vineri, 9 aprilie 2021

Hitchcock / Fenêtre sur cour - Rear window, 1954

 

L'HISTOIRE

Reporter-photographe coincé sur une chaise roulante après un accident, L.B. Jeffries (James Stewart) passe ses journées à observer son voisinage depuis sa fenêtre. Il reçoit régulièrement la visite de son infirmière Stella (Thelma Ritter) et de sa fiancée Lisa Fremont (Grace Kelly). Ses relations avec celle-ci sont difficiles : Jeffries lui reproche son manque de goût pour l’aventure et lui ne souhaite pas vraiment se marier. Un soir, il entend un cri venant de l’appartement d’en face et voit sortir son voisin, Thorwald (Raymond Burr), chargé d’une lourde valise. Il le soupçonne d’avoir tué sa femme, et confie ses soupçons à un ami détective, Doyle (Wendell Corey)...

ANALYSE ET CRITIQUE

 

Le critique Jacques Goimard a dit un jour à propos de 2001 de Stanley Kubrick : "C’est le premier film depuis Intolérance qui soit à la fois une superproduction et un film expérimental." On pourrait appliquer une formule approchante à Fenêtre sur cour d’Alfred Hitchcock : c’est à la fois un des grands classiques de l’âge d’or hollywoodien et une œuvre ouvertement expérimentale. Avec cette oeuvre, Hitchcock a réussi à livrer une réflexion très fine sur le cinéma tout en réalisant un film à suspense comme il en dirigea beaucoup au cours de sa brillante carrière. Contrairement à certaines productions ultérieures du maître du suspense (Psychose ou Mais qui a tué Harry ? par exemple), Fenêtre sur cour est en effet un film correspondant sans trop de peine aux canons "commerciaux" de l’époque (le film obtiendra d’ailleurs un très grand succès, se classant dans les vingt plus grosses recettes en salles lors de sa ressortie en France trente ans plus tard). Photographie en Technicolor, couple de stars (James Stewart et Grace Kelly, qui avaient déjà respectivement joué dans La Corde et Le Crime était presque parfait) et scénario très enlevé unissant intrigue policière et comédie romantique, Fenêtre sur cour est un film qui, pris au premier degré, offre déjà un plaisir de spectateur immense. Les dialogues du film (basé sur la nouvelle It Had to Be Murder de Cornell Woolrich, alias William Irish) se révèlent ainsi très drôles et efficaces, notamment à travers les réparties de l’infirmière Stella ou l’humour noir typiquement hitchcockien (les blagues sur le cadavre). La richesse thématique du scénario est également impressionnante puisque le film passe en revue (comme le relevait François Truffaut dans son célèbre livre d’entretiens avec Hitchcock) les différentes facettes de l’amour, au travers des habitants de l’immeuble : passion, jalousie, solitude, haine... Au centre du film, on trouve ainsi un élément de l’intrigue qui n’existait pas dans la nouvelle originale : la relation complexe qui unit Jeffries et Lisa.

 

Il peut être utile de revenir ici sur un personnage du film souvent un peu négligé au profit du voyeur Jeffries, celui de sa fiancée Lisa Fremont (Grace Kelly, qui choisit de tourner dans ce film plutôt que dans Sur les quais d'Elia Kazan). Sans doute moins complexe que d’autres grandes figures féminines créées par Hitchcock (de Alicia dans Les Enchaînés à Madeleine dans Sueurs froides), celle-ci se révèle quand même être un personnage passionnant. Au début du film, Jeffries déclare : « J’ai besoin d’une femme qui irait n’importe où et ferait n’importe quoi. » Petite fille gâtée, snob et mondaine, sa fiancée ne correspond pas a priori à ce portrait. Pourtant, émouvante dans son amour passionné (voir les scènes de dispute au cours desquelles le public se prend plus facilement de sympathie pour elle que pour le photographe baroudeur un peu sauvage interprété par James Stewart), elle va tenir tête à Jeffries et finalement lui prouver son esprit aventurier en allant se jeter dans la gueule du loup. On retrouve ici le même schéma que dans Les Enchaînés, où Alicia (Ingrid Bergman) devait montrer sa bravoure à Devlin (Cary Grant) afin que celui-ci cesse de la mépriser à cause de son alcoolisme. Avec Fenêtre sur cour, Hitchcock prend aussi le contrepied des clichés traditionnels puisque le personnage masculin est bloqué dans sa chaise roulante, donc passif, alors que le personnage féminin est actif et prend l’initiative. Serait-ce, à sa manière, un film féministe d’un cinéaste que l’on a souvent qualifié de sadique vis-à-vis de ses personnages féminins ?

 

Au-delà de cet aspect purement dramatique, le film vaut aussi bien sûr pour la passionnante réflexion qu’il propose sur le cinéma, réflexion doublée d’une prouesse technique puisque tout le film est tourné dans un seul décor (prolongeant en cela les expériences de huis clos de Lifeboat et La Corde), reconstitué en studio pour la coquette somme de 75 000 dollars. A un critique américain qui lui disait : « Vous aimez Rear Window parce que, n’étant pas familier de New York, vous ne connaissez pas bien Greenwich Village », François Truffaut (dont c’était le film préféré du maître avec Les Enchaînés) répondit un jour : « Rear Window n’est pas un film sur le Village mais tout simplement un film sur le cinéma, et je connais bien le cinéma. » Hitchcock disait quant à lui, comme en écho : « Rien n’aurait pu m’empêcher de tourner ce film, car mon amour du cinéma est plus fort que n’importe quelle morale. » Fenêtre sur cour est en effet un film sur le regard, donc sur le cinéma, sur la fascination de l’image commune à tous les êtres humains.

 

Comme le résume Hitchcock, c’est un film sur la "juxtaposition des symboles", c’est-à-dire le montage. Tout ceux (s’ils en restent) qui ne voient en Alfred Hitchcock qu’un vulgaire faiseur hollywoodien seraient bien inspirés de relire les pages du Hitchcock-Truffaut consacrées à Fenêtre sur cour afin de saisir à quel point le cinéaste pouvait être conceptuel : Hitchcock y cite comme principale source d’inspiration les travaux du cinéaste soviétique Lev Koulechov sur le montage. Ceux-ci partaient du principe que l’addition de deux plans différents créait un message absent de ces deux plans (effet de montage aujourd’hui appelé "effet Koulechov"). "Prenons un gros plan de James Stewart. Il regarde par la fenêtre, et il voit par exemple un petit chien que l’on descend dans la cour dans un panier, on revient à Stewart, il sourit. Maintenant, à la place du petit chien qui descend dans le panier, on montre une fille à poil qui se tortille devant sa fenêtre ouverte ; on replace le même gros plan de James Stewart souriant, et maintenant c’est un vieux salaud !" explique ainsi le maître du suspense dans ses entretiens avec Truffaut. Fenêtre sur cour utilise donc un travail de montage très subtil : déplaçant son regard comme une caméra sur la cour, Jeffries effectue lui-même le montage de "son" film, réalisant des plans d’échelle différente selon les outils qu’il utilise (ses yeux, des jumelles, un téléobjectif) et échafaudant un scénario (le meurtre présumé) à partir d’éléments visuels. Pris au piège à la fin du film, il devra utiliser les flashes de son appareil photo pour sauver sa vie. On peut donc voir dans Fenêtre sur cour un bel autoportrait de Hitchcock : il est utile d’avoir un bon prétexte pour tourner un film (ce que le cinéaste appelait le "MacGuffin") mais l’essentiel est quand même, comme Jeffries, d’en mettre plein la vue au spectateur ! Ce que Hitchcock ne se prive pas de faire, grâce à une mise en scène classique et précise qui porte à son paroxysme le suspense lors des scènes-clés, pratiquement muettes.

 

Double de Hitch, le personnage de Jeffries est donc très richement caractérisé  : il est à la fois un voyeur-spectateur, un cinéaste et un cinéphile. C’est un voyeur : dès qu’il est seul, il ne peut s’empêcher de regarder indiscrètement par la fenêtre. C’est un cinéaste : il imagine et met en scène une histoire. C’est aussi un cinéphile : il observe, il interprète. Fenêtre sur cour est donc un film sur l’amour irrésistible pour les images qu’éprouvent tous les êtres humains : le personnage de James Stewart entraîne ainsi progressivement dans son voyeurisme sa fiancée et son infirmière. « Nous devenons une race de voyeurs » dit Stella au début du film : nous sommes tous des Jeffries. Ce qui explique sans doute la fascination que le film continue d’exercer sur les cinéastes et les cinéphiles du monde entier ; David Lynch, dont Fenêtre sur cour était un des films préférés, n’a-t-il pas appelé le voyeur de Blue Velvet Jeffrey ?

https://www.dvdclassik.com/critique/fenetre-sur-cour-hitchcock

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REAR WINDOW (Fenêtre sur cour) – Alfred Hitchcock (1954)

Immobilisé dans son appartement avec une jambe cassée, le photographe L.B. Jefferies observe ses voisins, leur prêtant des vies imaginaires, jusqu’à ce qu’un cri dans la nuit le persuade que l’un d’eux est un meurtrier. Avec Rear Window (Fenêtre sur cour), Hitchcock montre qu’il peut être dangereux d’épier ses voisins. Dans ce thriller haletant, une curiosité bien naturelle – et sans doute compréhensible – envers la vie des autres plonge James Stewart et Grace Kelly dans un cauchemar de meurtre et de suspense. 

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REAR WINDOW (Fenêtre sur cour) – Alfred Hitchcock – 1954 – James Stewart, Grace Kelly

Alors qu’Hitchcock tournait Dial M for murder (Le Crime était presque parfait) pour Warner, en 1953, son agent Lew Wasserman, anticipant le bon accueil escompté pour ce film et exploitant le succès de Strangers on a Train (L’Inconnu du Nord-Express, 1951), passa un nouveau contrat avec la Paramount pour le tournage de neuf films. Le premier devait être, en 1954, Rear window ; d’après une nouvelle de Cornell Woolrich.

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REAR WINDOW (Fenêtre sur cour) – Alfred Hitchcock – 1954 – James Stewart, Grace Kelly

UN MONDE VIRTUEL

Hitchcock trouvait très stimulante l’idée de travailler dans un lieu unique, comme il l’avait déjà fait pour Rope (La Corde)Lifeboat et Dial M for murder. Un tour de force technique de ce type le motivait, car il aimait affronter les obstacles, pour le plaisir de les contourner ou de les dépasser. Mais cette fois, la plus grande partie du film devait être tournée à travers les yeux du personnage principal, le photographe indépendant L. B. Jefferies (« Jeff ») – un personnage un peu voyeur, dirigé par un réalisateur voyeur pour un public voyeur.

La quasi-totalité du film se passe dans l’appartement new-yorkais de Jeff, au cœur du quartier bohème de Greenwich Village, Le script prévoyait également sept ou huit autres appartements, où devaient se dérouler des scènes vues par Jeff. Une telle contrainte excluait des décors naturels car, même si l’on avait trouvé un immeuble approprié, il eut été pratiquement impossible d’obtenir une lumière adéquate dans les différentes pièces, de nuit comme de jour.

Rear window a donc entièrement été tourné dans un énorme décor monté sur le plateau 17, le plus grand des studios Paramount. Il comprenait en tout trente et un appartements, dont douze parfaitement meublés et aménagés, avec l’eau courante et l’électricité. L’ensemble fut construit selon les indications d’Hitchcock, mais en se basant sur un lieu réel, dans Greenwich Village. Dans la cour en contrebas, il y a des arbustes, un petit jardin et une allée étroite conduisant à la rue, où l’on aperçoit des voitures et des piétons.

Selon Grace Kelly, qui joue Lisa Fremont la petite amie de Jeff, pendant le tournage de  Dial M for murder, Hitchcock évoquait sans cesse la chose : « Quand il avait un moment de tranquillité, il se laissait aller à parler de la construction du formidable décor. C’était pour lui une véritable délectation. » Mais, selon elle, ce n’était pas tant les petits détails des logements qui aiguisaient son appétit, que « les gens que l’on devait voir dans les appartements en face de la fenêtre sur cour, avec leurs petites histoires, et la manière dont ils émergeraient comme personnages et ce qu’ils révéleraient ».

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L’appartement de Jeff a été le cœur des opérations. Les acteurs (ici Stewart et Wendell Corey assis, et Grace Kelly debout) étaient confinés dans une zone étroite, les techniciens et la réalisation devant se serrer dans l’espace restant.

JOHN MICHAEL HAYES

Rear window s’annonçait sous de bons auspices non seulement par la préparation satisfaisante du décor, mais aussi sur un autre plan. Jusque-là, c’est à sa femme Alma qu’Hitchcock avait confié les relations avec les auteurs chargés de préparer le scénario et les scripts ; mais cette fois, celle-ci désirait rester en retrait. Ainsi, pour la première fois, le réalisateur a dû faire entièrement confiance à un auteur tout en affirmant sa conception des choses avec vigueur, bien sûr. Le choix effectué par le réalisateur allait s’avérer très heureux. John Michael Hayes, né en 1919 et ancien journaliste, avait travaillé précédemment sur le script de quatre films, dont Thunder Bay (Le Port des passions) d’Anthony Mann, avec James Stewart. Il avait également écrit, avec succès, des dramatiques à suspense pour la radio et c’est son talent dans ce domaine qui a conduit Hitchcock à lui demander d’abord de se charger de l’adaptation de Rear window, puis d’en achever le script.

James Stewart - rear window - & Grace Kelly

REAR WINDOW (Fenêtre sur cour) – Alfred Hitchcock – 1954 – James Stewart, Grace Kelly

La collaboration des deux hommes sur le scénario fut fructueuse. Hitchcock avait demandé à Hayes d’élargir l’histoire originelle en introduisant diverses intrigues secondaires pour les autres appartements, afin de faire écho au thème central du film : les relations entre le photographe L. B. Jefferies, qui fuit les responsabilités et dont le rôle était écrit pour James Stewart et sa petite amie, une femme du monde élégante.

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REAR WINDOW (Fenêtre sur cour) – Alfred Hitchcock – 1954 – James Stewart, Grace Kelly

LISA

Le scénariste John Michael Hayes connaissait James Stewart car il avait travaillé avec lui dans Thunder Bay, mais pas Grace Kelly, qui devait jouer Lisa. Le réalisateur s’est donc arrangé pour que l’auteur passe une huitaine de jours en compagnie de l’actrice. Finalement, le personnage créé a été une sorte d’hybride entre Grace Kelly (qui avait débuté comme mannequin) et Mel Lawrence, l’épouse de Hayes.

Dans la nouvelle originelle, le seul contact du photographe avec le monde extérieur était une domestique noire. Hayes et Hitchcock ont remplacé ce personnage conventionnel par une infirmière, Stella, figure maternelle interprétée par Thelma Ritter. L’une des meilleures actrices de seconds rôles d’Hollywood. Les conversations entre Stella et Jeff, au début du film, éclairent le passé de celui-ci et présentent sa relation avec Lisa. Mais la fonction essentielle de l’infirmière consiste à dispenser un humour désabusé à l’Intention du public. Ainsi, selon Hayes, les spectateurs allaient « pouvoir s’esclaffer ensemble, s’accrocher aux sièges ensemble et crier ensemble ». De fait le script est plein d’esprit, ce qui rend les personnages à la fois crédibles et sympathiques. Hitchcock a été si satisfait du travail de son auteur qu’il l’a embauché pour ses trois films suivants.

CONTOURNER LA CENSURE

Toutefois, avant le tournage, Il fallait encore franchir un obstacle, celui des censeurs, ce qui n’était pas une petite affaire en ce début des années 1950. Le script comportait de nombreuses allusions à la sexualité, même s’il nous paraît aujourd’hui bien anodin. Il y avait le dos nu, les sous-vêtements et les pas de danse de Miss Torso, l’agression sur Miss Lonelyheart (« Cœur solitaire »), l’appétit sexuel de la jeune mariée et l’adultère supposé de Thorwald. En outre, la relation centrale entre Jeff et Lisa laissait supposer des relations sexuelles hors mariage. Tout cela faisait un cocktail détonant pour le très prude Joseph Breen, censeur en chef au Hayes Office depuis une vingtaine d’années. Toutefois, ce personnage était sur le point de se retirer et ses nombreuses objections au script n’ont, pour la plupart, pas été retenues par son successeur ; Geoffrey M. Shurlock, plus sensible à l’évolution de l’opinion : le script de Fenêtre sur cour est donc sorti presque indemne de l’épreuve.

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Raymond Burr, qui deviendra célèbre dans les rôles de Perry Mason et de Robert T. Dacier (L’Homme de fer), joue Lars Thorwald. Malicieusement, Hitchcock l’a fait maquiller pour qu’il ressemble à David O. Selznick, le producteur de la Warner.

DE PIED EN CAP

Hitchcock attachait autant d’importance aux tenues de ses acteurs qu’au décor. La responsable des costumes, Edith Head, a rapporté qu’il a pratiquement défini lui-même toute la garde-robe-couleurs et style – de Grace Kelly. Parfois, dans le film, la tenue de l’actrice l’associe visuellement à une autre femme, notamment à l’une des célibataires, Miss Torso et Miss Lonelyheart, ou illustre un thème. Ainsi, le réalisateur a voulu que le costume de Lisa, lors de sa première apparition, suggérât « une porcelaine de Dresde, quelque chose que l’on peut à peine toucher ». Dans un cas au moins, sa tenue a un sens symbolique précis : à la fin du film, elle est en pantalon, ce qui revient à dire qu’elle porte la culotte ! Pour faciliter l’identification des occupants des autres appartements que l’on aperçoit depuis la fenêtre de Jeff, leur costume est typé. Miss Lonelyheart, par exemple, s’habille en vert émeraude.

UN BON TOURNAGE

Après cette préparation méticuleuse, le tournage lui-même a été facile. Sur le plateau, l’atmosphère était détendue, Hitchcock et Stewart étalent désormais de vieux amis et selon l’acteur, ils étaient tous deux, comme le reste de l’équipe d’ailleurs, « fous de Grace Kelly. Le matin, on s’asseyait tous pour attendre son arrivée afin de pouvoir la regarder. Elle était gentille pour chacun, pleine d’égards, parfaite, et tellement belle ! » 

ACTEURS MUETS

Les acteurs affectés à un rôle quasi-muet, dans les autres appartements, étaient eux aussi au diapason. Georgine Darcy (Miss Torso) a confié n’avoir reçu aucune directive chorégraphique pour ses exercices suggestifs. Il lui avait simplement été demandé d’improviser – ce dont elle s’est acquittée avec bonheur. Ces acteurs portaient une oreillette qui permettait à Hitchcock de les guider – et qu’il a parfois utilisée d’une manière inattendue. Ainsi, à un moment, le mari et la femme propriétaires du chien, qui sont couchés dehors sur l’escalier de secours, doivent rentrer précipitamment à cause d’une averse  ; au tournage, Hitchcock s’est ingénié à leur souffler dans leurs oreillettes des instructions contradictoires. Cela a provoqué un épisode franchement comique, les deux acteurs se disputant le matelas et le mari faisant finalement la culbute.

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ON SET – REAR WINDOW (Fenêtre sur cour) – Alfred Hitchcock – 1954

PROBLÈMES D’OBJECTIFS

Hitchcock a utilisé différents objectifs pour rapprocher l’action vue à travers les yeux de Jeff. Passant du 50 mm au 75 mm et au 100 mm pour traduire l’intérêt grandissant du photographe, il a eu recours au téléobjectif de 150 mm et de 250 mm pour les plans que Jeff est censé regarder dans ses jumelles ou dans son téléobjectif. Toutefois, avec le 250 mm, la profondeur de champ était très réduite et les acteurs devenaient flous dès qu’ils bougeaient. Pour résoudre le problème, on a utilisé un objectif de 150 mm en montant la caméra sur une perche afin de l’avancer au-dessus de la cour. Le procédé produit un effet saisissant quand Thorwald se rend compte qu’il est observé et jette un regard noir vers la caméra c’est-à-dire vers Jeff.

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REAR WINDOW (Fenêtre sur cour) – Alfred Hitchcock – 1954

Ainsi, la méticuleuse préparation de Hitchcock et sa direction, le remarquable script, une équipe technique très inventive et la très bonne prestation des acteurs ont contribué à la réussite de ce film, justement classé parmi les cent meilleurs jamais tournés. Le décor de Rear window est censé situer le film à Greenwich Village, célèbre quartier new yorkais de Manhattan. Hitchcock voulait que l’ensemble soit très réaliste. Il a fait prendre des photos sur le terrain pour peaufiner les détails et enregistrer les bruits de la rue afin de reproduire l’ambiance sonore.

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ON SET – REAR WINDOW (Fenêtre sur cour) – Alfred Hitchcock – 1954 – James Stewart, Grace Kelly

L’HISTOIRE « DÉCOUPÉE »

Générique – Les volets s’ouvrent lentement derrière les titres, comme un rideau de théâtre qui se lève, donnant à la fenêtre valeur de scène ou d’écran de cinéma. Les trois volets symbolisent les trois étapes de la méthode d’Hitchcock, qu’il résume ainsi : « Un homme regarde ; il voit ; il réagit. »
Le matin – Le photographe L. B. Jefferies s’éveille dans son appartement new-yorkais. Voilà six semaines qu’il y est bloqué, la jambe dans le plâtre, sans autre occupation que d’observer ses voisins. Tandis qu’il téléphone à son rédacteur en chef, il est témoin d’une dispute conjugale dans l’appartement d’en face.
L’infirmière – Jeff reçoit la visite de Stella, l’infirmière, qui le soigne tout en plaisantant. Le dialogue introduit sa relation avec Lisa et son aversion pour tout engagement, thème central du film. Stella reproche aussi à Jeff sa manie d’épier (autre thème récurrent) qui, dit-elle, lui attirera des ennuis.
Surprise ! – Le soir, Jeff est réveillé par un baiser de sa petite amie, Lisa Fremont, qui allume les lumières dans la pièce, allant de lampe en lampe avec grâce. On livre un dîner qu’elle a commandé à un grand restaurant. Lorsqu’elle évoque sa journée et ses rêves d’avenir, Jeff se renfrogne.

Le théâtre de la cour – Alors que Lisa, vexée, s’affaire dans la cuisine, Jeff recommence à épier. Miss Lonelyheart (« Cœur solitaire ») reçoit un soupirant imaginaire et, incapable de poursuivre ce rôle, s’effondre en larmes. Miss Torso, au contraire, est entourée d’admirateurs. Le représentant de commerce sert à dîner à sa femme alitée et tous deux se disputent. Lisa apporte le plat réchauffé de la cuisine et demande d’où vient la musique enchanteresse que l’on entend. Jeff lui parle du compositeur.
Rapports tendus – Le dialogue entre Lisa et Jeff laisse entendre que ce dernier voit dans la jeune femme une menace pour son style de vie aventureux. Lorsqu’elle lui offre de partager son existence, il la rabroue en lui expliquant qu’elle est trop habituée au luxe pour pouvoir supporter l’inconfort de ses missions. Lisa quitte la pièce, profondément peinée. Jeff la retient un instant en lui proposant de s’en tenir au statu quo. Après son départ, il contemple la cour endormie. Soudain, un cri retentit dans la nuit.
Pluie d’une nuit d’été – Somnolent dans son fauteuil, Jeff est réveillé par une pluie d’orage. Il perçoit diverses scènes dans l’immeuble d’en face, et remarque en particulier le représentant de commerce qui, à plusieurs reprises, sort de chez lui sous la pluie, puis revient, toujours avec sa valise d’échantillons. Enfin, à l’aube, alors que Jeff s’est endormi, il sort avec à son bras une femme en noir.
Soupçons – Le lendemain, Jeff parle à Stella des allées et venues suspectes du représentant de commerce. Tous deux voient ce dernier jeter un regard noir au chien des voisins qui renifle les plates-bandes. Jeff observe le représentant de commerce avec ses jumelles et son téléobjectif. Il le voit envelopper une scie et un couteau de boucher dans du papier journal, et commence à le soupçonner de meurtre.

Lisa convaincue – Lisa reproche encore à Jeff sa curiosité, mais quand elle voit le suspect fermer une grande malle avec une grosse corde, sa résistance s’émousse. Elle va jusqu’au bâtiment d’en face et découvre que l’homme s’appelle Lars Thorwald. Le lendemain matin, pendant que Stella s’affaire près de lui, Jeff appelle l’inspecteur Tom Doyle, un copain de régiment, et lui fait part de ses soupçons. L’infirmière se délecte de suppositions macabres. Deux manutentionnaires viennent enlever la malle de Thorwald.
Détective – Doyle sceptique, accepte quand même de vérifier les dires de Jeff. Il revient peu après avec une explication simple et convaincante à propos de la disparition de Mrs Thorwald, qui aurait tout simplement pris le train et se trouverait à Merritsville. Le dépit de Jeff, qui n’a pas été pris au sérieux, se manifeste par des démangeaisons au bout de son pied immobilisé dans le plâtre ; il se met à se gratter le gros orteil avec délice, au moyen d’un gratte-dos.
Pour la nuit – Ce soir-là, Jeff regarde Miss Lonelyheart se préparer et sortir. Une réception est organisée chez le compositeur. Puis il voit Thorwald rentrer chez lui, faire ses bagages et parler des bijoux de sa femme au téléphone. Lisa arrive et déclare qu’elle va rester pour la nuit – une première à laquelle Jeff réagit sans enthousiasme. Lisa affirme qu’une femme ne part jamais sans ses bijoux. Contrepoint ironique à la scène, on entend la Jeune mariée rappeler son mari qui fume à la fenêtre.
Affaire classée – Doyle revient. Jeff est gêné par les signes de la présence de Lisa : son ombre au plafond, son déshabillé, ses pantoufles. Le photographe présente la jeune femme à l’inspecteur, qui réfute les théories du couple et se plaint de l’intuition féminine, qu’il juge totalement irréaliste. Finalement, il propose d’oublier toute l’affaire et de boire un bon verre entre amis. Mais il comprend qu’il ne pourra pas vaincre l’obsession de Jeff et Lisa, et finit par quitter les lieux.

Second meurtre – Dépités, Lisa et Jeff retournent à la fenêtre et contemplent la triste fin de soirée de Miss Lonelyheart. Alors qu’ils ont baissé leurs stores, un cri retentit. Le chien du couple de l’escalier de secours est retrouvé étranglé. Le couple se répand en lamentations, tandis que Thorwald est le seul à ne pas se montrer. Il fume chez lui, dans l’obscurité.
Chantage – Le soir suivant, Stella, Lisa et Jeff continuent à épier. Thorwald lave les murs de sa salle de bains. Jeff est convaincu que quelque chose est enterré dans la plate-bande. Il téléphone à Thorwald, se fait passer pour un maître chanteur et lui fixe un rendez-vous dans un bar proche. Thorwald sort. Lisa et Stella descendent dans le jardin, creusent, mais ne trouvent rien.
L’alliance – Lisa s’introduit chez Thorwald pour y rechercher les bijoux de sa femme. Hélas, l’homme revient. Jeff assiste, impuissant et anxieux, à la confrontation. Il appelle la police. La jeune femme se fait arrêter pour vol. Jeff s’aperçoit, en regardant avec son téléobjectif, qu’elle porte au doigt l’alliance de Mrs Thorwald. Il appelle son ami Thomas Doyle.
Dernier acte – Le téléphone sonne chez Jeff, mais personne ne parle. La porte de l’immeuble claque, des pas approchent. Thorwald entre chez Jeff et l’accule contre la fenêtre, bien que celui-ci tente de se défendre en l’éblouissant à coups de flashs. Thorwald fait basculer Jeff par la fenêtre. La police surgit et se saisit de Thorwald. Jeff lâche prise et tombe.
Conclusion – Un dernier panoramique sur les habitants de la cour conclut les histoires secondaires : le compositeur fait entendre à Miss Lonelyheart l’enregistrement du morceau sur lequel il travaillait ; des peintres refont l’appartement des Thorwald ; le couple de l’escalier entraîne un chiot à monter dans le panier ; le fiancé de Miss Torso, un soldat de petite taille, rentre au foyer et manifeste plus d’intérêt pour le contenu du réfrigérateur que pour la belle danseuse ; les nouveaux mariés ont troqué leur lune de miel contre des querelles. Enfin, nous pénétrons chez Jeff pour le trouver dans son fauteuil roulant, mais dos à la fenêtre et l’air apaisé. Il a les deux jambes dans le plâtre – châtiment de son voyeurisme ? Selon Hitchcock, « il l’a mérité ! « 

EFFETS SPÉCIAUX : LE DÉCOR DE GREENWICH VILLAGE

Jamais la Paramount n’avait construit un décor aussi gigantesque : 56 mètres de long, 11.5 mètres de large et 12 mètres de haut, pour le coût astronomique de 100.000 $ ! Le problème principal, pour faire entrer Greenwich Village dans Hollywood, a été la hauteur des immeubles (qui comportaient quatre ou cinq étages), d’autant plus qu’il fallait qu’apparaissent, dans le lointain, les gratte-ciel de New York. Les techniciens démontèrent le sol du plateau 17 afin d’exploiter l’espace des caves souterraines. Comme ce n’était pas suffisant, ils creusèrent – au point d’atteindre la nappe phréatique! Il a fallu ensuite pomper l’eau entre les prises de vue. L’appartement de Jeff, d’où il observe ses voisins, théoriquement situé au deuxième étage, était en réalité au niveau du rez-de-chaussée d’origine.

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ON SET – REAR WINDOW (Fenêtre sur cour) – Alfred Hitchcock – 1954

Pour éclairer cet immense décor et créer les effets des diverses heures du jour, il a fallu avoir recours à 1000 lampes à arc pour le plein soleil, sans compter 2000 autres lampes, moins puissantes, nécessaires pour les effets additionnels. La Paramount a dû mobiliser la presque totalité de son matériel d’éclairage sur le tournage.

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La mise en place et le démontage de l’éclairage pour simuler les différents moments de la journée dans les appartements aurait pris trop de temps. Les diverses pièces ont été pré-éclairées par Robert Burks, le directeur de la photographie : le système était télécommandé depuis l’appartement de Jeff à l’aide d’une grosse « table de commande ressemblant à la console d’un orgue énorme  ». Hitchcock contrôlait tout à la fois les acteurs et l’éclairage, « par-dessus l’épaule de Jeff  ». Les appartements d’en face étant à plus de 20 mètres de la fenêtre, Hitchcock utilisait pour communiquer une radio ondes courtes : c’est ainsi qu’il donnait ses instructions aux acteurs, qui portaient une oreillette couleur chair.

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BRUITAGE

Rear window n’a pas véritablement de bande musicale. Pourtant, on entend presque toujours de la musique en fond sonore – jouée par une radio ou un tourne-disque, ou encore provenant de l’appartement du compositeur. Il s’agit en général de jazz, bien dans la note du quartier de Greenwich Village et choisi par le compositeur Franz Waxman dans le catalogue des productions musicales de la Paramount. C’est Hitchcock qui a eu l’idée d’utiliser la chanson populaire chantée par Bing Crosby (tirée du film Road to Bali, de Hal Walker), « To see you is to Love you  », pour souligner le plaisir évident de Jeff quand il regarde son amie Lisa. On dit également que le réalisateur n’est pas étranger au choix (effectué comme un clin d’œil) d’un autre succès de l’heure, « Mona Lisa », rendu fameux par Nat King Cole, pour la scène où Lisa se plaint à l’inspecteur Thomas Doyle.

FICHE TECHNIQUE DU FILM 
https://moncinemaamoi.blog/2019/04/13/rear-window-fenetre-sur-cour-alfred-hitchcock-1954/
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Fenêtre sur cour

Fenêtre sur cour
Description de cette image, également commentée ci-après
Fenêtre sur cour

Titre originalRear Window
RéalisationAlfred Hitchcock
ScénarioJohn Michael Hayes,
d'après la nouvelle de William Irish
Acteurs principaux

James Stewart
Grace Kelly
Thelma Ritter
Wendell Corey
Raymond Burr

Pays d’origineDrapeau des États-Unis États-Unis
GenrePolicier, suspense
Durée109 minutes
Sortie1954



Fenêtre sur cour (Rear Window1) est un film américain à suspense produit et réalisé par Alfred Hitchcock pour la compagnie Paramount Pictures. Tourné du 23 novembre 1953 au 13 janvier 19542 aux studios Paramount à Los Angeles, il est sorti en août 1954 aux États-Unis et le 1er avril 1955 en France. Il a été présenté à la Mostra de Venise de 1954.

Le film, écrit par John Michael Hayes d'après la nouvelle It Had to Be Murder3 de Cornell Woolrich sous le pseudonyme de William Irish, met en scène James Stewart dans le rôle d'un photographe qui, à la suite d'un accident, se retrouve en fauteuil roulant et passe son temps à observer ses voisins, dont un qu'il commence à soupçonner de meurtre. Grace Kelly joue le rôle de la petite amie de Stewart, Thelma Ritter celui de son infirmière, Wendell Corey un détective, et Raymond Burr le voisin suspect.

Le film est considéré par de nombreux spectateurs, critiques et spécialistes du cinéma comme l’un des meilleurs films d'Hitchcock4. Il a reçu quatre nominations aux Oscars. Depuis 1997, il figure au National Film Registry, et est cité au 48e rang dans le classement des 100 meilleurs films américains établi en 2007 par l'American Film Institute (édition du 10e anniversaire). Il est 33e dans le classement des meilleurs films de tous les temps sur le site de référence IMDb avec une note moyenne de 8,6/10.

Synopsis

Après s'être cassé une jambe au cours d'un reportage sur un circuit automobile, le photographe de presse L. B. « Jeff » Jefferies se retrouve dans un fauteuil roulant. Son état l'oblige à rester dans son appartement new-yorkais de Greenwich Village, dont la fenêtre donne sur une petite cour et plusieurs autres appartements. C'est un mercredi d'été et il fait particulièrement chaud. Jeff passe son temps à observer ses voisins qui, pour s'aérer, laissent leurs propres fenêtres ouvertes. Parmi les locataires d'en face figurent un compositeur, un couple d'âge mûr et son petit chien, une jeune danseuse – « miss Torso » –, qui danse seule le jour et, le soir, invite des hommes de tous âges chez elle, une dame qui s'adonne à la sculpture abstraite, un couple de jeunes mariés, une femme d'une quarantaine d'années qui vit seule – « miss Cœur solitaire » ou « Mademoiselle Célibataire » (« miss Lonelyheart ») –, ainsi qu'un autre couple : un homme d'une carrure assez imposante, et sa femme, malade, semble-t-il, qui reste au lit toute la journée et avec laquelle il semble fréquemment se disputer. Jeff apprendra plus tard qu'il s'agit de Lars Thorwald, un représentant de commerce, et de son épouse Anna, invalide.

Jeff fréquente une séduisante et riche jeune femme, Lisa Fremont, mais il hésite à aller plus loin dans cette relation, par crainte que celle-ci constitue un frein à sa vie aventureuse. Cependant, Stella, l'infirmière qui vient lui rendre visite chaque matin, l'encourage à sceller cette union.

Après avoir vu Thorwald faire plusieurs va-et-vient nocturnes en transportant une valise, Jeff remarque la disparition de l'épouse de Thorwald et voit ensuite le mari nettoyer la valise, y placer des bijoux, puis envelopper une petite scie et un couteau de boucher dans du papier journal. Plus tard, Thorwald ferme une malle en l'attachant avec de la grosse corde et la fait emporter par des hommes. Jeff pense que Thorwald a tué sa femme. Il fait part de ces observations et de ses soupçons à Stella, puis à sa petite amie Lisa. D'abord sceptiques, elles finissent par se laisser convaincre. Jeff explique ensuite à Tom Doyle, un ami détective, qu'ils soupçonnent Thorwald d'avoir tué sa femme et fait disparaître le corps. Doyle mène une petite enquête qui ne révèle rien d'anormal.

Peu après, le chien des voisins est retrouvé mort, étranglé. Lorsque la propriétaire de l'animal le découvre et se met à crier, tous les voisins se précipitent à leur fenêtre pour voir ce qui se passe, à l'exception de Thorwald, qui reste assis dans son appartement toutes lumières éteintes, et dont on voit briller le bout de la cigarette. Convaincu qu'en fin de compte Thorwald s'est bel et bien débarrassé de sa femme, Jeff demande à Lisa de glisser un billet accusateur sous la porte de Thorwald, de façon à pouvoir observer la réaction de celui-ci au moment où il le lira. Pour obliger Thorwald à quitter son appartement, Jeff, ensuite, lui téléphone et lui donne rendez-vous dans un café. Il pense que Thorwald a peut-être dissimulé quelque chose dans le parterre de fleurs et tué le chien afin d'empêcher celui-ci de le déterrer. Thorwald parti, Lisa et Stella partent creuser dans le parterre de fleurs, mais ne trouvent rien.

Lisa escalade alors l'escalier de secours de l'immeuble d'en face et pénètre, par la fenêtre laissée ouverte, dans l'appartement de Thorwald. Quand Thorwald revient et surprend Lisa, Jeff téléphone à la police, qui arrive juste à temps. Au moment de la discussion qui s'ensuit entre Thorwald, les policiers et Lisa, celle-ci a les mains derrière le dos et montre à Jeff une alliance qu'elle a enfilée à l'un de ses doigts et qui appartient à l'épouse de Thorwald. Thorwald la voit faire, prend conscience qu'elle envoie un signal à quelqu'un et remarque, de l'autre côté de la cour, Jeff, qui observe la scène. Lisa se laisse emmener par les policiers.

Jeff, convaincu à présent que Thorwald est un meurtrier, téléphone à Doyle, tandis que Stella se rend au poste de police y verser la caution pour libérer Lisa, laissant Jeff seul dans l'appartement. Bientôt, Jeff se rend compte que Thorwald va venir le rejoindre. Quand Thorwald entre et s'approche de lui, Jeff l'aveugle plusieurs fois temporairement avec les ampoules flash de son appareil photo. Thorwald finit par arriver jusqu'à Jeff, le saisit et le pousse vers la fenêtre ouverte. Jeff tombe juste au moment où des policiers entrent dans l'appartement et où d'autres se précipitent dans la cour pour amortir sa chute. Thorwald avoue le meurtre de sa femme et est arrêté.

Quelques jours plus tard, la vague de chaleur est retombée, et Jeff se repose dans son fauteuil roulant. Il a à présent les deux jambes dans le plâtre. Miss Lonelyheart discute avec le compositeur, le fiancé de miss Torso est de retour après avoir servi dans l'armée, le couple dont le chien a été tué en a un autre, et le couple de jeunes mariés se chamaille. Lisa est étendue à côté de Jeff et parcourt un livre de voyages, mais, aussitôt que Jeff s'est endormi, elle pose le livre et s'empresse d'ouvrir Harper's Bazaar.



Réalisation

Fenêtre sur cour fonctionne en grande partie sur le modèle champ-contrechamp. « [Un] homme immobile regarde au dehors. C'est un premier morceau de film. [Un] deuxième morceau fait apparaître ce qu'il voit et [un] troisième montre sa réaction. »5. La caméra subjective est dès lors utilisée tout au long de l'histoire. Ce n'est qu'à la fin que s'installe la caméra dans la cour, selon un principe hitchcockien préférant garder des images en réserve pour le moment le plus dramatique. L'espace est alors vu sous plusieurs angles, devenant ainsi objectif.

Le traditionnel caméo apparaît à la 25e minute. Hitchcock est visible jouant le rôle d'un personnage qui répare la pendule dans un des appartements faisant face à celui de Jefferies, pendant qu'une personne joue du piano (il s'agit du pianiste et compositeur Rostom Bagdasarian).

Dans un article autour du film intitulé « Le studio de tournage de l'esprit », Roberto Calasso rapporte une phrase de Hitchcock disant que « Fenêtre sur cour est totalement un processus mental, conduit à travers des moyens visuels » ; et Calasso commente ainsi cette place centrale d'un œil souverain, celui du personnage principal (photographe), de la caméra et du spectateur : « Peut-être - et le titre anglais (Rear Window) l'indique déjà - que c'est une fenêtre qui s'ouvre sur ce qui éternellement se trouve derrière le monde : le théâtre de pose de l'esprit. »6

Prix

Analyse

Influences

Pour écrire le scénario de Fenêtre sur cour, Hitchcock s'inspire de l’idylle naissante entre Ingrid Bergman et Robert Capa alors que ce dernier est photographe de plateau sur le film Les Enchaînés7.

Fenêtre sur cour a influencé et inspiré d'autres scénaristes. En effet, plusieurs séries télévisées et films reprennent le scénario de l'œuvre d'Hitchcock de plus ou moins près.
On peut par exemple citer l'autre adaptation, portant le même titre Fenêtre sur cour, téléfilm ayant reçu trois nominations et une récompense, réalisé en 1998 par Jeff Bleckner avec Christopher Reeve dans le rôle principal.
L'épisode 5-19 de la série policière Castle, titré The Lives of Others, en 2013, est construit comme un pastiche explicite8 du film hitchcockien.
De même, l'épisode Fenêtre sur rue (épisode 21 de la saison 6) de la série Les Experts : Manhattan est très fortement inspiré par le film.
Il convient aussi d'ajouter le film Paranoïak, avec le jeune Shia LaBeouf, histoire d'un jeune homme placé sous contrôle judiciaire, témoin du meurtre de sa voisine.
Mais la liste est encore longue, le même scénario (ou des allusions) est repris dans un épisode des Simpson, de Persons of Interest, un épisode de la série 70's Show reprend plusieurs scènes de films d'Hitchcock (Les Oiseaux, Fenêtre sur cour, La Mort aux trousses…). Dean Winchester, joué par Jensen Ackles, fait allusion au film qu'il croit revivre, Dean a en effet la jambe plâtrée dans l'épisode 3 de la saison 7 de Supernatural. Il dit se faire un remake du film. L'épisode 7 de la saison 4 de la série Raising Hope reprend la trame du film. De plus, Virginia (Martha Plimpton) y adopte le style vestimentaire et les poses de Grace Kelly. Cet épisode fait également référence aux Oiseaux et à Psychose, et utilise le procédé du travelling contrarié, comme dans Sueurs froides.

Le chanteur Renan Luce fait référence au film dans le clip de sa chanson Les Voisines de 2006 : on le voit la jambe cassée, assis dans un fauteuil, espionnant ses voisines avec des jumelles.

Bibliographie

  • Émile Baron, Regard, féminisme et avant-garde, sur Riddles of the Sphinx de Laura Mulvey et Peter Wollen, Cadrage.net, juin-juillet 2001
  • Roberto Calasso, « Le studio de tournage de l'esprit » (La Repubblica, 6 février 1998), dans La Folie qui vient des Nymphes, traduit par Jean-Paul Manganaro, Paris, Flammarion, 2012, p. 49-63
  • Tania Modleski, Hitchcock et la théorie féministe, Les femmes qui en savaient trop, traduit de l’anglais par Noël Burch, Paris, L’Harmattan, 2002 (Première édition en anglais 1988)
  • Francis Montcoffe, Fenêtre sur cour : Étude critique, coll. « Synopsis, 6 », Paris, Nathan,1995, (ISBN 2-09-190980-7) 127 pages
  • Sébastien OrtizMademoiselle Coeur solitaire, Paris, Gallimard, 2005
  • (en) (fr) Laura Mulvey, Visual Pleasure and Narrative Cinema, Screen, 16:3, Autumn 1975, traduction partielle in Ginette Vincendeau et Bérénice Reynaud, Vingt ans de théories féministes sur le cinéma, Cinémaction, numéro 57, 1993

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