vineri, 18 septembrie 2020

BUNUEL 3 / BIO + FILMOGRAFIE

 



                          LUIS   Buñuel                             Luis Buñuel  si SALVADOR DALI


https://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Luis_Bu%C3%B1uel/99034

Luis Buñuel

Cinéaste espagnol naturalisé mexicain (Calanda, Aragon, 1900-Mexico 1983).

LES PREMIÈRES EXPÉRIENCES

Inscrit au collège des Jésuites de Saragosse, puis étudiant à l'université de Madrid, Luis Buñuel est un élève éclectique et brillant, qui s'intéresse à la fois aux sciences et aux lettres – il est très attiré par la musique, l'histoire des religions et l'entomologie –, et un sportif – il tâte de la boxe. C'est aussi déjà un passionné de cinéma : en 1920, il fonde le premier ciné-club espagnol. Il se lie d'amitié avec Federico García Lorca, R. Gómez de la Serna, Rafael Alberti, J. Ortega y Gasset et Jorge Guillén, et suit de très près les divers mouvements européens d'avant-garde.

LA RENCONTRE AVEC LE GROUPE SURRÉALISTE

En 1925, il vient à Paris, écrit des articles, fréquente le groupe surréaliste, devient l'assistant de Jean Epstein et met au point avec le peintre Salvador Dalí le scénario d'un film qui va faire l'effet d'une bombe. Un chien andalou (1928) obtient, en effet, un grand succès de scandale, ce qui n'est apparemment pas du goût de son auteur, qui déclare être victime d'un malentendu : « Que puis-je contre les fervents de toute nouveauté, même si cette nouveauté outrage leurs convictions les plus profondes, contre une presse vendue ou insincère, contre cette foule imbécile qui a trouvé beau et poétique ce qui au fond n'est qu'un désespéré, un passionné appel au meurtre. » Le film est une totale provocation : il se veut surréaliste et fait appel successivement à l'inconscient, au hasard, à la gratuité, à l'absurde, à la métaphore poétique, à la correspondance psychanalytique. Mais le succès du film n'est pas le fait du seul snobisme. D'autres jeunes gens n'hésitent pas à clamer leur enthousiasme. Ainsi Jean Vigo, qui déclare : « Un chien andalou est une œuvre capitale à tous les points de vue : sûreté de la mise en scène, habileté des éclairages, science parfaite des associations visuelles et idéologiques, logique solide du rêve, admirable confrontation du subconscient et du rationnel. » L'Âge d'or, réalisé en 1930 grâce au mécénat du vicomte de Noailles, fait tout pareillement scandale. Mais là certains spectateurs furieux ne se contentent pas de siffler : le Studio 28, qui présente le film, est saccagé par des commandos fascistes et antisémites. Le film est interdit, ce qui ne saurait, bien au contraire, refréner les éloges d'André Breton : « Voilà une œuvre qui demeure à ce jour la seule entreprise d'exaltation de l'amour total tel que je l'envisage. »

L'ÉCLIPSE AMÉRICAINE

En 1931, la république est proclamée en Espagne. Buñuel rentre dans son pays et réalise Las Hurdes (Terre sans pain), un « essai cinématographique de géographie humaine sur une région stérile et inhospitalière, où l'homme est obligé de lutter heure par heure pour sa subsistance ». Ce document, conçu comme un reportage et une enquête, est en fait un violent cri de révolte contre les effroyables conditions d'existence de certaines populations socialement « rejetées ». Après ce vigoureux pamphlet, on était en droit d'attendre d'autres œuvres de contestation de la part de quelqu'un qui avait fait une entrée si fracassante dans le monde du cinéma, mais Buñuel va décevoir ses plus fidèles partisans. Pendant une vingtaine d'années, son destin prendra une curieuse tournure. Buñuel effectuera à Paris des travaux de doublage pour la firme Paramount, retournera en Espagne superviser des coproductions pour la Warner Bros, deviendra producteur de films, partira pour les États-Unis, puis pour le Mexique, où on lui fait réaliser des comédies légères et des drames à succès. Il avouera plus tard lui-même : « Évidemment, j'ai dû faire de mauvais films, mais toujours moralement dignes. »

En Europe, beaucoup ont appris à oublier l'enfant prodige quand, en 1950, sort sur les écrans un film mexicain intitulé Los olvidados. Celui-ci est signé Luis Buñuel. La critique internationale, en soulignant les mérites du film, insiste sur la résurgence d'anciens thèmes bunuéliens, comme l'onirisme et la cruauté, et prédit une nouvelle carrière éclatante à un réalisateur qui semble retrouver un rythme régulier de production. Tous les films qui suivent Los olvidados ne sont pourtant pas des chefs-d'œuvre, mais, dans la Montée au ciel (1951), Robinson Crusoé (1952), El (1953), la Vie criminelle d'Archibald de la Cruz (1955) ou la Mort en ce jardin (1956), on retrouve des éléments intéressants qui permettent de compter Buñuel parmi les metteurs en scène les plus importants des années 1950.

EN LUTTE CONTRE LES TABOUS DE LA SOCIÉTÉ BOURGEOISE ET DE LA MORALE TRADITIONNELLE

Trois films, Nazarin (1958), Viridiana (1961) et l'Ange exterminateur (1962), vont combler les espérances des « bunuéliens » et détruire les dernières réticences de ceux que le souvenir de l'Âge d'or obsédait trop pour pouvoir apprécier objectivement un cinéaste parfois curieusement assez peu inspiré (notamment pour Cela s'appelle l'aurore [1956], tourné en France, et pour La fièvre monte à El Pao [1959], qui fut le dernier film de Gérard Philipe).

Nazarin, âprement discuté, fait rebondir la querelle d'un Buñuel chrétien ou athée. Viridiana, tourné en Espagne, obtient la palme d'or au festival de Cannes de 1961 et suscite certains remous dans le pays natal de l'auteur, où la censure l'interdit bientôt, ce qui oblige Buñuel à revenir au Mexique pour entreprendre l'Ange exterminateur.

On retrouve dans ces trois films le style bunuélien dans ses paroxysmes les plus séduisants. Usant de la palette mordante d'un Goya, Buñuel ne cesse d'attaquer une société bourgeoise, toujours étudiée et critiquée dans ses rapports proches ou lointains avec le christianisme. Il est satirique avec humour, un humour toujours noir, n'hésite pas à pousser la cruauté jusqu'aux approches du sadisme, crée un monde de malaise et d'étrangeté par l'emploi obsessionnel d'objets fétiches, attaque avec une joyeuse férocité le conformisme social et l'aliénation religieuse.

Après avoir tourné en France le Journal d'une femme de chambre (1964) [d'après Octave Mirbeau et avec Jeanne Moreau dans le rôle principal] et Belle de jour (1967) [d'après Joseph Kessel], qui remporte le grand prix du Festival de Venise, Buñuel annonce qu'il abandonne le cinéma. Mais, revenant sur sa décision, il réalise en 1968 la Voie lactée, en 1969 Tristana (d'après Benito Pérez Galdós), en 1972, Le Charme discret de la Bourgeoisie, en 1974 Le Fantôme de la liberté et en 1977 Cet obscur objet du désir. Sollicité, célébré (un Oscar en 1972), il n'en reste pas moins insaisissable, déroutant, irréductible, un esprit libre, unique qui n'a jamais renié ses convictions les plus profondes : « Je suis contre la morale conventionnelle, les fantasmes traditionnels, le sentimentalisme, toute la saleté morale de la société. La morale bourgeoise est pour moi l'antimorale, parce que fondée sur de très injustes institutions, la religion, la patrie, la famille et autres piliers de la société », ni sa foi à l'égard du cinéma : « Il suffirait que la paupière blanche de l'écran puisse refléter la lumière qui lui est propre pour faire sauter l'univers. Mais, pour le moment, nous pouvons dormir tranquilles, car la lumière cinématographique est sûrement dosée et enchaînée. Le cinéma est une arme magnifique et dangereuse si c'est un esprit libre qui le manie. » Et lorsqu'il avoue par boutade : « Je suis toujours athée, grâce à Dieu », ne cherche-t-il pas à déguiser ce qui peut apparaître comme l'une des clefs de son œuvre ?

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BUÑUEL (Luis)

cinéaste mexicain d'origine espagnole (Calanda, Aragon, Espagne, 1900 - Mexico 1983).

Il étudie chez les jésuites, à Saragosse. À Madrid, il se lie à Gómez de la Serna, Federico García Lorca et la génération de 1927. Comme eux, il écrit des poèmes ; il anime en outre la rubrique cinématographique de la Gaceta Literaria (1927) et le premier ciné-club espagnol. À Paris, entre-temps, il est l'assistant d'Epstein. Un chien andalou, écrit en collaboration avec Dalí, facilite son ralliement au mouvement surréaliste. « Le surréalisme m'a révélé que, dans la vie, il y a un sens moral que l'homme ne peut pas se dispenser de prendre, dira-t-il. Par lui, j'ai découvert que l'homme n'était pas libre. » L'Âge d'or (1930) suscite des attaques de la droite et est finalement interdit. Les surréalistes publient un manifeste pour sa défense : « Buñuel a formulé une hypothèse sur la révolution et l'amour qui touche au plus profond de la nature humaine... » Revenu en Espagne, il tourne Terre sans pain, documentaire sur las Hurdes, région déshéritée où la détresse atteint les limites de la bestialité ; le gouvernement républicain l'interdit. Il devient l'homme clé de Filmofono, entreprise madrilène qui veut produire des films populaires et d'une certaine tenue ; à ce titre, il travaille comme producteur exécutif sur quatre longs métrages à la veille de la guerre civile, puis se met à la disposition des autorités républicaines et monte le film de propagande Espagne 1937. La fin du conflit le surprend aux États-Unis, où il travaille au musée d'Art moderne de New York. Il finit par s'installer au Mexique, où il tourne régulièrement de 1946 à 1965, apportant quelques touches personnelles dans la production commerciale de ce pays. Los olvidados(1950), primé à Cannes, rappelle son talent à la critique, mais ne lui assure pas tout de suite une marge d'autonomie plus grande. Il contrôle davantage ses sujets et se permet progressivement plus de liberté dans la mise en scène. La Vie criminelle d'Archibald de la Cruz ouvre la voie aux premières coproductions françaises (Cela s'appelle l'aurore, la Mort en ce jardin, La fièvre monte à El Pao) ; il y aborde des thèmes politiques avec plus de moyens, mais aussi avec plus de lourdeurs et de schématisme. Les coproductions avec les États-Unis (Robinson Crusoé, la Jeune Fille)s'avèrent plus proches de son univers. Nazarin, la meilleure réussite avec El de cette première phase mexicaine, annonce Viridiana, 1961, tourné en Espagne, qui lui vaudra la Palme d'or à Cannes et un nouveau scandale, car le Vatican crie au sacrilège. À plus de soixante ans, Buñuel atteint enfin à l'indépendance nécessaire à l'épanouissement d'une maturité jusqu'alors soumise aux contraintes économiques et artistiques du cinéma.

Un chien andalou et l'Âge d'or préfigurent la matière et le style des grands films ultérieurs. Le premier associe des images oniriques et exalte le désir érotique. Le second dénonce les obstacles rencontrés dans la société bourgeoise et issus de la morale chrétienne. Le réquisitoire s'accompagne d'une subversion des valeurs établies et d'un hommage alors blasphématoire à Sade. Un chien andalou s'écarte du formalisme à la mode au sein de l'avant-garde française. Buñuel ne cultive point l'expérimentation tournant à vide, les effets optiques ou les trucages. Il prétend recréer une réalité poétique, déchirer les voiles de la perception, secouer le spectateur, l'inviter à « voir d'un autre œil que de coutume » (Vigo). L'Âge d'or ne se complaît pas dans l'ambiguïté. Il porte toute la charge libertaire du surréalisme « au service de la révolution ». À l'aube du parlant, il innove par la dissociation du son et de l'image, le dialogue en voix off, l'utilisation de la musique (classique et paso doble). Avec Brahms en contrepoint, le constat détaché de Terre sans pain est d'une férocité à peine retenue. Les bons sentiments ne sont pas de mise et cela fait toute la différence entre Los olvidados et le néoréalisme contemporain. À la pitié et à l'humanisme, Buñuel préfère la lucidité et la révolte. Le père Lizzardi (la Mort en ce jardin), Nazarin et Viridianamontrent que la charité (vertu cardinale du christianisme) est non seulement un palliatif inefficace, mais aussi un instrument de soumission. En politique également, l'humaniste (Cela s'appelle l'aurore), le réformiste (La fièvre monte à El Pao), pourtant sympathiques, aboutissent à l'échec. De l'anticléricalisme (le Grand Noceur, Don Quintin l'amer par ex.), Buñuel passe à une critique des fondements de la civilisation chrétienne ; son rejet du dogme devient attitude philosophique, refus des simplifications, des vérités figées, des oppositions tranchées (la Voie lactée). Le réalisme ne suffit pas, et l'imaginaire aussi fait partie de la réalité. « Le cinéma est la meilleure arme pour exprimer le monde des songes, des émotions, de l'instinct », dit-il. Pendant des années, cette part nocturne de l'humanité ne passe qu'à petites doses dans ses films mexicains, au détour de scènes oniriques ou de rêveries éveillées (Los olvidados, la Montée au ciel). Le désir, refoulé ou assumé, imprègne cependant un nombre croissant de ses personnages (Susana, El bruto, El, les Hauts de Hurlevent, la Vie criminelle d'Archibald de la Cruz, la Jeune Fille).

Après l'Ange exterminateur et Belle de jour, rêve et réalité redeviennent les vases communicants chers à André Breton. Buñuel brouille les cartes, dilue les règles du récit logique, cartésien ; il abandonne la psychologie, la sociologie et autres béquilles de la vraisemblance romanesque, télescope les coordonnées de temps et d'espace, trace des fausses pistes, s'amuse sur des chemins de traverse, oblige enfin le public à entreprendre une réarticulation et interprétation des images, un peu à la manière des romans-maquette-à-monter de Cortázar. Il recourt à des œuvres littéraires, notamment de Pérez Galdós (Nazarin et Tristana),Mirbeau (le Journal d'une femme de chambre), Kessel (Belle de jour), Lou["]ys (Cet obscur objet du désir). Ses adaptations impliquent des remaniements profonds, touchant la structure du récit et les personnages, des transpositions d'époque et de pays. La caméra est souvent en mouvement, mais lentement, sans fioritures, de manière imperceptible, fonctionnelle, limitant par ses recadrages les coupes à l'intérieur des séquences. Ce dépouillement, parfois confondu avec un certain classicisme, s'appuie sur des scénarios fortement charpentés. Buñuel délaisse la progression dramatique et accumule les épisodes, soit en suivant un déplacement temporel et spatial (le voyage, typique du roman picaresque), soit en empruntant une structure plus complexe, dans ses derniers films. De l'Âge d'or au Fantôme de la liberté, il prise les enchaînements au travers d'associations d'images ou d'idées. Ce dernier film pousse à l'extrême l'éclatement des règles narratives ; il frustre volontairement l'attente du spectateur et l'encourage à rompre avec ses habitudes de regard et de compréhension. Le cinéaste aime la symétrie et les structures dualistes dans ses scénarios, pour mieux nier les schémas dualistes de pensée (le bien et le mal se confondent trop dans la vie). Pour ce travail soigné d'écriture, il trouve trois collaborateurs réguliers : Luis Alcoriza (dix films, du Grand Noceur à l'Ange exterminateur, en passant par Los olvidados), Julio Alejandro (les Hauts de Hurlevent, Nazarin, Viridiana, Simon du désert, Tristana) et Jean-Claude Carrière (pour les six films tournés en France, du Journal d'une femme de chambre à Cet obscur objet du désir). L'étrange humanité des films de Buñuel rappelle le Goya des peintures noires et des Caprices. Ces monstres « engendrés par le sommeil de la raison » possèdent une vitalité animale qui fait défaut aux beaux protagonistes dont le réalisateur critique les normes (Nazarin, Viridiana). Marginalisés et rejetés par la société, leur conduite échappe à la dichotomie innocence-perversion, comme chez les enfants pour qui le péché n'existe pas encore. L'abondant bestiaire rassemblé par ce passionné d'entomologie témoigne de la part d'instincts étouffée par les conventions sociales. Admirateur du burlesque américain, Buñuel ne se départit jamais de l'humour. Cela lui permet d'éviter l'esprit de démonstration du film à thèse, tout en abordant les sujets les plus sérieux : le racisme et le colonialisme (Robinson Crusoé, la Jeune Fille) ; les filigranes de la religion (Simon du désert, la Voie lactée) ;la conception patriarcale et possessive de l'amour bourgeois (Tristana, Cet obscur objet du désir) et son corollaire, la dépendance féminine (le Journal d'une femme de chambre, Belle de jour, Tristana) ; le comportement d'une classe sociale, dont le rituel (les repas, l'adultère) sont traqués de l'Âge d'or au Charme discret de la bourgeoisie, en passant par l'Ange exterminateur. On peut déceler dans ses films toute une série de jeux et procédés surréalistes : les objets détournés de leur fonction originelle, les « objets symboliques à fonctionnement multiple », le collage (visuel et/ou sonore), les récits à tiroirs, la parodie, les répétitions, l'accumulation selon le hasard objectif. Au côté rhétorique de la métaphore, Buñuel préfère le pouvoir poétique de l'image surréaliste (passible d'interprétation psychanalytique en tant que symbole inconscient, mais assez éloignée du symbolisme académique). Les éléments personnels, sublimés et transformés, sont nombreux, que ce soit à propos de l'érotisme, de la vieillesse, des inquiétudes politiques et artistiques de l'auteur. Le mystère étant pour lui « l'élément essentiel de toute œuvre d'art », il voudrait apporter au spectateur le doute sur la pérennité de l'ordre existant, selon le mot d'Engels qu'il a repris à son compte. Tout comme jadis il a dynamité le mélodrame de l'intérieur, par l'ironie et la surenchère (Don Quintin l'amer), il cultive les finales en pirouette, démolissant ce qui a précédé (Belle de jour, la Voie lactée) ou faisant rebondir l'action (l'Ange exterminateur). La franchise avec laquelle est abordé l'érotisme, depuis ses manifestations enfantines jusqu'au voyeurisme, à l'onanisme, au fétichisme, au travestissement, n'exclut pas la pudeur et le recours à la suggestion, voire à la gravité, car il est conscient du lien conflictuel entre Éros et Thanatos (la Vie criminelle d'Archibald de la Cruz, l'Ange exterminateur, Belle de jour). Sollicité, célébré (un Oscar en 1972), il n'en reste pas moins insaisissable, déroutant, irréductible : un esprit libre, unique.

Films  :

Un chien andalou (1928) ; l'Âge d'or (1930) ; Terre sans pain (Las Hurdes / Tierra sin pan, DOC, 1932) ; Gran Casino (1946) ; le Grand Noceur (El gran calavera,1949) ; Los olvidados (id., 1950) ; Susana la perverse(Susana, demonio y carne, id.) ; Don Quintin l'amer (La hija del engaño / Don Quintin el amargao, 1951) ; Pierre et Jean (Cuando los hijos nos juzgan / Una mujer sin amor, id.) ; la Montée au ciel (Subida al cielo, id.) ; l'Enjôleuse (El bruto, 1952) ; Robinson Crusoé (id., id.) ; Tourments (El, 1953) ; les Hauts de Hurlevent (Abismos de pasión/Cumbres borrascosas, id.) ; On a volé un tram(La ilusión viaja en tranvía, id.) ; le Rio de la Mort (El río y la muerte, 1954) ; la Vie criminelle d'Archibald de la Cruz (Ensayo de un crimen, 1955) ; Cela s'appelle l'aurore (1956 ; FR/ITAL) ; la Mort en ce jardin (id. ; FR/MEX) ; Nazarin (id., 1958 ; MEX) ; La fièvre monte à El Pao (1960 ; FR/MEX) ; la Jeune Fille (The Young One, id. ; MEX) ; Viridiana (id., 1961 ; ESP/MEX) ; l'Ange exterminateur (El ángel exterminador, 1962 ; MEX) ; le Journal d'une femme de chambre (1964 ; FR/ITAL) ; Simon du désert (Simón del desierto, 1965 ; MEX) ; Belle de jour (1967 ; FR/ITAL) ; la Voie lactée (1969 ; FR/ITAL) ; Tristana (id., 1970 ; FR/ITAL/ESP) ; le Charme discret de la bourgeoisie (1972 ; FR) ; le Fantôme de la liberté (1974 ; FR) ; Cet obscur objet du désir (1977 ; FR).

Juan Luis Buñuel s’efface à l’âge de 83 ans (1934-2017)

Posté par vincy, le 12 décembre 2017

Dans l'indifférence générale, le réalisateur et scénariste français Juan Luis Buñuel est mort le 6 décembre dernier, le même jour que Johnny Hallyday. Son décès a été annoncé dans la presse espagnole le 8 décembre. Né le 9 novembre 1934, le fils de Luis Buñuel et père de Diego Buñuel venait de fêter ses 83 ans.

Photographe, sculpteur, peintre, scénariste, réalisateur, documentariste et même acteur (Henry et June, L'aventure c'est l'aventure), ce touche-à-tout qui avait vécu en France, aux États-Unis et au Mexique a commencé en étant l'assistant réalisateur de son père en 1960 pour La jeune fille. Avec lui, il a travaillé sur Viridiana, Le journal d'une femme de chambre et Cet obscur objet du désir. Il assista aussi Louis Malle (Viva Maria!, Le voleur), Henri Verneuil et Luigi Comencini.

A partir de 1966 il réalise quelques courts documentaires avant de se lancer dans une fiction longue, Au rendez-vous de la mort joyeuse, récompensé à Sitges, avec Françoise Fabian. Il signe ensuite La femme aux bottes rouges en 1974, avec Catherine Deneuve et Fernando Rey, Léonor en 1975 avec Michel Piccoli, Ornella Muti et Liv Ullmann, et La rebelión de los colgados 1986.

Très vite, il se tourne vers la télévision pour des téléfilms ou des séries. Il prend sa retraite il y a 20 ans.

Les reprises de l’été: Belle de jour de Luis Bunuel

Posté par vincy, le 2 août 2017

Ce qu'il faut savoir: Restauré en 4K, Belle de jour, chef d'œuvre atemporel de Luis Bunuel a eu les honneurs de Cannes Classics cette année pour célébrer son cinquantième anniversaire. A sa sortie, le film avait été sacré par un Lion d'or à Venise (en plus du prix Pasinetti) et Catherine Deneuve avait obtenu une nomination comme meilleure actrice aux BAFTAS. C'est en fait avec le temps que Belle de jour est devenu culte. Même si le film a été un gros succès en France (2,2 millions de spectateurs en 1967, soit davantage que Les demoiselles de Rochefort sorti la même année), sa réputation a surclassé de nombreux films du cinéaste. Lors de sa re-sortie aux Etats-Unis en 1995, parrainé par Martin Scorsese, le film avait rapporté près de 5M$ au box office nord américain, soit l'un des plus gros scores des années 90 pour une re-sortie (et de loin la plus importante recette cette année-là puisque La horde sauvage, 2e des re-sorties n'avait récolté que 700000$). William Friedkin considère que c'est l'un des plus grands films du cinéma. Carlotta films et StudioCanal vous proposent de le (re)voir en salles dès le 2 août.

Le pitch: La belle Séverine est l’épouse très réservée du brillant chirurgien Pierre Serizy. Sous ses airs très prudes, la jeune femme est en proie à des fantasmes masochistes qu’elle ne parvient pas à assouvir avec son mari. Lorsque Henri Husson, une connaissance du couple, mentionne le nom d’une maison de rendez-vous, Séverine s’y rend, poussée par la curiosité. Elle devient la troisième pensionnaire de Mme Anaïs, présente tous les jours de la semaine de quatorze à dix-sept heures, ce qui lui vaut le surnom de « Belle de jour »…

Pourquoi il faut le voir? Pour Bunuel. Pour Deneuve. Pour tous les comédiens. Pour cette formidable interprétation visuelle et érotique du fantasme et de l'inconscient. On ne sait par où commencer. Il y a tellement de bonnes raisons de voir Belle de jour. Aujourd'hui encore, iil reste un modèle dans le registre de la fantasmagorie. Si le film atteint un tel équilibre entre le sujet, la mise en scène et l'interprétation (au point que Belle de jour et Catherine Deneuve fusionneront en un même symbole iconique), c'est sans doute parce qu'il s'affranchit de toutes les audaces, tout en étant formellement inventif et relativement pudique. Malgré sa perversité, c'est la poésie que l'on retient, cet onirisme si souvent plagié par la suite. Malgré l'aspect délirant du récit, c'est une succession d'abandons et de fêlures qui retiennent l'attention. Il y a une liberté absolue : celle à l'écran et celle qu'on laisse au spectateur.

"Son héroïne est à la fois maître de son destin, et maîtresse soumise aux vices des autres. Il n'y a rien de manichéen, car il ne fait que démontrer l'inexplicabilité de la sexualité. Avec un sens subtil du bon goût, le cinéaste espagnol parvient à nous exhiber des perversions qu'il ne juge jamais, mais qui accentuent le surréalisme du film" peut-on lire sur notre critique. "Bunuel réussit à composer un puzzle où puiseront nombre de cinéastes pour éclater leur narration et mieux fusionner le langage irrationnel du cinéma avec les logiques individuelles d'un personnage. Un portrait presque inégalable qui en dit bien plus sur rouages, les blocages et les engrenages de la psychologie d'une femme que de nombreux films bavards ou livres savants."

Et puis s'il faut un ultime argument, combien de films affichent au générique Deneuve, Piccoli, Jean Sorel, Geneviève Page, Francisco Rabal, Pierre Clementi, Françoise Fabian, Macha Méril et Francis Blanche?

Le saviez-vous? Un "roman de gare" de Joseph Kessel, des producteurs réputés commerciaux. Il n'y avait qui prédestinait Belle de jour à être un chef d'œuvre du cinéma. Co-écrit par Bunuel et Jean-Claude Carrière (c'est leur deuxième collaboration ensemble), le film s'est pourtant affranchi de toutes les contraintes. Même les pires. A commencer par la censure qui imposa des coupes au réalisateur (qu'il regrettera plus tard), notamment la scène entre Séverine et le Duc. On su plus tard que le tournage fut tendu. Les producteurs faisaient tout pour isoler le cinéaste de ses comédiens, entraînant malentendus et manque de confiance. Deneuve, à l'époque 23 ans, se sentait très vulnérable, et même en détresse, selon ses propres confidences. "J'étais très malheureuse" expliquait-elle, sentant qu'on abusait d'elle et qu'on réclamait d'elle toujours plus, notamment en l'exposant nue (il y a quelques subterfuges dans le film). Bunuel en avait conscience. Même si le tournage a été tendu, si l'actrice craignait son réalisateur, et si Deneuve et Bunuel avait un souci de compréhension dans leurs attentes respectives, cela ne les a pas empêché de tourner Tristana par la suite. Elle l'a toujours cité parmi les "cinéastes qui l'ont faite", aux côtés de Demy, Truffaut et Polanski. Elle avait accepté le rôle sans hésiter, alors que le personnage était très loin de l'image qu'elle véhiculait. Vierge et putain, et comme disait Truffaut: "Ce film coïncidait merveilleusement avec la personnalité un peu secrète de Catherine et les rêves du public."
Les deux scénaristes ont cependant pris soin d'interroger des tenancières de maisons closes sur les habitudes des clients et de nombreuses femmes sur leurs désirs. Dans ce film, le "vrai" est une fiction tandis que l'imaginaire est "réel".

Bonus: Grâce à Carlotta Films et StudioCanal, certaines salles diffuseront une rétrospective du cinéaste Luis Bunuel, "Un souffle de libertés", avec "6 œuvres majeures et anticonformistes", soit l'apogée d'une immense carrière en liberté (et les plus belles actrices françaises au passage): Le Journal d’une femme de chambre, La Voie lactée, Tristana, Le Charme discret de la bourgeoisie, Le Fantôme de la liberté, Cet obscur objet du désir.

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