Distribution: Alain Delon : Tom Ripley/Philippe Greenleaf Marie Laforêt : Marge Duval Maurice Ronet : Philippe Greenleaf Erno Crisa: l'inspecteur Riccordi Elvire Popesco: D-na Popova
On dirait deux frères, sur cette piazza italienne. Philip ne veut pas rentrer en Amérique, chez son riche papa. C’est si bon de sentir le soleil sur sa chemise ouverte, de se perdre dans l’or des yeux de Marge. Tom Ripley a promis de le ramener au bercail pour 5 000 dollars. Mais en attendant, c’est si bon de profiter du train de vie d’un riche. Alors le garnement riche continue d’encaisser des mandats et le garnement pauvre, d’encaisser des humiliations…[Guillemette Odicino – Télérama (mars 2017)]
Pourquoi est-ce que ce sont toujours les autres qui jouissent des plaisirs de la vie ? Le luxe et la beauté sont-ils réservés aux riches ? En 1960, alors que La Dolce vita (1960) de Fellini est projeté dans les salles obscures avec le succès que l’on sait, un autre film traite du même thème en analysant son côté le plus sombre. Si Marcello Mastroianni, l’alter ego de Fellini, risque de perdre son identité en s’adonnant aux plaisirs faciles, Tom Ripley, pour sa part, n’a pas d’identité propre et prend celle d’une autre personne en l’assassinant. [Film Noir 100 All-Time Favorite – Paul Duncan, Jürgen Müller – Edition Taschen – (2013)]
Le décor est le même – Rome, Via Veneto : l’Américain Philippe Greenleaf (Maurice Ronet)et Tom Ripley (Alain Delon) s’adonnent aux joies du farniente en Italie. L’argent n’a aucune importance puisque le père de Philippe a pour habitude de régler l’addition. Le milliardaire a engagé Tom pour faire revenir son fils aux États-Unis, mais le bon à rien s’y refuse catégoriquement. Tom lui envie sa rente mensuelle, sa vie insouciante et sa relation amoureuse avec sa maîtresse, la jolie Marge (Marie Laforêt). Lorsque Philippe Greenleaf déclare que la mission a échoué, ce qui n’était qu’une vague idée finit par se concrétiser et Tom passe à l’acte : il se débarrasse de son arrogant compagnon et endosse sa personnalité. Tom Ripley, le garçon qui vivait au jour le jour devient Philippe Greenleaf, fils de milliardaire cosmopolite. [Film Noir 100 All-Time Favorite – Paul Duncan, Jürgen Müller – Edition Taschen – (2013)]
Ce meurtre de sang-froid n’est que le prélude à la mission que Tom s’est fixée : une mascarade risquée, susceptible d’être découverte au moindre faux pas. Il contrefait la voix de Philippe, imite sa signature, se sert de sa machine à écrire. Par prudence, il change constamment d’hôtels et évite de rencontrer les connaissances de Philippe. Son plan est presque parfait, mais c’est sans compter avec l’ami de Philippe, Freddy Miles (Billy Kearns), qui perce à jour le double jeu et le paie à son tour de sa vie. Se débarrasser du cadavre n’est pas une mince affaire. Mais Tom s’en tire admirablement, réussissant à faire croire que le meurtrier est Philippe Greenleaf qui se serait ensuite suicidé. [Film Noir 100 All-Time Favorite – Paul Duncan, Jürgen Müller – Edition Taschen – (2013)]
L’insouciance méridionale, la caresse du soleil sur les peaux cuivrées et la musique de Nino Rota, le compositeur fétiche de Fellini, marquent de leur empreinte l’atmosphère trompeuse de cet excellent thriller psychologique qui explore les abîmes de l’âme humaine. Qui est vraiment Tom Ripley ? Est-ce le narcissisme, l’avidité ou l’amoralité qui le poussent à usurper l’identité de Philippe ? Existe-t-il un mobile homoérotique ? Marge manque cruellement d’épaisseur face à ces deux hommes. Au début du film, le spectateur en apprend beaucoup lorsque Philippe, entrant dans sa chambre, tombe nez à nez avec Tom en train de s’admirer dans le miroir de la penderie. [Film Noir 100 All-Time Favorite – Paul Duncan, Jürgen Müller – Edition Taschen – (2013)]
Quel plaisir de comparer le film de René Clément avec le livre de Patricia Highsmith et avec le remake réussi The Talented Mr. Ripley (Le Talentueux Mr. Ripley) tourné en 1999 ! Les deux versions nous présentent un autre Ripley, un autre Philippe et une autre Marge. Avec Matt Damon, Anthony Minghella nous offre un Ripley qui est la proie de ses craintes intérieures et de ses instincts. Alain Delon, de son côté, l’incarne avec une élégance condescendante, supportant sans broncher les humiliations de Philippe, sûr qu’il est de sa supériorité. S’il tue, c’est bien parce qu’il perd momentanément sa maîtrise de soi. Il n’empêche que les actes qu’il entreprend ensuite pour tromper son monde sont planifiés jusque dans le moindre détail. [Film Noir 100 All-Time Favorite – Paul Duncan, Jürgen Müller – Edition Taschen – (2013)]
Cette adaptation du roman de Patricia Highsmith est une leçon de maîtrise formelle de la part de René Clément, qui passe de plans composés comme des vanités à une liberté très Nouvelle Vague. Sous la lumière éclatante, le désir de devenir un autre est encore plus sombre. Les visages s’affrontent en gros plans. Le vertige naît des correspondances visuelles. Les yeux de Maurice Ronet défient. Le regard aigue-marine de Delon est un océan de convoitise. Clément donne corps à l’envie, ce poison au centre du film. [Guillemette Odicino – Télérama (mars 2017)]
LES EXTRAITS
PATRICIA HIGHSMITH
« Je n’ai jamais pu travailler correctement avec des écrivains qui étaient comme moi spécialistes du thriller et du suspense », se plaint Alfred Hitchcock Quand il adapte son premier roman Strangers on a Train (L’Inconnu du Nord-Express, 1951) au cinéma. Son scénariste Raymond Chandler se casse les dents sur le livre – il trouve l’histoire peu crédible et stupide – et doit laisser la place à quelqu’un d’autre. Pourtant, ce film deviendra l’un des meilleurs d’Hitchcock. Au cœur de l’histoire, une fois encore, une amitié fatale entre deux hommes et une théorie bizarre : deux personnes, sans motif apparent, sont d’accord pour se tuer mutuellement. Ici, la dimension homoérotique sous-jacente n’est finalement qu’ébauchée. Il faudra attendre la nouvelle version de Plein soleil (Delitto in piene sole, 1960) sous le titre original The Talented Mr. Ripley (Le Talentueux Monsieur Ripley, 1999) pour qu’il gagne en netteté.
Patricia Highsmith, née en 1921 au Texas, est plus populaire de son vivant en Europe qu’aux États-Unis. Des nombreux romans complexes sur le plan psychologique qu’elle écrira, plus de vingt se passent en France, sa patrie d’élection. Ils inspireront de nombreuses adaptations, surtout par des réalisateurs français et allemands. Ainsi, Wim Wenders mettra en scène L’Ami américain (Der amerikanische Freund, 1977) d’après le policier Ripley s’amuse (Ripley’s Game), avec Dennis Hopper dans le rôle de Tom Ripley. Hans W. Geissendörfer adaptera La Cellule de verre (Die gläserne Zelle, 1977) d’après le roman éponyme (The Glass Cell) et Le Journal intime d’Edith (Ediths Tagebuch, 1983) d’après le roman Le Journal d’Edith (Edith’s Diary), qui sera porté à l’écran en 2009 dans une nouvelle adaptation de Jamie Thraves. En 1987, Claude Chabrol tournera le drame Le Cri du hibou. La « reine du crime », qui s’amusera toute sa vie de l’amour que les cinéastes lui portaient, s’éteint à Locarno en février 1995.
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