Le grand sommeil, The big sleep, Howard Hawks, 1946
Il est toujours très bon de revisiter les classiques, parfois on a de mauvaises surprises, d’autrefois, non. The big sleep est l’archétype du film de détective, peut-être plus encore que Le faucon maltais tourné avec le même Bogart. Beaucoup de choses ont été dites sur ce film, notamment que l’histoire est incompréhensible, ce qui est faux. Mais le plus important est sans doute qu’il s’agit d’une adaptation assez fidèle de l’ouvrage de Raymond Chandler. Certes on peut discuter du choix d’Humphrey Bogart à l’infini, Chandler lui aurait préféré Cary Grant, beaucoup ont pensé que le meilleur Marlowe aurait été Robert Mitchum. Ce dernier l’incarna d’ailleurs deux fois, mais à vrai dire, malgré les grandes qualités de l’acteur, sans résultat très convaincant, probablement parce qu’il était trop âgé. Marlowe a connut un grand nombre d’interprètes, de Dick Powell à Mitchum en passant par Robert Montgomery, c’est pourtant Bogart qui reste le meilleur, comme pour Sam Spade d’ailleurs, au point que ces deux héros lui collent à la peau.
Marlowe se rend chez le général Sternwood qui lui demande d’enquêter sur un chantage qu’on exerce sur sa seconde fille, Carmen, droguée et nymphomane. Au passage il croise Vivian, l’aînée des filles du génral, qui essaie de lui tirer les vers du nez. Ses premières démarches vont l’amener du côté d’une librairie où il semble qu’on se livre à des trafics douteux. Mais le patron de cette librairie va être assassiné en présence de Carmen. Marlowe va se démener non seulement pour éviter que Carmen soit impliquée dans le meurtre de Geiger, mais également pour mettre un terme à de multiples chantages qui semblent venir d’un truand qui fait son beurre dans les jeux. Bien sûr derrière cette évidence Marlowe retrouvera au fil de l’histoire un certain nombre de cadavres et de secrets plus ou moins bien cachés. Son enquête sera un succès puisqu’il découvrira et éliminera les coupables et qu’en outre il entamera une idylleprometteuse avec Vivian. Entre temps il aura eu le temps de faire de nombreuses filatures, de se faire rosser par des truands sadiques et de risquer de se faire tuer plusieurs fois. Battu, humilié, Marlowe se relèvera grâce à son obstination.
Ce n’est pas Chandler qui a adapté son ouvrage, alors qu’il était déjà un scénariste reconnu. Il avait travaillé avec succès sur le film de Billy Wilder, Assurance sur la mort. C’est plus prosaïquement William Faulkner et Leight Brackett qui s’en sont chargé, encore que Faulkner n’ait semble-t-il pas fait grand-chose.
L’humour de Philip Marlowe est respecté, comme le regard ironique que porte Chandler sur ses personnages. On peut reprocher à Hawks, ou aux studios, de ne pas avoir filmé la dernière scène de l’ouvrage qui donne le sens au titre. Mais ce sont des détails.
La réalisation est solide, l’image et les décors de qualité. On peut reprocher cependant à Hawks de manquer de fluidité au montage, ce qui donne un aspect un peu sautillant au film. Dans le même ordre d’idée on notera que la multiplication des angles de prise de vue nuit parfois à l’histoire. On peut reprocher bien des choses à Hawks, mais il a une qualité qui se révèle ici, notamment dans la scène introductive : le sens de l’espace. Lorsque Marlowe se rend chez le général Sternwood, Hawks filme différemment la confrontation entre celui-ci et Marlowe dans la serre où il fait très chaud, et la double rencontre avec les deux sœurs. Les scènes dans la serre sont très reserrées, tandis que celles dans la maison restituent grâce à des plans larges l’immensité des pièces.
The big sleep n’a pas beaucoup vieilli. L’interprétation est solide. Dominé par Bogart au mieux de sa forme, les femmes sont nombreuses à éclairer le film. D’abord bien sûr Lauren Bacall qui incarne Vivian, tout à la fois femme de tête et romantique, mais également Dorothy Malone dans le rôle d’une libraire à la fois très érudite et très sexy derrière ses lunettes, et Martha Vickers dans celui de la jeune sœur dépravée et droguée. Toutes ces femmes trouvent Marlowe bien séduisant et se jette avec plus ou moins de précipation dans ses bras. Mais la qualité du casting se trouve aussi du côté masculin. Charles Waldron interprète Sternwood, son rôle est bref, mais étonnant. Il est d’ailleurs meilleur que James Stewart qui le remplacera dans la version donnée en 1978 par Michael Winner. Les truands ont des gueules patibulaires à souhait, en tête Bob Steele dans le rôle de Canino, acteur à l’étrange regard qu’on retrouvera dans La femme à abattre aux côtés de Bogart. On retrouve Elisha Cook jr, une des figures emblébatiques du Faucon maltais, également avec plaisir dans le rôle d’un petit voyou qui par amour protégera jusqu’à la mort une femme qui pourtant ne vaut pas grand-chose.
Anecdote, 2013 devrait voir le retour de Philip Marlowe dans une œuvre de fiction cette fois imaginée par John Banville. Gageons que cette idée saugrenue va faire grincer des dents. Un récent projet impliquant Clive Owen dans le rôle de Marlowe semble avoir été abandonné.
L’ouvrage de Chandler, paru en 1939, est le premier roman de la saga du détective privé Philip Marlowe. Si Chandler connut bien des difficultés dans sa carrière, Le grand sommeil fut d’emblée un succès. Raymond Chandler n’a pas eu de chance en France où ses romans, en dehors de The long goodbye, ont été honteusement traduits et trafiqués par la Série noire et Boris Vian. Alors que Dashiell Hammett a bénéficié d’une traduction excellente et complète de l’ensemble de ses romans grâce à Nathalie Beunat et Pierre Bondil, Chandler attend encore que l’ineffable maison Gallimard fasse son travail en présentant enfin au public français une traduction acceptable.
Répétition sur le tournage du Grand sommeil, sous la direction de Hoxard Hawks.
Bogart et Bacall à la tête d’une délégation d’artistes en 1947 s’en allant protester contre les pratiques de la commission des activités antiaméricianes
http://alexandreclement.eklablog.com/le-grand-sommeil-the-big-sleep-howard-hawks-1946-a114844838
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Le film noir, vrais et faux cauchemar, Noël Simsolo, les Cahiers du cinéma, 2005.
Aux Etats-Unis, il existe de nombreux ouvrages et encyclopédies sur le film noir. Souvent rédigés de façon très sérieuse par des universitaires, ils apportent évidemment un regard nouveau sur ce genre qui fut partie prenante de la culture populaire adulte vers le milieu du XXème siècle. En frabçais, il existe très peu d’études sur le film noir, le genre n’est pas assez pris au sérieux. Et certainement celui de Noël Simsolo est le plus intéressant. Il s’inscrit directement dans la lignée de l’oucrage pionnier de Borde et Chaumeton qui au fil des années est devenu la référence des deux côtés de l’Atlantique. Il s’attachera donc à définir le film noir aussi bien comme un genre spécifique, inséré dans une période historique particulière, l’immédiat après-guerre, porteur d’une esthétique nouvelle et d’une critique sociale plus ou moins évidente.
Par rapport à Borde et Chaumeton, Simsolo va élargir la période historique, recherchant d’une manière plus précise les racines du genre dans le cinéma des années trente, mais aussi en regardant les retombées ultérieures sur le cinéma des décennies suivantes. On peut dire aussi que son approche est moins dogmatique et transgresse volontiers le rigorisme de ses prédécesseurs.
L’essentiel de l’ouvrage consiste à recenser les thèmes abordés en déclinant les films en sous-genres : le film de détective, les passions mortelles, les pertes d’identité, etc. Ces thèmes s’entrcroiisent, formant un ensemble relativement flou. Il s’en dégage une idée selon laquelle le film noir est à la fois porteur d’une passion négative et d’une attraction pour le mal. C’est ainsi qu’il exclue un certain nombre de films policiers du genre, par exemple les films qui semblent manifester un attrait pour l’ordre et pour la défense de celui-ci à travers les célébrations des exploits de la police.
Ce qui intéresse Simsolo c’est la peinture du désordre à travers le film noir, désordre social, mais aussi désordre mental. Le film noir peut apparaître, dans sa conception anarchiste, comme une forme de résistance à la réalité malsaine du monde capitaliste fondé sur la cupidité et sur la dislocation des rapports sociaux. Mais c’est aussi une trangression des valeurs les plus traditionnelles, la mise en avant des déterminations sexuelles, la violation de la propriété privée, voire la négation du travail. Mais bien sûr cette transgression n’aurait qu’un intérêt militant si par ailleurs elle ne mettait pas en avant l’ambiguité dans laquelle les personnages se meuvent.
Cette définition du film noir va être compatible avec une manière de filmer particulière : l’utilisation du noir et blanc dans des contrastes renforcés, des angles de prise de vue qui privilégient la contre-plongée ou l’asymétrie de l’image. Encore qu’une telle définition ne s’applique pas à tous les films noirs, puisqu’un certain nombre d’entre eux se définissent comme tels plutôt par leur scénario que par leur esthétique. Ce qui veut dire que les frontières du film noir sont assez difficiles à tracer.
Evidemment Simsolo s’appuie sur un grand nombre de films dont une partie reste encore aujourd’hui difficilement accessible, malgré les possibilités qu’offre la numérisation. Cela nous donne l’occasion de redécouvrir un certain nombre d’œuvres fortes, enfouies sous le poids de la production contemporaine. L’ouvrage est très bien illustré, ce qui ne gache rien bien entendu.
Forcément, la lecture des films étant très changeante et subjective selon les époques et les personnes, on sera en désaccord sur tel ou tel point, par exemple Simsolo trouve très bon Voyage sans retour que personnellement je trouve finalement assez niais. Mais c’est du détail. Globalement l’approche est sûre et bonne. Par contre, dans la forme, on peut regretter les références incessantes à Godard et aux Cahiers du cinéma, ça gâche un peu un ouvrage par ailleurs bien écrit et passionnant.
Le reproche de fond qu’on pourrait faire à cet ouvrage est qu’il avalise, malgré lui, l’idée selon laquelle le film noir est une spécificité américaine. S’il est vrai que c’est aux Etats-Unis que le genre s’est le mieux développé, non seulement il a eu des ramifications en Italie, en Angleterre ou au Japon, mais en France, avant la guerre, de nombreux films noirs ont été tournés. Par exemple, c’est Pierre Chenal qui a réalisé la première adaptation du livre de James Cain, Le facteur sonne toujours deux fois, ou encore, de nombreux films de Duvivier, Panique entre autres, répondent à la définition du genre. Certains films de Jean Renoir répondent aussi aux critères du film noir.
Noël Simsolo qui a écrit de nombreux essais sur le cinéma est par ailleurs un auteur prolifique de romans noirs. Il a écrit Les derniers mystères de Paris, paru aux éditions Baleine en 2002, ouvrage inspiré de l’univers de Nestor Burma.
Bibliographie sommaire sur le film noir
Raymond Borde et Etienne Chaumeton, Panorama du film noir américain, 1941-1953, Editions de Minuit, 1955
Patrick Brion, L’âge d’or du film noir américain, d’Alfred Hitchcock à Nicolas Ray, La Martinière, 2004
Michel Ciment, Le Crime à l’écran, une histoire de l’Amérique, Paris, éditions Gallimard, collection Découvertes, 1992.
Christophe Gelley, Raymond Chandler, du roman noir au film noir, Michel Houdiard Editeur, 2009
François Guérif, Le film noir américain, Denoël, 1999.
Delphine Du film noir au néo-noir, mythes et stéréotypes, L'harmattan – 2010
Eddie Muller, L’Art du film noir : les affiches de l’âge d’or du film policier, trad. de l’anglais par Jacques Guiod, Paris, Calmann-Lévy, 2003
Eddie Muller, Dark City : le monde perdu du film noir, Clairac, 2007 Gabriele Lucci, Le film noir : mots clefs, acteurs et créateurs, films, Hazan, coll. "Guide des arts", 2007
Alain Silver et Elizabeth Ward (sous la direction de), Encyclopédie du film noir, Rivages, 1987.
Noël Simsolo, Le film noir, vrais et faux cauchemars, Les cahiers du cinéma, 2005.
Vernet Marc, Le Film noir américain : repères et ressources documentaires, Paris, Bibliothèque du film, collection Ressources, 2005
L’encyclopédie la plus complète est Film noir, an encyclopedic referenc to the amreican style, sous la direction d’Alain Silver et Elizabeth Ward, chez Overlook Press. Parue en 1979, elle a été rééditée plusieurs fois et a été traduite chez Rivages en 1987. La version traduite par Rivages est évidemment en retard par rapport aux éditions suivantes qui ont été augmentées.
Raymond Borde et Etienne Chaumeton, Panorama du film noir américain, 1941-1953, Editions de Minuit, 1953. Il est toujours disponible dans une version augmentée en collection de poche chez Garnier-Flammarion. Il a pour avantage d’être le premier à définir le genre, mais pour inconvénient d’avoir été écrit très tôt, donc de manquer de recul et de matérieau.
Le Grand Sommeil (film, 1946)
Titre original | The Big Sleep |
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Réalisation | Howard Hawks |
Scénario | William Faulkner, Leigh Brackett, Jules Furthman, Raymond Chandler (roman) |
Acteurs principaux | |
Sociétés de production | Warner Bros. Pictures |
Pays d’origine | États-Unis |
Genre | Film policier, film noir |
Durée | 114 minutes |
Sortie | 1946 |
Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution
Le Grand Sommeil (The Big Sleep) est un film américain de Howard Hawks sorti en 1946 et adapté du roman éponyme Le Grand Sommeil de Raymond Chandler.
Synopsis
Le détective Philip Marlowe cherche des photos compromettantes de Carmen, la fille du général Sternwood, et va tomber amoureux de sa sœur, Vivian. Carmen semble victime d'un chantage alors que Vivian côtoie les truands locaux. Marlowe devra résoudre l'affaire au milieu de truands, de tueurs et de vamps.
L'intrigue complexe divise le film en deux parties. Dans la première Marlowe cherche et trouve le meurtrier de A. G. Geiger ; dans la seconde il découvre la raison pour laquelle Vivian se fait manipuler.
Fiche technique
- Titre : Le Grand Sommeil
- Titre original : The Big Sleep
- Réalisation : Howard Hawks
- Scénario : William Faulkner, Leigh Brackett, Jules Furthman, d'après le roman Le Grand Sommeil (The Big Sleep) de Raymond Chandler
- Direction artistique : Carl Jules Weyl
- Décors de plateau : Fred M. MacLean
- Musique : Max Steiner
- Photographie : Sid Hickox
- Montage : Christian Nyby
- Costumes : Leah Rhodes
- Production : Jack Warner et Howard Hawks pour la Warner Bros. Pictures
- Société de distribution : Warner Bros. Pictures
- Pays d'origine : États-Unis
- Format : noir et blanc
- Genre : film policier, film noir
- Langue : anglais
- Durée : 114 minutes
- Dates de sortie :
- États-Unis : (première), (sortie nationale)
- France :
Distribution
- Humphrey Bogart (VF : Claude Péran) : Philip Marlowe
- Lauren Bacall (VF : Françoise Gaudray) : Vivian Sternwood Rutledge
- John Ridgely (VF : Raymond Loyer) : Eddie Mars
- Martha Vickers : Carmen Sternwood
- Dorothy Malone : la fille de la librairie
- Peggy Knudsen : Mona Mars
- Regis Toomey (VF : Robert Dalban) : Inspecteur Bernie Ohls
- Charles Waldron (VF : Georges Chamarat) : Général Sternwood
- Charles D. Brown : Vincent Norris, le majordome
- Bob Steele : Lash Canino
- Elisha Cook Jr. : Harry Jones
- Louis Jean Heydt (VF : Paul Lalloz) : Joe Brody
Et, parmi les acteurs non crédités :
- Trevor Bardette : Art Huck
- Joy Barlow : la chauffeuse de taxi
- Jack Chefe (VF : Henri Ebstein) : le croupier
- Joseph Crehan (VF : Paul Forget) : le médecin-légiste
- Sonia Darrin (VF : Marie Francey) : Agnes Lowzier
- Tom Fadden (VF : Henri Ebstein) : Sidney, l’acolyte de Pete
- Tommy Rafferty (VF : René Arrieu) : Carol Lundgren
- Emmett Vogan (VF : René Arrieu) : Ed, le sergent de police
- Theodore von Eltz : Arthur Gwynn Geiger
Autour du film
- Le Grand Sommeil est l'adaptation du best-seller de Raymond Chandler. Humphrey Bogart y retrouve un rôle de détective privé.
- L'intrigue du film est particulièrement complexe, à tel point que le réalisateur du film, Howard Hawks, demanda à l'un des scénaristes, le célèbre écrivain William Faulkner, si l'un des personnages du film, appelé à mourir, était assassiné ou s'il se suicidait. Faulkner admit qu'il n'en était pas très sûr non plus, et décida de téléphoner à Chandler, pensant que l'auteur du roman original devait forcément connaître la réponse. À cette question, Chandler répondit qu'il n'en savait rien.
- La complexité de l'intrigue du film s'explique également par certaines coupes effectuées par rapport au roman. Ainsi le film supprime en raison du Code Hays toujours en vigueur aux États-Unis des éléments et personnages nécessaires à la bonne compréhension de l'histoire, comme l'existence d'un couple de gangsters homosexuels et d'une industrie clandestine de pornographie. Le réalisateur Howard Hawks avoua d'ailleurs : « Je n'ai jamais bien compris l'histoire du Grand Sommeil1. »
- Interrogé au sujet du titre Le Grand Sommeil, Howard Hawks déclara : « Je ne sais pas, probablement la mort. En tout cas, cela sonne bien2. »
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- Le réveil du «Grand Sommeil»
- Par Edouard WAINTROP — 10 août 2006 à 22:54
- Le réveil du «Grand Sommeil»
- On croit connaître un film, un scénario, une école de cinéma... On découvre une autre histoire.
- En 1996, Robert Gitt, de l'université de Californie à Los Angeles (UCLA), découvre une version inédite du Grand Sommeil, film de Howard Hawks tourné en 1944-45. Il la restaure et prouve ainsi qu'il y en a eu deux versions assez dissemblables. Deux versions qui appartiennent à deux styles différents du réalisateur. Dans la version inédite, le film est toujours aussi bon. Hawks y bénéficie aussi de l'apport de Raymond Chandler, qui a écrit le roman, de William Faulkner, Leigh Brackett et Jules Furthman, qui ont signé scénario et dialogues, et de Humphrey Bogart, Lauren Bacall, Martha Vickers et Dorothy Malone.
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- Alors pourquoi ces différences ? En 1945, la Warner, qui produit le Grand Sommeil, donne priorité à la sortie des films de guerre, qui risquent de passer de mode. Le thriller de Hawks est stocké. Il ne sera visible qu'en août 46. Transformé. Entre-temps, deux événements sont survenus. D'abord, Confidential Agent, de Herman Shumlin, dont Lauren Bacall est la vedette, a été un échec total. La critique a été féroce. La carrière de l'actrice est en danger. Ensuite, Bacall est devenue Mme Bogart et l'héroïne d'une love story qui fait le miel de la presse. Ces deux événements convainquent Charles Feldman, agent de l'actrice, et Jack Warner, patron de la Warner Bros, de demander à Hawks de retourner des scènes qui mettront Bacall davantage en valeur. Le scénariste Philip Epstein, celui de Casablanca, réélabore des scènes, Hawks les tourne. Au final, nous aurons le Grand Sommeil tel qu'il a été distribué, connu à la fois pour son charme profond, sa charge érotique et l'obscurité de sa trame.
- Sur le manque de clarté, Hawks en a rajouté en racontant que non seulement il n'avait pas réussi à saisir le fil de l'intrigue mais que Chandler lui-même ne s'y retrouvait pas. Pourtant, le roman est touffu mais pas incompréhensible. La version originelle, qui n'a été projetée qu'aux troupes américaines du Pacifique, montre que Hawks et ses scénaristes ont bien compris l'histoire. Phillip Marlowe, détective privé à l'humour ravageur, est engagé par le vieux général Sternwood, dont «le feu des yeux noirs était éteint depuis longtemps», pour mettre fin à un chantage dont il est victime. Et pour retrouver un homme, Shawn Regan, qui a disparu. Marlowe se met à la tâche. Si les grandes lignes du script sont les mêmes dans les deux versions, de nombreux détails changent. Le seul changement déterminant se trouve dans la bobine 7 de la version inédite : une scène de neuf minutes que Hawks a dû couper par la suite. On y voit Marlowe-Bogart avec un flic chez le district attorney, l'équivalent de notre juge d'instruction. Dans leur discussion, trois meurtres sont expliqués. Tout ce qui était obscur est éclairé. Sans cette séquence, le spectateur perd la possibilité de suivre le film à la hauteur de Marlowe. En échange, il gagne deux ou trois scènes torrides entre Bacall et Bogart, dont une sieste en couple dans un sauna.
- (1) Todd McCarthy, Hawks : The Grey Fox of Hollywood, Grove Press, 2000, 756 pp.
- (2) David Thompson, The Big Sleep, BFI, 1997, 96 pp.
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LE GRAND SOMMEIL DE HOWARD HAWKS
ARTE diffuse dimanche 12 juillet à 20h45 Le Grand Sommeil (The Big Sleep, 1946) de Howard Hawks dans le cadre d’une soirée en hommage à Lauren Bacall. Le Grand Sommeil est un classique du film noir hollywoodien réalisé par un cinéaste emblématique de la politique des auteurs. Le Grand Sommeil, d’après un roman de Raymond Chandler, adapté par William Faulkner, Leigh Brackett et Jules Furthman, permettait au producteur Jack Warner de réunir à nouveau devant la caméra de Howard Hawks le couple Bogart/Bacall, qui avait fait des étincelles l’année précédente dans Le Port de l’angoisse du même Hawks (diffusé sur ARTE le 19 avril). Terminé en mars 1945, le film patienta pourtant dix huit mois sur les étagères du studio avant d’être distribué, pour deux raisons : Le Grand Sommeil, histoire de détective privé sans référence avec la Seconde Guerre mondiale, n’avait pas la priorité sur les films de propagande produits par la Warner et qui devaient impérativement sortir avant la fin du conflit. Mais surtout Lauren Bacall venait de tourner Confidential Agent, un grave échec artistique et commercial. Après avoir ébloui le public et la critique aux côtés de Bogart, de sérieux doutes se faisaient entendre sur ses talents d’actrice. L’initiative d’un nouveau montage du Grand Sommeil, susceptible de valoriser davantage Bacall, provient de son agent (et celui de Hawks) Charles K. Feldman, un des hommes les plus influents de Hollywood, qui réussit à convaincre Jack Warner de tourner de nouvelles scènes avec le couple, « aussi agressives et provocantes que dans Le Port de l’angoisse ».
C’est ainsi que Hawks filma un an après les derniers tours de manivelle des scènes additionnelles, parmi lesquelles la célèbre conversation au restaurant, modèle de double sens, où Bacall et Bogart parlent de sexe en terme de course hippique. Warner souhaitant que le film conserve sa durée initiale (114 minutes), ces modifications entraînèrent des coupes à l’intérieur du film. Si la pratique du remontage et de la reprise du tournage est relativement courante sur des films victimes d’accidents de parcours ou de projections tests catastrophiques, il est très rare qu’un film considéré par tous comme excellent subisse un tel traitement, symptomatique du poids du star system de l’époque. Hawks, grand prince, sort vainqueur de cette manœuvre de studio. D’une part, les deux stars insistèrent pour que se soit lui et personne d’autre qui tourne les nouvelles scènes, d’autre part Hawks accepta sans rechigner car il savait très bien que le résultat final n’en subirait aucun dommage, puisqu’il avait construit son film comme un agencement de scènes quasiment autonomes, qui lui permettaient de captiver le public malgré une histoire très complexe, à la limite de l’incompréhensibilité. « C’était la première fois que je faisais un film en décidant une fois pour tout que je n’aimais pas expliquer les choses. J’allais juste essayer d’avoir de bonnes scènes » (in Hawks par Hawks, de Joseph Mc Bride). Les bonnes scènes, Le Grand Sommeil les accumule. C’est un enchaînement implacable d’affrontements, plus souvent verbaux que physique, dessinant un véritable labyrinthe qui nous plonge dans les ténèbres (pas grand chose à voir avec le cinéma hollywoodien récent, qui n’a retenu que la moitié de la leçon hawksienne – l’histoire n’a plus grande importance, mais le spectateur a trop souvent dix minutes d’avance sur les protagonistes). Perdu le sens, que reste-t-il ? Hawks réalise avec Le Grand Sommeil la plus belle étude comportementale qui soit, où s’expriment idéalement ses deux obsessions majeures : le professionnalisme – Philip Marlowe mène jusqu’au bout une enquête dont lui et Hawks n’ont que faire – et l’intelligence, froide de préférence, qui caractérise aussi bien les actes du héros hawksien que son discours amoureux.
Catégories : Sur ARTE
- 24 octobre 2010
Chef d'oeuvre absolu du film noir
SPOILERS...
En 1939, Raymond Chandler écrit et publie Le Grand Sommeil, que Boris Vian traduira en français. Ce roman, son premier, est un des romans les plus quintessentiels de la littérature policière, un roman remarquable dans le genre 'noir'. Un roman rempli de vices, de violence, de cynisme, de personnages troubles, doté d'une intrigue volontairement des plus tordues. Le personnage principal est un détective privé évoluant à Hollywood, Philip Marlowe, un des personnages les plus cultes, avec un autre privé (crée par Dashiell Hammett), à savoir Sam Spade, de l'univers du roman noir.
En 1946, Howard Hawks en réalise l'adaptation, en confiant les rôles principaux à Humphrey Bogart et Lauren Bacall. Cette dernière, surnommée 'The Look' en raison de son regard de folie, qui vous tétanise direct, est une des meilleures actrices de sa génération. Bogart, quant à lui, est déjà une star, grâce à Casablanca, Le Port De L'Angoisse (déjà avec Bacall et réalisé par Hawks) ou Le Faucon Maltais, film de 1941 qui marquera vraiment l'avènement du film noir à Hollywood et le statut mythique de Bogie. Au moment où le duo d'acteurs interprète Le Grand Sommeil (qui est aussi interprété par Martha Vickers, Dorothy Malone, Elisha Cook Jr, John Ridgely, Regis Toomey et Charles Waldron), l'actrice en est à son troisième film, mais est déjà une star. Bogart, lui, est déjà intouchable.
Le détective Philip Marlowe est mandaté par le général Sternwood (Charles Waldron), un militaire à la retraite, de rechercher des photos compromettantes mettant en scène une de ses deux filles, Carmen (Martha Vickers), de tempérament très dissolu (nettement plus dans le roman ; c'est, en gros, une shootée nymphomane !). Son autre fille, l'aînée, Vivian (Lauren Bacall), est mariée, mais son mari a mystérieusement disparu, nul ne sait ce qu'il est devenu, où il se trouve, ni même s'il est encore vivant ; et ça n'a pas l'air de la déranger plus que ça. Marlowe va découvrir que Vivian, dont il tombe amoureux, cotoie des truands locaux, et que Carmen, elle, est victime d'un complot, qui semble tramé par les mêmes personnes que celles que Vivian Cotoie...
The Big Sleep, roman complexe, et film également complexe, dont le scénario adapté est signé, non pas Chandler (qui, bien que n'éprouvant pas une affection pour Hollywood et ayant bossé comme scénariste, un temps, trouvait que le film de Hawks était le meilleur film noir qui soit), mais Leigh Brackett et William Fauklner (grand écrivain américain), excusez du peu. Chandler a cependant collaboré avec les scénaristes, et à ce titre, une anecdote véridique est tordante : lui posant la question de savoir comment était mort un des personnages secondaires du film (suicide ou meurtre, et si meurtre, qui l'a tué ?), Chandler, pourtant auteur du roman, avouera ne pas le savoir, n'en avoir aucune idée !
Il est vrai que comprendre toute l'histoire au premier visionnage est assez difficile, voire impossible. C'est déjà pas évident pour le roman (bien plus sombre et poussé que le film, rien que pour le personnage de Carmen Sternwood, vraie folle du cul qui passe sa vie à poil ou presque, dans le roman, et pour un personnage d'homosexuel ; mais pour l'époque, au cinéma, il fallait tailler dans le gras et, par risque de censure, atténuer les éléments obscènes du livre), mais le film, lui, est franchement complexe, volontairement embrouillé. De toute manière, dans Le Grand Sommeil, c'est l'ambiance, poisseuse, et les personnages, retors, troubles, inquiétants, magnétiques, qui priment.
L'histoire, bien que bien foutue (et dure à suivre), passe derrière. Interprété à la perfection, réalisé sobrement, photographie magnifique, ambiance parfaite, ce film est un sommet du genre. Et tant pis si Bogart n'est pas totalement l'acteur qui convenait pour Marlowe (Elliott Gould, dans Le Privé d'Altman, en 1973, campera un Marlowe nettement plus proche du personnage de Chandler), il n'en demeure pas moins époustouflant ici !
Posté par : ClashDoherty à 12:30 - Grands chefs d'oeuvres absolus - Commentaires [0] - Permalien [#]
Tags : 1946, adaptation roman, années 40, détective privé, film noir, Howard Hawks, Humphrey Bogart, Lauren Bacall, policier
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