André Delvaux
Cinéaste belge (Heverlee, près de Louvain, 1926-Valence, Espagne, 2002), auteur de films aux confins de l'imaginaire et du réel : Un soir, un train (1968), Rendez-vous à Bray (1971), Belle (1973), Benvenuta (1983), Babel Opera (1985), l'Œuvre au noir (1988).
DELVAUX (André)
cinéaste et musicien belge (Héverlé 1926).
Il étudie la philologie germanique et le droit à l'université de Bruxelles tout en poursuivant au Conservatoire royal des études de piano et de composition. Professeur de langues, il se passionne pour le cinéma et anime, à partir de 1956, la réalisation par ses élèves de plusieurs courts métrages en 16 mm. Il réalise parallèlement ses propres premiers courts métrages, écrit en 1958 la musique de deux courts films de son ami Jean Brismée, dirige plusieurs émissions télévisées, dont des séries sur Fellini (1960) et Rouch (1962), et anime un séminaire sur le langage cinématographique à l'université de Bruxelles. En 1963, il est chargé de cours de langage et de réalisation cinématographiques à l'Institut national supérieur des arts du spectacle de Bruxelles. Depuis, son activité se partage entre l'enseignement théorique du cinéma, la réalisation de ses films et celle de séries télévisées. Aussi s'est-il penché sur le cinéma polonais (1964) et les métiers du cinéma (Derrière l'écran, 1966, réalisé en marge du tournage des Demoiselles de Rochefort). L'Homme au crâne rasé (1966), produit avec l'aide de la télévision flamande, est une histoire d'amour fou où le rêve se confond avec la réalité sans que nous sachions jamais avec certitude si ce qui nous est donné sur l'écran participe de l'objectif ou du subjectif. Un soir un train (1968) élargit son audience tout en précisant ses thèses et son esthétique : dans le voyage hors des lieux et du temps qui mène Mathias (Yves Montand) à la rencontre de la femme qu'il a côtoyée sans la connaître jamais (Anouk Aimée) et de sa propre vérité, le réel bascule dans l'imaginaire. Plus encore que son film précédent, Delvaux construit celui-ci comme une œuvre musicale, non seulement dans son emploi raffiné du dialogue et des bruits mais aussi dans sa structure même. De nouveau, c'est dans les paysages d'une Flandre embrumée par l'automne qu'il trouve la correspondance secrète avec la conscience confuse qu'a Mathias de son identité morale et culturelle. Rendez-vous à Bray (1971), produit en France comme le précédent, adapte à l'écran une nouvelle de Julien Gracq et l'annexe à l'univers propre de Delvaux. Le thème, une fois encore, est celui de la frontière impossible à situer entre deux univers, le passé et le présent, et le réalisateur joue de la temporalité pour mieux en brouiller les repères. La musique est projetée au premier plan (le personnage principal est pianiste et accompagnateur de films muets, ainsi que le faisait Delvaux à la Cinémathèque royale). Avec Belle (1973), qui est une sorte de quintessence de toute son œuvre (un écrivain tombe follement amoureux d'une créature de rêve qu'il rencontre dans les landes d'Ardenne et qui n'existe peut-être pas), Delvaux renoue avec bonheur avec le sens du mystère de ses premiers films. Femme entre chien et loup (1979), en revanche, s'éloigne de ses thèmes de prédilection pour traiter la prise de conscience d'une femme dans la Flandre des années 40. Ce n'est plus l'imaginaire qu'il invoque, mais les souvenirs d'une période de l'histoire flamande que les mémoires ont occultée, et le réalisme minutieux avec lequel sont décrits les gestes quotidiens réaffirme l'ordre ailleurs contesté. Mais l'intimisme psychologique sied moins au cinéaste que les vertiges de l'imaginaire. Dans Benvenuta (1983), il tente de revenir aux jeux de miroir qui l'ont toujours fasciné en décrivant un itinéraire passionnel placé sous le double signe de la réalité et des fantasmes. En 1988 il signe une adaptation ambitieuse et consciencieuse de l'Œuvre au noir de Marguerite Yourcenar.
Films :
Forges (CM, 1956) ; le Temps des écoliers (Haagschool, CM, 1962) ; l'Homme au crâne rasé (De man die zijn haar kort liet knippen, 1966) ; les Interprètes (Tolken, CM, 1968) ; Un soir un train (id.) ; Rendez-vous à Bray (1971) ; Belle (1973) ; Avec Dierick Bouts (CM, 1975) ; Femme entre chien et loup (Een vrouw tussen hond en wolf, 1979) ; To Woody Allen, From Europe With Love (1980) ; Benvenuta (1983) ; Babel Opera (1985) ; l'Œuvre au noir (1988).
- Scénario : André Delvaux, d'après la nouvelle de Julien Gracq : Le Roi Cophetua (recueil La Presqu'île)
"Rendez-vous à Bray" d'André Delvaux
"Rendez-vous à Bray" signe un tournant dans le cinéma belge. En effet, alors que les films de chez nous n’étaient vus que par les cinéphiles, André Delvaux conquiert les salles avec ce long métrage original et poétique qu'il affectionnera particulièrement tout au long de sa vie.
Ses premiers pas dans le cinéma, André Delvaux les fait en tant qu’accompagnateur au piano de films muets à "L’Écran du séminaire des Arts" devenu le "Musée du cinéma de Bruxelles". Il y exerce ses talents pendant 7 ans.
En 1958, il se tourne vers l’enseignement du néerlandais mais n’abandonne pas la caméra pour autant : il fonde une classe de cinéma au sein de l’école et réalise parallèlement plusieurs courts métrages.
En 1962, il cofonde L’Institut national supérieur des arts du spectacle et des techniques de diffusion (Insas) avec par Raymond Ravar, Jean Brismée et Paul Anrieu. En créant cette nouvelle école, les 4 cofondateurs poursuivent un objectif de professionnalisation du cinéma belge qui ne peut s'acquérir que par une formation de pointe aux différents métiers techniques et artistiques.
Le "réalisme magique" dans lequel s’inscrit l’ensemble de son œuvre prend un autre sens avec ce long métrage qui a valu à André Delvaux le Prix Louis Delluc en 1971. Le jeu esthétique et spirituel, doublé d’une interrogation métaphysique, donne une atmosphère inquiétante et étrange à la réalité. Une approche artistique qui se retrouve dans l'ensemble des films du cinéaste. Mais avec "Rendez-vous à Bray", il va plus loin encore, offrant une tonalité plus intime et une construction plus proche des formes musicales que des formes narratives. "Une respiration qui est celle de la musique" comme il le notait en parlant du film.
Le spectateur, dès le premier plan qui s'ouvre sur le regard rêveur de Julien, sait qu'il va suivre son point de vue et osciller entre les remémorations d'un passé revécu dans le désordre à l'aide de nombreux flash-backs. Cette narration engendre deux lectures, l’une simple (il suffit de se laisser aller), l’autre plus formelle amenant le spectateur à reconstruire un puzzle et à revoir le film. Ces deux lectures permettent à chaque spectateur de s’y retrouver et a apprécié ce film audacieux d’étrangetés.
"Rendez-vous à Bray", c’est l’histoire tirée d’une nouvelle de Julien Gracq, "Le Roi Cophetua" (recueil "La Presqu'île"). Alors que gronde la Première Guerre mondiale, Julien (Mathieu Carrière), un jeune pianiste luxembourgeois, est invité par son ami Jacques à passer le weekend dans sa villa à Bray. Mais en arrivant, Jacques (Roger Van Hool) n'est pas là et c’est une jeune servante mystérieuse (Anna Karina) qui l’attend. Julien, intrigué par la jeune femme, plonge alors dans ses souvenirs d’avant-guerre. C’est dans cette attente de son ami qui ne viendra pas et de cette servante avec qui il passera la nuit que le weekend de Julien se déroulera… jusqu’au lendemain, lorsqu’il se retrouvera sur le quai de la gare. Etant plus indécis que jamais, Julien hésite entre rester à Bray ou repartir et met en doute réalité de ces deux journées si étranges. Les réponses sont laissées à l’imagination du spectateur.
Après "Rendez-vous à Bray", André Delvaux continuera à nous livrer des films aux frontières entre le réel et l’irréel de par la narration et les images ressemblant à des tableaux de ces musées que le réalisateur adorait fréquenter. "Belle" en 1973, "Femme entre chien et loup" en 1979, "Benvenuta" en 1983 et "L’œuvre au Noir" en 1988 resteront à jamais dans les œuvres majeures du cinéma belge.
André Delvaux a été consacré « Doctor honoris causa de l'ULB,, Officier de l'Ordre de la Couronne et a été élevé au rang de baron en 1996. Il a alors choisi comme devise "Unus Ego Multi in Me" ("Je suis un et beaucoup sont en moi"). Il nous quittera en 2002 suite à une crise cardiaque.
===============
Niciun comentariu:
Trimiteți un comentariu