vineri, 18 septembrie 2020

Luis Bunuel 4

 

Luis Buñuel, Mon dernier soupir, Robert Laffont, 1982

Luis Buñuel, Mon dernier soupir, Robert Laffont, 1982

Luis Buñuel a été un cinéaste important. Il est aujourd’hui un peu oublié. Mon dernier soupir est un ouvrage de souvenirs, écrit avec l’aide de Jean-Claude Carrière, au soir de sa vie. Il décédera l’année suivante. Il était né au tout début du XXème siècle, en Espagne. Issu d’une famille bourgeoise et plutôt aisée, il se retrouve rapidement en porte à faux avec l’hypocrite société catholique et rigoriste de son temps. Il se liera d’amitié avec Federico Garcia Lorca, Dali, et quelques autres qui auront bouleversé la culture espagnole. Il décrit la société espagnole dans laquelle il a grandi comme encore engoncée dans un Moyen Âge qui n’en finissait pas. Par ses inclinaisons, il fut un révolté, plutôt anarchisant, sans être engagé nulle part, quoique pendant la Guerre d’Espagne il se rangea naturellement du côté des Républicains, ce qui lui valut un exil prolongé jusqu’en 1961. Assez peu intéressé par les choses de l’argent, plutôt orienté vers la poésie, il en vint naturellement à fréquenter les surréalistes. Il fut donc membre du groupe de Breton à Paris. Il ne s’en éloignera que trois ans plus tard. Cette fréquentation le marquera à jamais.  Il est un des rares cinéastes connus qui peut être qualifié de surréaliste. Il lui en restera tout au long de sa vie au moins deux choses : d’abord un athéisme militant, ensuite une sorte de passion pour les écrits de Sade. Un grand nombre de ses films sont marqués par l’athéisme et brocardent l’Eglise catholique, en long, en large et en travers. Je me demandais d’ailleurs si dans notre monde réactionnaire d’aujourd’hui il serait possible de faire des films par exemple ouvertement crachant sur l’Islam. La réponse est non. L’équivalent des films de Buñuel sur l’Islam entrainerait certainement des procès et des bombes dans les salles qui oseraient les projeter. 

Luis Buñuel, Mon dernier soupir, Robert Laffont, 1982 

La Cène représentée dans Viridiana scandalisa l’Eglise catholique 

Ayant grandi dans un pays où l’extrême pauvreté côtoyait l’extrême richesse, Buñuel était très marqué par l’absurdité de tels rapports de classes et le grotesque qui allait forcément avec. S’il détestait autant l’Eglise ce n’était pas seulement pour les absurdes croyances qu’elle mettait en scène, mais aussi parce qu’elle était en Espagne ouvertement le soutien de la réaction et des grands propriétaires. Même s’il n’approuve pas les meurtres de prêtres que les anarchistes commirent au moment de la Guerre d’Espagne, il les comprend. 

Luis Buñuel, Mon dernier soupir, Robert Laffont, 1982 

La voie lactée 

La filmographie de Buñuel ne se réduit sûrement pas à cette opposition farouche. Elle porte aussi sur le rêve, les fantasme, l’érotisme et la mort. Autodidacte consommé, il apprit un peu de technique à Paris. Dès ces débuts, dans ces deux courts métrages, Le chien andalou et L’âge d’or, il brisera les structures traditionnelles de la narration. Ces coups d’éclat ne seront cependant que des feux de paille. Après un détour chaotique par Hollywood, il fera d’abord carrière au Mexique, pays dont il prendra la nationalité et où il s’établira définitivement. Bien que cette période soit moins homogène que la suivante, avec des hauts et des bas, c’est peut-être là qu’elle est le plus originale. Elle se marie d’ailleurs plutôt bien avec le fait que le Mexique après la Seconde Guerre mondiale développait une cinématographie propre, avec de très beaux films, le plus souvent fauchés d’ailleurs. Cette période fut couronnée d’un Prix de la mise en scène au Festival de Cannes en 1951 – c’était du temps où le Festival de Cannes ressemblait un peu à quelque chose – pour Los Olvidados, puis d’une Palme d’or pour Viridiana en 1961. Cette reconnaissance internationale lui permit d’accéder à des budgets plus huppés. Il revint donc tourner en France, Le journal d’une femme de chambre, d’après Octave Mirbeau en 1964 et avec Jeanne Moreau.

Luis Buñuel, Mon dernier soupir, Robert Laffont, 1982 

Los Olvidados 

Le reste de sa carrière est plus connu, mais pour ma part je le trouve un peu trop sage, moins percutant que ce qu’il pouvait faire au Mexique par exemple avec des films plutôt étranges comme Subito al cielo en 1952. Il tournera deux films avec Catherine Deneuve, Belle de jour et Tristana, sans doute ce que cette actrice aura fait de mieux. Le premier film est assez convenu, l’histoire d’une femme qui s’ennuie et se prostitue pour réaliser un certain nombre de ses fantasmes. Buñuel ne l’aimait pas trop. Le second est plus étrange avec une histoire d’amputation et de jambe articulée, un retour à cette vieille idée d’un handicap physique irrémédiable autant que paradoxal où se mêle la culpabilité et la honte. Le charme discret de la bourgeoisie ne m’a pas laissé un souvenir impérissable, comme La voie Lactée. Mais quand on voit le cinéma d’aujourd’hui complètement engoncé dans des formalismes d’un autre âge, Buñuel apparait comme un très grand cinéaste. Comme je l’ai dit ce n’était pas un très grand technicien, il ajustait ses capacités créatrices à l’importance de son sujet. C’est un peu l’inverse d’Hitchcock si on veut : ce dernier n’a jamais eu grand-chose à dire, mais il usait de nombreux artifices techniques qu’il maitrisait – encore que ses ignobles transparences ou l’usage de la couleur verte pour les rêves nous font douter parfois de cette maîtrise – pour masquer le vide de ses films. Il n’existe plus guère de cinéastes de cette trempe, ou peut-être ne veut-on plus produire ce genre de films dont l’œuvre est reconnaissable directement à la fois par une thématique personnelle et une façon de filmer originale. Dans les années 50 et 60, des cinéastes comme Fellini, Bergman, Orson Welles et bien sûr Buñuel avaient suffisamment de succès pour qu’ils deviennent des sortes d’étalon du cinéma mondial.

Luis Buñuel, Mon dernier soupir, Robert Laffont, 1982 

Tristana 

L’ouvrage de Buñuel retrace évidemment un engagement de cinéaste et d’homme de son temps. Cela suffit à en faire l’intérêt, mais au détour des pages on y trouve aussi beaucoup d’humour, ne ménageant guère les personnes qu’il a pu connaitre et donc n’hésitant pas à nous faire part, sans trop d’ostentation cependant, de ses détestations. Il est plutôt caustique avec Dali, ce clown d’Avida Dollars[1], assez peu indulgent avec l’œuvre de Federico Garcia Lorca, et très critique avec Chaplin.  On pourra trouver ses réflexions sur la Guerre d’Espagne assez peu approfondies, s’il fustige les anarchistes et le POUM pour leur désorganisation, il ne tient pas compte du coup d’Etat stalinien du 3 mai 1937 qui envoyèrent les sections d’assaut contre les anarchistes et le POUM, alors que les troupes franquistes avançaient déjà à vive allure

Extraits 

« Impossible de boire sans fumer. Pour ma part je me suis mis à fumer vers l’âge de seize ans et je n’ai jamais arrêté. Il est vrai que je n’ai fumé que rarement plus de vingt cigarettes par jour. […] Le tabac, qui se marie admirablement avec l’alcool (si l’alcool est la reine, le tabac est le roi) est un chaleureux compagnon de tous les événements d’une vie. C’est le grand copain des bons et des mauvais jours. On allume une cigarette pour fêter une joie ou pour cacher une amertume. Quand on est seul ou quand on est ensemble. […] Aussi me permettrai-je, respectables lecteurs, pour en terminer avec ces considérations sur l’alcool et le tabac, pères des amitiés puissantes comme des rêveries fécondes, de vous donner un double conseil : ne fumez pas et ne buvez pas. C’est dangereux pour la santé. »

 

On me dit : et la science ? Ne cherche-t-elle pas, par d’autres voies, à réduire le mystère qui nous entoure ?

Peut-être, mais la science ne m’intéresse pas. Elle me semble prétentieuse, analytique et superficielle. Elle ignore le rêve, le hasard, le rire, le sentiment et la contradiction, toutes choses qui me sont précieuses. Un personnage de La voie lactée disait : « Ma haine de la science et mon mépris de la technologie m’amèneront, finalement, à cette absurde croyance en Dieu. » Il n’en est rien. En ce qui me concerne c’est même tout à fait impossible. J’ai choisi ma place, elle est dans le mystère. Il me reste à le respecter. »

 

« Une chose est désormais certaine : la science est l’ennemie de l’homme. Elle flatte en nous l’instinct de toute-puissance qui conduit à notre destruction. D’ailleurs une récente enquête le prouvait : sur sept cent mille scientifiques « hautement qualifiés » travaillant à l’heure actuelle dans le monde, cinq cent vingt mille s’efforcent d’améliorer les moyens de mort, de détruire l’humanité. Cent quatre-vingt mille seulement recherche les méthodes de notre sauvegarde. »



[1] C’est l’anagramme de Salvador Dali, surnom donné pour le moquer par André Breton.

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