luni, 4 mai 2020

BETTE

BETTE DAVIS

Publié le par cinestranger

Des Lana Turner et Rita Hayworth, elle n'avait ni leur  grâce ni leur sensualité, et elle  haïssait ses yeux globuleux, ses cheveux frisottants et sa voix . Mais Bette Davis avait du style, de l'es­prit, du  goût de l'indépendance et une farouche détermination, qui seront la  clé de sa légendaire carrière en   une teigne de génie, une bagarreuse. qui incarna les plus fascinantes garces de l'écran, et tint la dragée haute à Jack Warner, en un  temps où un acteur était un employé et n'aurait osé contester la décision d'un patron de studio.
« Dans ce métier, si vous n'acceptez pas de vous faire détester » confiait-elle 1982, « vous n'arriverez jamais à rien . Jamais ! » Bette Davis s'était assuré autant d'ennemis que d'admirateurs, ont on disait qu'elle entrait dans  une pièce comble comme un couteau de boucher fend la viande. : le tranchant.
Elle a été  l'une des pires cabotines de l'histoire du cinéma, une prétendue « grande dame », une abominable m'as-tu-vu dont un critique a pu dire à juste titre qu'elle était « d'une absurdité à vous couper le souffle ». Elle s'est battue à haute et terrible voix pour obtenir le droit de jouer dans de meilleurs films; et quand, de guerre lasse, on le lui a accordé, qu'a-t-elle fait? Elle a choisi de tourner des histoires de bonne femme sans aucune
valeur, camelote éminemment vendable et divertissante, mais camelote tout de même.


La plus grande création de BETTE DAVIS, c'est Bette Davis. Certes, c'est une bonne comédienne ; mais elle a fait tout ce qu'il fallait pour que le monde entier le sût, pour que le monde entier connût son acharnement au travail, pour que le monde entier apprît qu'elle a dû surmonter d'effroyables oppositions pour obtenir de grands rôles. Elle voulait à tout prix être célèbre non comme star mais comme « actrice » : pour y parvenir, elle a grincé des dents, elle a tordu la bouche, elle a roulé les yeux, et elle a fini par remporter deux Oscars (pour Dangerous et pour Jezebel), par figurer huit fois dans la liste des « nominations » et par obtenir quantité d'autres prix. Tout cela a fait d'elle, à une certaine époque, la reine d'un Hollywood dont Clark Gable était alors le roi, ainsi qu'une grosse vedette du box-office. 
Sa meilleure interprétation, il ne faut pas la chercher dans les histoires à l'eau de rose qu'elle a tournées lors de ses débuts ni dans les mélodrames pleurnichards des années 40 : elle l'a fournie dans l'étincelante comédie satirique de Joseph Mankiewicz "Eve"; le metteur en scène y a conduit Bette Davis à présenter un excellent reflet de sa propre personnalité, et elle n'a jamais été plus « vraie » que dans ce personnage de grande actrice de l'écran. Là, le maniérisme, la méchanceté, les inflexions vocales, l'intensité de jeu qu'elle avait appris à exprimer pendant vingt ans, ont enfin trouvé leur utilisation adéquate. Mais cette réussite date de la fin de la grande époque hollywoodienne, et Bette Davis, après cela n'a plus eu que deux occasions de faire valoir cet aspect dans son talent : dans la Star (1953), où elle interprétait le rôle d'une actrice, jadis couronnée d'un Oscar, qui essaie de faire sa rentrée ; et dans le personnage dément et étrange de l'ancienne vedette de Qu'est-il arrivé à Baby Jane? en 1962.

Née le 15 avril 1908 à Lowell (Massachusetts), fille d'une famille dont les ancêtres avalent été les premiers à coloniser les côtes de la Nouvelle-Angleterre ,elle se nomme Davis de son véritable nom, mais a troqué ses deux prénoms de Ruth et Elizabeth contre celui de Bette, qu'elle a emprunté à Balzac (ce qui en dit long sur le choix de son personnage).

Elle a 7 ans lorsque ses parents divor­cent. Un choc dont elle gardera une dis­crète vulnérabilité derrière le masque de l'intransigeance, et qui se rappel­lera à son souvenir chaque fois qu'elle croira déceler dans le regard des hommes la désapprobation paternelle. Pensionnaire de la très stricte Cushing Academy, elle décide, à 16 ans, de de­venir comédienne.
Loin d'entraver ses ambitions, sa mère l'accompagne à New York pour y prendre conseil au­près de la diva de la scène Eva La-Galliene. Le verdict est sans appel : trop frivole pour être actrice. Outrée par ce jugement hâtif, Bette n'aura de cesse de le démentir. En suivant les cours de la Dramatic Academy de New York, d'abord. En peaufinant la théorie au contact de troupes de répertoire, ensuite. En faisant, enfin, ses débuts à Broadway, dans « Broken dishes ». Dans la foulée, Universal lui signe un contrat de six mois. Mais, à l'arrivée du train en gare de Los Angeles, le repré­sentant du studio ne reconnaît person­ne qui ressemble à une star et rentre bredouille. Avec le temps, Bette Davis saura le détromper. Mais il lui faudra encore passer sous les fourches caudines des critiques, qui, à la vision de « Bad sister », lui trouvent un sex-ap-peal de haricot vert.
Montée sur scène dès 1928, elle a paru pour la première fois à l'écran en 1931 dans Bad Sister (Une mauvaise sœur), film produit par l'Universal; mais c'est la Warner Brothers qui a fait d'elle une star., Warner lui si­gne un contrat de 11 ans. Cette firme était censée avoir une prédilection pour les durs et les effrontées, et il est probable que la Warner a aidé Bette Davis à construire son personnage cinématographique. Mais c'est la RKO, à qui son employeur l'a « prê­tée », qui en fera une star, avec « L'em­prise ». Elle manque de peu l'Oscar.  Elle a eu son premier rôle important en 1932, sous la direction de Michael Curtiz, dans Cabin in the Cotton : celui d'une mégère dans une famille du sud des États-Unis (personnage qu'elle allait rendre célèbre et réinterpréter à satiété). Toutefois, sa carrière a piétiné encore pendant deux ans, jusqu'au moment où, en 1934, elle a été dans Of Human Bondage (l'Emprise), de John Cromwell, l'inoubliable serveuse qui met le  grappin sur Leslie Howard. Ce fut le début de la « grande période » Davis : impressionnante dans Bordertouin (la Ville frontière) face à Paul Muni. ellea obtenu l'année suivante son premier  Oscar pour son interprétation de Dangerous. Déjà dans ce film, elle représentait  une vedette en perte de vitesse .
Querelle  en 1936, lorsqu'elle accepte de tourner un film en Angleterre. Jack Warner la traîne en justice pour rupture de contrat et gagne. Mais Bette sera loin de sortir vaincue de l'aventure, puisque son patron, trop content de ré­cupérer une star de son calibre, consentira, dorénavant, à satisfaire ses exigences.
En 1938, elle a remporté un second Oscar pour son interprétation de Jezebel (sorte de Scarlet O'Hara en scandaleuse robe rouge). La bataille était gagnée : Belle Davis était devenue un monstre sacré,même si sa démarche saccadée et sa diction incisive ne devaient plus s'améliorer, on allait au cinéma pour voir Davis faire son numéro. Et il est vrai qu'il est impossible de détourner les yeux de l'écran quand elle y apparaît, même si la plupart de ses films sont d'affreux mélos. Dans Dark Victory (Victoire sur la nuit). Bette est une riche mondaine qui meurt d'un cancer; dans The Old Maid (la Vieille Fille), elle joue une mère célibataire dont la fille se détache d'elle au profit de la méchante Miriam Hopkins ; et, dans la Vie privée d'Elisabeth (où elle a comme partenaire un Essex-Errol Flynn dont c'était le premier film en couleurs), elle campe une incomparable reine d'Angleterre. Au début des années 40, Bette Davis, à l'apogée de sa carrière, était la vedette féminine la plus populaire d'Amérique.
Le seul regret que nourrira jamais l'actrice, c'est d'avoir laissé échapper le rôle de Scarlett O'Hara (« Autant en emporte le vent »). War­ner ne consentait à la « prêter » à Selnick que si Rhett Butler était incarné par Errol Flynn. Mais Davis comme Selznick tombèrent d'accord pour trou­ver ce choix inacceptable.

Pendant toute la Seconde Guerre mondiale, elle n'a cessé de tourner des histoires typiquement féminines faites pour tirer des larmes au public ; on ne sanglotait jamais avec autant de plaisir qu'en assistant à AH This and Heaven Too (le Ciel en plus), à The Great Lie (le Grand Mensonge) et, surtout, à Now Voyager (Une femme cherche son destin), qui opposait Bette à Claude Rains Elle avait voulu la lune : elle l'avait, avec les étoiles par-dessus le marché, car certains des films réalisés par son meilleur metteur en scène, William Wyler, ne manquaient pas de qualités : par exemple The Letter (la Lettre), qui nous montrait une Davis magnifique, meurtrière en Malaisie, et The Little Foxes (la Vipère), dont chacun se souvient, en particulier de la scène où Bette dérobe les médicaments salvateurs de son mari Herbert Marshall.

Et elle n'était pas moins brillante dans les films comiques : elle faisait une excellente secrétaire de Monty Wolley dans The Man Who Came to Dinner (l'Homme qui venait pour diner), mais elle a remporté surtout un nouveau triomphe dans In This Our Life (En cette vie) : plus garce que jamais. Bette Davis empoisonnait l'existence d'Olivia de Havilland et celle de tous les autres personnages du film. Elle a retrouvé Miriam Hopkins dans une histoire à l'eau de rose intitulée Old Acquaintance (Une vieille connaissance) et Claude Rains dans Mr Skef-fington (à peine moins sentimental). Dans Thank your Lucky Stars (Grâce à votre bonne étoile), elle essayait même de chanter.
Mais, dès la fin de la guerre, la cote de Bette Davis a baissé, et c'est seulement en 1950, dans Eve, qu'on l'a revue en pleine forme. Elle a encore été excellente dans la Star en 1952 et a repris le rôle d'Elisabeth dans la Reine vierge en 1955... puis ce fut le commencement de la fin. De mauvaises langues ont même prétendu qu'en 1961 elle avait publié une petite annonce pour trouver du travail. Heureusement, le film macabre de Robert Aldrich Qu'est-il arrivé à Baby Jane? (où elle a comme partenaire Joan Crawford) allait la remettre provisoirement en selle; il y avait là une combinaison d'horreur et de maniérisme qui a conquis le public, et l'on a classé à nouveau Bette parmi les grandes stars. Mais peu de bons films ont suivi, à l'exception de Hush, Hush... Sweet Charlotte (Chut, chut, chère Charlotte), encore mis en scène par Aldrich. Bette Davis a quitté les États-Unis, a tourné en Angleterre et en Italie, puis est revenue en Amérique. 


Intelligente, sensible, mais dotée d'un ego à faire fuir les hommes, Bette Davis connaîtra quatre mariages. Harmon Nelson (1932-1938) était musi­cien de jazz ; Arthur Farnsworth (1940-1943), dont elle sera veuve, ingénieur en aéronautique; Grant Sherry (1945-1949), père de sa fille Barbara, un ex­marine converti en peintre paysagiste. Quant à Gary Merrill (1950-1960), son partenaire dans « Eve », il sera le père de ses deux enfants adoptifs, Margo et Michael. Entre ses unions, elle ne manquera pas d'amants. George Brent, Ho­ward Hughes, Leslie Howard, mais sur­tout William Wyler, l'amour de sa vie, qu'elle ne pourra pourtant convaincre de quitter sa femme.


Malade du cœur et souffrant d'un can­cer du sein, Bette Davis devait s'étein­dre le 6 octobre 1989, à Paris. Un dé­part en beauté pour une star qui, la veille encore, avait été l'objet d'une ovation nourrie au Festival de San Sé­bastian. Une star qui, au royaume de la beauté parfaite, n'aurait jamais sur­vécu à ses premiers films, si elle n'avait eu l'aplomb et l'opiniâtreté nécessaires pour s'imposer.

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