Jean Cocteau
Écrivain et cinéaste français (Maisons-Laffitte 1889-Milly-la-Forêt 1963).
Un moment lié aux dadaïstes (les Mariés de la tour Eiffel, 1924), il est de toutes les avant-gardes et de toutes les évasions. Du feu d'artifice de la prime jeunesse (Plain-Chant, 1923) aux interrogations de la maturité (Requiem, 1962), c'est une même « difficulté d'être » qui est au centre de son œuvre. Ses romans (le Potomak, 1919 ; Thomas l'Imposteur, 1923 ; les Enfants terribles, 1929), aussi bien que son théâtre (la Machine infernale, 1934 ; les Parents terribles, 1938) sont marqués par la poésie. Cinéaste (le Sang d'un poète, 1930 ; l'Éternel Retour, 1943 ; la Belle et la Bête, 1946 ; Orphée, 1950 ; le Testament d'Orphée, 1959), dessinateur, peintre (chapelles à Villefranche-sur-Mer, Milly-la-Forêt), ses créations sont autant de « projections » qui éclairent une époque et la transforment, en lui donnant l'occasion de regarder sans cesse « ailleurs ». (Académie française, 1955.)
Écrivain et cinéaste français (Maisons-Laffitte 1889-Milly-la-Forêt 1963).
Un moment lié aux dadaïstes (les Mariés de la tour Eiffel, 1924), il est de toutes les avant-gardes et de toutes les évasions. Du feu d'artifice de la prime jeunesse (Plain-Chant, 1923) aux interrogations de la maturité (Requiem, 1962), c'est une même « difficulté d'être » qui est au centre de son œuvre. Ses romans (le Potomak, 1919 ; Thomas l'Imposteur, 1923 ; les Enfants terribles, 1929), aussi bien que son théâtre (la Machine infernale, 1934 ; les Parents terribles, 1938) sont marqués par la poésie. Cinéaste (le Sang d'un poète, 1930 ; l'Éternel Retour, 1943 ; la Belle et la Bête, 1946 ; Orphée, 1950 ; le Testament d'Orphée, 1959), dessinateur, peintre (chapelles à Villefranche-sur-Mer, Milly-la-Forêt), ses créations sont autant de « projections » qui éclairent une époque et la transforment, en lui donnant l'occasion de regarder sans cesse « ailleurs ». (Académie française, 1955.)
L’invisible... Dans le cinéma de Jean Cocteau
Rana El Gharbie
https://journals.openedition.org/entrelacs/226?lang=en
Jean Cocteau, poète du cinéma
"Le cinéma, c'est l'écriture moderne dont l'encre est la lumière"
"Le cinéma, c'est l'écriture moderne dont l'encre est la lumière"
Ici figurent le bilan personnel de notre travail, nos impressions à la fois négatives et positives quant à la construction de ce blog :
Eglantine Carcedo :
Enthousiastes quant à notre objet d’étude, nous avons été freinés dans la rédaction de nos articles par le manque de ressources numériques sérieuses traitant de Jean Cocteau en tant que cinéaste. En effet, bien que de nombreux sites se proposent de découvrir son génie polyforme, notamment son œuvre littéraire et picturale, et que les musées qui se sont intéressés à l’artiste présentent leur collection ou exposition, peu se consacrent exclusivement à sa filmographie. Nous avons donc été dans l’obligation d’élargir notre sujet en abordant des ressources sur Jean Cocteau de manière plus générale, ce qui enlève de fait à notre blog son ambition première, à savoir Jean Cocteau, poète et cinéaste. Cependant, les photographies de tournage de bonnes qualités furent, quant à elles, au rendez-vous, hormis pour son film de 1948, Les Parents Terribles, qu’aucun site n’a par ailleurs abordé.
Jim Chawki : Ce travail sur Jean Cocteau a beaucoup éveillé notre intérêt et notre curiosité pour ce personnage que nous ne connaissions finalement que trop peu. La création de ce blog nous a permis d’acquérir des connaissances solides sur son cinéma ainsi que sur les mouvements artistiques qui lui on été adjacents. D’un point de vue plus numérique, nous avons été confronté pour la première fois à la création d’un blog et à tout les problèmes que cela peu poser, notamment concernant le droit des images et l’utilisation des outils comme flickr ou delicious. L’expérience du travail de groupe a aussi permis à notre esprit d’équipe de se renforcer. Néanmoins, je trouve dommage que les règles de rédaction soient si restreintes et que l’on nous ai demander de commenter presque uniquement l’aspect numérique des articles étudiés, l’espace réservé à notre point de vue et à notre analyse personnelle des oeuvres de Cocteau étant considéré comme « hors-sujet ». Evidemment, notre niveau universitaire ne nous permet pas encore d’exploiter correctement ce type de contenu, cependant, il aurait été plus intéressant que le sujet « en soi » ait une plus grande place.
Saskia Wallig :
Ces ressources nous ont dans l’ensemble beaucoup appris sur le sujet, mais de manière bien plus condensée que dans un livre. Les articles présents sur la toile ont cependant une dimension personnelle, plus libre, tout en s’appuyant sur une bibliographie papier.
L’intérêt était aussi de confronter les articles, leur construction ou absence de construction, certains étant dignes d’un début de thèse, d’autre faisait état de tous les lieux communs possibles sur notre sujet. On retrouve d’ailleurs très souvent le même contenu, il est donc plaisant de lire quelque chose de nouveau qui puisse répondre à nos interrogations et réflexion. L’article du site de Senses of Cinema semble réunir ces éléments avec un propos construit ainsi que varié. Les anglophones semblent finalement soit mieux renseignés/intéressé par le sujet, soit plus présents sur la toile.
En France on ne s’intéresse que visiblement peu au cinéma de Jean Cocteau mis à part La Belle et la Bête (sa dernière diffusion TV date de 2009). Ce sont certes des films en noir et blanc, mais tout à fait accessible avec le format du conte, ou même du genre policier avec Orphée. On accordera que les films plus expérimentaux avec une narration moins linéaire, sont plus difficiles d’accès. Nous avons donc eu des difficultés à visionner ces films via internet de même que de trouver des signes pertinents et dignes de confiance sur notre sujet.
======
Jean Cocteau et le cinéma : le merveilleux d’une rencontre
1
Article Jean Cocteau et le cinéma, consultable sur le blog du département recherche de l’Université de NY Paris.
Il s’agit du blog du département recherche de l’Université de New York Paris. NYU Paris est une sorte d’annexe de l’Université de New York à Paris. Les formations sont adressées aux étudiants spécialisés en culture et civilisation souhaitant réaliser une partie de leur cursus en France. Cette université existe depuis 1969 et joue aussi le rôle de « centre culturel » franco-américain.
La création de ce blog de Recherche semble assez récente (beaucoup de page sont en cours de construction) et la rubrique « Qui sommes-nous? » nous apprend que la liste des participant à la rédaction est en cours d’élaboration. Ce blog est un travail de collaboration entre « une centaine de professeurs, maîtres de conférences, chercheurs, artistes et étudiants français ». Les auteurs sont donc français, ce qui n’empêche pas la rédaction d’article en anglais. Il n’est pas si clairement s’il s’agit ici d’un travail individuel ou de celui d’une équipe, comprenant la rédaction commune des articles. Nous n’avons pas non plus d’information plus précise sur les auteurs même si certains articles sont signés (par des étudiants ? des chercheurs ?). Et ce d’autant plus que l’onglet « contact » renvoie à l’adresse de la directrice de la Recherche à NYU Paris, on ne sait pas si celle-ci est véritablement en charge de ce projet.
REPORT THIS AD
L’onglet « Séminaires » reprend la même présentation dite « générale » que l’on retrouve aussi en page d’accueil: « Privilégiant les réflexions novatrices sur les transferts culturels dans le cinéma, la littérature, l’art, les nouvelles technologies et les pratiques sociales ».
Le propos est complété quelques lignes plus loin par le discours suivant : « Les chercheurs, les professeurs, les doctorants, les étudiants, et les artistes de toutes disciplines sont appelés à travailler ensemble sur les grands enjeux sociétaux du XXIe siècle en privilégiant les approches transdisciplinaires conçues comme un dialogue entre disciplines sociales, scientifiques, artistiques franco-américaines ».
Il n’est pas évident de comprendre l’enjeu exact de ces publications. Cette deuxième partie de la présentation semble d’avantage concerner le travail d’ensemble, au sein de la formation universitaire, des étudiants et chercheurs. On ne sait donc pas si leurs recherches portent exclusivement sur le XXIe, les artistes franco-américains en particuliers…? Il est donc difficile de donner une définition exacte de cet objet d’étude.
Le terme de « séminaires » désigne ici un grand 1 parmi les catégories. Le grand 2 étant les événements exceptionnels, le 3 les publications, le 4 les colloques, le 5 les journées d’étude et le 6 les ressources. Pour une meilleure lisibilité ainsi qu’une meilleure compréhension il aurait été utile de mettre en avant les catégories et les articles y étant associés. Car toutes les publications sont finalement regroupées sous ce terme de séminaire – terme qui comprend plutôt la dimension d’un travail en groupe – et non pas celui d’article.
REPORT THIS AD
La partie « Séminaires » est la seule à posséder des sous-catégories. La navigation y est difficile en raison des thèmes particulièrement disparates. Certains renvoient à une série d’article, mais aussi à des articles présentant le programme – cette-fois ci- de séminaire.
L’article faisant l’objet de notre étude est compris dans la sous-catégorie n°3 : Littérature et Cinéma. L’article s’intitule Jean Cocteau et le cinéma et date du 1 janvier 2007 et écrit par Lydie Quaglia. Nous n’avons malheureusement pas plus d’information sur cet auteur ni dans quel cadre l’article a été proposé. Ce que l’on pourrait appeler un sous-titre « Le merveilleux d’une rencontre » figure en haut de page et suffit à nous donner le sujet du propos : la belle rencontre entre Cocteau et la réalisation cinématographique. Un vaste sujet donc, qui aurait sans doute requis plus de précision quant à une éventuelle problématique et de sélection des informations.
L’article commence par la citation suivante extrait du Journal (1942-1945) de Jean Cocteau : « […] Le cinéma, quelle écriture pour un poète ! Le texte n’est pas l’écriture dont je parle. C’est l’image, la chasse à l’image et la manière dont ces images s’emboîtent et forment la chaîne d’amour. » Cocteau l’a bien dit et redit, que ce soit en parole ou en image : il est un poète. L’auteur de l’artiste convient « d’insister sur un aspect qui différencie Cocteau des autres écrivains. Car justement, Cocteau n’est pas vraiment un écrivain. » Il est poète, et fait de la « poésie littéraire, plastique et cinématographique ». L’auteur en vient ainsi à parler sur cet article multiple qu’est Jean Cocteau et insiste aussi sur la pratique de différents arts, la capacité de décloisonner, entre autres, le cinéma et la poésie.
L’auteur s’intéresse ensuite au processus de création, cette « force inconnue » que l’on retrouve au sein de son œuvre, et dont lui-même parle dans de nombreux écrit. L’auteur s’appuie sur de justes citations comme nous l’indique les notes : certes numérotées mais peu fournies, renvoyant en plus de cela à des liens mort (bien qu’on les retrouve en bas de page).
La création cinématographique pour Cocteau serait une véritable « bouffé d’oxygène » dans le sens ou « contrairement à l’écriture, le cinématographe n’est pas un art individuel et solitaire mais collectif ». Cocteau disait en effet, en voix off, dans Le Testament d’Orphée, que l’atout du cinématographe était de permettre aux personnes de vivre ensemble le même rêve.
Cet article a pour défaut d’être quelque peu inattendu dans le sens ou le sujet n’est pas rattaché à un ensemble ou à une présentation plus précise. Le propos de l’article n’est de plus pas annoncé, nous notons l’absence de référence bibliographique, ou d’un lien pour citer. Malgré cela, richesse du contenu ainsi que la plume de son auteur nous conduit à placer cet article parmi les plus intéressants. La justesse du propos et le choix de thèmes habituellement peu traités constituent effectivement un bon résumé de la rencontre de Jean Cocteau avec le cinéma. Parmi ces termes abordés, et outre ceux déjà évoqués figurent les suivant : le retour à l’enfance, le tournage de la Belle et la Bête, la « paternité » de Cocteau pour ses films, son travail de scénariste… L’auteur parle également de la façon dont il conçoit le cinéma comme une forme de littérature, avec toujours se mélange des différents arts, dans le but d’apporter une légitimation plus forte au cinéma. Il est également mentionné la distinction que Jean Cocteau faisait entre cinéma et cinématographe ainsi qu’une autre question, qui pourrait faire l’objet d’une étude : Cocteau est-il un artiste moderne ? Il est en effet à la limite d’une modernité apparue au cinéma dans les années 1960-1970.
Nous recommandons ainsi ce bref et non moins intéressant article, sur un site difficile à naviguer, mais aux sujets d’études originaux pouvant suscite l’intérêt d’un large public.
Jean Cocteau, poète et cinéaste
Portrait de « Jean Cocteau, poète et cinéaste » par Francis Ramirez, article disponible sur le site de la Bibliothèque du film.
La Bibliothèque du film, ou Bifi, est une institution créée en 1994 située dans le 12e arrondissement de Paris, qui comprend un centre de documentation, une médiathèque et des espaces d’exposition consacrés au patrimoine cinématographique français et étranger. Rattachée à la Cinémathèque française depuis leur fusion en janvier 2007, la Bibliothèque du film conserve de fait des collections provenant de la Cinémathèque française, mais aussi des Archives françaises du film, et de la FEMIS, collections qui se sont également « enrichies par de nombreux dons, acquisitions à titre onéreux ou dépôts. ». Parmi ses nombreuses collections, la Bifi regroupe des périodiques, des ouvrages, des vidéos et DVD, des revues de presse, des affiches, des dessins et photographies, et enfin des fonds d’archives.
Le site de la Bifi, édité par la Cinémathèque française, a été ouvert en 2006. La page d’accueil présente divererses catégories qui permettent non seulement de découvrir la structure réelle de la Bibliothèque et son contenu, mais aussi les documents mis à la disposition des internautes.
Ainsi la première catégorie renvoie aux « actualités » cinématographiques, patrimoniales et à celles de la Bibliothèque, dont les informations pratiques (contacts, horaires, collections etc) sont disponibles via « La Bibliothèque du film ». D’autre part, des dossiers, « les sites documentaires » crées par la Cinémathèque et la Bifi à propos de cinéastes ou d’évènements, comme la page consacrée au Festival de Cannes, sont mis en ligne. Une catégorie « répertoires » propose comme son nom l’indique des listes faites par ordre alphabétique de critiques, de fond d’archives, de périodiques, de vidéos, ou encore de CD-Rom et de bases de données en ligne, facilitant ainsi l’accès à une ressource ou à des informations sur un sujet. Le site de la Bifi présente par ailleurs des « dossiers thématiques » proposant aux cinéphiles des filmographies en rapport avec un thème. Dans cette perspective d’enrichissement culturel, tant en termes de références qu’en termes de pistes de réflexions, le site met également à disposition des internautes, sous le nom de « zooms multimédia » et « exposition virtuelles », des documentaires et « expositions » réalisés par les membres de la Cinémathèque française et de la Bifi, parfois en collaboration avec l’INA.
Concernant Jean Cocteau, est disponible dans la section « actualité patrimoniale » un article touchant particulièrement notre objet d’étude : « Jean Cocteau, poète et cinéaste ». Ecrit par Francis Ramirez, universitaire spécialiste de Cocteau, et Christian Rolot, co-auteur du texte, une note de bas de page renseigne sur sa publication par la Bifi qui souhaite rendre hommage à Francis Ramirez, principal rédacteur de l’article décédé en 2006, « en republiant ce texte de 1999, qui inaugura le nouveau magazine en ligne de la BiFi. »
Pour compléter l’étude, un lien renvoie à la biographie et à la carrière de Jean Cocteau, notamment à son œuvre cinématographique, et en bas de page est indiquée une bibliographie sélective contenant des œuvres de et sur Cocteau. Cet article, publié pour la première fois en juillet 1999, propose un portrait vif et sensible du poète ainsi qu’une analyse de son œuvre cinématographique à travers trois thèmes,« La poésie est de la nuit mise en plein jour » « Le cinéma est un véhicule de poésie » « L’évidence du visible ».
Dans un style à la fois direct et nerveux, Francis Ramirez choisit d’emblée de prendre à bras le corps l’image qu’a laissée de lui Jean Cocteau « qui fut sa vie durant un homme prodigieusement agaçant ». Sans détours, il se fait l’écho de sa réputation, mélange de lieux communs réducteurs et de vérités dérangeantes pour mieux s’en débarrasser afin d’aller à l’essentiel : définir ce qu’était pour Cocteau le cinéma.
Oui, Cocteau était « prodigieusement agaçant », oui ses contemporains, tels Claudel, Gide ou Breton, furent irrités « parfois jusqu’à la haine » par ce séducteur « vif-argent », ce mondain frivole à la « silhouette d’éternel jeune homme », ce brillant touche-à-tout dont la notoriété alimentait la vie culturelle et mondaine parisienne, lui qui était l’ami de Jean Renoir, Picasso, Orson Wells et bien d’autres. Mais pour Francis Ramirez, « ce don extrême d’agacer était en réalité le moyen pour protéger son œuvre » qui « sort de l’ombre des malentendus et des fausses légendes et commence sa vraie carrière » lorsqu’il s’éteint en 1963.
Reprenant une idée majeure de Cocteau « la poésie est de la nuit mise en plein jour », le rédacteur questionne son œuvre cinématographique en établissant un rapport essentiel entre poésie et cinéma : si le poète est le véhicule de la poésie, le cinéma est « un véhicule de poésie ». Abordant le « septième art en poète », Cocteau, explique Francis Ramirez, « parle non de cinéma poétique mais de poésie de cinéma » et voit en lui la possibilité merveilleuse de libérer « la poésie prisonnière de l’encre », selon les mots de l’auteur. Dès lors, Cocteau assigne au cinéma à travers des œuvres telles que La Trilogie d’Orphée ou La Belle et la Bête, la fonction de révéler le réel caché car comme le résume Francis Ramirez « une image montre toujours plus que ce qu’elle montre ».
Afin de dissiper tout malentendu autour de la notion de poésie au cinéma, l’auteur rappelle que ce travailleur acharné que fut Cocteau chercha avec obstination à révéler « ce supplément de réalité » mis au jour par les prises de vues et les trucages. On est loin ici de « cette fantaisie « poétique », décorative et rêveuse qui l’exaspérait tant dans Les Visiteurs du soir de Marcel Carné ». Pour Cocteau « la poésie n’est que de chiffres, algèbre, géométrie, opérations et preuves » (La Difficulté d’être) et « le cinéma permet de montrer avec la rigueur du réalisme les fantasmes de l’irréalité. Bref, c’est un admirable véhicule de poésie. » (Le Testament d’Orphée)
Pour conclure, Francis Ramirez nous invite à laisser de côté le Cocteau agaçant, le Cocteau polémiqueur théâtral à la fois ingénu et outrancier, pour nous recentrer sur l’essentiel : « l’extraordinaire crédit [qu’il accorda] à la puissance révélatrice d’un cinématographe conçu, bien au-delà des arts, comme un moyen de connaissance et de conscience ». Et il n’est pas indifférent de préciser que l’auteur tient, non sans émotion, à souligner que Cocteau, si agaçant fut-il pour certains, fut aussi très aimé.
L’aigle à deux têtes
Le site http://cocteau.biu-montpellier.fr/index.php dépend de la BU Lettres de Montpellier III, de Nova Média Production et les éditions l’Entretemps, et fait avec le soutien de la Région Languedoc-Roussillon, de l’Université Paul-Valéry, du Comité Jean Cocteau, de la Fondation Pierre Bergé (Yves Saint Laurent).
L’accueil du site commence par la présentation de ses auteurs « Le site Jean Cocteau unique et multiple est l’œuvre de chercheurs en Littérature et en Arts du Spectacle de l’université Paul-Valéry Montpellier III (France) associés au programme « Cocteau & Cie » du centre de recherche Rirra21 (équipe d’accueil 4209) ». Le nom de ces auteurs ainsi que leurs fonctions ne sont cependant pas mentionnées, ni dans cette page d’accueil ni au sein des articles. Le seul cité est finalement Pierre Bergé, avec sa préface dans la colonne de gauche ainsi que Pierre-Marie Héron qui a rédigée cette page d’accueil et enseigne à Montpellier III.
Puis vient la présentation du site en lui-même, site présenté comme étant actif et mis au fait des dernières nouveautés numériques : le site est également « consultable sur tablette numérique » (il s’agit de la même version du site et non d’une version faite exprès pour ce support). Est également exposé le fonctionnement du site, avec une « navigation libre et intuitive ou plus méthodique », des qualificatifs qui n’explique pas pour autant le fonctionnement des onglets ou catégories…
« Les milliers de documents montrés ici (des éditions rarissimes et de belles éditions, des albums de dessins, des photos, des affiches, des articles, des documents audio et vidéo peu connus, etc.) » Ces documents inédits sont surtout des photos qui viennent illustrer le contenu rédigé du site.
Toujours sur cette même page d’accueil, nous en arrivons à un 3ème point qui justifie le nom du site « Jean Cocteau, unique et multiple ». Un premier argument insiste sur la diversité des domaines de création de Cocteau, que ce soit la littérature, la poésie, le cinéma, le théâtre, la peinture, le dessin, le journalisme…Ce qui en fait un artiste à la fois complet, multiple, mais aussi unique voire presque prodige.
La définition du site va encore plus loin et applique ces adjectifs d’unique et de multiple à la personnalité même de Cocteau: « Cocteau est unique par l’intensité des attractions et des répulsions qu’il a suscitées dans les milieux littéraires et dans le public, et multiple par la diversité des visages qu’il leur a présentés. Il a été simultanément « le plus aimé » et « le plus haï » des artistes français ».
Enfin, le site propose des « associations d’idée », de « multiple bifurcations possibles » pour les amateurs de littérature, « d’explorations méthodiques ». Cocteau.bio-montpellier.fr n’est en effet pas uniquement liée à Jean Cocteau et à son œuvre mais à ce qui est rattaché – de près comme de loin – que ce soit des écrivains et auteurs, mais aussi d’autres artistes… Ceci concerne le 5ème onglet présent sur le site, « Lettres et arts » avec par exemple une page destinée la correspondance et l’amitié entre Cocteau et Mauriac, ou bien avec Pablo Picasso. Cette partie est particulièrement enrichissante: beaucoup de liens entre Cocteau et ses contemporains, ou ses influences sont racontés aux moyens de sources et d’arguments précis, avec toujours une illustration inédite. Cette correspondance, ou plutôt cette filiation entre Cocteau et d’autres artistes ou poètes est rarement évoqué, y compris dans des ouvrages papiers.
REPORT THIS AD
L’autre originalité du site réside dans la façon dont les sous-catégories sont organisées. A partir de l’onglet « L’auteur et son œuvre » nous pouvons accéder aux « singularités », soit des petites rubriques consacrées à la « philanthropie », « conversations », « engagements » etc… Se trouve de nouveau des sous-catégories dans ces différents sujets, regroupant bon nombre d’illustration et de citation.
Cette approche thématique comporte de nombreuses qualités, mais aussi quelques défauts : la navigation n’est pas facile pour une personne peu familière de la personne et de l’œuvre de Cocteau. De plus, chaque catégorie nous oblige directement à glisser vers un sujet sans passer par une page de présentation.
Pour cet article, et dans le cadre de ce blog qui porte sur l’œuvre cinématographique de Jean Cocteau, nous allons nous intéresser à la catégorie « Spectacles » > « cinéma » > puis le sujet sur le film « L’Aigle à deux têtes ». L’Aigle à deux têtes n’est pas l’un des films les plus connu de Cocteau: il n’appartient pas au même genre quasi autobiographie que la Trilogie d’Orphée, mais se rapproche d’avantage de La Belle et la Bête. Ce film a d’ailleurs était réalisé en suivant, en 1947, d’après la pièce de théâtre de Jean Cocteau lui-même, écrite en 1946.
L’histoire se déroule au début du XIXe siècle, dans un pays indéterminé (en Allemagne ou en Autriche?), une jeune reine (Edwige Feuillère) occupe seule le trône, faisant face à l’archiduchesse sa belle-mère espionnée par sa lectrice Mademoiselle de Berg, étroitement surveillée par le comte de Foëhn, ministre de la police, suivie par le duc de Willenstein son amoureux transi. Le chef de la police met au point un stratagème pour salir la réputation de la reine: il fait en sorte que Stanislas (Jean Marais), un poète anarchiste, désireux de tuer la reine, puisse s’introduire dans le château. Il échoue de peu sa mission face à une reine qui n’a pourtant pas peur de la mort et qui reconnait en lui sa Destinée, « sa mort ». Stanislas ressemble de façon troublante au défunt roi, si bien que la reine se sent revivre. Stanislas quant à lui apprend à voir en elle une femme, et non plus une reine, ni même une « idée » (cf scène de la bibliothèque). L’amour né entre cette reine « d’esprit anarchiste » et cet « anarchiste d’esprit royal ». Ils incarnent cet « aigle à deux têtes » : un aigle à deux têtes, si on en coupe une, l’aigle meurt.
Le comte de Foëhn tente de reprendre en main la tournure des événements et arrête Stanislas. Il lui permet de revoir la reine avant qu’elle ne regagne sa capitale. Comme le dit une jolie formule, « les jeux de l’amour et de la mort vont alors utiliser le poison et le poignard » : Stanislas reculant devant un amour impossible avale une capsule fatale. La reine le bafoue, il la tue d’un coup de couteau. Elle a le temps de lui avouer son amour. Stanislas, face à cet amour impossible avale une capsule de poison. La reine feint de le renier pour qu’il se décide à la poignarder. La reine à le temps de saluer sa garde face découverte, de se retourner vers Stanislas pour lui avouer son amour (« il fallait te rendre fou » dit-elle).
La page consacrée à l’Aigle à deux têtes comprend 4 catégories:
En premier lieu une présentation. Il ne s’agit pas d’un résumé de l’histoire mais plutôt de l’historique, de la naissance de la pièce, ainsi que des éléments d’analyse qui font aussi le lien avec le film La Belle et la Bête.
La seconde partie concerne le générique du film, avec une illustration de l’époque du Cinémonde, ainsi que la fiche artistique et technique du film. Il n’y pas d’avantage d’élément dans cette catégorie qui n’en reste pas moins très intéressante: il n’est en effet pas toujours possible de trouver un générique, le casting complet d’un film d’époque, et ceci sans erreur (on ne se rend pas compte que cela est assez souvent le cas).
Une autre catégorie est consacrée aux décors de Christian Bérard. Là encore il s’agit d’un sujet rarement traité. Cependant, les 10 lignes de texte (dont 8 de citation) et l’unique illustration paraissent plutôt minces. De plus, l’illustration ne met pas en avant les décors mais plutôt les costumes (également très importants au sein du film). Il aurait été intéressant d’avoir une partie qui met d’avantage en lien ce film avec la Belle et la Bête (au niveau des décors, du traitement de la lumière), mais aussi de la totalité de l’œuvre cinématographique du cinéaste.
Il n’en ai pas fait mention dans le site, mais on retrouve dans ce film l’acteur fétiche de Cocteau, Jean Marais, ainsi que les thèmes récurrents dans le cinéma de Cocteau: la reine dit « vous êtes ma mort », « ma destinée » (phrase que dira Eurydice dans Orphée), on retrouve également la voix off du cinéaste, une fois encore la figure du poète (Stanislas) et déjà les miroirs (avec la lecture d’un extrait d’Hamlet « tendez un miroir ou vous puissiez voir le fond de votre âme » + scène de la glace sans tain) ainsi que le monde du rêve (« ils étaient le rêve d’un dormeur qui dort si profondément qu’il ne savait même pas qu’il rêve »).
Enfin, la dernière catégorie concerne la réception du film. Là encore, et d’une manière générale, nous avons eu du mal à trouver ce genre d’informations relatives aux contextes de l’époque. Il est difficile, plus de 60ans après, de s’imaginer l’impact de ce film à son époque.
Ces quelques lignes confirment l’impression qu’on en avait : « L’Aigle à deux têtes apparaît aujourd’hui, dans la filmographie de Jean Cocteau, comme un film un peu délaissé ». Le cinéma de Jean Cocteau n’a pas toujours bien vieillit. Il s’agit pourtant d’un film proche de la Belle et la Bête, moins par son côté fantastique que par son côté merveilleux. L’Aigle à deux têtes offre aussi une fin plus tragique, mais qui n’en est pas moins belle, dans sa grande théâtralité.
Orphée: le pouvoir de la poésie (1)
Le site « Kusanaki » se présente lui-même comme étant « entre le dvd et le Blu-ray, entre la 3D et le goût du 16 mm ; le cinéma de nos Auteurs et de leur politique ». En somme, ce site, présente le travail d’une dizaine d’auteurs autour de « dossiers cinéma », des études et analyses d’extrait de film, ou sur le travail d’un réalisateur, soit dans son intégralité, soit sur de ses films en particulier. Kusnaki propose des actualités récentes sur des films à l’affiche, mais s’intéresse aussi à un cinéma moins récent comme celui de Jean Cocteau.
Il s’agit d’un « dossier », contenant une somme d’information se voulant plutôt complète, avec des éléments d’analyse filmique sur l’œuvre de Jean Cocteau. Outre la partie intitulée « Orphée » à laquelle nous nous intéressons, ce dossier comporte une biographie de Jean Cocteau ainsi qu’une petite présentation et présentation de chaque film, accompagnée d’illustrations ou d’extraits vidéo.
Ici, l’article sur Orphée débute, dans la mise en page, par une image extraite du film : Marias Casares, qui joue le rôle de la Mort/du Destin, a un geste tendre envers le poète Orphée, incarné par Jean Marais. Le poète aime la mort et se fait aimer d’elle. Il s’agit là d’un point important du film Orphée, porté par ces deux personnages principaux emblématiques.
REPORT THIS AD
L’auteur de cet article présente le film comme faisant partie de ce que nous nommerons la « trilogie Orphée », comprenant Le Sang d’un poète (1930), Orphée (1950), et Le Testament d’Orphée (1960). Ces trois films comportent une dimension très personnelle où Jean Cocteau s’identifie au personnage du poète. Ces films composeraient, selon l’article, « une sorte d’autobiographie cinématographique », ce sur quoi nous pouvons émettre quelques réserves. Il est en effet très difficile de placer le cinéma, et même la production artistique entière de Jean Cocteau dans de quelconque catégorie. Le « cinéma de poésie » est, il faut l’admettre, un genre plutôt rare. Cocteau lui-même avait du mal à classer ses œuvres et voulait avant tout s’affranchir des catégories pour faire triompher sa subjectivité. On comprendra donc cette trilogie comme étant une sorte d’auto-fiction, ou une biographique au sens de films « autoréférentiels ».
L’article présente Orphée comme un film plutôt accessible au grand public, tout comme la Belle et la Bête, et place Cocteau au « faîte de sa gloire ». Il est vrai que Orphée présente une intrigue de type policière, précise, dans un genre moins surréaliste que Le Sang d’un poète. Le film a également été nommé dans la catégorie du meilleur film, lors des BAFTA Awards de 1951. Cela se justifie en partie par le fait que Cocteau reprend le célèbre mythe d’Orphée, Orphée personnage éponyme qui incarne l’archétype du poète de la mythologie grecque. Le mythe d’Orphée ne se prête d’ailleurs pas à de grandes modifications, mais reste indémodable, « c’est le privilège des légendes d’êtres sans âge », comme le dit la voix de Cocteau au début du film.
========
Jean Cocteau et le cinéma : le poète du grand écran
Par Olivier De Bruyn
Éclectique, foisonnant et expérimentateur… Dans sa carrière artistique, Jean Cocteau, quel que soit son domaine d’expression, a toujours aimé surprendre. Ses rapports avec le cinéma, riches et complexes, ne sont pas les moins fascinants.
Le jeune homme précoce - révélé en littérature dès ses 20 ans avec ses premiers recueils de poésie -, compagnon de route artistique de ses illustres contemporains Pablo Picasso, Igor Stravinsky et Erik Satie, ne pouvait qu’être attiré par le cinéma : cet art qui, inventé quatre ans avant sa naissance en 1889, promettait tant d’aventures inédites. Dans ses années d’adolescence, Jean Cocteau a découvert Méliès, ce génial inventeur de formes imaginaires, et les maîtres du burlesque américain : Charles Chaplin, Buster Keaton, qui l’impressionnent. Soucieux de modernité et d’expérimentation, poète "total" qui souhaite s’exprimer sur tous les supports, Jean Cocteau comprend rapidement que le grand écran peut servir d’écrin à ses délires créatifs.
Dès 1925, il passe à l’acte et, fidèle à sa subjectivité radicale et à son sens de l’autopromotion, tourne un court-métrage dans l’esprit de Chaplin qu’il intitule en toute simplicité : Jean Cocteau fait du cinéma. Quatre ans plus tard, alors qu’il rédige Opium, journal d’une désintoxication, Cocteau écrit "Ma prochaine œuvre sera un film". Il ne ment pas… Bénéficiant, tout comme Luis Buñuel pour L’âge d’or, de l’appui inconditionnel d’un richissime mécène, le Vicomte de Noailles, le cinéaste débutant donne naissance au Sang d’un poète : une œuvre inclassable et expérimentale où l’auteur, avec son inspiration surréaliste, choque les bonnes mœurs bourgeoises en s’adonnant à ses délires scénaristiques et formels.
Cocteau décrit son grand œuvre halluciné comme "une descente en soi-même, une manière d’employer le mécanisme du rêve sans dormir, une bougie maladroite, souvent éteinte par quelque souffle, promenée dans la grande nuit du corps humain". Malgré un lointain cousinage, le film est accueilli tièdement par André Breton et les surréalistes "officiels" qui y voient un dérisoire ersatz de leurs préoccupations. Il en faut plus pour embarrasser Cocteau qui aimait à répéter : "Ce que l’on te reproche : cultive-le : c’est toi", avant d’ajouter, à raison : "Mes films n'ont ni queue ni tête, mais ils ont une âme !".
UNE PAUSE AVANT LES MONUMENTS
Il faudra attendre plus d’une décennie pour que Jean Cocteau récidive derrière la caméra. Entre-temps, le touche-à-tout multiplie les expériences (roman, poésie, théâtre, ballet) et collabore parfois avec d’autres cinéastes pour l’écriture de leurs scénarios ou de leurs dialogues. Curieusement, ces derniers ne se distinguent pas toujours - loin s’en faut ! - par leur modernité et leur goût de la transgression. Ainsi le très académique Jean Delannoy avec lequel Jean Cocteau travaille pour L’éternel retour (1943).
Au gré de ses collaborations plus ou moins dignes d’intérêt, l’écrivain croise néanmoins sur sa route des metteurs en scène majeurs, en premier lieu Robert Bresson, pour lequel il écrit les dialogues des Dames du bois de Boulogne (1945). Comme Bresson, Cocteau préfère parler de "cinématographe" que de "cinéma". Comme lui, il croit en la spécificité du langage du septième art, mais, contrairement à lui, il ne privilégie en aucun cas l’austérité glaciale et ne considère par ses acteurs comme des "modèles" évoluant dans une impressionnante atonie avec leur voix blanche et leurs postures hiératiques.
Il le prouve dans les années d’après-guerre en retournant derrière la caméra et en signant coup sur coup ses plus grands films qui lui vaudront, entre autres, l’admiration des futurs cinéastes de la Nouvelle Vague, épatés par sa liberté de ton et son refus de tous les académismes. Entre 1946 et 1950, Cocteau enchaîne les tournages : La belle et la bête, "Un conte de fées sans fées, dira-t-il, s'adressant à ce qui reste d'enfance en chacun de nous", L’aigle à deux têtes, Les parents terribles et Orphée. Des œuvres fiévreuses où le poète, accompagné de son fidèle Jean Marais, donne naissance à un univers singulier et déstabilisant.
LE TESTAMENT ET LA POSTÉRITÉ
L’échec commercial de Orphée afflige Cocteau qui délaisse le cinéma et n’y reviendra plus qu’une seule fois, dix ans plus tard, en 1960, avec Le testament d’Orphée, un film qui est aussi son testament cinématographique et qui fut produit grâce à l’activisme d’un certain… François Truffaut. Un ultime film où Cocteau interprète lui-même le rôle du poète qui revient sur les thèmes et les figures mythologiques qui le hantèrent toute sa vie et use (voire abuse) de ses figures stylistiques préférées : images inversées, ralentis, trucages, effets de miroir en tout genres. Il en faut plus pour calmer l’enthousiasme des fans. "Ce film est beau parce que c'est le film d'un homme qui sait qu'il va mourir et qui ne parvient pas, quelque désir qu'il en ait, à prendre la mort au sérieux.", écrit-on alors dans Les cahiers du cinéma, l’organe de presse officiel des jeunes loups de la Nouvelle Vague.
En aidant son aîné à produire son film, Truffaut ne faisait en quelque sorte que lui rendre la monnaie de sa pièce. Ce dernier, en effet, ne s’est pas contenté de tourner des films parmi les plus originaux du cinéma français, il a également, dans ses activités "annexes", largement contribué à l’essor des jeunes réalisateurs aventureux. En militant cinéphile, Cocteau n’aura de cesse tout au long de sa vie de promouvoir l’"avant-garde" et de défendre ardemment ceux qu’il considère comme ses héritiers. Il soutient ainsi l'organisation du Festival du film maudit de Biarritz en 1949, dont il accepte la présidence, et y rencontre une nouvelle génération de spectateurs qui deviendront dix ans plus tard, les cinéastes de la Nouvelle Vague : Truffaut, Godard, Rivette et consorts.
De même, figure centrale du Festival de Cannes dans les années 50, il occupe, excusez du peu, à deux reprises les fonctions de président du jury (1953, 1954) et devient même le Président d'honneur du Festival à partir de 1957. Quand le jeune François Truffaut se révèle sur la Croisette en 1959 en remportant le prix de la mise en scène pour Les quatre cents coups, il sait ce qu’il doit à Cocteau. Et il saura s’en souvenir. Le cinéma français : une grande famille ? En l’occurrence, oui.
Jean Cocteau renouvelle ce mythe, sans changer sa structure interne, tout en lui imposant de nombreuses modifications. Il y a en effet, toujours selon l’article, une « recontextualisation du mythe dans la fin des années 1940/début des années 1950 » l’irréel se retrouve donc « au beau milieu d’un monde réaliste et contemporain, ce qui le renforce ». Le film permet, selon Cocteau, de donner l’apparence de la réalité à l’irréel. Orphée est en effet très riche en effets spéciaux, « des décors renversés ou des inversions de pellicule » (comme pour la scène des gants, la levé du corps de Cégeste), des « miroirs liquides » qui sont en fait des plans de mercure etc…
« Un autre élément du récit que Jean Cocteau a modifié dans son œuvre est le rapportd’Orphée avec son épouse. Dans le mythe original, le poète, ne pouvant supporter la perte d’Eurydice, décide d’aller aux Enfers par amour et de la ramener parmi les vivants. Ici, si Orphée descend aux Enfers, ou plutôt passe à travers le miroir pour rejoindre « la zone », c’est autant pour revoir la princesse, symbole de la mort, dont il tombe amoureux que pour ramener sa femme ».
L’auteur de cet article n’est pas le premier à considérer que Orphée est plutôt épris de la Mort, soit la princesse, que d’Eurydice (Marie Déa). Une interprétation qui a tendance à oublier que la Mort est avant tout une personnification. Pourtant, l’article mentionne cette distinction à ne pas négliger, « cette princesse n’est pas exactement la mort » « la princesse n’est qu’une des figures de la mort parmi tant d’autres », elle incarne en effet la mort de chaque personne les unes après les autres et n’est qu’un exécutant. La Mort, ou « le Destin », choisit cependant d’outrepasser ses fonctions, comme le souligne une fois encore l’article, en tuant arbitrairement Cégeste et surtout Eurydice. Mais ceci ne suffit pas à en faire un être de chair et de sang que Orphée pourrait aimer de la même manière qu’il aime Eurydice.
Si Orphée néglige sa femme, c’est qu’il est absorbé par sa « condition de poète », sa descente aux Enfers symbolise cette expérience dangereuse qui donnera toute sa profondeur et sa seule réalité à son œuvre. De plus, Orphée est affecté par la mort d’Eurydice, si il ne le montre pas autant qu’il le devrait, c’est qu’il se croit encore dans son rêve, un rêve devenu cauchemar « c’est le rêve qui continu, le cauchemar, qu’on me réveille ! ». Il se rend compte à cet instant, qu’après avoir rêvé, écrit, chanté la mort dans sa poésie, il ne la connaissait pas vraiment. Heurtebise (François Périer), chauffeur et acolyte de la Mort lui demande alors ce qu’il souhaite, retrouver la Mort ou retrouver Eurydice. Sachant que l’une ne va pas sans l’autre, Orphée répond « les deux ». Heurtebise ajoute alors « et si possible trompez l’une avec l’autre ». Alors, Orphée a t-il trompé Eurydice ou a t-il trompé la Mort ?
REPORT THIS AD
Nous voilà face à une première interrogation que le site omet de soulever au travers d’un propos certes bien documenté (de nombreuses citations et extraits du Cinématographe), mais quelque peu simpliste et formel. Il manque également la mention de l’aspect poétique du film, du rôle central du poète ainsi que la projection du mythe sur « l’auto-mythographie » de Cocteau. Nous reviendrons dans un prochain article dans la catégorie « La trilogie Orphée » sur ces questions, à partir de d’autres ressources.