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luni, 14 septembrie 2020

DIETRICH, STERNBERG,

L'HISTOIRE

Helen, une ancienne danseuse de cabaret venue d'Allemagne, est mariée à un chimiste américain, Edward Faraday, malheureusement gravement irradié par du radium. Pour gagner de l'argent dans le but de soigner son mari en Europe, Helen retourne sur scène, dans le rôle de « la Vénus blonde », et obtient chaque nuit un vif succès. Elle se sent aussi très attirée par un fringant homme politique, Nick Townsend, captivé par la Vénus blonde, qui va lui offrir un soutien financier...

ANALYSE ET CRITIQUE

Blonde Venus marque un frein dans la collaboration à succès liant Marlene Dietrich et Joseph von Sternberg. Ce cinquième film en commun sur sept - précédé par L'Ange bleu (1930), Cœurs brûlés (1930), Agent X 27 (1931) et Shanghaï Express (1931), suivi par L'Impératrice rouge (1934) et La Femme et le pantin (1935) - sera en effet un cinglant échec commercial, généralement attribué au fait de voir Marlene Dietrich en femme d’intérieur. Les difficultés avaient démarré en amont lorsque la Paramount refusa de produire le film si la fin initiale n’était pas modifiée. Joseph von Sternberg, qui n’en était pas à sa première difficulté avec les studios - se souvenir de ses mésaventures passées au temps du muet entre remplacement abusif sur The Masked Bride (1925) et The Exquisite Sinner (1926), film carrément détruit par Chaplin qui produisait son A Woman of the Sea - et abandonne le projet, soutenue par Marlene Dietrich suspendue dans la foulée par Paramount. Cette ténacité s’explique aussi sans doute du fait de l’implication personnelle de la star qui en aurait écrit le premier traitement par la suite scénarisé par Josef von Sternberg, Jules Furthman - un élément essentiel des films Dietrich / von Sternberg puisque à l’écriture aussi sur Cœurs brûlésAgent X 27 et Shanghaï Express, et sans Dietrich Une tragédie américaine suivi plus tard de Shanghaï Gesture (1941) - et S. K. Lauren. C’était la première fois que Marlene Dietrich pouvait jouer une mère à l’écran, ce qui semblait lui tenir à cœur (le premier traitement se nommant d’ailleurs Mother Love), un facteur qui permettra paradoxalement au projet de se décanter. La rébellion de l’actrice (supposée être remplacée par Tallulah Bankhead) suscite quelques remous dans l’opinion publique, au point que le studio reçoit des menaces d’enlèvement pour la fille de Marlene Dietrich. Celle-ci menaçant de retourner à Berlin pour sa sécurité, un arrangement est trouvé avec la Paramount et le film pourra finalement se faire.
 
Ces prémisses mouvementées témoignent également de la volonté de fer du personnage de Helen (Marlene Dietrich) dans le film. Tout le récit fonctionne sur le motif de la dérobade de l’héroïne à l’image dans laquelle la figent ses interlocuteurs masculins. La délicieuse, élégiaque et érotique scène d’ouverture capture Helen telle une nymphe nageant nue avec ces compagnes. Cette vision féérique et émerveillée fige donc le regard d’Edward (Herbert Marshall) lors de leur rencontre, imprégnant même le quotidien ordinaire de leur foyer puisqu’une ellipse nous fait comprendre qu’ils sont désormais mariés et vivent aux Etats-Unis. Cela s’articule par une belle idée formelle, l’eau et la nage de Helen se confondant avec le bain de son fils Johnny quelques années plus tard. C’est encore plus intéressant narrativement et thématiquement, le récit de cette première rencontre rêveuse servant même de berceuse à Johnny sous le regard attendri de ses parents. Le drame vient briser cette douce harmonie avec la maladie d’Edward qui force Helen à reprendre son activité de chanteuse pour payer le traitement. Là, c’est au terme d’un mémorable numéro musical (où Marlene effeuille un déguisement de gorille pour arborer sa tenue de scène) qu’elle envoûte le riche politicien Nick Townsend (Cary Grant), un bienfaiteur qui va l’entretenir et indirectement "financer " la guérison de l’époux. Là encore, les environnements luxueux et raffinés où la confine son amant correspondent au fantasme glamour qu’a symbolisé cette première rencontre.
 
Si Helen assume les conséquences de ses actes, les hommes sont incapables de dépasser l’idéal féminin dans lequel ils l’ont enfermée. Cet idéal détermine d’ailleurs la nature de leur réaction. Edward malgré sa vie sauve rejette violemment celle désormais "souillée" pour lui, et Nick préfère quant à lui l’exil plutôt que de voir Helen revenir au statut de modeste femme d’intérieur. On peut même considérer notre héroïne comme volontairement figée dans un autre regard masculin, celui de son fils. La déchéance financière et morale dans laquelle s’abîme Helen par la suite n’a pour but que de conserver la garde de Johnny, de demeurer sa mère. Les dialogues ont beau édulcorer la vérité (l’arrestation pour "vagabondage" pour ne pas prononcer le mot prostitution), l’avilissement d’Helen nourrissant paradoxalement un sentiment de pur amour maternel. Là encore, l’affranchissement de l’héroïne se fait par le regard masculin. La désinvolture avec laquelle l’aborde l’homme qui la traque pour son mari - et ne voit jamais en elle la mère de famille qu’il pourchasse - lui fait comprendre combien elle est tombée bas et l’amènera à se séparer de son fils. Marlene Dietrich illustre avec subtilité toutes ces mues où elle conserve toujours sa dignité. L’élégance fanée passe par une démarche plus désinvolte et un élément aussi anodin qu’un trou dans la manche de sa robe. L’intonation douce et bienveillante du début du film laisse place à un propos rageur et désabusé. Et surtout les gros plans où von Sternberg s’empare de l’émotion à fleur de peau du visage de Marlene Dietrich sont restreints lors de la scène la plus déchirante du film. Forcée de faire ses adieux à Johnny, Helen affronte l’épreuve sans larmes ni cris, le réalisateur dissimulant son visage sous son chapeau tout comme elle contient ses émotions et affronte dignement l’épreuve. Helen accepte ainsi définitivement d’être la "créature" des yeux masculins anonymes qui l’observent dans l’ultime séquence musicale. Le frac blanc qu’elle arbore sur scène signifie par son éclat et sa neutralité - pour l’anecdote on ajouta à la tenue (qui ne ressortait pas suffisamment) du brillant sur la suggestion de sa fille de huit ans et l’astuce sera conservée dans ses films suivant et sa carrière scénique des années 60 - son absence d’attache au monde qui l’entoure.
 
Sans les hasards malheureux de la vie et la fermeture d’esprit des hommes, elle n’aurait jamais quitté le "rôle" initial dans lequel elle était heureuse. Assumant toutes ses transformations forcées, ce n’est pas à Helen de changer mais à son entourage de reconstituer au-delà des rancœurs et des préjugés l’image de celle qu’ils ont aimée. C’est le processus de la magnifique scène finale, où Helen demeure cet être entier et courageux que l’autre a enfin appris à regarder pour lui-même.

DIETRICH , VON STERNBERG / IMPARATEASA ROSIE


L'HISTOIRE

Russie, 1744. Quand Sophie Frédérique se marie à Son Altesse Sérénissime Pierre III Fiodorovitch, grand-duc de Russie et neveu de l'impératrice, la jeune Prussienne se retrouve prisonnière d'une union sans amour. Ambitieuse et séductrice, elle se lasse vite du manque de panache de son mari, d'autant que le comte Alexeï puis le capitaine Orlov tombent sous son charme. Mais lorsqu'un enfant naît, les complots qui se trament en coulisses vont éclater au grand jour.

ANALYSE ET CRITIQUE

L’Impératrice rouge est la sixième et avant-dernière collaboration du mythique duo Marlene Dietrich / Josef Von Sternberg. Les précédents films s’articulaient à la fois sur une dimension dépaysante où une contrée, un contexte historique et/ou dramatique servait d’écrin à une Marlene Dietrich endossant une pure présence romanesque tour à tour maîtresse ou jouet du destin. Cette facette en partie vulnérable de Dietrich s’estompe dans L’Impératrice rouge où Sternberg vise à en faire une pure figure mythologique. Il y a cependant au départ un contraste entre le mythe de Catherine II et l’incarnation de Dietrich à l’écran, tout comme il y en a un entre la grandeur associée à la cour impériale russe et l’image qui nous en est donnée. Depuis l’enfance, Sophie Frédérique (incarnée enfant par Maria Riva, la fille de Marlene Dietrich) est nourrie du doux rêve d’être l’impératrice de Russie par sa mère, ce qui façonne pour la fillette un présent contraignant et un futur rêveur. Parallèlement les domestiques lui narrent pourtant l’historique sanglant de la noblesse russe, l’occasion pour Von Sternberg de déployer un livre d’images totalement décadent où défilent massacres et tortures sadiques sur de jeunes femmes dénudées.
 
On se souvient alors que L’Impératrice rouge fut un des derniers films sortis avant l’application stricte du Code Hays en cette année 1934. Ce fossé entre le fantasme et le réel a également cours lorsque la beauté sauvage et la présence virile du messager, le Comte Alexei (John Lodge), donnent un aperçu de la cour séduisant qui trouble la jeune femme, d’autant plus avec la description mensongère et avantageuse qui lui est faite de son futur époux Pierre III (Sam Jaffe). L’envers monstrueux nous apparaît ainsi avec la laideur et les attitudes dégénérées de Pierre III. Catherine pense alors reporter ses élans romantiques sur le Comte Alexei mais celui-ci n’est qu’un pion dépravé de plus, amant secret de la tyrannique et vieillissante impératrice Elisabeth (Louise Dresser). Josef Von Sternberg articule bien sûr formellement cette bascule. L’atmosphère claustrophobe de la cour se ressent par l’imagerie expressionniste et dans un premier temps oppressante pour Catherine, où le gigantisme rime constamment avec la monstruosité tel ce mouvement de caméra révélant le trône de l’impératrice Elisabeth. Les portes immenses arborent une iconographie inquiétante, les sculptures de créatures monstrueuses ornent le palais, tout cela reflétant finalement la dépravation de la cour.
 
 
La facette mythologique de Catherine II passe uniquement par les intertitres grandiloquents durant la première partie. Elle existe à l’écran au fur et à mesure de l’assurance prise par notre héroïne, qui passe de femme-enfant soumise à séductrice vénéneuse. Le contraste est d’ailleurs assez grand si l’on compare L’Impératrice rouge à Catherine de Russie de Paul Czinner (et produit par Alexander Korda) sorti la même année. Korda joue la carte morale et romanesque : Catherine II (jouée par Elisabeth Bergner) accède au trône par sa pureté morale, sa conscience du destin russe et son empathie pour le peuple. Ce peuple est quasiment absent chez Von Sternberg qui développe, lui, un pur destin individuel voire individualiste où la quête du pouvoir passe par la séduction, l’émancipation devant tout d’abord être sexuelle. C’est donc en ayant perdu ses ultimes illusions romantiques que Catherine fait de sa beauté non plus un objet d’oppression, mais une arme de conquête. La bascule se fait ainsi lors de la saisissante scène de séduction d’un garde militaire qui ignore son statut, le jeu de Dietrich et la mise en scène de Von Sternberg montre ainsi la mue se faire de la proie au chasseur.
 
Au centre de l’image et objet de tous les regards dans des tenues de plus en plus sophistiquées, c’est désormais du haut de cette nouvelle assurance qu’elle toise ses interlocuteurs. Le ton et la construction du film évitent tout modèle de narration classique. Pas de tension dramatique ou de suspense quant à l’ascension de Catherine, mais simplement une attente dans l’approche de Von Sternberg. Les événements de sa victoire s’articulent dans les seules dix dernières minutes, multipliant les visions grandiloquentes en fondus enchaînés dans lesquelles Marlene Dietrich incarne le pouvoir ET la séduction dans cet uniforme qui lui sied si bien. Ce mélange de faste et de profonde noirceur déplaira pourtant fortement au public américain qui boudera le film. Celui-ci est désormais considéré comme un classique et pour beaucoup comme le sommet de l’association entre Dietrich et Von Sternberg.

L'HISTOIRE

Dans la chaleur andalouse de Séville du début du 20ème siècle, la belle et frivole Concha Perez fait tourner la tête de nombreux hommes. Le fougueux révolutionnaire Antonio Galvan et son vieil ami Don Pascual vont s'affronter pour gagner les faveurs de la jeune femme, alors que la semaine du carnaval échauffe le sang et les passions.

ANALYSE ET CRITIQUE

 
 
La Femme et le pantin est le septième et dernier film de la fructueuse collaboration entre le pygmalion Josef Von Sternberg et sa muse Marlene Dietrich. Les deux partenaires semblaient être arrivés au bout de cette association, leur perfectionnisme commun, l’émancipation progressive de Dietrich et la lassitude de Von Sternberg menant à cette conclusion. Le film adapte le roman éponyme de Pierre Louÿs et ajoute le cadre espagnol et le folklore andalou au dépaysement des précédents films qui chacun nous faisait découvrir de nouveaux pays et de nouvelles cultures. On passait ainsi du bien nommé Morroco (1930) à la Chine de Shanghai Express (1932), en passant par la Russie impériale de L’Impératrice rouge (1934). Si l’on a parfois aujourd’hui une image de Marlene Dietrich associée à la femme fatale, cette persona filmique ne se fige qu’après sa collaboration avec Von Sternberg où elle se montrera moins aventureuse et jouera plus de son aura. Elle est ainsi intrigante, candide, vulnérable ou séductrice chez Sternberg ou chez Rouben Mamoulian dans Le Cantique des cantiques (1934).
 
 
La Femme et le pantin constitue donc une sorte de feu d’artifice où Marlene Dietrich endosse un rôle insaisissable et multifacette. Concha Perez (Marlene Dietrich) existe à travers le fantasme masculin magnifié par une scène de carnaval où l’observe Antonio (Cesar Romero), une silhouette qu’il va poursuivre mais qui lui échappera toujours. C’est cette distance et la promesse impossible d’un rapprochement qui agitent les hommes du film, parfaitement résumées dans cette introduction festive. Ce sera ensuite le voile des douloureux souvenirs de Don Pascual (Lionel Atwill) qui tissera le mystère de la volupté d’une Concha qui le manipulera et lui glissera toujours entre les mains. La séduction de Marlene Dietrich se développe au gré de l’ascension sociale de son personnage. Elle manipule les hommes sur le registre trivial et amusé lorsqu’elle n’est qu’une travailleuse d’usine, espiègle et provocante quand elle sera chanteuse de cabaret, ou encore radieuse et hautaine en tant que reine masquée du carnaval d’ouverture. La présence élégante et l’œil rieur de Concha ne traduisent aucun sentiment sincère mais l’émoi et le fol espoir des prétendants vont grandissant au fil des costumes sophistiqués endossés, de l’ascenseur émotionnel permanent entre rejet et séduction, bonheur et humiliation.
 
 
Plus qu’une femme fatale, Concha est surtout un personnage libre et inconstant dont on n’est jamais aussi proche que lorsqu’on a fermement décidé de s’en éloigner. Ce sera par les jeux d’un destin capricieux pour Don Pascuale qui finira toujours par recroiser sa route, mais surtout par les revirements de cœur de Concha s’arrachant, se frétillant telle une anguille pour échapper à celui qui pensait avoir gagné son cœur. Lionel Atwill est ainsi délicieusement pathétique face à une Marlene Dietrich à l’humeur aussi changeante que ses tenues et sa coiffure, dont l’apparat (cette coiffure avec deux mèches formant un cœur) est un mirage constamment contradictoire quant à ses sentiments du moment. On devine parfois l’instinct de survie, la mesquinerie ou la méchanceté pure et simple dans ses actions mais Concha est libre de sa frivolité, parfaitement résumée dans la chanson qu’elle interprétera au cabaret face à un auditoire conquis.
 
 
Josef von Sternberg mélange ainsi des éléments des films précédents avec des aspects plus biographiques concernant Marlene Dietrich - Théo Esparon suggère dans les bonus du DVD que la jalousie du personnage de Lionel Atwill est inspirée de celle bien réelle de son époux Rudolf Sieber vis-à-vis de Josef Von Sternberg. Cet aspect conclusif et très conscient est des plus captivants dans La Femme et le pantin mais c’est également ce qui le rend moins vibrant, captivant et romanesque que les œuvres précédentes. Von Sternberg sent sa figure démiurge s’estomper face à l’émancipation de sa créature, et Marlene Dietrich maîtrise totalement ce qu’elle souhaite laisser entrevoir d’elle à l’écran - même si quelques cinéastes dont le Lubitsch d’Ange sauront la sortir de sa zone de confort. Il était donc temps d’en finir, ce qui est le cas - et de brillante manière - dans La Femme et le pantin.