23 juillet 2012
Raymond Chandler - Le grand sommeil
Éditions : Folio Policier - Traduction : de l'anglais (Etats-Unis) par Boris VIAN -
Titre original : The Big Sleep - Nombre de pages : 332
4ème de couverture :
Le vieux général Sternwood, à demi paralysé, est affligé de deux filles, Vivian et Carmen, qui sont absolument dépourvues de sens moral et se livrent à leurs vices avec une fureur maladive. Vivian se saoule et joue à la roulette. Carmen se drogue, a des crises d'épilepsie et d'érotomanie. Des gangsters chevronnés s'en mêlent aussi, mais le sympathique Marlowe fonce dans le tas et ne va pas tarder à remettre un peu d'ordre dans cette maison de fous. Il était grand temps.
Mon avis :
"Il était à peu près onze heures du matin, on arrivait à la mi-octobre et, sous le soleil voilé, l’horizon limpide des collines semblait prêt à accueillir une averse carabinée.
Je portais mon complet bleu poudre, une chemise bleu foncé, une cravate et une pochette assorties, des souliers noirs et des chaussettes de laine noire à baguettes bleu foncé. J’étais correct, propre, rasé, à jeun et je m’en souciais comme d’une guigne. J’étais, des pieds à la tête, le détective privé bien habillé. J’avais rendez-vous avec quatre millions de dollars.
L’entrée principale de la demeure des Sternwood avait deux étages de haut. Au-dessus des portes, de taille à laisser passer un troupeau d’éléphants hindous, un grand panneau de verre gravé représentait un chevalier en armure sombre, délivrant une dame attachée à un arbre et qui n’était revêtue que de ses longs cheveux ingénieusement disposés. Le chevalier avait rejeté la visière de son casque en arrière pour se donner un air plus sociable, et il tripotait les nœuds des ficelles qui retenaient la dame à l’arbre, sans arriver à rien. Je le considérai et je me dis que si j’habitais la maison, tôt ou tard, il faudrait que je grimpe l’aider… il n’avait pas l’air de s’y mettre sérieusement." (Folio policier - p.9-10)
Le vieux général Sternwood fait appel aux services du détective privé Philip Marlowe pour régler un problème de chantage dont il est victime : il semble que sa fille cadette, Carmen, se soit endettée auprès d'un dénommé Arthur Gwynn Geiger. Mais, très vite, il apparaît que les filles Sternwood ne soient pas de tout repos et que la reconnaissance de dettes de la cadette soit le moindre de leurs soucis... Alcool, drogue, jeu, sexualité exacerbée... le milieu dans lequel elles évoluent favorise les rencontres avec de bien étranges lascars. Est-il alors étonnant qu'une histoire meurtre vienne compléter le tableau ?
Le Grand Sommeil, premier roman d'une longue série de Raymond Chandler, est l'oeuvre qui introduit le - ô combien - fameux détective Philip Marlowe, figure emblématique du roman noir. Fameux, certainement, mais totalement inconnu de moi avant qu'Emmyne me le "présente" et que Niki en fasse l'éloge... Il me fallait donc absolument combler cette grossière lacune et... quelle découverte ! Ce n'est pas le coup de foudre (d'autant plus que je n'oublie pas que Philip Marlowe - version Humphrey Bogart - est, à priori, la chasse gardée d'Emmyne ;-)) mais presque ! Et j'avoue n'avoir qu'une seule envie maintenant que la dégustation de ce premier volume est terminée : dévorer les suivants...
En effet, j'ai tout d'abord beaucoup apprécié l'ambiance du roman : noire, glaciale, glauque dans une époque en demi-teinte où les gangsters sont à la mode et les policiers corruptibles. Les personnages, eux, sont torturés, en prise avec leurs démons - drogue, sexe, jeu, alcool,...- et tentent de vivre, voire de survivre. (Personnellement, je trouve le personnage du "larbin" particulièrement bien vu, il dénote d'ailleurs même un peu dans cette panoplie haute en couleur...) Quant à Philip Marlowe, il campe un détective froid, malin, désabusé, à qui "on ne la raconte pas" et qui ne se laisse pas séduire par les beautés fatales quand bien même elles se jettent à son cou... mais il lui est en revanche impossible de résister aux lignes stylées d'une bonne bouteille d'alcool. Il concentre à lui seul les caractéristiques appréciées aujourd'hui des grands détectives des "bons polars", et ceci bien avant leur heure de gloire... Mais, ne vous y trompez pas, derrière l'atmosphère noire, glauque, parfois malsaine, qui suinte du roman, il y a l'humour, la lucidité, le panache des personnages, leur finesse et c'est un régal !
Il ne me reste plus qu'à découvrir les autres romans de Chandler et combler une autre de mes lacunes impardonnables en découvrant Dashiell Hammett. ;-)
Morceau choisi :
"Elle portait un tailleur de tweed moucheté brunâtre, une chemise et une cravate d’homme, de grosses chaussures de marche cousues main. Ses bas étaient aussi fins que la veille mais elle montrait beaucoup moins de ses jambes. Ses cheveux noirs brillaient sous un Robin Hood marron qui pouvait avoir coûté cinquante dollars et paraissait à vue de nez facilement reproductible, d’une seule main, avec une feuille de buvard.
– Vous vous levez tout de même… dit-elle en fronçant son nez à l’adresse du divan d’un rouge passé, des deux fauteuils à moitié confortables, des rideaux de filet qui réclamaient un lavage et de la table à lire taille garçonnet chargée de vieux magazines qui donnaient à l’endroit un air professionnel.
Je commençais à me dire que vous travailliez peut-être au lit, comme Marcel Proust.
– Qui est-ce ?
Je mis une cigarette dans ma bouche et la regardai. Elle était un peu pâle et tendue, mais elle paraissait de taille à fonctionner sous tension.
– Un écrivain français, un spécialiste en dégénérés. Vous ne pouvez pas le connaître.
– Tut… Tut… dis-je. Venez dans mon boudoir." (Folio policier - p.87-88)
A lire... ;-)
Plaisir de lecture :
Titre du Film : The Big Sleep / Le grand sommeil
Réalisateur : Howard Hawks
Durée : 01h54min
Acteurs : Humphrey Bogart, Lauren Bacall, John Ridgely, Martha Vickers, Louis Jean Heydt, Dorothy Malone
Année de production : 1946
Adaptation vraiment très réussie du roman qui doit beaucoup au jeu des acteurs principaux. On suit avec un grand plaisir les avancées de l'enquête de Philip Marlowe/Humphrey Bogart, Lauren Bacall est, elle, époustouflante. Néanmoins, l'intrigue est un petit peu alambiquée et, si j'ai beaucoup apprécié, c'est sans doute parce que je connaissais déjà les grandes lignes de l'intrigue. Un film à voir. ;-)
Anecdote piquée sur Wikipedia : Le réalisateur du film Howard Hawks demanda à l'un des scénaristes, le célèbre écrivain William Faulkner, si l'un des personnages du film appelés à mourir était assassiné ou s'il se suicidait. Faulkner admit qu'il n'en était pas très sûr non plus, et décida de téléphoner à Chandler, pensant que l'auteur du roman original devait forcément connaître la réponse. À cette question, Chandler répondit malicieusement qu'il n'en savait rien, une manière de signifier que l'intrigue proprement dite n'était pas selon lui le point le plus important de l'histoire...
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