duminică, 30 octombrie 2022

Federico Fellini / filmografie

 DVDClassik


  •                                                               Federico Fellini

INTERVIEWS

FELLINI EST UNE PLANÈTE

Par Frédéric Albert Lévy - 

Federico Fellini aurait eu cent ans cette année. C’est la raison pour laquelle le 42e CINEMED (Festival Cinéma Méditerranéen) de Montpellier, qui s’ouvre ce week-end et se terminera le 24 octobre, a décidé d’inclure dans son programme une rétrospective de tous les films du maestro (tous restaurés en 4K). Ce centenaire est pour nous l’occasion de rencontrer le réalisateur Nicolas Boukhrief : il raconte dans l’entretien qui suit comment la découverte de 8½ dans les années soixante-dix…

TOPS DE LA RÉDACTION

TOP FEDERICO FELLINI

Par Dvdclassik - 

Il n'y a probablement pas de réussite parfaite dans la filmographie foisonnante et décousue de Federico Fellini, mais bon nombre de ses films contiennent des coups d'éclat à faire pâlir n'importe quel autre cinéaste. Faut-il considérer que ses meilleurs films sont ses plus homogènes, ou ceux qui offrent le plus de fulgurance ? Des tentatives de réponses, partielles et subjectives, se trouvent dans nos classements individuels (qui citent, à l'exception des Clowns, tous les longs-métrages…

CRITIQUES DE FILMS

BOCCACE 70 DE VITTORIO DE SICA, FEDERICO FELLINI, MARIO MONICELLI, LUCHINO VISCONTI

Par Antoine Royer - 

La Tentation du Docteur Antonio Le très puritain docteur Antonio est un notable respecté, connu pour sa morale indéfectible et sa défense permanente de la vertu et des bonnes mœurs. Un jour, est installée sous ses fenêtres une gigantesque affiche publicitaire pour les bienfaits du lait sur laquelle apparaît une blonde plantureuse dans une pose lascive et provocante. Le Travail Jeune aristocrate oisif vivant aux dépens de son riche beau-père, le comte Ottavio se retrouve impliqué dans…

ET VOGUE LE NAVIRE... DE FEDERICO FELLINI

Par Olivier Bitoun - 

Juillet 1914 dans le port de Naples. Peu avant le déclenchement de la Première Guerre mondiale, le Gloria N, un paquebot de luxe, accueille à son bord l'élite du pays - principalement constituée d'aristocrates et de représentant des arts - pour aller disperser au large de l’île d’Erimo les cendres de la grande et adulée diva Edmée Tetua. Lors du voyage, le navire croise la route d'un bateau à la dérive. Sur ce dernier ont pris des Serbes qui cherchent à trouver refuge après l'assassinat…

GINGER ET FRED DE FEDERICO FELLINI

Par Antoine Royer - 

Années 80 : deux anciens danseurs de claquettes, qui avaient autrefois formé un duo célèbre, sont invités à reformer leur duo le temps d'une émission de télévision. Mais les années ont passé, et au charme désuet du music-hall a succédé le temps trépidant de la publicité et du sensationnalisme. A défaut de toujours figurer parmi les sommets de sa filmographie, les derniers films de Federico Fellini ont ceci d’important qu’à travers leurs imperfections, leurs débordements ou…

IL BIDONE DE FEDERICO FELLINI

Par Fred Mercier - 

Augusto, Picasso et Roberto, trois minables escrocs, passent leur énergie à arnaquer les pauvres gens et les miséreux pour pouvoir vivre sans effort. Au cours de diverses rencontres avec un ancien associé à qui la fortune semble avoir réussi, et de retrouvailles avec sa fille, Augusto, le plus âgé des trois, commence à s’interroger sur son existence et le sens de sa vie. Si La Strada a été un vrai succès populaire, et a remporté l’Oscar du meilleur film étranger, il a par ailleurs…

L'AMOUR À LA VILLE DE FEDERICO FELLINI, CARLO LIZZANI, DINO RISI, ALBERTO LATTUADA, FRANCESCO MASELLI, MICHELANGELO ANTONIONI

Par Justin Kwedi - 

L'Amour à la ville ou six histoires presque vraies, mises en scène par six grands cinéastes italiens sur la misère de l'amour à Rome dans le ton du néoréalisme social : Suicides manqués de Michelangelo Antonioni, Agence matrimoniale de Federico Fellini, Les Italiens se retournent d'Alberto Lattuada, L'Histoire de Catherine de Francesco Maselli, Le Bal du samedi soir de Dino Risi et L'Amour qu'on paie de Carlo Lizzani. L’Amour à la ville est un film à sketchs dont le fil rouge est, comme…

LA DOLCE VITA DE FEDERICO FELLINI

Par Leopold Saroyan - 

Marcello, journaliste autant que paparazzi (terme par ailleurs inventé depuis la sortie du film, du nom d’un des journaliste appelé Paparazzo), est à l’affût de ragots pour sa revue. Ses virées dans Rome vont l’amener à découvrir les recoins de la faune de la capitale Italienne. Comme l'a dit Michel Ciment, Federico Fellini est un cinéaste quasi-religieux. Les Nuits de Cabiria et surtout Il Bidone témoignaient à la fois de son goût pour la satire et sa fascination vis-à-vis de…

LA STRADA DE FEDERICO FELLINI

Par Pierre Charrel - 

Il était une fois en Italie, une jeune femme pauvre et naïve répondant au nom de Gelsomina (Giuletta Masina). Celle-ci vivait au bord de la mer, loin, très loin des brillantes métropoles transalpines et du miracle économique dont jouissait alors la péninsule. Elle était la plus âgée des trop nombreux enfants d’une famille si misérable que sa mère la vendit un jour à Zampanò (Anthony Quinn). En échange de 10 000 lires, celui qui exerçait le métier de forain l’emmena avec lui,…

LE CASANOVA DE FELLINI DE FEDERICO FELLINI

Par Ronny Chester - 

Venise, XVIIIème siècle. Le carnaval annuel bat son plein. Parmi la foule, un homme masqué reçoit un pli mystérieux qui l’enjoint de se rendre à un rendez-vous coquin. Giacomo Casanova, dépouillé de son masque de Pierrot, fait la connaissance d’une charmante nonne qui l’invite à faire l’amour devant les yeux de l’ambassadeur de France, son amant, caché derrière une fresque. Sur le chemin du retour, le célèbre séducteur est arrêté par les autorités et mis en prison. Un…

LES CLOWNS DE FEDERICO FELLINI

Par Ronny Chester - 

La nuit ne s’est pas encore achevée qu’un petit garçon de 6-7 ans se pose tranquillement à la fenêtre de sa chambre pour admirer un spectacle étonnant et insolite qui prend forme en face de chez lui : tel un animal gigantesque qui se réveille dans un bruit sourd, un chapiteau énorme gonfle et s’impose comme unique point de vue. Un grand cirque s’installe et bientôt ses artistes flamboyants feront leur représentation devant un public conquis. Le petit garçon est présent, transporté…

LES NUITS DE CABIRIA DE FEDERICO FELLINI

Par Justin Kwedi - 

Cabiria se prostitue pour vivre, mais cette condition ne l'empêche pas d'être d'une désarmante confiance... Ses "collègues" peuvent bien la railler, elle se défend avec la force que lui donnent ses rêves et ses espoirs d'une vie meilleure, et rebondit toujours après chaque déconvenue... Les Nuits de Cabiria est une des œuvres qui contribue à la reconnaissance internationale de Federico Fellini, à travers ses deux récompenses au Festival de Cannes 1957 - le Prix d'interprétation féminine…

LES VITELLONI DE FEDERICO FELLINI

Par Justin Kwedi - 

Dans une petite ville balnéaire animée par le seul carnaval et la période des vacances, cinq jeunes gens mènent une vie désœuvrée, d'inutiles, qui leur vaut d'être appelés "Vitelloni", les "gros veaux". Troisième film de Federico Fellini, Les Vitelloni est l’œuvre qui pose définitivement les jalons de l’œuvre du réalisateur. On le constate tout d’abord par sa dimension autobiographique et la manière dont il fait sien le sujet initialement écrit par Ennio Flaiano. Le film dépeint…

RÉPÉTITION D'ORCHESTRE DE FEDERICO FELLINI

Par Ronny Chester - 

Un oratoire du XIIIème siècle, devenu un auditorium, sert à accueillir une répétition d’orchestre. Un vieux copiste, qui semble faire corps avec cet endroit sacré, nous fait un petit rappel historique et vante les caractéristiques acoustiques de cette chapelle. Après qu’il a installé les partitions sur les pupitres, les musiciens font progressivement leur entrée alors qu’une équipe de télévision est chargée de faire un reportage. Les artistes vont plutôt facilement se prêter…

sâmbătă, 29 octombrie 2022

Lettre d'une inconnue ,1922 / par Stefan Zweig / / Max Ophuls 1948

 


 Max Ophuls
























Lettre d'une  inconnue 
1948

 Vienne aux environs de 1900. Il est deux heures du matin, il pleut. Stefan Brand est raccompagné chez lui par deux amis qui seront ses témoins trois heures plus tard pour un duel contre un mari trompé. Mais Stefan rassure son valet, John : il n'a pas l'intention d'y assister. "L'honneur c'est pour les gentlemen" lui dit-il avant de lui demander de faire leurs valises pour un long voyage.

John lui tend alors une longue lettre arrivée dans la nuit, adressée par une inconnue depuis l'hôpital sainte Catherine. Celle-ci, Lisa Berndle, lui révèle qu'elle lui voua, dès son adolescence, un amour exclusif, sans qu'il ne s'en aperçût jamais. Elle lui raconte comment, toute jeune encore, elle assista à son emménagement dans l'appartement voisin de celui qu'elle occupait avec sa mère. Elle l'écoutait dans la cour jouer du piano et le voyait recevoir ses amis, presque toujours des femmes. Souvent pourtant, elle s'imaginait qu'il jouait pour lui. Elle apprit à devenir élégante, étudia la vie des grands musiciens pour lui plaire. Un jour, elle visita son appartement en cachette mais appris aussi en rentrant que sa mère voulait se marier avec Kastner, tailleur pour militaires à Linz. Lisa se révolta en vain. Le jour du départ, elle fugua de la gare pour rejoindre Stefan afin de lui avouer son amour. Elle l'attendit des heures mais lorsqu'il rentra avec une femme, elle comprit qu'il ne lui restait rien de ses espoirs. Elle s'en alla pour à Linz.

Stefan tourne les pages de la missive de l'inconnue. Lisa ne fit que penser à lui dans Linz, ville de garnison, terriblement ennuyeuse quand on a 18 ans. Elle renonça à des fiançailles avec le neveu d'un colonel afin de rentrer sur Vienne.

John amène son café et son cognac à Stefan. Lisa travailla chez Madame Spitzer pour assurer sa subsistance. En sortant, nuit après nuit, elle revenait au même endroit. Un soir, il la croisa. Il décommanda sa répétition du soir et sa rencontre avec Lili pour l'emmener au restaurant. Il lui offrit une rose blanche puis la conduisit en calèche au Prater où elle acheta une pomme d'amour. Ils empruntèrent un petit train de carton pour un voyage de cartes postales pour Venise et la Suisse représentées en toiles peintes. Ils dansèrent tard dans la nuit jusqu'à excéder l'orchestre féminin. Stefan la ramena chez lui où ils passèrent la nuit. Il la retrouva chez la modiste où elle travaillait pour lui annoncer qu'il partait pour quinze jours avec son orchestre pour la Scala de milan. Elle vient le voir partir à la gare en sachant déjà que quinze jours de séparation la lui feront oublier. C'est ainsi qu'elle accoucha le 12 novembre sans jamais demander son aide.

Stefan voit les photos de son fils qu'elle a jointes à la lettre. La suite de la lettre explique que pour les neuf ans de son fils, elle se maria avec le diplomate Johann Stauffer. Celui-ci accepta le jeune Stefan comme son fils. Un soir qu'ils sont à l'opéra, Lisa croisa Brand. Il la poursuivit exigeant d'elle qu'elle l'aide à retrouver qui il est. Stauffer la supplia de renoncer à revoir Brand. Le lendemain pourtant, elle laissa son fils au train sans savoir qu'il est contaminé par le typhus et rejoignit Stefan chez lui. Stauffer l'y vit entrer avec les roses blanches qu'elle venait d'acheter. John lui ouvrit avec un sourire. Stefan expliqua qu'il avait renoncé au piano car il avait trouvé des choses plus distrayantes à faire. Il souleva son voile, chercha du champagne et de la glace et demanda à John d'aller chercher les choses habituelles. Agacée par ces frivolités, Lisa, venue pour lui parler d'eux et lui offrir sa vie et choquée qu'il ne la reconnaisse pas (plan des roses) s'enfuit sous le regard attristé de John. Elle s'en alla voir son fils à l'hospice ; contaminé par le typhus, il mourut sans la reconnaitre. Elle lui écrivit alors cette lettre se sentant mortellement atteinte... Les dernières lignes sont de la main d'une sœur infirmière : la jeune femme est morte avant d'avoir pu terminer sa lettre.

Stefan est effondré à cette lecture mais ne parvient toujours pas à identifier l'inconnue. C'est John qui lui écrit son nom : Lisa Berndle. Il est cinq heures du matin et les calèches pour le duel sont arrivées sous les fenêtres de la maison. Stefan comprend le sens de la provocation en duel que lui a adressé la veille un diplomate viennois. Il s'y rendra comme à un dernier rendez-vous, avec celle dont l'image lui revient enfin quand elle lui ouvrit la porte en souriant du haut de ses treize ans.

Deuxième film américain d'Ophuls après l'impersonnel Exilé (1947), Lettre d'une inconnue offre enfin à Ophuls, après sept ans d'attente, la possibilité d'exprimer son talent au sein du système hollywoodien. Liebelei (1935) adapté d'Arthur Schnitzler, fut son plus grand succès international. Ainsi parvient-il à convaincre la Universal qu'il saura aussi sublimer la nouvelle de Stefan Zweig dans une Vienne reconstituée en studio.

Ophuls modifie cependant profondément la nouvelle de Stefan Zweig. Il l'encadre dans un prologue et un épilogue rédempteur et invente une scène centrale au Prater. Le film reste, comme chez Zweig, une charge contre l'inconsistance des hommes et l'exaltation du sacrifice d'une femme. Mais Ophuls met surtout en valeur la possibilité pour une femme de se créer un destin à la hauteur de ses exigences. Un jeu de rimes visuelles et la figure du fondu enchainé donnent la forme d'une ronde, d'un cristal à multiples facettes, à ce destin. Ophuls souligne ainsi qu'un destin rêvé, qu'un spectacle mis en scène vaut sans doute être mieux que la réalité toute crue.

Adapter une nouvelle crue et violente en une douce ronde de mort

Ophuls modifie profondément l'esprit de la nouvelle, traitée sur le mode réaliste, en ne cessant d'en magnifier chaque détail. Zweig écrit une charge terrible envers la monstruosité de la société viennoise masculine incapable de voir la sublime douceur d'une femme amoureuse au-delà de tout espoir. Ophuls propose une histoire d'amour sans cesse sublimée par des décors et des personnages animés de la passion de se construire un destin qui les dépasse.

Pour échapper à la censure, Ophuls se devait d'adapter la nouvelle assez crue écrite en 1922 par Stefan Zweig. Une seule étreinte aura ici lieu entre les amants, sanctionnée par la naissance du jeune Stefan. La nuit d'amour et les caresses échangées ne sont pas décrites. Ce que Zweig fait deux fois puisque, avant de fuir retrouver son enfant mourant, Lisa se donne une seconde fois, effrayée que son amant, non seulement ne la reconnaisse toujours pas, mais lui laisse de l'argent comme à une prostituée. La scène de l'accouchement est également expurgée des annotations concernant le comportement sexuellement odieux des médecins.

Bien moins sexuelle, la mise en scène reprend aussi avec moins d'insistance le thème d'une lettre écrite sous le signe de la mort. Certes, celle-ci est évoquée dès le début du film avec la visualisation de la lettre avec la croix de l'hôpital sainte Catherine violemment éclairée alors que le visage de Stefan qui la regarde est laissé dans l'ombre. La phrase : "Quand vous lirez cette lettre, je serai sans doute morte" remplace aussi efficacement le "A toi qui ne m'a jamais connue" de la nouvelle. Mais dans celle-ci, la description chronologique de la passion amoureuse depuis les treize ans de Lisa se fait avec quatre retours au présent sur celle-ci pleurant son enfant mort. Ici, les quatre retours au présent se font sur le flou du visage de Stefan.

Paradoxalement l'invention par Ophuls du prologue et de l'épilogue, le duel dans lequel va mourir Stefan, au lieu d'accentuer la radicalité de la mort, rapproche enfin les amants. C'est en effet par ce moyen, son propre sacrifice, que Stefan rend enfin hommage à Lisa. Il retrouve le sourire et l'admiration de Lisa et la rejoint dans la mort. Ophuls réconcilie donc in fine Lisa et Stefan s'éloignant de la fin de la nouvelle de Zweig :

"Son regard tomba alors sur le vase bleu qui se trouvait devant lui sur son bureau. Il était vide, vide pour la première fois au jour de son anniversaire. Il eut un tressaillement de frayeur. Ce fut pour lui comme si, soudain, une porte invisible s'était ouverte et qu'un courant d'air glacé, sorti de l'autre monde, eût pénétré dans la quiétude de sa chambre. Il sentit que quelqu'un venait de mourir ; il sentit qu'il y avait eu là un immortel amour : au plus profond de son âme, quelque chose s'épanouit, et il eut pour l'amante invisible une pensée aussi immatérielle et aussi passionnée que pour une musique lointaine".

Les autres modifications vis à vis de la nouvelle découlent de cette volonté de douceur, de délicatesse et de mélancolie. Dans le roman, Stefan est romancier et non musicien. Il rentre de voyage et n'est pas provoqué en duel. Lisa va, de ses seize à dix-huit ans, à Innsbruck et non à dans la plus triste encore ville de garnison de Linz. Il n'y a pas de rupture de fiançailles avant le retour à Vienne. La sublime soirée au Prater n'existe pas. Après le restaurant, Lisa rentre directement dans la maison de Stefan et décrit avec insistance le sacrifice consenti de sa virginité. Il est précisé qu'elle revient trois nuits avant le départ de Stefan en voyage. L'horreur de l'accouchement à l'hôpital est décrit avec crudité. Elle envoie pendant onze ans (et non neuf) des roses blanches à Stefan pour son anniversaire. Lors de leur dernière rencontre, les roses blanches sont ainsi déjà dans l'appartement de Stefan dans un vase bleu. Lisa eut des amants qui l'ont entretenue pour avoir de quoi élever son enfant mais n'est pas mariée. Un comte veuf et âgé l'a protégée mais elle a refusé de l'épouser. Elle voit Stefan à l'opéra une première fois mais le fuit alors. C'est dans une taverne, Le Tabarin, qu'a lieu la dernière rencontre. Elle est accompagnée d'un amant-ami dont elle bafoue la dignité pour suivre Stefan. Elle reste en revanche chez lui toute la nuit sans fuir et décrit sensuellement la nuit d'amour. Comme dans le film, Johan, seul personnage nommé, le domestique la reconnait mais il n'est pas muet, ce qui, dans le film, accentue son aspect d'ange gardien et permet le plan de l'écriture du nom de Lisa Brendle sur un papier tendu à Stefan.

Le motif du train sur le départ, inexistant dans la nouvelle, revient cinq fois : lors de la fugue de Lisa à treize ans, lors de la soirée au restaurant sur le programme tendu à Stefan pour qu'il le dédicace à une admiratrice dans l'attraction foraine du petit train de cartes postales au cœur du Prater et lors des deux départs : de Stefan, son amant et de Stefan, son enfant.

La lettre d'une inconnue détournée par les gender studies

Les genders studies américaines se sont emparées du film comme étant l'un des premiers à mettre en scène une femme romanesque qui choisit son destin, celui d'une femme amoureuse et sans espoir. Si le destin est tragique du moins est-ce elle-même qui se le choisit. L’historien du cinéma et critique américain Tag Gallagher analyse en 2009 ainsi le rôle du personnage de Lisa Berndle comme la véritable meneuse de jeu de ce mélodrame :

"Il s'agit d'un film dans le film où Lisa mène le jeu de bout en bout. Elle retrace sa vie dans un spectacle qu'elle écrit, met en scène et interprète tout à la fois. Nous ne la voyons jamais au travers du regard d'autrui. Nous n'avons que sa propre vision et nous ne voyons pas vraiment à travers ses yeux car son point de vue est intérieur. Nous voyons le passé qu'elle se remémore en écrivant, un passé ruminé pendant dix ans et non les événements eux-mêmes. Elle se met en scène à l'âge de douze ans, vingt ans et trente ans mais toujours comme une femme de trente ans qui joue un rôle, se montre, nous projette son image et ses plaisirs. Mais surtout la personnalité de Lisa se révèle dans l'exaltation avec laquelle elle révèle sa vie cachée : "Regarde, dit-elle, comme je suis devenue belle". Lisa jubile (...).

Au lieu de voir son attente nuit après nuit pendant un an, qui passerait pout pure folie, on ne voit que le soir de sa rencontre qui légitime son action. Cette ellipse occulte le fait que, dans une Vienne conservatrice, Stefan la prendra pour une fille facile, une femme attendant d'être courtisée. Au contraire, Lisa se présente comme tombée du ciel. On ne voit pas ce que voit Stefan mais Lisa se sentant regardée. Ce que l'on observe est son autoportrait réalisé dix ans plus tard : Stefan est dans la pénombre, elle est lumineuse. C'est en elle-même, qu'elle se remémore ses actions et réactions. Pas lui. Elle s'observe rentrant avec Stefan comme elle observait Stefan rentrer chez lui. Elle pense être l'ange qui évincera tous les autres mais elle n'en dit rien à Stefan. La dévalorisation de soi et le déni vont avec la passion tout comme la vengeance. Le film est empreint du même masochisme que dans le livre mais, comme Lisa est la narratrice, il ne nous apparait pas comme tel. Nous partageons la joie qu'elle a en le revoyant. Nous la voyons comme elle se voit ; comme une sainte romantique dont la passion perdure avec le temps (..).

Elle sait que son mari tuera Stefan et elle nous montre qu'il voit qu'elle rentre chez lui. L'amour passion en détruit l'objet. Stefan est plus que jamais vampirique. Quand elle est morte, Stefan peut devenir le sujet et répondre. Ces deux-là partagent une maladie commune : le désespoir".

Cette analyse très fine met de très nombreux moments en valeur. Que tout soit vu du point de vu de Lisa est néanmoins exagéré. Admettons que soit subjectif le plan où l'ombre de Johann Stauffer se projette sur les deux épées alors qu'il prononce la phrase "je ferai tout pour l'empêcher" mais rien ne dit quand même que Lisa envoie sciemment son amant à la mort alors qu'elle cherche encore à le sauver se son manque d'ambition. Plus contestable encore, interpréter le panoramique très rapide, reliant Lisa avec ses roses blanches entrant chez Stefan et le regard de Johann sur elle, comme un mouvement intérieur de Lisa qui se saurait vue par son mari.

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Plus déceptif encore la conclusion de cette analyse qui réunit Lisa et Stefan dans le seul désespoir. On voit mal enfin en quoi le film serait plus organisateur d'un point de vue féminin que la nouvelle qui se revendique clairement comme tel !

Préférer le spectacle de l'amour à la trivialité de la vie.

Ophuls ne se contente pas de se fondre dans le regard de Lisa. Il redouble la mise en scène de sa vie en ponctuant plusieurs scènes par une ouverture de rideaux. Ainsi Lisa laissant tomber son tapis dans la cour pour se précipiter vers celui qui lui permettra d'aller chez Stefan. Après la soirée d'amour avec Stefan conclue par un fondu au noir, le rideau que fend madame Spitzer pour l'ouverture de l'acte vers la séparation et la rupture. Plus cruel, le rideau dans le restaurant où Stefan conduit Lisa après leur première discussion dans la rue. Le rideau encadre un salon particulier où Lisa ne peut être invitée que comme une cocote (le maitre d'hôtel va resserrer une seconde fois le rideau) mais la caméra d'Ophuls s'avance jusqu'à l'ignorer car l'esprit de Lisa oublie ce décor de théâtre qui ne la saisit que comme une cocotte alors qu'elle est toute tournée vers son admiration pour Stefan.

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Nouvel acte dans la vie de Lisa :
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Lisa se donne : (Prater)
le rideau va s'ouvrir sur la rupture (1er départ)
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Oublier les rideaux...
pour vivre dans le rêve (souper)

Une vie dans un cristal

Ce n'est que lorsqu'ils ont eux-mêmes pour unique ressource que de voir leur vie comme un spectacle qu'ils en atteignent le sens profond. D'où les deux scènes inventées par Ophuls, celle du Prater et, à la fin, quand Stefan parvient à donner un sens à sa vie en admettant qu'elle doit se placer sous le signe du spectacle, fut-ce celui de sa propre mort, qu'il avait jusqu'alors négligé.

Dans la scène du Prater, Lisa déclare n'être jamais allé en voyage autrement qu'en rêvant avec son père en face de l'agence de voyage. Celui-ci interrompait le rêve en prétextant du mauvais temps qu'il allait faire. Lisa ne fut ainsi jamais aussi heureuse que dans le rêve. Ainsi déclare-elle à Stefan "Le Prater c'est mieux en hiver : on peut imaginer ce qu'il sera au printemps. Au printemps il n'y a plus rien à imaginer". Dans le petit train de cartes postales, après Venise, c'est la Suisse qui défile devant les vitres. Lisa interroge Stefan sur la montagne qui est représentée et qu'il avoir escaladée : c'est Le Matterhorn. "Que fait-on après l'avoir grimpé ?" interroge Lisa "On redescend" répond Stefan.

Stefan accepte aussi in fine cette optique de construction d'un spectacle comme sens donner à sa vie. Le rond de fumée tournant dans le sens des aiguilles d'une montre qui entoure la ronde des souvenirs en fondu enchainé n'est pas dû à Stefan qui fumerait mais à une invention formelle d'Ophuls qui lie les images mentales dans une ronde qu'il répète dans la figure de la roue du carrosse qui s'arrête, la roue du destin qui se fige.

Dans ces deux séquences Ophuls met en scène la figure d'un monde où le spectacle se révèle une valeur supérieur à la réalité de la vie. Le spectacle implique cette condensation dans l'espace mental du souvenir et de l'imagination. L'acceptation de voir la vie depuis cette mise en scène dans un lieu clos où l'imagination se déploie.

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Une scène de rêve amoureux...(Prater)
manoeuvrée par son metteur en scène (Prater)
  
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La ronde des souvenirs (Souvenirs)
La ronde qui s'arrête (Fin)

Les travellings d'Ophuls n'ont pas davantage une fonction libératrice mais tournent dans des lieux clos ou bornés. Empêché d'en réaliser davantage par la faiblesse de son budget, Ophuls élabore néanmoins ce plan d'une minute débutant de l'intérieur de la voiture de déménagement jusqu'à la sortie de la harpe dans la cour et, un peu plus tard à Linz, le plan d'une minute quarante lors de la présentation de Lisa au lieutenant.

Le premier plan-séquence accompagne l'une des plus belles phrases du scénario : "Je crois que l'on nait deux fois : au jour de la naissance et au début de la vie consciente. Rien n'existe dans ma mémoire avant ce jour de printemps où je vis une voiture de déménagement devant chez nous". L'autre est en revanche un plan gag avec l'irruption de la charrette gênant la présentation entre Lisa et le lieutenant.

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1er travelling (emménagement)
2e travelling (Linz)

Comme la vie de Lisa et de Stefan, entrainées dans le cercle sans cesse mouvant des facettes d'un cristal alternativement clair et sombre, les émotions du spectateur durant le film ne vont cesser d'enchaîner ces deux temps de l'élévation et de la chute dans une ronde sans fin aussi bien sur le temps long de la dramaturgie que dans l'instantané de l'image avec la figure du fondu-enchainé.

Une ronde de rimes et de fondus-enchainés

Le film commence par une calèche emmenant Stefan chez lui et se clôt par une calèche emportant Stefan vers le duel auquel il avait l'intention d'échapper trois heures plus tôt. La pluie a cessé et Stefan a retrouvé une intégrité que ses multiples renoncements et sa progressive usure intérieure menaçaient de corrompre. En se rappelant enfin du sourire de l'enfant de treize ans que fut Lisa, il abandonne son personnage de dandy wildien et accepte son sort de héros tragique. Cette réconciliation dans la mort vient après deux terribles désillusions. A 18 ans, pleine d'espoir, et à 27 ans, sans espoir c'est la même attente de Lisa devant la petite statue de la vierge. Même travail sur le décor pour opposer les deux appartements de Stefan lumineux et peuplé d'angelots, et celui de la mère de Lisa, obstrué par des rideaux et avec cage et aquarium. La rime visuelle la plus terrible est celle du plan en plongée de la cocotte vue à 16 ans avant de partir à Linz et celui répété sur Lisa, reçue par Stefan elle-même comme une cocotte. La répétition de la phrase "two weeks" à la gare vient aussi annoncer la tragédie avant même la révélation de la présence du typhus dans le train.

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voir : lettre
voir : fin
Le film s'ouvre et se clôt sur une calèche dans une rue de Vienne sous et après la pluie
 
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voir : fin
Stefan ne voit pas la vraie Lisa mais part vers la mort avec son fantôme
 
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voir : fuir
Cette réconciliation vient après deux terribles désillusions, à 18 ans pleine d'espoir, et à 27 ans, sans espoir, devant la petite statue de la vierge
 
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voir : visite
Même travail sur le décor pour opposer les deux appartements
 
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voir : fugue
voir : Prater
La cocotte vue à 18 ans et Lisa reçue par Stefan comme une cocotte
 
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voir : 1er départ
"Two weeks" pour les départs de Stefan à Milan puis du jeune Stefan
  

Le retour de plans qui font échos à des plans déjà très fortement mis en scène par un cadrage ou un élément de décor suffirait déjà à identifier la structure du film comme celle d'un cristal aux multiples facettes, alternativement claires et sombres, au sein duquel l'amour sans espoir de Lisa est enfermé.

Cette ronde du temps dans laquelle Lisa construit son destin est renforcée par la figure du fondu-enchainé qui lie presque toutes les séquences. Au sein de ceux-ci, on notera celui de Lisa s'éloignant de dos hors de la gare où elle vient de quitter Stefan enchainé avec celui de la religieuse s'avançant face à la caméra vers le lit d'où Lisa a accouché. "Par une telle liaison entre deux séquences, à la fois simple, bouleversante et inattendue Ophuls révèle comme tout grand metteur en scène sa nature de démiurge, son aptitude à être, dans son récit le maître du temps aussi bien que des émotions du spectateur" avait remarqué Lourcelles. Notable aussi le double fondu de Lisa s'éloignant vers le haut du plan de la cour éclairée enchainé avec le plan du crucifix s'effaçant lui-même pour découvrir le lit où le jeune Stefan est mort. Remarquable enfin le quasi morphing du visage de Lisa sur lequel se superpose celui de Stefan lors du dernier retour au présent.

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Du Prater à l'appartement (Prater)
Du quai au couloir de l'hospice (1er départ)
  
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Lisa s'éloignant dans le fond du plan vers la mort (fuir)
Le morphing Lisa-Stefan (souvenirs)

 

Jean-Luc Lacuve, le 16/02/2014 (après le ciné-club du jeudi du 13 février 2014).

Video-Bibliographie :

  • Jacques Lourcelles : Dictionnaire des films
  • Max Ophuls : Souvenirs, Mars 2002. (Entretien donné en 1957 à Jacques Rivette et François Truffaut)
  • Noël Herpe, bonus DVD Wild side pour la mention de l'utilisation du film dans les genders studies
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  • (1902 1957)
    21 films
    2
    3
    7
    histoire du cinéma : L'image cristal

    1- Biographie

    Max Ophuls est né le 6 mai 1902 à Sarrebrück sous le nom de Max Oppenheimer. Issu d’une famille d’industriels, il se refuse à travailler dans l’entreprise familiale. Après des études classiques, il entame en 1920 une carrière prolifique dans le théâtre, avec lequel il entretiendra toute sa vie une relation très forte.

    Acteur dans un premier temps, il joue par exemple à Stuttgart sous la direction de Fritz Holl, qui lui trouve son pseudonyme et l’influencera fortement pour la suite de sa carrière. Il devient ensuite l’un des metteurs en scène les plus prisés de son époque, se partageant entre l’Allemagne, la Suisse et l’Autriche. A Dortmund d’abord, puis à Elberfeld-Barmen, où, jusqu’en 1925, il dirige quelques 200 pièces et opérettes.

    Il travaille simultanément comme critique dans des revues théâtrales, et pour la radio à travers l’écriture de multiples sketches. En 1926, il rejoint le Burgtheather de Vienne, où il rencontre et épouse l’actrice Hilde Wall, qui met au monde leur fils Marcel l’année d’après. Suivent des collaborations avec le nouveau Théâtre de Francfort, puis Breslau et enfin Berlin. Max Ophuls monte ainsi Shakespeare, Goethe, Ibsen, Zweig, Molière ou encore Gogol.

    Ophuls aborde le cinéma à l’aube du parlant, comme dialoguiste-traducteur sur un film d’Anatole Litvak, Calais-Douvres. L'année suivante, en 1931, il répond à une commande de la UFA et réalise un moyen-métrage pour enfants, On préfère l’huile de foie de morue.

    Vient ensuite La Fiancée vendue, d’après un opéra de Smetana. Mais c’est surtout Liebelei, tourné en 1933, en deux versions allemande et française, qui le fait connaître en France. Le film marque sa première rencontre à l’écran avec l’univers du dramaturge viennois Arthur Schnitzler. On y décèle déjà son goût pour le romantisme et la nostalgie. Ophuls avouera d’ailleurs par la suite sa tendresse et sa préférence pour ce film parmi ses différentes réalisations, un film "simple, calme et tranquille".

    L’avènement du nazisme le force à fuir l’Allemagne en 1933, et il choisit en 1935 de prendre la nationalité française. Ophuls tourne alors à Rome avec Isa Miranda La Signora di tutti, ou le drame d’une vedette surmenée, puis en Hollande La Comédie de l’argent (Komedie vom geld) en 1936. Pendant cette période d’avant-guerre, il signe quelques œuvres empreintes d’humour, La tendre ennemie (1935) ou de mélancolie, Yoshiwara (1937), film aux parfums exotiques qui relate l’histoire d’une jeune geisha, puis Le roman de Werther (1938) d’après l’œuvre de Goethe, et enfin Sans lendemain (1939). Edwige Feuillère y tient le rôle d’une jeune mère parisienne contrainte de jouer les entraîneuses et finalement conduite au suicide. Ophuls dirige à nouveau la comédienne l’année suivante dans De Mayerling à Sarajevo. Elle y incarne la Comtesse Sophie, épouse de l’Archiduc François-Ferdinand, dans une fresque historique qui retrace les vingt dernières années de l’Empire autrichien. Mais le tournage est interrompu par la guerre. Max Ophuls, mobilisé dans l’armée française, rejoint un temps les tirailleurs algériens, avant de revenir achever le film en février 1940. Démobilisé, il commence en 1941 l’adaptation de L’Ecole des femmes avec Louis Jouvet, rencontré pendant l’Exode. Mais il n’en tournera qu’un seul plan, le producteur abandonnant le projet faute de moyens et de confiance.

    De nouveau contraint à l’exil après l’armistice, Max Ophuls quitte la France pour les Etats-Unis. Il entame alors une parenthèse hollywoodienne d’abord marquée par une longue période d’inactivité jusqu’en 1946. Il croit enfin pouvoir diriger Vendetta d'après Mérimée mais son "ami", Preston Stuges, lui retire le projet (Il faudra quatre autres réalisateurs pour que le film sorte en 1950). Mais en 1946 toujours, avec l'aide de Robert Siodmak, il dirige Douglas Fairbanks Jr. dans L’éxilé produit par l'acteur pour la compagnie Universal. En 1948, il adapte Stefan Zweig avec Lettre d’une inconnue, sa "Libelei américaine", avec Joan Fontaine, la femme de Bill Dozier le vice-président du studio, et Louis Jourdan : un film aux accents sublimes et tragiques qui reflètent l’essence de la pensée ophulsienne. En 1949, il réalise pour la MGM, Pris au piège (1949), film noir interprété par James Mason, bien plus typiquement hollywoodien de par sa distribution et sa touche mélodramatique, mais qui offre également quelques références à Orson Welles. Ces films n'ont pas de succès public mais un large écho auprès des réalisateurs hollywoodiens. Le producteur Walter Wanger et son épouse, Joan Bennett, appellent ainsi Ophuls pour réaliser rapidement un film à moindre coût. Ce sera Les désemparés (1949), tout autant mélodrame familial que film noir.

    De retour en France, Ophuls donne la pleine mesure de son talent avec quatre films majeurs : La ronde (1950), l’un des plus grands succès commerciaux d’après-guerre, Le plaisir (1951), d’après Maupassant, Madame de… (1953) d’après Louise de Vilmorin et enfin Lola Montès, en 1955. Le film ne rencontre pas à sa sortie le succès escompté et précipite d’une certaine façon la fin de la carrière du réalisateur. Affaibli par des problèmes cardiaques, Ophuls ne peut s’opposer aux nombreuses coupes et remaniements opérés par les producteurs. Il désavoue totalement cette nouvelle version. En décembre 2008, une copie restaurée au format Scope et en Eastmancolor rendra enfin justice à l'originalité du film.

    De retour en Allemagne, Max Ophuls monte au Schauspiel Theather de Hambourg La folle journée, une version du Mariage de Figaro de Beaumarchais qu’il a lui-même traduite et adaptée. La pièce connaît un réel triomphe. Durant l’été 1956, il s’attelle avec Henri Jeanson à l’écriture d’un scénario retraçant la vie du peintre Modigliani. C’est Les Montparnos, dont le rôle principal est destiné à Gérard Philipe. Max Ophuls ne peut mener à bien le projet, qui sera repris par Jacques Becker sous le titre de Montparnasse 19. Il s’éteint à Hambourg le 26 mars 1957.

    Max Ophuls est l'un des rares cinéastes que les jeunes critiques de la nouvelle vague défendent dans les années 50. Dans un entretien donné en 1957 à Jacques Rivette et François Truffaut Ophuls revient sur l'ensemble de sa carrière. Celle-ci avait déjà été évoquée dans un manuscrit de 1945-46 qui donnera lieu à la publications en 2002, lors de la rétrospective à la cinémathèque française, de l'ouvrage Souvenirs. L'entretien aborde plus particulièrement ses films français des années 50. Marcel Ophuls, son fils né à Francfort en 1927, préface Souvenirs et réalise Un voyageur (2013) dont la première demi-heure est consacrée à son père.

     

    2 -Mise en scène

    Pour Gilles Deleuze, les films d'Ophuls sont des critaux parfaits. Leurs facettes sont des miroirs qui réfléchisent l'image actuelle, le présent du personnage, dans un prisme, où l'image dédoublée de ses différentes époques ne cesse de courir après soi pour se rejoindre : "La vie pour moi, c'est le mouvement" dira Lola comme peut le dit Ophuls avec ses travellings qui emportent ses personnages ceux de La maison Tellier et ceux, incessants, de Madame de... vers leur fin. Le dédoublement, la différenciation des deux images, actuelle et virtuelle, ne va pas jusqu'au bout, puisque le circuit qui en résulte ne cesse de nous ramener des unes aux autres. C'est seulement un vertige une oscillation.

    Dans le cristal ou sur la piste, les personnages emprisonnés ne peuvent en effet guère que tourner sans fin. Ainsi la ronde des épisodes mais aussi des couleurs sur la piste de cirque de Lola Montes, les valses mais aussi les boucles d'oreille de Madame de, le manège de La ronde ou Lisa, l'auteure de la Lettre dune inconnue, se destinant à n'être qu'une musique lointaine, à être enfermée dans les brumes du souvenir tournant dans la tête de Stefan.

    La perfection cristalline ne laisse subsister aucun dehors : il n'y a pas de dehors du miroir ou du décor, mais seulement un envers où passent les personnages qui disparaissant ou meurent, abandonnés par la vie qui se réinjecte dans le décor. Dans Le plaisir, l'arrachement du masque du vieillard danseur ne montre aucun dehors, mais un envers qui renvoie et reconduit au bal le médecin pressé. Et jusque dans ses apartés tendres et familiers, l'impitoyable M. Loyal de Lola Montes ne cesse de réinjecter sur scène l'héroïne défaillante.

    D'où la proximité d'Ophuls avec la nostalgie et le romantisme et les femmes brisées chez Arthur Schnitzler (Libelei et La ronde), Goethe (Le roman de Werther), Stefan Zweig (Lettre d’une inconnue), Maupassant (Le plaisir), Louise de Vilmorin (Madame de...). Il en magnifie les parcours. L'image actuelle et l'image virtuelle coexistent et cristallisent, elles entrent dans un circuit qui nous ramènent constamment de l'une à l'autre, elles forment une seule et même scène où les personnages appartiennent au réel et pourtant jouent un rôle. Bref, c'est tout le réel, la vie tout entière, qui est devenue spectacle, conformément aux exigences d'une perception optique et sonore pure. La scène, alors ne se contente pas de fournir une séquence, elle devient l'unité cinématographique qui remplace le plan ou constitue elle-même le plan-séquence.

    3 -Biblio-Vidéographie :

    L'image-tempsGilles Deleuze. L'image-temps. Editions de Minuit. Collection : Critique, novembre 1985. Chapitre 4 : les cristaux de temps
      
    SouvenirsMax Ophuls. Souvenirs. Mars 2002. Editeur : Cahiers du Cinema. Collection : Petite bibliothèque des Cahiers du cinéma. 268 pages 16,2 x 11,4.
      
    Un voyageurMarcel Opuls. Un voyageur. 2013. Film de Marcel Ophuls dont la première demi-heure est conscrée à son père.
      
     Fiche de la cinémathèque française

    4 -Filmographie :

    1931

    On préfère l'huile de foie de morue
     

    (Dann schon lieber Lebertran).Avec Käthe Haack (Mrs. Augustin), Max Gülstorff (Mr. Augustin), Alfred Braun (St Pierre). 0h24.

    Chaque soir, avant de dire leurs prières, les enfants du couple Augustin avalent leur huile de foie de morue. Un soir, Peter, le plus jeune fait une audacieuse demande dans sa prière. "Pourquoi faut-il toujours que les enfants obéissent à leurs parents ? le contraire ne serait-il pas plus drôle ?" Dieu est en congé et Saint-Pierre est fatigué mais, juste avant qu'il s'endorme, il accorde la prière. Mais après avoir joué aux adultes pendant une journée, les enfants en ont plsu qu'assez, et ils supplient Dieu de restaurer l'ordre ancien. Ils aiment encore mieux prendre leur huile de foie de morue, plutot que d'affronter les problèmes des adultes.

      

    1931

    L'amour au studio

    (Die verliebe firma). Avec : Gustav Fröhlich (Werner Loring jr.), Anny Ahlers (Peggy Barling), Lien Deyers (Gretl Krummbichler), Ernö Verebes (Heinrich Pulver), José Wedorn (Leo Lamberti), Leonard Steckel (Harry Bing). 1h13.

    Sur un lieu de tournage dans les montagnes, l'actrice de cinéma Peggy Barling se dispute avec son mari et quitte le film. Heureusement, Gretl, une belle et jeune skieuse avec une voix encore plus belle, surgit de nulle part...

      
    1932La fiancée vendue 

    (Die verkaufte Braut). Avec : Willy Domgraf-Fassbaender (Hans), Jarmila Novotna (Marie), Otto Wernicke (Keza), Hermann Kner (Micha), Maria Janowska ( sa femme, Agnès), Paul Kemp (Wenzel), Karl Valentin (Rudolph Brummer), Liesl Karlstadt (Katinka Brummer). 1h17.

    1860. Un petit village de Bohème va être mis en émoi par une cascade d’événements à l’occasion de la grande fête patronale annuelle. Le marieur du village, l’entreprenant Kezal, s’est mis en tête de faire épouser la fille du bourgmestre, la belle Marie, par un garçon un peu nigaud du nom de Wenzel, fils unique du riche fermier Micha.
    Or, Marie vient de tomber amoureuse de Hans, le fringant postillon, qu’elle a rencontré à la foire : elle refuse sèchement le prétendant qu’on lui propose et menace de s’enfuir à Prague. Son père, mis au courant de sa liaison, l’enferme dans sa chambre, alors que le village est en fête. Hans vient lui jouer la sérénade sous ses fenêtres, ce qui lui met un peu de baume au cœur…
    Wenzel, de son côté, n’a d’yeux que pour Esmeralda, la mignonne danseuse de corde du cirque Brummer, qui vient d’arriver sur les lieux en grand équipage et s’apprête à installer son chapiteau sur la place publique. Mais le directeur doit acquitter pour cela une taxe de 300 florins. Où trouver cette somme ? Wenzel est tout disposé à jouer les mécènes. Il confie le magot au postillon, lequel a l’idée d’un audacieux subterfuge : il fait courir le bruit que cet argent lui a été versé contre la promesse de renoncer à Marie.
    Aussitôt, tout le village se déchaîne : il a vendu sa fiancée ! Il ne s’agit, en fait, que d’éliminer du circuit les orgueilleux Micha et de compromettre leur benêt de fils, tout disposé d’ailleurs à jouer le jeu au point de parader avec sa bien-aimée sous une peau d’ours.
    Dans le même temps, Hans sauve Marie des griffes d’un ours, un vrai, qui s’était échappé de sa cage. Et les couples désunis peuvent enfin se raccorder, dans l’euphorie générale.

      
    1933Les joyeux héritiers

    (Lachende Erben). Avec : Lien Deyers (Gina), Heinz Rühmann (Peter Frank), Ida Wüst (Britta Bockelmann), Max Adalbert (Justus Bockelmann), Lizzi Waldmüller (Liane Heller). 1h16.

    Un jeune homme qui aime à boire doit s'abstenir d'alcool pendant quatre semaines s'il veut hériter de son oncle d'une société de vins et champagnes...

      
    1933Liebelei 

    Avec : Magda Schneider (Christine), Wolfgang Liebeneiner (Fritz Lobheimer), Olga Tschekowa (Baronne d'Eggersdorff). 1h30.

    Christine, fille d'un humble violoniste du théâtre de Vienne, tombe amoureuse de Fritz Lobheimer, un jeune et bel officier de la garde impériale, que lui a fait connaître son amie Mizzie, modiste délurée qui flirte elle-même avec Theo, un autre galant militaire...

      
    1934On a volé un homme
    Avec : Henri Garat (Jean de Lafaye), Lily Damita (Annette), Charles Fallot (Victor), Fernand Fabre (Robert), Nina Myral (La vieille dame), Pierre Labry (Le balafré), Robert Goupil (Legros), Pierre Piérade (Rémi), Raoul Marco (L'inspecteur). 1h00.
      
    1934La dame de tout le monde

    (La signora di tutti). Avec : Isa Miranda (Gaby Doriot), Memo Benassi (Leonardo Nanni), Tatyana Pavlova (Alma Nanni), Friedrich Benfer (Roberto Nanni), Franco Coop (L'impresario Veraldi). 1h37.

    Une célèbre vedette de cinéma, Gaby Doriot, vient d'être retrouvée inconsciente dans sa salle de bains, à la suite d'une tentative de suicide. Transportée d'urgence à l'hôpital, elle revit, sous le casque du chloroforme, son existence tourmentée.
    Jolie fille d'origine modeste, élevée par un père irascible, elle est déjà, au lycée, l'objet des avances d'un de ses professeurs, qui mettra fin à ses jours par amour pour elle. Puis elle est courtisée par un riche voisin, Roberto Nanni, dont la mère infirme devient sa confidente. Mais elle séduit aussi le maître de maison, Leonardo, provoquant involontairement la chute mortelle de l'épouse, en chaise roulante, dans l'escalier de leur villa. Le père et le fils vont s'affronter durement, sous le portrait de la défunte. Ne pouvant supporter cette atmosphère de crise, génératrice de scènes d'hystérie, Gaby part en voyage autour du monde avec Leonardo. Mais là encore, cela va mal finir : négligeant ses affaires, celui-ci se trouve inculpé dans une affaire de détournement de fonds. Au sortir de prison, il mourra écrasé par une voiture. Apparemment insouciante des drames qu'elle suscite, Gaby s'est lancée dans le spectacle. On lui invente une légende dorée, sous prétexte que le public est friand de ce genre de biographie artificielle. Elle retrouve Roberto, toujours amoureux d'elle bien qu'il ait épousé une autre femme. Elle se confie à lui : "Dans mes films, je trouve ce que les gens appellent le bonheur. Mais dans la réalité, je me sens si seule ! Je me suis libérée de la passion pour ton père, et quand j'ai désiré retourner vers toi, il était trop tard, et je...".
    Cette lettre restera inachevée. Le cœur s'est arrêté. À l'hôpital, le docteur annonce : "Elle nous a quittés ! "

      
    1935Divine 
    Avec : Simone Berriau (Divine, Ludivine Jarisse), Gina Manès (Dora), Catherine Fonteney (Mme Jarisse).1h22.

    Ludivine Jarisse, une gentille paysanne, orpheline de père, vit pauvrement avec sa mère à la campagne. Un jour, elle reçoit la visite d’une «payse», Roberte, partie tenter sa chance à Paris et qui fait carrière comme girl dans un music-hall, l’«Empyrée». Celle-ci décide son amie à l’accompagner dans la capitale, d’autant qu’elle doit bientôt partir en tournée au Caire et a besoin d’une remplaçante....

      
    1936La tendre ennemie
    Avec : Simone Berriau (Annette Dupont, l'ennemie), Jacqueline Daix (sa fille), Catherine Fonteney (la mère), Georges Vitray (L'ex-mari), Marc Valbel ( Rodrigo), Lucien Nat (l'ex-amant), Pierre Finaly (Oncle Emile), Maurice Devienne (Le fiancé). 1h09.

    Annette est une femme désenchantée, qui a raté aussi bien son mariage que ses aventures amoureuses. Aujourd'hui, elle célèbre les fiançailles de sa fille. Celle-ci doit renoncer au jeune aviateur qu'elle aime pour épouser un homme riche et sans fantaisie. Mais tandis que la fête se déroule, deux fantômes se mêlent aux invités : l'ex-mari et l'ex-amant d'Annette. Invisibles de tous, ils commentent l'événement. Tous deux considèrent Annette comme leur ennemie et la jugent responsable de leur mort. Aussitôt après son mariage, le ménage d'Annette a battu de l'aile. " Au bout de quatre ans, c'était l'enfer ", explique le mari. Trop occupé par ses affaires, il délaissait son épouse, qui s'ennuyait ferme. Sur les conseils de l'oncle Emile, le couple décida de passer une nouvelle lune de miel à Paris. Au début, tout se passa pour le mieux. Mais Annette s'enticha d'un séduisant dompteur qu'elle suivit en tournée. Abandonné, le mari mena une vie de débauche qui ne tarda pas à le faire passer de vie à trépas ! De son côté, l'amant commençait à être excédé par les exigences et la passion envahissante d'Annette. Malgré les conseils de son médecin, il n'eut pas la cruauté de rompre. De plus en plus épuisé, il finit par se faire dévorer par un de ses lions. Pendant que les deux fantômes échangent leurs amers souvenirs, un troisième fantôme survient. Non, leur dit-il, Annette n'est pas une dévoreuse d'hommes, mais une victime. Quand il était jeune marin, ils s'étaient promis l'un à l'autre. Annette fut contrainte de rompre, pour épouser un homme aisé. Alors, de désespoir, le marin s'était suicidé. Et même si lui aussi lui doit la mort, il sait qu'elle n'est pas responsable de ce malheur, ni de ceux qu'elle a pu causer par la suite. Éclairés par cette confidence, le mari et l'amant comprennent que la fille d'Annette est sur le point de gâcher sa vie comme sa mère avant elle. Et les trois fantômes, avec le concours d'Annette, permettront à la jeune fille de rejoindre en Angleterre son bel aviateur.

      
    1936Comédie de l'argent
     

    (Komedie om geld). Avec : Herman Bouber (Karel Brand), Matthieu van Eysden (Ferdinand), Rini Otte (Willy, la fille de Brand), Cor Ruys (Moorman). 1h29.

    Un brave coursier de banque perd une somme importante d'argent et se trouve accusé de vol. Relâché faute de preuves, il se voit proposer curieusement la direction d'une société immobilière...

      
    1937Yoshiwara
    Avec : Pierre Richard-Willm (Serge Polenoff), Michiko Tanaka (Kohana), Sessue Hayakawa (Isamo), Roland Toutain (Pawlik), Lucienne Lemarchand (Namo), Camille Bert (Le commandant), André Gabriello (Pô). 1h42.

    Yoshiwara, le célèbre quartier réservé de Tokyo, vers 1890, à la veille de la guerre sino-japonaise. Une jeune fille de noble famille, Kohana, dont le père s’est suicidé à la suite d’une faillite, décide de s’y prostituer, en vue de renflouer le patrimoine familial. Son fidèle coolie, Ysamo, qui l’aime en secret, est désolé de cette résolution, mais la décision de la jeune fille est prise : elle fera partie désormais de l’accueillante maison de thé de M. Pô, et se pliera à la vie galante des geishas, sous l’affectueuse protection de la sous-maîtresse, Mme Namo.
    Au même moment, une frégate russe, la «Tchaïka», s’ancre dans le port. Belle occasion pour les sous-officiers et les hommes d’équipage d’aller tirer une bordée dans les quartiers chauds de la ville… Seul, le lieutenant Serge Polenoff ne participe pas à l’allégresse générale, malgré l’insistance de son ami l’aspirant Pawlik. Son attention a été attirée par un magnifique portrait de femme dessiné par Ysamo : c’est celui de Kohana. Il rencontre le modèle et en tombe amoureux, au point de négocier son rachat à prix d’or auprès de M. Pô, alors même qu’Ysamo était parvenu, de son côté, à réunir une somme équivalente, en commettant un vol spectaculaire qui lui vaut d’être incarcéré sur-le-champ.
    Une mission secrète et providentielle oblige Serge à rester à terre. Il coule des jours heureux avec Kohana, projetant de l’épouser et de l’emmener avec lui à Saint-Petersbourg. Mais la trahison d’Ysamo, manipulé par le service de contre-espionnage, va le perdre. Il est traqué par la police, et Kohana, arrêtée comme complice, condamnée à être fusillée. Fou de douleur, Serge tente en vain de la sauver. Blessé à mort, il rendra l’âme au pied de l’autel de la chapelle orthodoxe où les deux amants avaient lié solennellement leur destin.

      
    1938Le roman de Werther 
    Avec : Pierre Richard-Willm (Werther), Annie Vernay (Charlotte), Jean Galland (Albert von Hochtatten), Paulette Pax (Tante Emma), Georges Vitray (Le bailli). 1h15

    Wetzlar (Allemagne rhénane), à la fin du XVIIIe siècle. Werther, un jeune homme plein d’ardeurs romantiques, poète et musicien, est nommé conseiller référendaire au Palais de justice de la ville. Il fait la connaissance de la fille du bailli, Charlotte, promise à son collègue et ami Albert Hochstätter. Devant partir en voyage, Albert confie sa fiancée à Werther, qui tombe passionnément amoureux d’elle, au cours de promenades bucoliques dans la campagne en fleurs. Mais les deux jeunes gens savent que cette idylle doit rester sans lendemain.
    Après le mariage de Charlotte, Werther se laisse aller au désespoir, court les cabarets, se livre à des extravagances qui suscitent la réprobation de ses supérieurs. Il écrit à Charlotte une lettre pathétique, qui reste sans réponse. La jeune femme ne trouve de refuge que dans la confession. Albert, réalisant le drame que vit son ami, lui demande sa démission, à l’occasion d’un conflit d’ordre professionnel. Werther s’enfuit dans la campagne et se suicide, devant l’arbre même où est né son amour, laissant Charlotte abîmée de tristesse.

      
    1939Sans lendemain 
    Avec : Edwige Feuillère (Evelyne), Georges Rigaud (Georges), Pauline Carton (La bonne), Daniel Lecourtois (Armand), Paul Azaïs (Henri). 1h19.

    Evelyne Morin a connu bien des malheurs : alors qu'elle semblait promise à une vie honorable, un mariage avec un aventurier sans scrupules l'a contrainte, devenue veuve, au métier avilissant d'entraîneuse dans une boîte de nuit de Montmartre, pour subvenir à ses besoins et à l'entretien de son jeune fils. Mais elle a gardé un cœur pur dans cette vie de débauche. Un soir, elle retrouve par hasard Georges, un ami canadien, avec lequel elle avait espéré autrefois refaire sa vie. Il est devenu le riche et estimé docteur Brandon. Pour lui dissimuler sa déchéance, elle joue la comédie de la femme respectable, grâce à l'entremise d'un odieux personnage, Paul Mazuraud, qui lui fournit les fonds nécessaires à ce double jeu. Mais une imprudence de son fils la trahit. Décidée à se racheter coûte que coûte, elle confie la garde de l'enfant au généreux ami qui repart pour le Canada, en leur promettant de les rejoindre bientôt. Puis elle disparaît dans le brouillard...

      
    1940De Mayerling à Sarajevo 
    Avec : Edwige Feuillère (Sophie Chotek), John Lodge (François-Ferdinand), Gabrielle Dorziat (Marie-Thérèse), Aimé Clariond (Prince de Montenuovo), Jacqueline Marsan (Une archiduchesse), Jean Worms (François-Joseph), Jean Debucourt (Janatschek), Henri Bosc (Ambassadeur de Serbie), Gaston Dubosc (Comte Chotek), Marcel André (Archiduc Frédéric). 1h31.

    Le 30 janvier 1889, dans le pavillon de chasse de Mayerling, Marie Vetsera et l'archiduc Rodolphe sont découverts morts. C'est désormais l'archiduc François-Ferdinand, neveu de l'empereur François-Joseph, qui est l'héritier de la couronne d'Autriche. Beau et bouillant jeune homme, l'archiduc dérange, avec ses idées libérales et ses attitudes désinvoltes à l'égard de l'étiquette impériale. Son principal adversaire à ta cour est le prince de Montenuovo qui persuade l'empereur d'éloigner son encombrant neveu en lui confiant une tournée d'inspection.
    Dans une petite ville tchèque, on inaugure un buste de l'empereur en présence de FrançoisFerdinand. Une ravissante jeune femme prononce le discours de bienvenue et, lisant l'ennui dans le regard de l'archiduc, s'interrompt et plante là le royal invité ! Celui-ci, séduit par l'audace de l'effrontée, demande à la rencontrer. Il s'agit de la comtesse Sophie Chotek, dont l'archiduc s'éprend.
    Contre tous les usages, François-Ferdinand et Sophie vont se revoir et s'aimer, indifférents à l'hostilité générale. L'empereur finit par consentir à leur mariage sous réserve que cette union soit morganatique : Sophie ne sera jamais impératrice et les trois enfants qu'elle a donnés à François-Ferdinand n'hériteront pas de leur père. Le 28 juin 1914, à Sarajevo, l'archiduc et Sophie sont en tournée d'inspection dans une Serbie en proie à l'agitation politique. Le protocole leur interdit la protection de l'armée. Ils sont abattus de plusieurs balles de revolver tirées par un étudiant serbe, Prinzip. Ce double assassinat sera à l'origine de la Première Guerre mondiale.

      
    1947L'éxilé 

    (The Exile). Avec : Douglas Fairbanks Jr. (Charles II Stuart), Maria Montez (Comtesse de Courteuil), Paule Croset (Katie). 1h37.

    1660. Le jeune roi d’Angleterre, Charles II Stuart, a dû quitter son pays, chassé par Cromwell. Il a trouvé refuge en Hollande, dans un manoir abandonné. Quelques partisans restés fidèles protègent sa retraite, alors que ses ennemis le pourchassent. Mais pour l’heure, le roi a d’autres soucis. Il flirte avec une jeune et jolie fermière, Katie, à la grande fureur de son cousin Jan, peu porté sur le badinage...

      
    1948Lettre d'une inconnue 
    (Letter from an unknown woman). Avec : Joan Fontaine (Liza Berndle), Louis Jourdan (Stefan Brand), Mady Christians (Mme. Berndle). 1h26.

    Un pianiste célèbre et vieillissant, Stefan Brand, reçoit un soir une lettre adressée par une inconnue, Lisa Berndle. Celle-ci lui révèle qu'elle lui voua, dès son adolescence, un amour exclusif, sans qu'il s'en aperçût jamais. Elle lui raconte comment, toute jeune encore, elle assista en cachette à son emménagement dans l'appartement voisin de celui de sa mère; comment elle rompit ses fiançailles qui s'annonçaient brillantes, afin de ne pas s'éloigner de lui; comment elle dut travailler pour assurer sa subsistance. Quelques rencontres furtives, à plusieurs années d'intervalle, une brève idylle ébauchée une nuit au Prater, une ultime étreinte un soir de fête, aussitôt oubliées par l'inconstant, furent les seuls moments de bonheur qu'elle goûta auprès de son volage amant. Un enfant lui est né, qui ne connaîtra jamais son père puisqu'il vient d'être emporté par une épidémie de typhus. Lisa entretemps a épousé un riche diplomate, sans lui cacher que son cœur était à un autre. À présent, elle-même contaminée par le typhus, ayant fui son foyer, lui écrit d'un hospice... Les dernières lignes sont de la main d'une sœur infirmière : la jeune femme est morte avant d'avoir pu terminer sa lettre. Stefan est effondré à cette lecture. Il comprend tout à coup le sens de la provocation en duel que lui a adressé la veille un diplomate viennois. Il s'y rendra comme à un dernier rendez-vous, non frivole celui-là.

      
    1949Pris au piège 
    (Caught). Avec : James Mason (Larry Quinada), Barbara Bel Geddes (Leonora Eames), Robert Ryan (Smith Ohlrig). 1h24.

    Leonora, jeune et jolie mannequin de Denver, a des rêves de luxe et de conquête sociale. Ceux-ci vont se concrétiser à l'occasion d'une organisée sur le paquebot du riche importateur Smith Ohlrig. Elle rencontre ce dernier à l'embarcadère et devient sa maîtresse. Sur un coup de tête, il l'épouse....

      
    1949Les désemparés 

    (The reckless moment). Avec : Joan Bennett (Lucia Harper), James Mason (Martin Donnelly), Geraldine Brooks (Beatrice Harper). 1h20.

    Lucia Harper, vigilante mère de famille, vit heureuse avec ses deux enfants et son beau-père dans leur coquette villa de Malibu, en Floride. Son mari, architecte, étant souvent absent, elle doit veiller seule à la bonne marche de la maison. Un jour, elle apprend que sa fille, Beatrice, a une liaison avec un gangster, Ted Darby : elle lui enjoint d’y mettre fin sur-le-champ....

      
    1950La ronde 
    Avec : Anton Walbrook, Simone Signoret, Serge Reggiani, Danielle Darrieux, Gérard Philipe, Simone Simon. 1h37.

    Vienne 1900. Un décor de rêve... Apparaît un meneur de jeu, en frac et haut-de-forme, qui va faire tourner sous nos yeux le carrousel de la ronde des amours. Femmes honnêtes, grisettes tendres, aristocrates ou simples soldats, tous la danseront d'un même pas.

      
    1952Le plaisir 

    Avec : Claude Dauphin, Madeleine Renaud, Danielle Darrieux, Jean Gabin, Simone Simon, Daniel Gélin. 1h35.

    I) Le Masque - Ancien séducteur, un vieillard court les Palais de la Danse, II) La Maison Tellier - Des pensionnaires d'une maison close, sous la conduite de leur patronne, la digne Madame Tellier, sont invitées à une première communion à la campagne. III) Le Modèle - Un couple de jeunes artistes s'aime à la folie... jusqu'au jour où la lassitude s'installe.

      
    1953Madame de... 

    Avec : Danielle Darrieux (Madame de...), Charles Boyer (Le général), Vittorio De Sica (Le baron Donati), Mireille Pewley, Jean Debucourt. 1h40.

    Paris, 1900. Pressée par une dette de jeu, Madame de.... coquette et frivole femme d'un général attaché au ministère de la Guerre, vend en secret des boucles d'oreilles offertes par son mari....

      
    1955Lola Montes 

    Avec : Martine Carol, Peter Ustinov, Anton Walbrook, Ivan Desny, Lise Delamare, Paulette Dubost. 1h50.

    Un cirque gigantesque à la Nouvelle-Orléans, vers 1880. On y représente la vie extraordinaire de Lola Montès, l'une des courtisanes les plus fêtées de son époque et qui fut anoblie par le roi de Bavière avant d'être chassée de ce pays par des émeutiers. Aujourd'hui, elle est réduite à jouer, sous la conduite d'un écuyer complaisant et lui aussi amoureux d'elle, sa "scandaleuse carrière de femme fatale".