Ni coupable ni responsable: "Où est ma faute ?"
Une femme bien entourée
Riefenstahl impreuna cu echipa ei de filmare in fata masinii lui Hitler. Parada la Nuremberg, 1934.
"Où est ma faute ?"
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The Wonderful Horrible Life of Leni Riefenstahl 1993, ENG., 1080p DOCUMENTARY; 3h
https://www.youtube.com/watch?v=SBfyBHu7qao&list=PL8LOwOWt_m62HUSDCTcoTt_SmnSXJMEkf&index=13
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Leni RIEFENSTAHL: Le pouvoir des Images: 1993; 4h
Documentaire réalisée en 1993 par RAY MÜLLER; version fr.
Durée : 4h,5 min. - DocumentaireDiffusée sur Arte en 1993
https://www.youtube.com/watch?v=fOYUe6QlwZw
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Leni Riefenstahl, mintind cu gratie: 2 min.
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1933: Der Sieg des Glaubens ("The Victory of Faith")
1935: Triumph des Willens ("Triumph of the Will")
1935: Tag der Freiheit: Unsere Wehrmacht ("Day of Freedom: Our Armed Forces"
1938: Olympia
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Le pouvoir des images
par
Le Pouvoir des images, le documentaire de Ray Müller, se propose de donner la parole à Leni Riefenstahl, cinéaste officielle du régime hitlérien. S’il n’évite pas le risque d’être retourné à son avantage par Riefenstahl, il a le mérite de poser, au même titre que l’Underground de Kusturica, l’épineuse question des rapports entre cinéma, pouvoir […]
Le Pouvoir des images, le documentaire de Ray Müller, se propose de donner la parole à Leni Riefenstahl, cinéaste officielle du régime hitlérien. S'il n'évite pas le risque d'être retourné à son avantage par Riefenstahl, il a le mérite de poser, au même titre que l'Underground de Kusturica, l'épineuse question des rapports entre cinéma, pouvoir et idéologie.
"Toujours précédée de "blonde", "rêveuse", mais quelle organisation militaire !" A qui serait tenté d'appliquer à l'œuvre de Leni Riefenstahl, l'un des personnages les plus contestés de l'histoire du cinéma, la définition que Le Dictionnaire des idées reçues de Flaubert donnait de l'Allemagne, il faut conseiller d'aller voir Le Pouvoir des images de Ray Müller, documentaire lourd de polémiques potentielles.
Donner la parole à Leni Riefenstahl, enregistrer pour l'histoire sa défense dans le procès qui lui est fait depuis 1945, tel est le projet de ce documentaire, qui n'entend toutefois en rien être une réhabilitation. Plusieurs réalisateurs allemands, dont Wenders, auraient refusé selon Müller de traiter ce sujet toujours brûlant. On imagine le protocole ardu établi avec la cinéaste (nonagénaire en grande forme et forte tête) : quelles questions poser ? Jusqu'où ne pas aller trop loin pour éviter la colère, voire le refus de continuer de l'interviewée ? Comme pour se dédouaner et rendre compte de la difficulté de son travail, Müller inclut à plusieurs reprises dans le film les coups de gueule de Leni Riefenstahl, contre l'équipe de tournage ou contre lui-même, qui lui reproche d'insister sur certains points délicats ou veut carrément lui indiquer où placer la caméra.
Ancienne danseuse entrée en cinéma comme actrice grâce au réalisateur de films de montagne Arnold Frank (de La Montagne sacrée, 1926, à SOS Iceberg, 1933), Riefenstahl réalise La Lumière bleue, autre fable alpestre, en 1932. C'est en filmant les grandes messes hitlériennes de Nuremberg (La Victoire de la foi, 1933, pâle ébauche du Triomphe de la volonté, 1934), puis les JO de Berlin de 1936 (Olympia les dieux du stade : fête des peuples et fête de la beauté, 1938), qu'elle gagne sa réputation de cinéaste officielle du régime. Elle se détournera pourtant du film politique, se consacrant à d'autres projets, dont un seul, Tiefland, aboutira en 1954. Entre-temps, bien sûr, sont intervenues la chute du nazisme et l'épuration (Riefenstahl est jugée "sympathisante" du régime). Ne tournant plus de films commerciaux, elle se consacre à des expéditions ethnographiques sous-marines : elle filme et photographie la tribu des Nouba et les fonds des Maldives.
La dernière partie du documentaire est consacrée à ses expéditions subaquatiques : on y voit Riefenstahl en plongée, photographiant coraux et poissons. A un certain moment, son accompagnateur, sous les directives de la plongeuse, place dans sa bouche un poisson mort... dont un requin vient se saisir, et semble ainsi embrasser l'homme. Ce "baiser du requin" pourrait être une métaphore du rapport cinéaste-dictateur (il y a chez Riefenstahl, jusqu'à la fin du régime, une véritable fascination pour Hitler), mais aussi du rapport d'attraction-répulsion de Müller lui-même face à son sujet, et du trouble du spectateur confronté aux images de la cinéaste... L'ensemble laisse une impression durable de profond malaise.
La ligne de défense de la cinéaste est claire, telle qu'on la lisait dans l'entretien qu'elle accordait en 1965 aux Cahiers : elle considère n'avoir jamais tourné de films de propagande, mais toujours des documentaires, allant jusqu'à se poser en précurseur du néoréalisme. Elle filme et photographie "la beauté" où qu'elle se trouve : svastika ou tatouage africain, poisson exotique ou défilé de la jeunesse hitlérienne. Bien sûr, rien chez Riefenstahl n'est "documentaire", tout est propagande et fiction politique. Des discours de Nuremberg retournés ultérieurement en studio par les hiérarques nazis aux épreuves superbement filmées des Dieux du stade... mais filmées en partie lors des entraînements alors qu'elles prétendent montrer le cours des épreuves réelles , son cinéma, comme tout bon cinéma de propagande, est surtout un cinéma du montage (au double sens, technique et roublard, du terme). Cadreuse de génie (voir les effets de géométrie des foules mises en scène dans Le Triomphe ou la manière de saisir le mouvement des corps dans Les Dieux), Riefenstahl passe des mois et des mois au montage de ses films (un semestre pour Le Triomphe, deux ans pour Olympia).
Les mises en scène nazies inaugurent l'ère des cérémonies conçues pour elles-mêmes, mais aussi pour le film qui en sera fait ce dont Riefenstahl se vantait dans un livre de 1935 et dont elle se défend depuis, jouant la fable du film "pris sur le vif", sans préparation préalable, alors qu'une foule de documents disent le contraire. La cinéaste, disposant de moyens colossaux, prenait part à l'invention du rituel politique contemporain, filmé ou télévisé, avant de créer avec Olympia le reportage sportif moderne, pour le meilleur et pour le pire. Car, de la fascination à la fascisation, il n'y a jamais bien loin. Et, à ce titre, lorsque Müller montre Leni Riefenstahl expliquant son cinéma (par exemple le passage où elle décrit le rail de travelling circulaire inventé durant le tournage d'un discours, pour faire d'Hitler le centre et le foyer de tout un peuple), il livre une belle leçon de décodage des images, qui sauve le documentaire de ses défauts et de ses lourdeurs.
Certes, l'histoire du cinéma a souvent été écrite a posteriori par des auteurs pleins d'a priori. Si Riefenstahl avait quitté l'Allemagne avec Fritz Lang et les autres, on aurait peut-être reconnu dans La Lumière bleue (qui narre les aventures d'une belle sauvageonne accusée de sorcellerie et exclue par un village des Dolomites) un vibrant plaidoyer contre l'exclusion, alors qu'on lit en général le film comme une exaltation des mythes fondateurs germaniques. Mais Leni n'est pas Marlene et Müller se livre à un parallèle entre leurs deux destins, filmé à Babelsberg. Au total, Le Pouvoir des images a le mérite de mettre au jour les mensonges et les contradictions de la cinéaste (qui dit avoir lu et annoté Mein kampf, mais se déclare surprise par les mesures antisémites) et joue son rôle de pièce à conviction. Partant, le film fait l'économie les supposant connus du spectateur ou nuisibles à l'enregistrement presque testamentaire du plaidoyer de Riefenstahl des arguments et des témoins à charge, et c'est sans doute, pour un public non allemand, un tort. Mais du film restera le regard-caméra terrible d'une vieille femme se déclarant ni coupable ni responsable, et qui répète inlassablement "Où est ma faute ?"
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