La belle et la bêteElle :
Note : 5 étoiles
Lui :
Pour son premier long métrage, Jean Cocteau choisit d’adapter un conte de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont (1711-1780), un conte de fées dont il donne une interprétation poétique et fantastique. La Belle et la Bête fait partie de ces films qui semblent former une classe à eux seuls tant ils se situent à part du restant de la production. La réussite du film est du en grande partie à l’atmosphère du film : Cocteau a su préserver toute l’innocence des contes de fées et générer l’émerveillement. Tout en semblant se placer hors du temps, il met en images deux mondes très différents : le village de La Belle qui évoque les peintures de Vermeer et le château de La Bête inspiré des gravures de Gustave Doré. Entouré d’une équipe soudée et de grand talent (1), Cocteau peut donner libre cours à sa vision, il n’a aucune crainte de briser les conventions (2). L’inventivité dont il fait preuve pour le monde de La Bête est remarquable : trucages et effets ingénieux contribuent à envelopper le spectateur d’un subtil mélange de féerie et d’étrangeté. La barrière entre l’animé et l’inanimé n’existe plus. Le maquillage de La Bête est d’une perfection absolue (3). Jamais égalé, La Belle et la Bête mêle l’étrange et la beauté avec une puissance peu commune, il fait partie de ces films qui restent gravés dans les mémoires. Tourné juste après la Libération, le film ne fut pas tout de suite un grand succès mais avec le temps, il a rapidement acquis son statut et sa notoriété : c’est un film unique en son genre.
Note : 5 étoiles
Acteurs: Jean MaraisJosette DayMarcel AndréMila ParélyNane GermonMichel Auclair
Voir la fiche du film et la filmographie de Jean Cocteau sur le site IMDB.
Voir les autres films de Jean Cocteau chroniqués sur ce blog…
Remarques :
Jean Cocteau a écrit un livre basé sur le journal qu’il tenait pendant le tournage : « La Belle et la Bête, journal d’un film » (Ed. du Palimugre, 1946)
Notes:
(1) L’assistant-réalisateur est René Clément, le directeur de la photographie Henri Alekan, les décors sont de Christian Bérard. Cocteau raconte comment il a pris plaisir à travailler en équipe.
(2) Il était d’usage à l’époque de traiter poésie et féérie avec un léger flou sur l’image. Cocteau, au contraire, tenait à avoir une image très nette. Ce fut un objet de discorde avec les studios.
(3) Les poils étaient collés un à un sur le visage et sur les mains de Jean Marais, soit quatre heures de maquillage chaque jour et plus d’une heure pour tout enlever (ce qui était loin d’être indolore).
Autres versions :
La Belle et la Bête d’Albert Capellani (1905) film de 11″ dans l’esprit de Méliès
Beauty and the beast de Edward L. Cahn (1962)
Panna a netvor du tchécoslovaque Juraj Herz (1978)
La Belle et la Bête d’Eugene Marner (1987) avec John Savage et Rebecca de Mornay
La Belle et la Bête (1991) des Studios Walt Disney
+ plusieurs adaptations TV
En 1994, Philip Glass a composé un opéra sur les images du film de Cocteau.




20 mars 2010

Le testament d’Orphée (1960) de Jean Cocteau


TITRE COMPLET: « LE TESTAMENT D’ORPHÉE, OU NE ME DEMANDEZ PAS POURQUOI! »

Le testament d'Orphée, ou ne me demandez pas pourquoi!Lui :
Dernier long métrage de Jean Cocteau, Le Testament d’Orphée est aussi son ultime message comme il le définit lui-même en exergue de son film : « Voici le legs d’un poète aux jeunesses successives qui l’ont toujours soutenu » (1). Tourné dans les carrières des Baux-de-Provence, il s’agit d’une introspection où Cocteau se met lui-même en scène pour une série de variations poétiques et philosophiques sur les thèmes qu’il a explorés toute sa vie durant. « Ma grande affaire est de vivre une actualité qui m’est propre et qui abolit le temps. Ayant découvert que cet état était mon privilège, je m’y suis perfectionné et enfoncé davantage. » Il meurt et renaît plusieurs fois tel un phénix poétique. Il joue avec le temps, mêlant les époques et les mythologies, créant aussi de jolis effets visuels de plans retournés et de trucages audacieux. Il faut certainement être très familier de l’œuvre de Cocteau pour apprécier ce film à sa juste valeur. Beaucoup d’acteurs différents (dont Jean-Pierre Léaud à l’âge de quatorze ans!) et quelques apparitions de ses amis (2).
Note : 3 étoiles
Voir les autres films de Jean Cocteau chroniqués sur ce blog…
(1) Cocteau a été soutenu par la Nouvelle Vague, y compris matériellement : apprenant que Cocteau avait des problèmes pour boucler son budget, François Truffaut lui apporta les toutes premières recettes de son premier film Les 400 coups ce qui permit à Cocteau de tourner.
(2) Les amis : Picasso, le danseur Serge Lifar, le torero Luis Miguel Dominguín, Charles Aznavour, Françoise Sagan, Jacqueline Roque (Jacqueline Picasso), Alice Sapritch
Francine Weisweiller a produit le film dont certaines scènes ont été tournées dans sa villa de Saint-Jean-Cap-Ferrat, villa décorée de fresques par Cocteau aujourd’hui classée monument historique. Elle joue également la femme élégante qui s’est trompée d’époque.
Remarque :
Un livre de photographies (jusque là inédites) prises pendant le tournage du Testament d’Orphée par Lucien Clergue est sorti chez Actes Sud en 2003 : Phénixologie.
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duminică, 21 iunie 2020

3.Louis Malle, LE FEU FOLLET (1963)


LE FEU FOLLET

featured_Le-feu-follet
Alain Leroy, bourgeois trentenaire et alcoolique, est revenu à Paris afin de suivre une cure de désintoxication. Sa femme Dorothy est restée à New York. Autrefois mondain abonné aux soirées de débauche, Alain est aujourd’hui las de la vie. Les retrouvailles successives avec ses amis d’antan ne l’aident en rien. Même Lydia, une belle jeune femme, amie de Dorothy, avec qui il a passé une nuit ne semble pouvoir le sauver de son désespoir et de son dégoût. Alain, angoissé et mélancolique, pense qu’il doit mettre fin à ses jours…

PETITE CHAPELLE DU DÉSESPOIR

Une chambre d’hôtel, un lit défait, deux amants qui se parlent, ou plutôt une belle jeune femme qui interroge un homme, qui semble distant, perdu. Cette scène inaugurale est comme un sas, un lieu qui sépare Alain du reste du monde. C’est une suspension dans le temps, un battement de cœur. L’évanescence de cet instant est l’une des plus belles scènes d’exposition qui soit : on introduit ce personnage masculin, on apprend peu de choses sur lui, mais très vite son magnétisme, son inquiétude, captivent et fascinent. Il faut en savoir plus, cela devient brûlant. Pour incarner Alain nul autre que Maurice Ronet, qui lui prête son intensité, mais aussi son incandescence. Quand Louis Malle réalise cette première adaptation du Feu-follet de Pierre Drieu La Rochelle en 1963 (le roman date de 1931), Ronet a besoin d’un second souffle dans sa carrière. Trois ans après Plein Soleil de René Clément, il a besoin de ce grand rôle, de cette incarnation de son talent.

« CINQ MINUTES D’ÉTERNITÉ »

Tout est contenu dans cette première scène, le drame à venir, les excès du passé, l’impossibilité pour Alain de se fondre dans un monde qui est trop agressif et angoissant pour lui. Retiré loin de tout, éloigné de sa femme, son armée des ombres personnelle l’a poursuivi jusque dans sa retraite imposée, à l’écart de Paris. Mais Babylone se rappelle a lui, constamment, resserrant ses serres noires autour de sa proie. Commence dès lors ce qu’il convient d’appeler « un dernier tour de piste » pour Alain. Chaque lieu visité est comme imprégné de l’énergie du jeune homme, cette électricité abandonnée au gré de libations sans fin. Les visages rencontrés sont souriants, avenants, on célèbre le héros déchu, astre déclinant qui a enchanté et nourri leur vie. Mais très vite on comprend que derrière se cache de la pitié.
Car en effet, si Alain a brillé de mille feux pendant ses fastes années, on comprend vite le coût subit. Il n’est plus qu’un spectre, une coquille vide harcelée par des démons qui ont d’ores et déjà remporté la partie. Le désespoir qui imprègne chaque instant du film après la sortie de la chambre d’hôtel, glace le sang. Ce ne sont même plus des cendres qui demeurent désormais. C’est un dégoût, une détestation de soi qui enlève la saveur des plaisirs simples qui faisaient pourtant le sel de l’existence du feu-follet. Face au désespoir la seule issue est donc la mort, comme programmée, après avoir visité une dernière fois ces lieux qui représentaient sa vie.

« LE GÉNIE LOUIS MALLE, AU FIRMAMENT »

Si Le feu-follet est une grande histoire, respectée presque à la lettre, c’est aussi un tour de force de mise-en-scène. Louis Malle n’a que 31 ans quand sort ce film, et pourtant il est déjà un réalisateur confirmé, avec cinq long-métrages derrière lui, et notamment une palme d’or (le plus jeune de l’histoire du festival, à tout juste 25 ans) avec Le monde du silence co-signé avec Jacques-Yves Cousteau. Il infuse son récit d’une mélancolie redoutable et implacable qui entoure son personnage principal pour ne jamais le lâcher, le précipitant vers le drame. Tout en simplicité et sans effets tapageurs, c’est comme si le cadre était tout entier concentré sur Alain, et le beau visage de patricien de Maurice Ronet, qui n’est pas sans rappeler celui de son contemporain Jean-Louis Trintignant, en peut être plus « cabossé ».
Le réalisateur d’Ascenseur pour l’échafaud signe un film, d’une classe et d’une sensibilité incroyable, qui reste à ce jour un modèle du genre. Si Joachim Trier en a réalisé une nouvelle version avec son Oslo, 31 août, il eut bien du mal à rivaliser avec l’intensité du jeu de Ronet et avec la belle mécanique de mise-en-scène d’un Louis Malle déjà au sommet de son art, si jeune. Son Feu-follet est cette petite chapelle de désespoir qui sommeille en chacun de nous, celle de ce possible point de non retour qu’il ne faut pas franchir, entre résignation et douleur.
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LE FEU FOLLET

https://www.critikat.com/panorama/analyse/le-feu-follet/
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Le feu follet de Louis Malle: un film de dépression


Bonjour à tous,


à l'occasion de la programmation Ciné Patrimoine organisé par le GRAC, j'ai l'occasion de présenter dans de nombreux cinémas de la région lyonnaise le film de Louis Malle Le feu follet. Louis Malle est d'ailleurs d'actualité puisque l'INstitut Lumière lui consacre également une rétrospective.
Ainsi, Le feu follet est considéré par certains comme le plus grand film de Louis Malle. Ce qui est certain, c'est que c'est sûrement le plus désespéré! Et aussi le plus difficile d'accès pour des jeunes spectateurs tant le scénario et la mise en scène sont aux antipodes des films français d'aujourd'hui.

Une histoire d'hommes
Il n'est pas ici question de refaire l'histoire du film et de son adaptation littéraire. Cependant, il faut bien rappeler que ce film est tiré du livre de Pierre Drieu La Rochelle de 1931. Or adapter un livre de Drieu La Rochelle en 1963 était tout de même assez osé puisque cet auteur fut un collaborationniste notoire, écrivant dans des périodiques soutenant Pétain et Laval dans leur politique pro nazie. Drieu La Rochelle se suicida pour échapper au sort promis par la justice de la République restaurée. Son Feu follet est son premier livre a être adapté au cinéma.
Louis Malle, qui s'était distingué par des films à succès, dont Zazie dans le métro, trouve dans ce livre l'occasion de porter à l'écran ses états d'âme, d'autant que Roger Nimier, le co-scénariste d'Ascenseur pour l'échafaud, autre succès de Malle, vient de se tuer. C'est donc en réaction de cette mort brutale que Louis Malle, 31 ans alors, décide de réaliser ce film.
Il retrouve à cette occasion Maurice Ronet qu'il avait justement déjà dirigé en 1958 dans Ascenseur pour l'échafaud. Cet acteur est à ce moment un des acteurs majeurs du cinéma français. Il a déjà tourné avec Jules Dassin, Claude Autant Lara et René Clément dans le somptueux Plein soleil où il tourne avec Alain Delon, son futur complice dans trois autres films. Aujourd'hui quasiment oublié de la mémoire collective, il a pourtant à son actif des films de premier plan avec de grands réalisateurs, jouant souvent des personnages torturés.
Enfin, ce film parle bien sûr d'un homme au sens "mâle" du terme. Toute l'histoire montre un personnage ne comprenant pas "La Femme", la sienne, les autres, ou celle des autres alors même que Louis Malle le présente comme un homme à femme ou qu'il est reconnu comme tel par les autres, y compris justement les femmes.

1963: La fin d'un cycle
Réalisé donc en 1963, c'est une tautologie que de dire que c'est après 1962. Pourtant ce point est important. Et beaucoup d'éléments s'adressent clairement aux spectateurs de 1963. 1963, c'est un an après la fin de la guerre d'Algérie. Alain Leroy/Maurice Ronet ne rencontre-t-il pas les frères Minville au café du Flore? Or ces deux frères, dont on apprend qu'ils ont combattu avec Leroy dans les djebels, c'est-à-dire en Algérie, continuent le combat. Or ce combat ne peut être mené que dans une organisation qui ne reconnaît justement pas l'indépendance algérienne: l'OAS. Mais Louis Malle ne prononce pas son nom. Tous les spectateurs de 1963 savaient de quoi il s'agissait.
En 1963, c'est aussi le retour à une stabilité monétaire avec la mise en place des nouveaux francs en circulation depuis 1960. Des plans nombreux sur les billets de 100 Francs à l'effigie de Napoléon montrent combien cette monnaie est un signe de confiance retrouvée pour ces Français. Mais elle est aussi signe d'un monde nouveau pour certains nostalgiques du passé. Un monde dont justement la valeur des choses peut échapper à certains, comme quand Leroy donne un billet de 100 Francs au Taxi et qu'il ne réclame pas sa monnaie. Le taxi le traite d'abruti car justement, Leroy ne connaît pas la valeur des choses.

Enfin, ce début des années 60 marque aussi le début de l'émancipation des femmes et des jeunes femmes.
Dorothy est la femme d'Alain Leroy mais elle envoie Lydia sa meilleure ami pour prendre de ses nouvelles alors qu'il est en maison de repos à Versailles. Mais Lydia couche avec Alain malgré le mariage l'unissant à sa meilleure amie. Lydia est aussi une femme d'affaires, aussi étonnant que cela pouvait paraître, comme elle le dit elle-même à Alain. Celui-ci rencontrera durant le film de nombreuses femmes dont on comprend qu'elles ont été ses maîtresses. Mais d'autres femmes jalonnent le film. Une est mariée avec un de ses amis. Elle avait des enfants avec un autre homme. Une autre (très) jeune femme drague ouvertement Alain dans une soirée organisée par son ami Cyril. Enfin, dans cette même soirée, on comprend qu'une autre jeune femme veut diriger la vie du jeune Milou. Renversement des situations donc entre les hommes et les femmes allant même jusqu'à présenter une femme sortant les soirées tandis que son fiancé reste chez lui à l'attendre!

Le film montre donc que la France est passés de la IVème République, avec instabilité économique et difficultés dans la décolonisation dans un cadre traditionnel phallocrate à celle de la Vème République dans laquelle les femmes semblent s'imposer aux hommes dans un monde nouveau dont elles auraient pris les codes des hommes, jusqu'à tromper leur mari ou leurs amies!

Pas de narration mais un tableau d'un homme voué au suicide
Louis Malle adopte un scénario apparemment assez classique avec présentation du personnage principal, définition de son objectif dans le film, climax l'amenant à la chute et résolution de l'objectif.
Mais en réalité, le film déconcerte le spectateur par plusieurs éléments qui relèvent et du scénario et de la mise en scène voire des dialogues.
Alors que nous apprenons qu'Alain veut se suicider après environ 20 minutes de film, nous réalisons surtout que lorsqu'il le dit, tous les éléments liés à son suicide étaient présentés à l'écran: les coupures de presse évoquant le suicide de Marilyn Monroe, la mort d'un enfant se prenant pour un super héros... jusqu'à la date écrite sur le miroir, date sonnant comme un ultimatum de sa vie. Nous comprenons alors que cette envie de se suicider n'est pas née spontanément mais qu'il l'avait avant même que le film ne commence à relater son histoire. Nous ne sommes donc pas dans le temps du personnage qui joue avec le temps: "il le tord" dit-il, il l'accélère. Il le dit et il le fait en avançant les iguilles de son horloge. Tout le film le montre en train d'évoquer le temps, le temps qui passe, son retard pour son départ, le temps futur auquel il est convié par ses amis. Or le film se passe justement au présent. Le passé n'est pas montré sinon par photos ou par images. Le futur est de fait hypothétique. Mais il méprise le présent tout en regrettant de ne pouvoir se satisfaire de ce temps. Ainsi son ami égyptologue lui semble vivre en dehors de la passion car sa vie est justement réglée par le temps: il se passionne pour l'Histoire et vit avec sa femme en sachant précisément ce qu'il fera avec elle le soir. Il ne comprend pas que quelqu'un puisse aimer cette vie et s'en satisfaire. Mais dans le même temps, il admet que tout lui échappe. Métaphoriquement, il évoque de plus en plus son incapacité à toucher, à saisir, c'est à dire à tenir le temps, c'est à dire à vivre avec. Il en est réduit à toucher le temps comme il le peut ou à le voir défiler sous ses yeux. Il touche les vitres, celle de la vitrine de la galerie d'art dans laquelle travaille Jeanne Moreau, vitre qui le sépare d'elle physiquement mais aussi temporellement: sa vie à elle a partiellemnt changé. Pas la sienne. Il sent également par la vitre la chaleur du soleil sur sa main, seule sensation extérieure palpable de l'autre côté de la vitre et qui constitue le seul lien qui l'unisse au monde dont il se sent exclu.

Ce film montre aussi le paradis des apparences: l'alcool le maintenait dans l'illusion d'être et d'être reconnu. Cette illusion est entretenue par les miroirs dans lesquels il se reflète sans cesse, dans le fait qu'il soit reconnu dans son ancien hôtel par le personnel lui disant qu'il n'a pas changé alors qu'il pense tout le contraire. L'image figée des êtres se manifeste aussi par le fait que sa femme, Dorothy, n'est montrée qu'en photo, objet maintenant les apparences en figeant le temps qui enfin ne lui échappe pas. Illusion toujours dans sa tenue vestimentaire, celle d'un bourgeois. "Vous avez l'air" lui dit un employé des Galeries Lafayette. Je n'ai que l'air lui répond Alain.

Cette illusion de l'alcool le maintient aussi et surtout dans un statut d'enfant éternel. Il est réveillé par l'employée de la maison de repos, employée qui pourrait-être sa mère, par son âge et par ses gestes à son égard. Éternel enfant aussi quand nous apprenons les blagues potaches qu'il a pu faire: dormir ivre sur la tombe du soldat inconnu, et en 1963, c'était une plus grande transgression qu'aujourd'hui, ou organiser des courses de kart en plein Paris. Il refuse de vieillir, de s'engager. Ainsi le clame-t-il à son ami égyptologue.

C'est en cherchant à exister tout en comprenant qu'il ne pourrait plus vivre dans ce monde dans lequel il n'a plus l'alcool pour le maintenir en vie que son destin est scellé. Toute son errance dans la journée du 6 juin, le jour le plus long selon l'Histoire et le film de 1961, le conduit à chercher malgré tout des explications pour peut-être s'en sortir. Mais tout le pousse à l'acte car il ne peut se résoudre à vivre une vie rangée ou une vie bercée d'illusions comme celles de l'OAS. Dès lors, en buvant son premier verre après 4 mois d'abstinence, ce climax du film le fait basculer dans la résolution de son objectif. Tout le monde veut l'aider comme tout le monde reconnaît quelqu'un qui ne va pas bien, dont on pressent qu'il va faire une bêtise. "Tu déjeunes avec nous demain?" "passe un de ces jours"... Alain ne peut plus rien saisir. Il ne cesse de le dire. Il a saisi une main au début du film, celle de Lydia. Il lui a demandé de rester. Elle est partie. Il ne saisira plus d'autres mains tendues. Sa main ne peut que détruire et ne rien ressentir. Cela le déstabilise et Louis Malle de le montrer avec des plans successifs entre raccords d'ans l'axe et des champs/contre champs endehors des règles habituelles, déstabilisant également le spectateur. Sa main casse un verre comme elle avait déchiré son journal, objet de fixation du temps par définition.

Un film sans épilogue
Louis Malle avait surpris le spectateur au début de son film en lui faisant comprendre que l'objectif proclamé par Alain était déjà décidé avant la rencontre avec Lydia, c'est -à-dire avant le film. Son objectif est donc prêt à être atteint. Alain étire alors le temps alors même qu'il l'avait jusqu'alors comprimé. Il s'était donné jusqu'au 23 juillet. C'est le matin du 7 juin. Alain range ses valises, défait les images accrochées sur les miroirs,finit de lire son livre, Gatsby le magnifique puis prend son pistolet...

La fin est brutale, sèche. Juste ce texte sur le visage de Maurice Ronet.



Sans épilogue, c'est à nous que s'adresse le texte. Nous venons d'être témoin d'un suicide et nous avons accompagné le personnage pendant plus d'une heure trente. Nous avons compris ses motivations. Et comme les personnages du film, nous n'avons rien pu faire. Il n'y a pas d'épilogue après un suicide, pas de mise à distance, juste une tache indélébile...

Louis Malle n'a pas connu un succès public pour ce film. On peut comprendre pourquoi. Formellement, le film est très audacieux, sans réelle narration, avec des plans très serrés sur Ronet. L'histoire du personnage n'est pas non plus ce qui entraîne en soi l'adhésion des spectateurs. Il est très difficile d'avoir de l'empathie pour un personnage qui montre tout le film son besoin de se suicider. Et si on se place du point de vue externe à Alain, se projeter dans ses amis n'est pas non plus très réconfortant, puisqu'aucun n'a su le sauver!
Le film est donc d'une tristesse et d'une noirceur incroyable, que la musique d'Erik Satie vient renforcer à presque chaque séquence. Cet état d'esprit contraste justement avec la situation de la France de 1963. Ce monde qui change est montré souvent avec un point de vue optimiste et positif, notamment dans Cléo de 5 à 7, avec certaines séquences de ville assez semblables. Louis Malle a fait un film désespéré qui renvoie à sa propre histoire, mais aussi à celle de certains Français qui, au lendemain de cet après-guerre, se retrouvent justement comme Alain Leroy, avec la "gueule de bois" et les illusions perdues dans un monde plus libre, plus riche, plus jouissif mais aussi plus rangé, plus matérialiste et finalement plus adulte.
Avant de mourir, Alain semble passer le relais au jeune Milou, dont on peut imaginer qu'il sera un des futurs acteurs de mai 68, et dont le prénom sera justement repris par Louis Malle dans son Milou en mai en 1990.

A très bientôt

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