le_grand_sommeil_2

SPOILERS...

En 1939, Raymond Chandler écrit et publie Le Grand Sommeil, que Boris Vian traduira en français. Ce roman, son premier, est un des romans les plus quintessentiels de la littérature policière, un roman remarquable dans le genre 'noir'. Un roman rempli de vices, de violence, de cynisme, de personnages troubles, doté d'une intrigue volontairement des plus tordues. Le personnage principal est un détective privé évoluant à Hollywood, Philip Marlowe, un des personnages les plus cultes, avec un autre privé (crée par Dashiell Hammett), à savoir Sam Spade, de l'univers du roman noir.

18385583ck6

En 1946, Howard Hawks en réalise l'adaptation, en confiant les rôles principaux à Humphrey Bogart et Lauren Bacall. Cette dernière, surnommée 'The Look' en raison de son regard de folie, qui vous tétanise direct, est une des meilleures actrices de sa génération. Bogart, quant à lui, est déjà une star, grâce à CasablancaLe Port De L'Angoisse (déjà avec Bacall et réalisé par Hawks) ou Le Faucon Maltais, film de 1941 qui marquera vraiment l'avènement du film noir à Hollywood et le statut mythique de Bogie. Au moment où le duo d'acteurs interprète Le Grand Sommeil (qui est aussi interprété par Martha Vickers, Dorothy Malone, Elisha Cook Jr, John Ridgely, Regis Toomey et Charles Waldron), l'actrice en est à son troisième film, mais est déjà une star. Bogart, lui, est déjà intouchable.

grand_sommeil_1946_10_g

Le détective Philip Marlowe est mandaté par le général Sternwood (Charles Waldron), un militaire à la retraite, de rechercher des photos compromettantes mettant en scène une de ses deux filles, Carmen (Martha Vickers), de tempérament très dissolu (nettement plus dans le roman ; c'est, en gros, une shootée nymphomane !). Son autre fille, l'aînée, Vivian (Lauren Bacall), est mariée, mais son mari a mystérieusement disparu, nul ne sait ce qu'il est devenu, où il se trouve, ni même s'il est encore vivant ; et ça n'a pas l'air de la déranger plus que ça. Marlowe va découvrir que Vivian, dont il tombe amoureux, cotoie des truands locaux, et que Carmen, elle, est victime d'un complot, qui semble tramé par les mêmes personnes que celles que Vivian Cotoie...

400px_TheBigSleep_15

The Big Sleep, roman complexe, et film également complexe, dont le scénario adapté est signé, non pas Chandler (qui, bien que n'éprouvant pas une affection pour Hollywood et ayant bossé comme scénariste, un temps, trouvait que le film de Hawks était le meilleur film noir qui soit), mais Leigh Brackett et William Fauklner (grand écrivain américain), excusez du peu. Chandler a cependant collaboré avec les scénaristes, et à ce titre, une anecdote véridique est tordante : lui posant la question de savoir comment était mort un des personnages secondaires du film (suicide ou meurtre, et si meurtre, qui l'a tué ?), Chandler, pourtant auteur du roman, avouera ne pas le savoir, n'en avoir aucune idée !

290px_Lauren_Bacall_in_The_Big_Sleep_trailer

Il est vrai que comprendre toute l'histoire au premier visionnage est assez difficile, voire impossible. C'est déjà pas évident pour le roman (bien plus sombre et poussé que le film, rien que pour le personnage de Carmen Sternwood, vraie folle du cul qui passe sa vie à poil ou presque, dans le roman, et pour un personnage d'homosexuel ; mais pour l'époque, au cinéma, il fallait tailler dans le gras et, par risque de censure, atténuer les éléments obscènes du livre), mais le film, lui, est franchement complexe, volontairement embrouillé. De toute manière, dans Le Grand Sommeil, c'est l'ambiance, poisseuse, et les personnages, retors, troubles, inquiétants, magnétiques, qui priment.

Humphrey_Bogart_in_The_Big_Sleep_trailer

L'histoire, bien que bien foutue (et dure à suivre), passe derrière. Interprété à la perfection, réalisé sobrement, photographie magnifique, ambiance parfaite, ce film est un sommet du genre. Et tant pis si Bogart n'est pas totalement l'acteur qui convenait pour Marlowe (Elliott Gould, dans Le Privé d'Altman, en 1973, campera un Marlowe nettement plus proche du personnage de Chandler), il n'en demeure pas moins époustouflant ici !