luni, 31 august 2020

SERGHEI PARAJANOV / CULOAREA RODIEI (1968)






Serghei Parajanov, regizor de origine armeana, nascut la Tbilisi (Georgia) decedat in 1990 la Erevan, in Armenia




(1924-1990)
8 films
2
1
Reprise : « Sayat Nova, la couleur de la grenade », le chef d'œuvre  médiéval de Sergueï Paradjanov

De 1942 à 1945, il étudie le chant au conservatoire de musique de sa ville natale. Il s'initie également à la peinture. En 1946, il entre à l'Institut cinématographique d'État, le V.G.I.K., à la section de mise en scène. Élève du réalisateur ukrainien Igor Savtchenko, il est également son assistant pour certains de ses films.Serguei Paradjanov, de son vrai nom Sarkis Paradjanian, est né à Tbilissi, en Géorgie, le 9 janvier 1924, de parents arméniens.
En 1950, Paradjanov se marie avec Nigyar Kerimova, à Moscou. D’origine musulmane tatare, elle se convertit à la religion orthodoxe pour l’épouser. Elle sera plus tard assassinée par des parents qui ne lui ont pas pardonné cette conversion. Il achève ses études sous la direction de Mikhail Romm en 1952. Cette année-là, il obtint son diplôme de réalisateur, que paraphe Dovjenko. Un an plus tard, il est assistant de Vladimir Braun sur le film Makimka, puis, dès 1954, il entre aux studios Dovjenko, à Kiev, et réalise plusieurs courts-métrages et documentaires en langue ukrainienne (Doumka, Les Mains d’or, Natalia Oujvy). Il apprend l’ukrainien et se remarie avec Svetlana Ivanovna Cherbatiouk en 1956. Elle lui donnera un fils (Suren, 1958).
Ses films singuliers sont souvent influencés par la diversité ethnique de sa région natale, le Caucase, et mêlent réalité sociale, folklore, légendes et chamanisme. Ses premières œuvres, tournées en Ukraine (et inédites et France), sont assez proches du réalisme socialiste (comme Le premier gars, amourettes champêtres dans un kolkhoze) jusqu’à la rupture des Chevaux de feu (1964). Paradjanov adapte la nouvelle "Les Ombres des ancêtres oubliés", d'un écrivain ukrainien du début du siècle, Mikhail Kotzubinsky. Le film, perçu comme un signe de renouveau dans le classicisme du cinéma soviétique, remporte de nombreuses récompenses internationales, notamment le 1er Prix du Festival de Mar del Plata. Paradoxalement, c'est à cette époque que commencent pour lui les difficultés avec les autorités. Paradjanov qui prend position en faveur d'intellectuels ukrainiens dissidents, sera pour l’Occident le premier symbole officiel de l’oppression des artistes soviétiques (Tarkovski en sera un autre). Son chef d’œuvre est désavoué par les autorités de Moscou parce qu’il est tourné en dialecte houtsoul (des Carpates ukrainiennes) et non doublé en russe. C’est une des raisons pour lesquelles, certains historiens du cinéma le considéreront comme un exemple de cinéma ukrainien. Il est également désavoué par le cinéaste lui-même parce qu’on l’a raccourci contre son gré, mais aussi parce qu’il ne correspond pas au cinéma non narratif auquel il aspire... peut-être liées
En 1968, Serguei Paradjanov s'installe à Erevan et travaille avec la communauté arménienne à la réalisation de Sayat nova. Le film, récit à la fois historique, poétique et baroque, sur la vie du poète arménien du XVIIIe siècle Sayat Nova, est très vite retiré de l'affiche en raison de son anticonformisme, esthétique, loin du réalisme socialiste de rigueur, et idéologique, les allusions au nationalisme arménien étant par trop évidentes. Dès la sortie de son film en 1969, Paradjanov est pratiquement condamné au chômage ; ses différents projets sont, soit refusés, soit interdits. Par la suite, tous ses projets de films sont refusés et ses prises de positions publiques contre l’arrestation de journalistes et d’intellectuels ukrainiens le marquent d’une croix rouge.

Remontée par Youtkevitch, une nouvelle version, censurée, est présentée à Moscou en 1971... pour être retirée après deux semaines d'exploitation ! De graves ennuis attendent alors le cinéaste.
En décembre 1973, il est arrêté et accusé de "trafic d'icônes et de devises", d'"incitation au suicide", d'"homosexualité"... ce dernier délit le condamnant, en avril 1974, à cinq ans de camp de travail, malgré des troubles de la vue et une maladie cardiaque. Paradjanov fait la une des journaux lorsqu’il est incarcéré. Les comités se mobilisent (en France, Yves Saint Laurent, Françoise Sagan, et surtout Louis Aragon, montent au créneau). Le pouvoir reproche implicitement au cinéaste de promouvoir le nationalisme. On annonce son suicide en 1976 alors que son état de santé est alarmant. L'opinion internationale s'émeut et entreprend de nombreuses démarches auprès des autorités soviétiques pour obtenir la libération immédiate de Paradjanov. La rumeur de sa mort persiste et en août de l'année 1977, les milieux arméniens parlent du suicide du détenu dans sa cellule... Les nouvelles les plus contradictoires circulent; on apprend bientôt, pourtant, que Serguei Paradjanov a été libéré le 30 décembre 1977, par suite d'une remise de peine.
C’est en prison et dans les années qui suivirent, que Paradjanov produira la majorité de ses dessins et collages, qui constituent une part importante de sa création.
"Libre", il s'installe en Géorgie, dans sa maison natale et tourne clandestinement Le signe du temps (1979), court-métrage de sept minutes qui témoigne de sa présente détresse et où il décrit sa vie quotidienne et celle de ses amis.
De par l'interdiction d'exercer son activité de cinéaste, il ne survit que grâce à l'aide d'amis; ("En prison, déclare-t-il, ma vie avait un sens, il y avait une réalité à surmonter. Ma vie présente n'a aucune valeur. Je ne crains pas la mort, mais cette vie-là est pire que la mort") Il souhaite obtenir un visa pour la France... qui lui est refusé malgré les pressions de nombreuses personnalités artistiques françaises.
Paradjanov est de nouveau arrêté le 11 février 1982, avec l'accusation de corruption. Jugé par le tribunal de Tbilissi en octobre, il est libéré en novembre de la même année.
En 1984, il entreprend La légende de la forteresse de Souram (1986), tirée d’une nouvelle du Géorgien Daniel Chonkadzé selon laquelle une forteresse ne peut être sauvée de la ruine que si un homme y est emmuré. Le film est tourné en plans larges fixes et frontaux. Après le court-métarge documentaire, Arabesques sur le thème de Pirosmani (1985), il entreprend Achik Kerib, conte d'un poète amoureux (1988) qui sera son dernier film. Tiré d’une nouvelle du poète russe Mikhaïl Lermontov, il rappelle les contes des Mille et une nuits : un jeune troubadour pauvre tombe amoureux de la jolie fille d’un riche marchand. Pour pouvoir l’épouser il décide de faire fortune en parcourant le monde… Paradjanov dédiera ce film à son grand ami le cinéaste Andreï Tarkovski.
Il avait à peine commencé le tournage de La confession (d’après Lermontov), une allégorie ouvertement politique (et polémique), quand il meurt d’un cancer mais aussi épuisé par des années de prison (il avait 66 ans, le 20 juillet 1990 à Erevan en Arménie). Les quelques plans qu’il a réussi à tourner seront inclus dans le film Paradjanov : le dernier printemps, réalisé par son ami proche Mikhaïl Vartanov en 1992. Il laisse une œuvre inachevée, ancrée dans les remous de l’histoire du Caucase, habitée par le merveilleux d’un Orient mythique, et dans laquelle "littérature, histoire, ethnographie et métaphysique se fondent en une unique vision cinématographique, en un acte unique". Pour Paradjanov, l’essentiel n’était pas la narration, mais la vision, l’image. Il disait s’inspirer souvent de ses rêves et ne faisait pas de distinction entre un tableau et un film.


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Sayat nova 

 Prologue. Un carton : "Cher spectateur, ce film n'est pas un récit biographique de Sayat Nova, grand poète arménien du 18e siècle. Nous n'avons cherché qu'à évoquer par des moyens cinématographiques les images de cette poèsie dont le poète russe Brussov écrivait : "la poèsie lyrique moyenageuse arménienne est l'une des plsu remarquable victoires de l'esprit humain que l'histoire de l'humanité ait jamais connue"
"Je suis celui dont la vie et l'âme sont faites de tourments" dit off une voix sur des images du livre du poète alternat qvec des grenades perdnat leue jus, un poignads, des busisosns dépines, des posisosns hors de l'eau.
Chapitre premier : l'enfance du poète. Sayat Nova grandit dans l'amour des livres qu'il faut faire sécher quand la pluie d'orage les a abimer et dans la contemplation des tapis colorés, teints par son père et fabriqués par sa mère. " Il y a trois objets sacrés : aimer la plume, aimer l'écriture, aimer le livre " dira plus tard Sayat Nova (Cart Hoba). Sayat découver aussi els corps masculins et féminins dans les hamams.
Chapitre deuxième : la jeunesse du poète. L'enfant s'est effacé derrière l'adolescent qui cherche l'amour : "Le carmin de tes joues fait pâlir les roses. Tu es l'image du paradis. J'appelle à toi comme à un shah mais tu gardes le silence."
 De l'enfance aux derniers instants du poète arménien Sayat Nova. La vie, l'amour, les angoisses spirituelles, la mort de cet artiste du XVIIIe siècle, évoquées au cours de douze chapitres, une série de tableaux vivants représentants les moments clés de la vie du poète.
Censuré à sa sortie par le régime soviétique pour son anticonformisme, Serge Daney avait déclaré : "Il fait partie de ces films (il y en a de moins en moins) qui ne ressemblent à rien. Paradjanov est de ceux (ils se font très rares) qui font comme si personne avant eux n’avait filmé. Heureux effet de "première fois" auquel on reconnaît le grand cinéma."
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Filmographie :
Films inachevés : Les Fresques de Kiev (1965) et Confession (1990).
Court-métrages : Un conte moldave (Moldovskaya skazka, 1951, 0h48), Doumka (1957, documentaire), Natalia Oujvi (Natalya Uzhviy 1957, 0h40, documentaire), Kivski Freski (1966, 0h13), Hakop Hovnatanian (1968, 0h08, documentaire), Le signe du temps (1979, 0h07), Arabesques sur le thème de Pirosmani (Arabeskebi Pirosmanis temaze 1985, 0h25).
1954Andriesh
(co-réalisateur avec Iakov Bazelian). Avec Giuli Chokhonelidze, Konstantin Russu, , Nodar Shashik-ogly, Lydia Sokolova. 1h03.
1959Premiers gars
(Pervyy paren). Avec : Varvara F. Chaika (la mère de Odarka), G. Karpov, Yelena Kovalenko, Y. Saratov, Lyudmila Sosyura. 1h21.
1961Rhapsodie ukrainienne
(Ukrainskaya rapsodiya). Avec : Olga Reus-Petrenko (Oksana Marchenko), Yevgenia Miroshnichenko (Oksana Marchenko), Eduard Koshman (Anton Petrenko), Yuriy Gulyayev (Vadim), Natalya Uzhviy (Nadyezhda Petrovna), Aleksandr Gay (Vayner), Valeriy Vitter (Rudi). 1h28.
1962Une fleur sur la pierre
(Tsvetok na kamne). Avec : Lyudmila Cherepanova (Lyuda), Boris Dmokhovsky (Vachenko), G. Karpov (Griva), I. Kirilyuk (Kristina). 1h11.
1964Les chevaux de feu 
(Tini zabutykh predkiv). Avec : Ivan Nikolaitchouk (Ivan), Larissa Kadotchnikova (Maritchka), Tatiana Bestaéva (Palagna). 1h35.
L'action située dans les Carpates à une époque indéterminée mais lointaine est divisée en chapitres intitulés : Ivan et Marichka ; les Alpages ; Solitude ; Ivan et Palagna ; Les masques de Noël ; C'est demain le printemps ; Le sorcier ; Envoûtement et mort d'Ivan ; Picta.
1968Sayat nova 
(La couleur de la grenade). Avec : Sofiko Tchiaoureli (le poète jeune), Melqon Alekian (le poète enfant). 1h17.
De l'enfance aux derniers instants du poète arménien Sayat Nova. La vie, l'amour, les angoisses spirituelles, la mort de cet artiste du XVIIIe siècle, évoquées au cours de douze chapitres.
1986La légende de la forteresse de Souram 
(Legenda o suramskoj kreposti). Avec : Levan Uchaneishvili (Zourab), Veriko Andjaparidze (La devineresse). 1h30.
Dans les temps les plus reculés, les Géorgiens décidèrent de construire une forteresse pour leur pays contre les invasions. Mais celle-ci s’effondre dès que l’on parvient au niveau du toit. Pour achever la forteresse, un beau garçon doit accepter d’y être emmuré vivant...
1988Achik Kerib, conte d'un poète amoureux
(Achik Kérib). Avec : Youri Mgoian (Achik Kérib), Sofiko Tchiaourelli (Magoul- Méguérie), Ramaz Tchekhivardze, Véronique Métonidzé, Lévan Natrochvili. 1h20.
L’histoire, en forme de conte, est celle d’un amour absolu entre Achik Kérib, jeune poète pauvre, qui chante la geste des preux avec son luth, et Magoul-Méguérie, la fille d’un riche marchand. Le père refuse le mariage déshonorant de sa fille avec ce vagabond. Achik Kérib doit alors faire fortune en mille jours et mille nuits pour obtenir le consentement paternel.







critique du DVD
Editeur : Montparnasse. Avril 2013. Coffret 4 DVD. 30 €
DVD1 : Les chevaux de feu. DVD 2 : Sayat Nova. DVD 3 : La Légende de la forteresse de Souram. DVD 4 : Achik Kérib, conte d’un poète amoureux. 30 €.
Nombreux suppléments.

Restoration

In 2014 the film was digitally restored and re-edited to be as close as possible to the director’s original vision and world premiered at the 67th Cannes Film Festival.[22][23] The US premiere took place on 20 September 2014 at The Academy at Los Angeles County Museum of Art (LACMA) and was introduced by Martiros Vartanov. The East Coast premiere took place at the 52nd New York Film Festival on 2 October 2014, and was introduced by Scorsese. The restoration was completed by Martin Scorsese's Film Foundation in conjunction with Cineteca di Bologna, and was, described by critic and Toronto festival programmer James Quandt as "a cinematic Holy Grail".[3] Martin Scorsese received the 2014 Parajanov-Vartanov Institute Award for the restoration of The Color of Pomegranates.[5]
A Blu-ray of the restoration was released in the UK on 19 February 2018, and an American release by Criterion with Mikhail Vartanov's 1969 documentary The Color of Armenian Land on 17 April 2018.



Sayat Nova (film)  / Sergueï Paradjanov
La Couleur de la grenade

Sayat Nova (en français : La Couleur de la grenade / Tsvet granata) est un film soviétique réalisé par Sergueï Paradjanov. Distribué une première fois en 1969, le film est retiré des écrans puis, à nouveau, diffusé dans une version remontée et abrégée par le réalisateur Serguei Youtkevitch, sous le titre La Couleur de la grenade en 1971.
La vie de Sayat-Nova, poète arménien du xviiie siècle, en huit chapitres :

I : L'enfance du poète.
II : La jeunesse du poète.
III : Le poète à la cour du prince/Prière avant la chasse.
IV : Le poète se retire au monastère/Le sacrifice/La mort du katholikos.
V : Le songe du poète/Le poète retourne à son enfance et pleure la mort de ses parents.
VI : La vieillesse du poète/Il quitte le monastère.
VII : Rencontre avec l'Ange de la Résurrection/Le poète enterre son amour.
VIII : La mort du poète/Il meurt mais sa poésie est immortelle.
En ouverture du film, un carton précise les intentions de Paradjanov : « Aimable public, ne va pas chercher dans ce film la vie de Sayat-Nova, grand poète arménien du xviiie siècle. Nous n'avons que tenté de rendre par les moyens du cinéma l'univers imagé de cette poésie dont le chantre russe Valéri Brioussov disait : “La poésie arménienne du Moyen Âge est une des éclatantes victoires de l'esprit humain inscrites dans les annales de notre monde.” »

Fiche technique
Titre original : Sayat Nova
Titre alternatif : La Couleur de la grenade (Tsvet granata)
Réalisation et scénario : Sergueï Paradjanov
Photographie : Souren Chakhbazian - 35 mm/Couleurs
Son : Iouri Sayadian
Musique : Tigran Mansourian
Décors : Stepan Andranikian
Costumes : E. Akhvlediani, I. Karalian, J. Sarabian
Maquillage : A. Astchian, V. Assatrian
Production : Armenfilm
Directeur de production : A. Mélik-Sarkissian
Durée : 73 minutes (dans la version remontée par Serguei Youtkevitch)
Pays d'origine : Drapeau de l'URSS Union soviétique/Drapeau de l'Arménie Arménie
Sortie : 1969
Sortie en France : 13/01/1982
Distribution
Sofiko Tchiaoureli : le poète jeune/la bien-aimée du poète/la nonne aux dentelles blanches/l'Ange de la Résurrection/ le mime
Melqon Alekian : le poète enfant
Vilen Galestian : le poète au couvent
Gueorgui Gueguetchkori : le poète vieux
Hovhannes Minassian : le roi Irakli
Tournage
Tourné du 17 août 1967 au 22 juillet 1968 aux Studios Armenfilm à Erevan (la séquence des teinturiers ou le colloque entre le poète et la princesse Anna, par exemple) et en décors naturels : les scènes de l'enfance du poète au monastère de Haghpat ; d'autres scènes en Géorgie et en Azerbaïdjan. L'épisode des bains fut tourné en studio à Kiev.

Il existe deux versions du film : l'une, distribuée en République soviétique d'Arménie, d'une durée de 78 minutes, estimée comme plus proche de la version souhaitée par Sergueï Paradjanov, désormais disponible en DVD ; la seconde, remontée par Youtkevitch, d'une durée de 73 minutes, distribuée à l'étranger à partir de 1977.

Commentaire
Avec Sayat Nova, le spectateur découvre une expérience unique. « L'envoûtement, l'hypnose même créés par ce poème visuel, procession de tableaux somptueux », s'expliquent, certes, par de multiples facteurs, mais d'abord par l'« utilisation différente de l'espace filmé, réduisant considérablement la profondeur de champ. En utilisant son cadre comme un miniaturiste, Sergueï Paradjanov lui accorde un crédit inhabituel. Les à-plats renforcent la symbolique des objets, accentuent leur baroque », écrit Patrick Cazals1.

« Le film ressemble à un album mécanique d'images. À cet égard, la scène des grimoires sur les toits du monastère est fortement emblématique. Il s'agit bien pour le cinéaste d'offrir une manière de renaissance aux miniatures qui illustrent ces volumes », écrit, pour sa part, Érik Bullot2.

Ainsi, bien que le film soit quasiment muet (« La peinture est muette, mes films aussi », dit Paradjanov), il s'ordonne « selon une métrique rigoureuse, une alchimie et une musique interne qui nourrissent chaque allégorie ou composition d'une tension extrême. »3[réf. non conforme]

« Véritable labyrinthe de signes, d'objets et symboles », liés à la culture arménienne, le film n'est-il, pourtant, qu'offrande à la patrie aimée ? « Reprenant le message de paix et de fraternité que lançait le poète Sayat-Nova, écrivant ses œuvres dans les trois langues (arménien, géorgien, azéri), (...) la destinée du film rejoint celle de milliers d'exilés et de reclus et anticipe étrangement sur le sort du réalisateur brisé dans sa création. »3

En février 2015, le compositeur Nicolas Jaar publie sur internet une version du film dont il a composé la musique4.

"Excepté le langage cinématographique suggéré par Griffith et Eisenstein, le cinéma mondial n’a probablement rien découvert de nouveau d’une façon révolutionnaire depuis Couleur de grenade". Mikhail Vartanov5

Sayat Nova décrit par une personnalité intellectuelle d'origine arménienne
« (...) Pour évoquer les épisodes de la vie et même les pensées et les poèmes de Sayat-Nova, Sergueï Paradjanov utilise “le langage conventionnel mais extrêmement précis des objets”. Ces objets somptueux ou humbles, ce sont des tapis, des vêtements, des étoffes, des ornements, des vases, des instruments de musique, des ustensiles, témoins concrets de la vie des hommes du passé, produits de leur travail et outils de leur travail : avec une passion d'ethnographe, une ferveur d'esthète, Paradjanov se lance avec ses amis à leur découverte. Il obtient du Catholicos Vazguen Ier les manuscrits d'Etchmiadzin qu'il fait palpiter sur les toits du monastère de Haghbat. Il arrache aux conservateurs de musées l'autorisation de sortir de leur vitrine tapis, costumes et vases. Et dans sa passion pour les chevaux de race, il amène même l'armée soviétique à lui prêter ses alezans. »6[réf. non conforme]

De fait, « Sayat Nova peut se feuilleter comme un livre d'images, surgies de la mémoire collective arménienne. Le rythme statique et la frontalité de la composition, l'écran divisé en plans verticaux et horizontaux, l'éclat des couleurs, ces mouvements comme suspendus, ces yeux immenses où affleure l'âme des acteurs, renvoient aux enluminures et aux fresques des églises arméniennes, rappellent les hauts-reliefs du monastère d'Aghtamar dont les saints et les anges, aux paumes larges ouvertes, vous suivent de leur regard de pierre. »
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Sergueï Paradjanov


Sergueï Iossifovitch Paradjanov (en cyrillique russe : Сергей Иосифович Параджанов ; en arménien : Սարգիս Հովսեպի Պարաջանյան, Sarkis Paradjanian), né le 9 janvier 1924 à Tbilissi en République socialiste fédérative soviétique de Transcaucasie, mort le 20 juillet 1990 à Erevan en RSS d'Arménie, est un réalisateur soviétique1.

Il fut controversé en Union soviétique (astreint en 1973 aux travaux forcés pendant quatre ans, puis incarcéré à différentes reprises jusqu'en 1982), mais très défendu et apprécié par les cinéphiles occidentaux2. Un musée lui est consacré à Erevan, en Arménie, où il est considéré comme le grand cinéaste national.

Biographie
Sans connaître la langue de ses ancêtres arméniens, ni leur pays, Paradjanov va graduellement s’éloigner de la grammaire soviétique pour élaborer une œuvre cinématographique en prise directe avec les traditions des régions où il tourne (Ukraine, Géorgie, Azerbaïdjan, Arménie). Artiste pluriethnique, musicien, plasticien, peintre, il doit en partie sa tournure d’esprit au fait que son père, Iossif Paradjanian, était antiquaire. Un contact précoce avec les objets d’art a façonné son imaginaire et son goût pour les collections. Il a inspiré sa pratique passionnée des collages, qui tiennent à la fois de l’art conceptuel et du folklore naïf ; des films compressés en quelque sorte, que Paradjanov bricolait lorsqu’il ne pouvait pas tourner (en prison notamment). Sa vie et son art étaient mêlés. Sa maison familiale de Tbilissi, ouverte aux hôtes de passage, était un grand capharnaüm où s’entassaient décors, costumes et objets d’art hétéroclites.

Paradjanov est issu de l’une des plus grandes écoles de cinéma du monde, le VGIK de Moscou, dans laquelle il entre en 1945 et où il étudie dans la classe d'Igor Savtchenko3. Un de ses professeurs est Alexandre Dovjenko.

En 1954, il réalise son premier long métrage Andriesh, adapté du conte d'Emilian Radu Bucov4. Paradjanov émigre ensuite à Kiev où il tourne plusieurs documentaires (Doumka, Les Mains d'or, Natalia Oujvy).

En 1964 et 1968, Paradjanov réalise deux des chefs-d'œuvre cinématographiques du xxe siècle : Les Chevaux de feu et Sayat-Nova.

Musée Sergueï Paradjanov à Erevan.
Vie privée
En 1950, Paradjanov se marie avec Nigyar Kerimova, à Moscou. D'origine musulmane tatare, elle se convertit à la religion orthodoxe pour l'épouser. Elle sera plus tard assassinée par des parents qui ne lui ont pas pardonné cette conversion. Lorsqu'il s'installe à Kiev, il apprend l'ukrainien et se remarie avec Svetlana Ivanovna Cherbatiouk en 1956. Elle lui donnera un fils (Suren, 1958).

Filmographie commentée et censure soviétique
Les Chevaux de feu
Les Chevaux de feu (Тіні забутих предків) est réalisé en 19645. C'est la version courte des Ombres des ancêtres oubliés. Tiré de l’œuvre de Mikhaïl Kotzioubinski, ce conte met en scène des bergers et bûcherons des Carpates ukrainiennes. Douze chapitres retracent la vie tragique d'Ivan, paysan accablé par le destin, mis au ban de sa communauté6,7. En 1991, on attribue à Paradjanov le prix national Taras Chevtchenko pour ce film à titre posthume.

Sayat-Nova
En 1968, il réalise Sayat Nova8. Le film sera également censuré. Sayat Nova (La Couleur de la grenade), est inspiré de la vie d’un poète arménien mort en Géorgie. Au lieu d’un récit linéaire, le cinéaste, à la fois structuraliste et traditionaliste, opte pour une série de tableaux vivants représentant des moments clés de la vie du poète. Paradjanov déclare : « Il m’a semblé qu’une image statique, au cinéma, peut avoir une profondeur, telle une miniature, une plastique, une dynamique internes… »

« Immense mulquinier (ou tisserand) d'images, comme Sarkis Paradjanian (dit Sergueï Paradjanov) a été bateleur d'images. Son film allégorique, demeurera comme une vraie clef pour la compréhension de l'œuvre du troubadour. Tous deux parlent autrement, par figures, et c'est là, toute la force de leur création temporelle sur l'agora de leur temps et de tous les temps », selon les traducteurs français9.

Monument à Sergueï Paradjanov à Tbilissi.
Ses films singuliers sont souvent influencés par la diversité ethnique de sa région natale, le Caucase, et mêlent réalité sociale, folklore, légendes et chamanisme. Ses premières œuvres, tournées en Ukraine (et inédites et France), sont assez proches du réalisme socialiste (comme Le Premier gars, amourettes champêtres dans un kolkhoze) jusqu'à la rupture des Chevaux de feu en 1965. Découvert dans les festivals internationaux avec ce film, Paradjanov sera pour l’Occident le premier symbole officiel de l’oppression des artistes soviétiques (Tarkovski en sera un autre)10.

Victime de la censure soviétique
Ce chef-d’œuvre est désavoué par les autorités de Moscou parce qu’il est tourné en dialecte houtsoul (des Carpates ukrainiennes) et non doublé en russe. C'est une des raisons pour lesquelles, certains historiens du cinéma le considéreront comme un exemple de cinéma ukrainien. Il est également désavoué par le cinéaste lui-même parce qu’on l’a raccourci contre son gré, mais aussi parce qu’il ne correspond pas au cinéma non narratif auquel il aspire.
Si cet artiste hors catégorie jouit alors d’une certaine notoriété, c'est moins pour son œuvre que pour son statut politique. En décembre 1973, les autorités soviétiques le condamnent à cinq ans de travaux forcés. Paradjanov fait la une des journaux lorsqu’il est incarcéré en Ukraine en 1974 pour « commerce illicite d’objets d’art, homosexualité et agression sur la personne d’un fils de dignitaire du régime », les médias, les comités se mobilisent (en France, Yves Saint Laurent, Françoise Sagan, et surtout Louis Aragon, montent au créneau). Le pouvoir reproche implicitement au cinéaste de promouvoir le nationalisme. À l’époque, il a déjà tourné l’essentiel de son œuvre : six longs métrages. Il est incarcéré pendant quatre ans.
Au sortir de sa détention, il réalise des collages et produit un grand nombre de dessins abstraits. Mais il sera à nouveau incarcéré. Ses divers séjours en prison s’achèvent en 1982. Il en revient malade (diabétique, cancéreux). Mais soutenu par plusieurs intellectuels géorgiens, il réussit à tourner deux films.

La Légende de la forteresse de Souram (1985)
Le film est tiré d’une nouvelle du Géorgien Daniel Chonkadzé selon laquelle une forteresse ne peut être sauvée de la ruine que si un homme y est emmuré. Le film est tourné en plans larges fixes et frontaux.

Achik Kérib (1988) ou le conte d'un poète amoureux
Article détaillé : Achik Kérib, conte d'un poète amoureux.
Le film s'inspire d’une nouvelle du poète russe Mikhaïl Lermontov, rappelle les contes des Mille et une nuits : un jeune troubadour pauvre tombe amoureux de la jolie fille d'un riche marchand. Pour pouvoir l’épouser il décide de faire fortune en parcourant le monde... Paradjanov dédiera ce film à son grand ami le cinéaste Andreï Tarkovski.

Pour Paradjanov, l’essentiel n’était pas la narration, mais la vision, l’image. En effet, il s'agit comme chez Pier Paolo Pasolini d'un cinéma de poésie selon la formule de Pasolini lui-même. En cela Paradjanov demeure influencé par le cinéma de Pasolini. Il disait s’inspirer souvent de ses rêves et ne faisait pas de distinction entre un tableau et un film. Il avait à peine commencé le tournage de La Confession, une allégorie ouvertement politique et polémique, quand il meurt d'un cancer à l'âge de 66 ans. Les quelques plans qu'il a réussi à tourner seront inclus dans le film Paradjanov : Le Dernier Printemps, réalisé par son proche ami Mikhaïl Vartanov en 1992.

Filmographie
Courts métrages
1951 : Conte moldave (Moldovskaya skazka) (film de fin d'études, considéré comme perdu)
1957 : Dumka (documentaire)
1959 : Natalya Ushvij (Natalia Uzhvij) (documentaire)
1960 : Les Mains d'or (Zolotye ruki) (documentaire)
1966 : Les Fresques de Kiev (inachevé, interdiction de tournage)
1967 : Hakob Hovnatanian (Hakob Havnatanyan) (documentaire)
1968 : Les Enfants à Komitas (Yerekhaner Komitasin) (documentaire pour l'UNICEF, considéré comme perdu)
1985 : Arabesques sur le thème de Pirosmani (Arabeskebi Pirosmanis temaze) (documentaire)
Longs métrages
1954 : Andriesh (coréalisé avec Yakov Bazelyan)
1959 : Le Premier Gars (Pervyj paren)
1961 : Rhapsodie ukrainienne (Ukrainskaya rapsodiya)
1962 : Une fleur sur la pierre (Tsvetok na kamne)
1964 : Les Chevaux de feu (Tini zabutykh predkiv)
1968 : Sayat Nova (La Couleur de la grenade/Tsvet granata)
1984 : La Légende de la forteresse de Souram (Ambavi Suramis tsikhitsa) (coréalisé avec Dodo Abachidze)
1988 : Achik Kérib, conte d'un poète amoureux (Ashugi Qaribi) (coréalisé avec Dodo Abachidze)
1992 : La Confession (Khostovanank) (inachevé)

Sayat-Nova

Sayat-Nova (en arménien Սայաթ-Նովա, en persan سایات ‌نووا, en géorgien საიათ-ნოვა) (14 juin 1712 à Tiflis – 22 septembre 1795 à Haghpat), ou le « roi des chansons », est le nom donné au poète arménien Harutyun Sayatyan, ou le nouveau Saâdi.
Biographie
Sayat-Nova naquit le 14 juin 1712 à Tiflis, aujourd'hui en Géorgie. Il fut barde1, un ashik célébré autant que honni à la cour d'Irakli II (ou Héraclius II de Géorgie). Irakli II aurait aidé à créer une alliance entre la Géorgie, l'Arménie et le Shirvan contre l'Empire perse.

Banni de la cour par le roi en 1759, Sayat-Nova devint par sentence royale moine au monastère de Haghpat, parce qu'il serait, semble-t-il, tombé amoureux de sa sœur, la princesse Anna Batonachvili. Il est assassiné par l'armée d'Agha Mohammed Khan qui dévasta la ville de Tiflis et ses alentours, en 1795.

Style
Chanteur et maître du kamânche, Sayat-Nova joue, compose avec son instrument préféré, il écrit de la poésie, soit 68 odes en arménien, 65 odes en géorgien et 128 odes en dialecte turc de la Transcaucasie. Ce qui le caractérise, c'est sa « singularité universelle ». Selon Élisabeth Mouradian et Serge Venturini, traducteurs du poète en France, « trois siècles après son œuvre, celui qui écrivit en plusieurs langues demeure toujours un pont entre les peuples du Caucase, où il est toujours chanté et aimé de tous. »

Postérité

Monument à Sayat-Nova, Erevan.
Son influence fut profonde sur tous les poètes arméniens les plus éminents, ainsi que sur d'autres poètes européens et russes à partir de 19162.

Le poète Archag Tchobanian écrivit ces lignes dans son Ode à la langue arménienne : « Un printemps nouveau resplendit, purifia tes eaux, leur donna une transparence de cristal et un éclat de perle ; une brise aux ailes légères rafraîchit ton sein ; une clarté mauvaise fit pleuvoir sur toi des roses et des lys ; sur tes rives des vignes s'épanouirent, et des rossignols vinrent, cachés dans leurs ombres amies, moduler leurs tendres chansons ; c'était l'essaim mélodieux des Trouvères3... ».

En 2012, la ville d'Erevan, capitale de l'Arménie, nommée « Capitale mondiale du livre 2012 » par l'UNESCO4 fête le tricentenaire de la naissance du troubadour.

Cinéma
Sergueï Paradjanov réalisa (1968), d'après la vie du poète, un des chefs-d'œuvre cinématographiques du xxe siècle5 : Sayat-Nova (La Couleur de la Grenade). Musique : Tigran Mansourian.

Œuvres
(fr) (hy) Sayat-Nova (trad. Élisabeth Mouradian et Serge Venturini), Odes arméniennes, édition bilingue, L'Harmattan, 2006, (ISBN 2-296-01398-8).
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duminică, 30 august 2020

Jean cocteau





(1889-1963)
6 films
Jean Cocteau nait le 5 juillet 1889 à Maisons-Laffite. Son oeuvre de cinéaste est relativement mince par rapport à sa production littéraire (poèmes, pièces, romans) ou graphique (dessins, fresques, céramiques). Cocteau était un touche-à-tout de génie, un "amateur" au sens le plus pur du terme, qui vit dans le cinéma un moyen parmi d'autres pour véhiculer ses fantasmes intimes, ses obsessions, sa "difficulté d'être". Il se voulait poète avant toute chose et baptisa son oeuvre poésie de roman, poésie de théâtre, poésie de cinéma, etc.
Dès 1925, il tourne un petit film (en 16 mm), à la manière de Chaplin, qu'il intitule tout simplement Jean Cocteau fait du cinéma : cette bande ne connut pas d'exploitation publique et l'unique copie fut perdue. En 1930, une subvention du vicomte de Noailles lui permet de réaliser (avec l'aide de Michel Arnaud et de l'opérateur Georges Périnal) un essai d'avant-garde, qui contient en germe le reste de son oeuvre : Le sang d'un poète. Tous les thèmes sont là : les souvenirs d'enfance, l'homosexualité, la drogue, le narcissisme, l'hommage à Eleusis et à ses mystères.
Cocteau abandonne ensuite l'écran pour la scène, n'y revenant qu'à l'occasion de scénarios ou de dialogues écrits pour d'autres : L'Herbier, de Poligny, Bresson et surtout Delannoy (L'éternel retour). Le succès de ce dernier film l'incite à mettre à nouveau (comme il dit) "les deux mains" à la caméra : c'est La belle et la bête (1946), conte de fées pour grandes personnes, s'adressant "à ce qui reste d'enfance en chacun de nous". Suivent des "mises en images" de ses propres pièces, qui sont agrementés de quelques effets de cinéma trop voyants : L'aigle à deux têtes (1947) et Les parents terribles (1948).
En 1950, c'est Orphée, sans doute son chef d'oeuvre, où la pièce d'origine est cette fois complètement remaniée en fonction des exigences de l'écran. L'échec qu'il rencontre l'éloigne à nouveau des studios; il n'y reviendra qu'avec Le Testament d'Orphée, grâce à l'appui d'un autre mécène, bien plus jeune que lui : François Truffaut. Cette oeuvre ultime renoue avec la veine autobiographique de ses débuts : Cocteau y filme même sa propre mort ! Celle-ci survint effectivement trois ans plus tard, le 11 octobre 1963.
"Mes films, avait coutume de dire Cocteau, n'ont ni queue ni tête, mais ils ont une âme !". Ils s'inscrivent dans une tradition du merveilleux et de la féerie inaugurée par Georges Méliès. Le texte littéraire y est, certes, prédominant : mais il s'en dégage une fascination certaine.
Jean Cocteau a collaboré à de nombreux autres films dont il signe généralement le scénario ou le dialogue :
Il a été parfois acteur : dans Le baron fantômeLa Malibran (Sacha Guitry, 1943), 8x8 (Hans Richter, 1952) ou son dernier film : Le testament d'Orphée.
Filmographie :
courts-métrages :
1925 : Jean Cocteau fait du cinéma
1950 : Coriolan
1952 : La villa Santo Sospir (0h36)
1957 : 8 X 8: A Chess Sonata in 8 Movements (1h20 en anglais)
1962 : Jean Cocteau s'adresse... à l'an 2000 (0h25)
Longs-métrages :
1930Le sang d'un poète 
Avec : Enrique Rivero (le poète), Elizabeth Lee Miller (la statue), Pauline Carton (la professeur de vol), Féral Benga (L'ange). 0h50.
Une cheminée d'usine s'apprête à tomber... Pendant ce temps, dans la chambre d'un poète, une statue sans bras s'anime brusquement. À son invite, le poète plonge dans un grand miroir ornant l'un des murs de la pièce. De l'autre côté, il découvre des lieux et des personnages étranges : un couloir d'hôtel borgne, une fumerie d'opium, une chambre où l'on donne une leçon de vol à une fillette, un hermaphrodite...
1946La belle et la bête 
Avec : Josette Day (La Belle), Jean Marais (Avenant / La Bête / Le Prince ), Marcel Andre ( Le père), Michel Auclair (Ludovic). 1h40.
Il était une fois un marchand ruiné qui vivait avec ses trois filles, les orgueilleuses, Félicie et Adélaïde et la bonne et douce Belle. Son fils Ludovic, un chenapan, avait pour ami Avenant, amoureux de Belle. Un soir, le marchand s'est perdu dans la forêt et a volé, pour l'offrir à Belle, une des roses du domaine de la Bête...
1947L'aigle à deux têtes 
Avec : Edwige Feuillère (la reine), Jean Marais (Stanislas), Jean Debucourt (De Willenstein), Silvia Monfort (Edith de Berg). 1h35.
Aux premières années du XXe siècle, une reine encore jeune assume le poids de son veuvage et les inconvénients de sa charge. Détestée par l'archiduchesse, sa belle-mère, elle traîne son ennui de châteaux en châteaux, étroitement surveillée par le comte de Foëhn, ministre de la police. Il rencontre un jeune exalté, Stanislas, qui a formé le projet de tuer sa souveraine....
1948Les parents terribles
Avec : Jean Marais (Michel), Josette Day (Madeleine), Yvonne de Bray (Yvonne), Marcel André (Georges). 1h40.
Michel, superbe jeune homme choyé par sa mère, Yvonne, avoue à cette dernière qu'il est tombé amoureux de Madeleine. Yvonne est furieuse tout comme Georges, le père de Michel - et également l'amant de Madeleine...
1959Orphée 
Avec : Jean Marais (Orphée), François Périer (Heurtebise), María Casares (La Princesse/ La mort), Marie Déa (Eurydice). 1h52.
Dans une ville idéale, où ce qui compte en littérature se réunit le soir au Café des Poètes, le célèbre poète Orphée voit arriver à bord d'une somptueuse voiture noire une femme étrange, belle et froide, intouchable princesse, qui paraît protéger un jeune homme appelé Cégeste...
1960Le testament d'Orphée 
Avec : Jean Cocteau (Le poète), Jean Marais (OEdipe), Henri Crémieux (Le savant), Yul Brynner (L'huissier), 1h20.
Le poète se promène dans le film et à travers le temps. Ce temps qui devait être anéanti par un revolver, invention d'un savant dont le poète vient troubler la vieillesse. Frappé par une balle, Cocteau rebondit dans un autre temps où il retrouve ses propres créations : le jeune poète Cégeste, la Princesse toujours belle et inaccessible, le fidèle Heurtebise...

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27 février 2010

9 janvier 2010

Les parents terribles (1948) de Jean Cocteau

Les parents terriblesLui :
Dans un appartement, une mère possessive vit recluse avec son mari, son jeune fils de 22 ans et sa sœur qui était autrefois éprise du mari. Le fils annonce à ses parents qu’il est amoureux d’une jeune fille qui était jusque là entretenue par un vieux protecteur qu’elle a décidé de quitter. Jean Cocteau a écrit Les Parents Terribles pour le théâtre où il rencontra un certain succès dès 1938. Pour le porter à l’écran dix ans plus tard, il choisit un format très proche du théâtre, ne modifiant qu’assez peu le texte et confinant l’ensemble à deux appartements. Le sentiment de huis clos étouffant est ainsi très fort, une atmosphère lourde qui n’est pas sans évoquer certaines adaptations de Tennessee Williams. Le décor, volontairement chargé et vieillot, donne l’impression de se resserrer sur les personnages, de former une sorte de carcan. Le drame qui s’est noué est extrêmement puissant, digne d’une tragédie grecque, avec une interprétation très forte d’Yvonne de Bray, grande actrice de théâtre et inspiratrice de la pièce originale. Vu aujourd’hui, le film pourra toutefois paraître à certains assez daté, sentiment accentué par le fait que tous les acteurs ont 15 à 20 ans de plus que leurs personnages.
Note : 3 étoiles
Acteurs: Jean MaraisJosette DayYvonne de BrayMarcel AndréGabrielle Dorziat
Voir la fiche du film et la filmographie de Jean Cocteau sur le site IMDB.
Voir les autres films de Jean Cocteau chroniqués sur ce blog…
Remake :
Les Parents Terribles (Intimate relations) de l’anglais Charles Franck (1953)

Orphée (1950) de Jean Cocteau


OrphéeLui :
Jean Cocteau transpose le mythe d’Orphée à l’époque actuelle, transposition qu’il faut plutôt voir comme une interprétation très personnelle de cette légende grecque. Dans un quartier genre Saint-Germain des Prés, Orphée est ainsi un poète à succès méprisé par la jeunesse. Il va faire connaissance avec La Mort, sous les traits d’une jeune femme qui va le fasciner et dont il va tomber amoureux. Il est indéniable que Jean Cocteau s’identifie à Orphée (ce sera encore plus net dans le film Le Testament d’Orphée, dix ans plus tard).
OrphéeCinématographiquement, Orphée se distingue par son inventivité et certaines libertés que Cocteau prend dix ans avant la Nouvelle Vague. Il utilise avec parcimonie certains trucages pour créer des effets surréalistes assez réussis. Le texte est beau et les acteurs l’interprètent avec la bonne mesure, sans mettre trop d’emphase. Maria Casarès incarne une Mort troublante et fascinante que les effets d’éclairages rendent plus envoûtante encore. Le film reste très facile d’accès, il suffit de se laisser gagner par lui. Malgré son positionnement marqué dans le temps, il apparaît aujourd’hui assez intemporel.
Note : 5 étoiles
Acteurs: Jean MaraisFrançois PérierMaría CasaresMarie DéaJuliette GrécoEdouard Dermithe
Voir la fiche du film et la filmographie de Jean Cocteau sur le site IMDB.
Voir les autres films de Jean Cocteau chroniqués sur ce blog…
Remarques :
Orphée1) Jean Cocteau avait déjà adapté Orphée en pièce de théâtre en 1925, adaptation un peu plus proche de la légende grecque mais déjà très personnelle.
2) Les scènes situées dans le Royaume des Morts ont été tournées dans les ruines de Saint-Cyr (bombardé pendant la guerre).
3) Les dessins du générique sont de Cocteau lui-même, tout comme la voix off.
4) En plus de Juliette Gréco (qui joue Aglaonice, l’amie d’Eurydice), on peut remarquer la présence dans des petits rôles non crédités au générique de Jean-Pierre Melville (le directeur de l’hôtel), de Jean-Pierre Mocky (l’un des jeunes fauteurs de trouble), de Jacques Doniol-Valcroze, futur réalisateur et fondateur des Cahiers du Cinéma (l’un des jeunes au café).
5) Voici comment Cocteau parle de son film : « Orphée est un film qui ne peut exister que sur l’écran. J’ai essayé d’y employer le cinématographe non comme un stylographe mais comme de l’encre. J’y mène plusieurs mythes de front et je les entrecroise. Drame du visible et d’invisible. La Mort d’Orphée se trouve dans la situation d’une espionne. Elle se condamne elle-même au bénéfice de l’homme qu’elle doit perdre. L’homme est sauvé, La Mort meurt, c’est le mythe de l’immortalité. »
Autres adaptations du mythe d’Orphée au cinéma :
Orfeu negro (Orphée noir) film franco-brésilien de Marcel Camus (1959)
Parking de Jacques Demy (1985) avec Francis Huster
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4 août 2010

La belle et la bête (1946) de Jean Cocteau


La belle et la bêteElle :
Note : 5 étoiles
Lui :
Pour son premier long métrage, Jean Cocteau choisit d’adapter un conte de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont (1711-1780), un conte de fées dont il donne une interprétation poétique et fantastique. La Belle et la Bête fait partie de ces films qui semblent former une classe à eux seuls tant ils se situent à part du restant de la production. La réussite du film est du en grande partie à l’atmosphère du film : Cocteau a su préserver toute l’innocence des contes de fées et générer l’émerveillement. Tout en semblant se placer hors du temps, il met en images deux mondes très différents : le village de La Belle qui évoque les peintures de Vermeer et le château de La Bête inspiré des gravures de Gustave Doré. Entouré d’une équipe soudée et de grand talent (1), Cocteau peut donner libre cours à sa vision, il n’a aucune crainte de briser les conventions (2). L’inventivité dont il fait preuve pour le monde de La Bête est remarquable : trucages et effets ingénieux contribuent à envelopper le spectateur d’un subtil mélange de féerie et d’étrangeté. La barrière entre l’animé et l’inanimé n’existe plus. Le maquillage de La Bête est d’une perfection absolue (3). Jamais égalé, La Belle et la Bête mêle l’étrange et la beauté avec une puissance peu commune, il fait partie de ces films qui restent gravés dans les mémoires. Tourné juste après la Libération, le film ne fut pas tout de suite un grand succès mais avec le temps, il a rapidement acquis son statut et sa notoriété : c’est un film unique en son genre.
Note : 5 étoiles
Acteurs: Jean MaraisJosette DayMarcel AndréMila ParélyNane GermonMichel Auclair
Voir la fiche du film et la filmographie de Jean Cocteau sur le site IMDB.
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Remarques :
Jean Cocteau a écrit un livre basé sur le journal qu’il tenait pendant le tournage : « La Belle et la Bête, journal d’un film » (Ed. du Palimugre, 1946)
Notes:
(1) L’assistant-réalisateur est René Clément, le directeur de la photographie Henri Alekan, les décors sont de Christian Bérard. Cocteau raconte comment il a pris plaisir à travailler en équipe.
(2) Il était d’usage à l’époque de traiter poésie et féérie avec un léger flou sur l’image. Cocteau, au contraire, tenait à avoir une image très nette. Ce fut un objet de discorde avec les studios.
(3) Les poils étaient collés un à un sur le visage et sur les mains de Jean Marais, soit quatre heures de maquillage chaque jour et plus d’une heure pour tout enlever (ce qui était loin d’être indolore).
Autres versions :
La Belle et la Bête d’Albert Capellani (1905) film de 11″ dans l’esprit de Méliès
Beauty and the beast de Edward L. Cahn (1962)
Panna a netvor du tchécoslovaque Juraj Herz (1978)
La Belle et la Bête d’Eugene Marner (1987) avec John Savage et Rebecca de Mornay
La Belle et la Bête (1991) des Studios Walt Disney
+ plusieurs adaptations TV
En 1994, Philip Glass a composé un opéra sur les images du film de Cocteau.




20 mars 2010

Le testament d’Orphée (1960) de Jean Cocteau


TITRE COMPLET: « LE TESTAMENT D’ORPHÉE, OU NE ME DEMANDEZ PAS POURQUOI! »

Le testament d'Orphée, ou ne me demandez pas pourquoi!Lui :
Dernier long métrage de Jean Cocteau, Le Testament d’Orphée est aussi son ultime message comme il le définit lui-même en exergue de son film : « Voici le legs d’un poète aux jeunesses successives qui l’ont toujours soutenu » (1). Tourné dans les carrières des Baux-de-Provence, il s’agit d’une introspection où Cocteau se met lui-même en scène pour une série de variations poétiques et philosophiques sur les thèmes qu’il a explorés toute sa vie durant. « Ma grande affaire est de vivre une actualité qui m’est propre et qui abolit le temps. Ayant découvert que cet état était mon privilège, je m’y suis perfectionné et enfoncé davantage. » Il meurt et renaît plusieurs fois tel un phénix poétique. Il joue avec le temps, mêlant les époques et les mythologies, créant aussi de jolis effets visuels de plans retournés et de trucages audacieux. Il faut certainement être très familier de l’œuvre de Cocteau pour apprécier ce film à sa juste valeur. Beaucoup d’acteurs différents (dont Jean-Pierre Léaud à l’âge de quatorze ans!) et quelques apparitions de ses amis (2).
Note : 3 étoiles
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(1) Cocteau a été soutenu par la Nouvelle Vague, y compris matériellement : apprenant que Cocteau avait des problèmes pour boucler son budget, François Truffaut lui apporta les toutes premières recettes de son premier film Les 400 coups ce qui permit à Cocteau de tourner.
(2) Les amis : Picasso, le danseur Serge Lifar, le torero Luis Miguel Dominguín, Charles Aznavour, Françoise Sagan, Jacqueline Roque (Jacqueline Picasso), Alice Sapritch
Francine Weisweiller a produit le film dont certaines scènes ont été tournées dans sa villa de Saint-Jean-Cap-Ferrat, villa décorée de fresques par Cocteau aujourd’hui classée monument historique. Elle joue également la femme élégante qui s’est trompée d’époque.
Remarque :
Un livre de photographies (jusque là inédites) prises pendant le tournage du Testament d’Orphée par Lucien Clergue est sorti chez Actes Sud en 2003 : Phénixologie.
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