film-Eisenstein, 1944-1946
Miniatura, 1672
film- Pavel Lunghin (2009)
film, S. Eisenstein, 1945
Ivan the Terrible by Klavdiy Lebedev, 1916
Nikolai Cerkasov
Nikolai Cerkasov
Portrait of Ivan IV (Ivan the Terrible) by Viktor Vasnetsov, 1897
Le Tsar Ivan le Terrible et sa nourrice, tableau de Karl Gottlieb Wenig (1886)
Ivan the Terrible, 1871 sculpture, Mark Antokolski
Ivan the Terrible and his son Ivan on November 16, 1581 by Russian realist artist Ilya Repin
Tsar Ivan IV admires his sixth wife Vasilisa Melentyeva. 1875 painting by Grigory Sedov.
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Ivan le Terrible
Portrait d'Ivan le
Terrible par Viktor Vasnetsov, 1897 (galerie Tretiakov, Moscou).
Ivan IV Vassiliévitch
(en russe : Иван IV Васильевич), dit Ivan le Terrible1 (en russe : Иван
Грозный, Ivan Grozny), né le 25 août 1530 à Kolomenskoïe et mort le 18 mars
1584 (28 mars 1584 dans le calendrier grégorien) à Moscou, est le grand-prince
de Vladimir et Moscou de 1533 à 1584, et le premier tsar de Russie de 1547 à
1584.
Une autre étape du
développement de la Moscovie unifiée commence au xvie siècle et s'achève au
xviie siècle par le Temps des troubles (1598 – 1613) qui marque la fin de la
dynastie riourikide et l'avènement de la deuxième dynastie russe, celle des
Romanov, en 1613.
Biographie
Enfance
Portrait d'Ivan IV de
Russie, vers 1600.
Fils tardif et
héritier longtemps attendu2 de Vassili III (1479 – 1533) et de sa seconde
épouse3, Héléna Glinska, fille de la princesse serbe Anna Jakšić (ru)4
(1506/1507 – 1538), Ivan naît le 25 août 1530 et est baptisé le dimanche 4
septembre 1530 au monastère de la Trinité-Saint-Serge5. À cette occasion, il
reçoit le second prénom de Zmaragd6 (« émeraude »).
Vassili III meurt le 4
décembre 1533. Ivan lui succède. Le garçonnet a trois ans et est donc trop
jeune pour régner. Le pouvoir est exercé par un conseil de régence conduit par
sa mère et par vingt boyards. Héléna gouverne avec son favori, Ivan Fedorovitch
Ovtchina Obolenski. Ils continuent la politique de Vassili III, réagissant aux
intrigues des boyards. Pour assurer les droits d’Ivan, Héléna et l'entourage du
grand-prince font emprisonner ses deux oncles, Iouri, le rival potentiel le
plus dangereux7,8, et André9, qui est arrêté le 2 juin 1537 (ainsi que sa
famille) et meurt en prison le 10 ou 11 décembre 1537. Elle meurt le 3 avril
1538, peut-être empoisonnée5, et le pouvoir se partage alors entre différentes
factions de familles de boyards (Chouïski, Glinski, Bielski).
Ivan passe son enfance
dans une ambiance de haine et de mort. Il conçoit la crainte permanente d’être
assassiné. Dans une lettre, il raconte au prince Kourbski comment lui et son
frère Iouri ont été « élevés dans la honte et la misère, comme les enfants
étrangers, comme les enfants des pauvres ou la plus petite valetaille ! » Il
ajoute : « On n’avait parfois pas de vêtements propres, tout était troué, vieux
et sale. […] Parfois on avait faim, très faim. […] Ah oui, depuis je connais
les pauvres, je connais ça ! j’ai vu la haine10. » Ses loisirs se partagent
entre la torture d’animaux, la chasse et la maltraitance des villages alentour.
Il donne en outre des signes d'une personnalité très contrastée. Immense est la
légende noire qui entoure le futur souverain11 : d'un côté, c'est un homme
intelligent, très affairé, dynamique prenant à cœur sa responsabilité de
souverain, de l'autre, c'est un homme déséquilibré, au psychisme fragile, sujet
à de violentes sautes d'humeur et à de longues dépressions. Il considérait
l'aristocratie comme son principal adversaire.
Autodidacte, il
s’intéresse aux Saintes Écritures et à force de se prosterner devant les
icônes, son front porte la trace d’une callosité (hyperkératose).
À 16 ans, il rejoint
l’armée à Kolomna, où celle-ci vient de mener une action contre les Tatars : il
y fait exécuter cinquante arquebusiers de Novgorod porteurs d’une pétition au sujet
des vexations qu’ils subissent.
Premières années de
règne
Il est sacré tsar à
Moscou le 16 janvier 1547 à la cathédrale de l'Assomption et est proclamé «
Tsar de toutes les Russies ». On prend en outre la décision de marier le
souverain. Ivan décida de chercher une épouse, non à l'étranger, mais au sein
de ses États. Le 3 février, il épouse Anastasia Romanovna Zakharine (en russe
Анастасия Романовна Захарьина), fille d'une famille de boyards qui faisaient
partie des cercles les plus proches du tsar. Il est le premier tsar régnant.
Plus qu’un titre à ses yeux, il se croit investi d’une mission divine, même si
son investiture n'est consacrée qu'en 1561 par le patriarche grec Ioasaphe II
de Constantinople12.
À la suite des
incendies de Moscou de 1547, qui provoquent des milliers de morts, Ivan, se
croyant abandonné de Dieu, décide de convoquer des représentants de toutes les
régions de la Russie. Cette assemblée a lieu en 1550 et Ivan y promet de
défendre le peuple contre l’oppression et l’injustice. Mais cette assemblée lui
permet aussi d’imposer son code (tsarski soudiebnik) pour remplacer celui de
son grand-père Ivan III qui datait de 1497.
Les premières années
de son règne sont consacrées à une modernisation de la Russie. Il place aussi
aux postes clefs du pays de petites gens qui lui sont acquis, plutôt que les
boyards. Il établit un code de lois en 1550, réorganise le clergé en 1551, en le
soumettant à l'État, et crée le corps des streltsy, un corps d'infanterie
constituant la garde personnelle du tsar. Il tient également, en 1549, la
première réunion du Zemski sobor (земский собор), « assemblée de la terre » (le
premier parlement russe d'État de type féodal), un conseil de nobles consulté
lors des grandes décisions. Un nouveau code de lois (soudiebnik) et les
diplômes royaux (oustavnie, otkoupnie gramot) élargissent la participation des
représentants électifs paysans à la procédure judiciaire et la gestion
locale13.
La première presse à
imprimer est introduite sous son règne.
Durcissement du régime
À partir de 1560,
année de la mort de sa femme Anastasia Romanovna dont il croit qu'elle a été
empoisonnée par les boyards, le régime se durcit. Les premières lois
restreignant la liberté des paysans sont prises, qui conduisent ensuite au
servage. Ivan IV se lance dans un régime de terreur contre les boyards qu'il
hait depuis sa jeunesse. Au début de 1565, il constitue l'opritchnina, le
domaine royal, possédé personnellement par le tsar. Il est administré par sa
police spéciale, les opritchniki, qui rapidement deviennent des despotes
locaux, terrorisant la population et les nobles, imposant la conscription
forcée pour le front livonien. Ce durcissement du régime ainsi que des
pamphlets allemands et la correspondance littéraire échangée avec son homme de
confiance, le prince André Kourbski, commandant ses troupes lors de la guerre
de Livonie mais qui l'a finalement trahi, développent à cette époque la légende
noire du tsar, archétype du despote tyrannique et cruel. De plus, le surnom
d'Ivan le Terrible qui s'est propagé au xviiie siècle est une mauvaise
traduction du russe « Grozny » qui signifie simplement « redoutable »14. Dans
la lettre au prince Kourbski, mentionnée ci-dessus, il résume sa vision de
l’exercice du pouvoir : « Les tsars doivent toujours être prudents, et comment
! […] Pour leurs serviteurs, pour les bons — la compassion, la douceur et la
paix, mais pour les mauvais — la cruauté et la souffrance ! Mais s’il n’en est
pas capable, le roi, alors, il n’est pas roi, il est rien ! Il est la honte et
honte à lui10. »
À l'extérieur, Ivan IV
assure l'extension de ses territoires. Les Suédois, les Polonais et les Tatars
l’irritent au plus haut point et c’est contre eux qu’il va mener ses premières
campagnes militaires. Il annexe les khanats de Kazan et d'Astrakhan en 1552 et
1556, ce qui met fin aux incursions dévastatrices des combattants de Kazan dans
les régions du Nord-Est de la Russie, embarrasse la migration des hordes
agressives nomades d'Asie en Europe et donne à la principauté un accès à la
Volga15.
Après deux échecs en
1547 et 1549, Ivan quitte Moscou le 16 juin 1552 à la tête, dit-on, d’une armée
de 100 000 hommes. Celle-ci est composée d’éléments hétéroclites, comme les
streltsy, fantassins munis d’armes à feu ou de troupes (possokha) ni aguerries
ni disciplinées fournies par les villes et les campagnes et est commandée pour
la première fois par des officiers nommés au mérite et non par la naissance. Le
2 octobre 1552, Kazan, capitale des Tatars, devient russe après d’âpres
combats. Pour célébrer cette victoire, Ivan fait bâtir à Moscou la cathédrale
Saint-Basile. La construction dure six ans et, selon la légende, les yeux de
son architecte, Postnik Barma Yakovlev, auraient été crevés afin que celui-ci
ne puisse en rebâtir une autre aussi belle ; Yakovlev a toutefois participé aux
travaux du kremlin de Kazan quelques années plus tard, ce qui laisse penser
qu'il n'a pas été aveuglé.
Après la prise de
Kazan, son général Ermak atteint l'Oural, puis la Sibérie.
Ivan repousse les
Tatars et ouvre aux Anglais la mer Blanche et le port d'Arkhangelsk. En 1558,
il s'engage dans la longue guerre de Livonie, qui, après lui avoir assuré un
débouché sur la mer Baltique, se termine en 1583 par une défaite contre une
coalition réunissant la Pologne, la Suède, la Lituanie et les chevaliers
teutoniques de Livonie.
1567, 1568 et 1569
sont des années de mauvaise récolte et une épidémie de peste provoque une
mortalité importante16. A cette époque, en 1567, Ivan est mis au courant d'un
supposé complot organisé par des Boyards contre sa personne. Ivan punit
sévèrement les présumés conspirateurs, et dans sa fureur, il ordonne aux
Oprichniki de déclencher une vaste campagne de répression17. Le métropolite
Philippe II de Moscou, qui dénonce ouvertement les actions du Tsar et des
Oprichniki, est destitué et condamné à la prison à vie dans un Monastère17,18.
Il sera ultérieurement assassiné, sur ordre d'Ivan le Terrible, en décembre
156917.
Le khanat de Crimée
ruine constamment les terres frontalières de la Russie durant le règne d'Ivan
IV (voir aussi Invasions des Tatars de Crimée en Russie). En 1571, le khan de
Crimée brûle Moscou, mais l'année suivante les Tatars de Crimée sont vaincus
non loin de la capitale russe, à la bataille de Molodi.
En 1570 les
détachements polonais et suédois ruinent les territoires septentrionaux et
occidentaux de la Russie, l'armée du roi polonais Stefan Batory supprime les
garnisons et la population de quelques villes russes. La même année, les
opritchniki du tsar massacrent la population de la ville de Novgorod, accusée
de comploter contre son autorité.
Fin de règne
Ivan le Terrible tue
son fils (1885), par Ilia Répine (tableau conservé à la galerie Tretiakov).
À la fin du règne
d'Ivan IV, la Russie se retrouve dévastée par une guerre de 25 ans. En 1581,
Ivan le Terrible cause la mort de son fils aîné Ivan Ivanovitch (1554-1581) en
le frappant mortellement de son sceptre, alors que celui-ci est intervenu pour
protéger l'enfant que portait sa troisième femme Yelena Cheremetieva, agressée
par le tsar. L'épisode est illustré par plusieurs tableaux.
Les circonstances de
sa mort, le 18 mars 1584 (28 mars 1584 dans le calendrier grégorien), lors
d'une partie d'échecs, restent non élucidées à ce jour. Cependant, les travaux
de rénovation de son tombeau dans la cathédrale de l'Archange-Saint-Michel à
Moscou dans les années 1960, ont permis un examen de ses restes. Celui-ci a
révélé la présence dans les ossements de fortes doses de mercure, laissant à
penser qu'il aurait été volontairement empoisonné. Mais il était très courant,
à cette époque, que les médecins prescrivent aussi du mercure en poudre à des
fins médicales, comme principe actif d'onguent (notamment dans le traitement de
la syphilis), ignorant alors que l'absorption régulière d'une telle substance
puisse porter atteinte au système nerveux central. Une telle intoxication
prolongée au mercure expliquerait ainsi, selon certains historiens et
scientifiques, les crises de folie du tsar.
Gouvernement moscovite
Envoyé en Russie en
1588 par la reine d'Angleterre Élisabeth Ire, en qualité d'ambassadeur auprès
du tsar Fédor Ier, fils d'Ivan IV, Giles Fletcher l'Ancien (en) décrit le
régime politique du pays19 : « Le gouvernement est à peu près à la turque. Les
Russes semblent imiter les Turcs autant que le permettent et la nature du pays
et leur capacité politique. Ce gouvernement est une tyrannie pure et simple car
il subordonne toutes choses à l'intérêt du prince et, cela, de la manière la
plus barbare et la plus ouverte. On pourra en juger d'après les maximes du
gouvernement russe que nous expliquerons plus tard, de même que par
l'abaissement de la noblesse et du peuple, qui ne peuvent faire contrepoids au
pouvoir, et aussi par les impôts et exactions qui vont jusqu'à l'excès et
frappent sans distinction la noblesse et le peuple20. »
À sa mort, Ivan IV
laisse deux fils, Fédor Ier et Dimitri, à qui il lègue une Russie en crise (le
« Temps des troubles »), à la fois économiquement, socialement et
politiquement, crise qui se termine par l'accession au trône du premier des Romanov
en 1613.
Postérité artistique
Cinéma
La Mort d'Ivan le
Terrible, film russe réalisé par Vassili Gontcharov, sorti en 1909.
Ivan le Terrible, film
italien d'Enrico Guazzoni, sorti en 1917.
Ivan le Terrible (Ivan
Grozny) de Sergueï Eisenstein (1942-1946), film en trois parties dont la
troisième est restée inachevée. La musique du film, composée par Sergueï
Prokofiev, est également une œuvre autonome qui prend la forme d'une cantate
pour orchestre, chœurs, solistes et récitant.
Tsar de Pavel
Lounguine (2009), autour du face-à-face entre Ivan et le métropolite Philippe
de Moscou.
Le Cabinet des figures
de cire de Paul Leni (1924), 2e partie, où Ivan le Terrible est incarné par
Conrad Veidt.
Littérature
Jeanne Champion, Le
Terrible (biographie romancée), Fayard, janvier 2005, 328 pages
Peinture
Ilia Répine peint le
tableau Ivan le Terrible tue son fils entre 1883 et 1885.
Sculpture
Le 14 octobre 2016, un
monument dédié à Ivan le Terrible est inauguré dans la ville d'Orel, le tsar
étant présenté comme un « défenseur du pays » ayant « étendu les frontières de
l'Empire », ce qui a suscité une controverse.
Bibliographie
Ivan le Terrible.
Pierre Gonneau, Ivan
le Terrible ou le métier de tyran, Paris, Tallandier, mars 2014 (1re éd. 2014),
558 p. (ISBN 979-10-210-0275-3, présentation en ligne).
(en) Alexander
Filjushkin, Ivan the Terrible : a military history, Frontline Books, août 2008
(ISBN 1848325045).
Stephen Graham, Ivan
le Terrible, Histoire Payot, 1933 (édition originale anglaise), 1980 (ISBN
978-2-228-70160-0).
Jean-Louis Leutrat,
Échos d'Ivan le Terrible : l'éclair de l'art, les foudres du pouvoir, préface
de Barthélémy Amengual, De Boeck, février 2006 (ISBN 2804149463).
(en) Isabel de
Madariaga, Ivan the Terrible : first tsar of Russia, Yale University Press,
illustrated edition, juillet 2006 (ISBN 0300119739).
Marie-Pierre Rey, Le
Dilemme russe : la Russie et l'Europe occidentale d'Ivan le Terrible à Boris
Eltsine, Flammarion, février 2002 (ISBN 2082100987).
Henri Troyat, Ivan le
Terrible, Paris : Flammarion, 1982 (ISBN 2-253-05236-1).
Kazimierz Waliszewski,
Ivan le Terrible, Nabu Press, mars 2010 (ISBN 1147696624).
Henri Vallotton, Ivan
le Terrible, Fayard, Paris, 1939.
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Ivan le Terrible (film)
Wiki / film / https://fr.wikipedia.org/wiki/Ivan_le_Terrible_(film)
Ivan le Terrible (en
russe : Иван Грозный) est le dernier film réalisé par le cinéaste soviétique
Sergueï Eisenstein. Il est composé de deux parties dont la première, en noir et
blanc, est sortie en 1945 tandis que la seconde, dont les scènes finales sont
en couleur, n'est sortie qu'en 1958, bloquée par la censure.
Il s'agit d'une
fresque historique retraçant les efforts du tsar Ivan IV de Russie (1530-1584),
dit Ivan le Terrible, pour unifier les terres russes en un État moderne et
puissant. Le tsar doit affronter aussi bien des adversaires étrangers, à l'est
et à l'ouest, qu'un terrible complot ourdi parmi les siens.
Le personnage
historique d'Ivan le Terrible
Ivan IV de Russie,
surnommé Ivan le Terrible, est né en 1530. À la mort de son père Vassili III en
1533, il devient Grand Prince de Russie. En attendant sa majorité, sa mère
Hélène Glinskaïa assure la régence. Cette dernière meurt en 1538, laissant l’État
aux boyards qui cherchent à prendre le pouvoir. En 1547, Ivan IV atteint sa
majorité ; il est le premier grand-prince moscovite à être officiellement
couronné tsar. La même année, il épouse Anastasia Romanovna de la famille des
Romanov.
Il s’entoure de
fidèles conseillers et se tient à l’écart de la noblesse à cause de la révolte
des nobles durant son enfance. Il réunit le premier zemski sobor, qui est une
sorte d’états généraux. Il réorganise le pays et renforce sa position
autocratique en enlevant des pouvoirs aux boyards et à l’Église.
En 1550, il lance une
réforme du système administratif et judiciaire : des directions unifiées sont
créées pour les finances, les affaires étrangères et la guerre ; les pouvoirs
des voïvodes, les gouverneurs de provinces, sont limités. En 1560, il
entreprend une nouvelle réforme de l’administration locale et du système
fiscal, réorganisés notamment au détriment des boyards qui se voient privés des
taxes qu’ils ont toujours eu le droit de prélever sur les impôts qu'ils collectent
pour le tsar.
En 1564, Ivan IV
abdique et part de Moscou avec une partie de la cour. Mais quelques semaines
plus tard sous la pression populaire, il accepte de remonter sur le trône.
En 1565, il
s'approprie une partie de la Moscovie à titre personnel (ce domaine sera
dénommé opritchnina) et la dirige lui-même pour la redistribuer à ses plus
fidèles partisans, créant ainsi de nouveaux fonctionnaires, les opritchniki.
Les boyards mécontents de leur perte de pouvoir complotent contre le Tsar qui
les extermine sans pitié ce qui lui vaut le surnom de « Ivan le Terrible ».
En 1552, les armées
moscovites conquièrent et annexent le royaume tatar de Kazan et Astrakhan qui
deviennent des territoires russes en 1556. Il pacifie les frontières de l’Est
de la Russie. Il autorise les rapports commerciaux entre l’Angleterre et la
Russie.
Souvent excessif et
cruel, Ivan IV fonde une Russie forte et crée un modèle de pouvoir suprême pour
les tsars.
Le film
Le film raconte les
efforts du prince Ivan de Moscou qui, au xvie siècle, transforma un ensemble
disparate de principautés en un puissant État russe unifié, magnifia la
renommée guerrière de la Russie et pour cela, fut ceint, le premier, de la
couronne de tsar de toutes les Russies.
Première partie
Le film s'ouvre sur
les fastes du couronnement du grand-prince de Moscou, Ivan Vassilievitch,
désormais tsar de Moscou et seigneur absolu de toutes les Russies. Sitôt ceint
de la couronne, le nouveau tsar proclame sa ferme volonté de lutter contre les
ennemis extérieurs et intérieurs du pays. Sa première tâche est d'unifier le
royaume, par la force s'il le faut. Les puissants boyards sont invités à se
soumettre à son autorité. Une nouvelle institution, les streltsy, est créée
comme bras armé du tsar. Enfin des contributions financières sont maintenant
exigées, y compris des riches monastères. Telles sont les conditions qui, selon
le tsar, permettront à la Russie de retrouver l'intégralité de ses terres et sa
grandeur passée comme troisième Rome. Le discours du tsar est fraîchement
accueilli par les boyards. Les ambassadeurs présents sont mécontents. Quant à
la tante d'Ivan, l'ambitieuse Efrossinya Staritskaya qui rêve de voir son fils
Vladimir -un simple d'esprit- à la place d'Ivan, elle promet pour la Saint
Siméon des noces bien particulières au tsar.
Les festivités des
noces d'Ivan et d'Anastassia vont bon train. Pourtant deux intimes du tsar font
grise mine. Le prince Andreï Kourbski pense que le mariage va l'éloigner d'Ivan
(et d'Anastassia qu'il aime en secret). Le mystique Fiodor Kolytchov craint que
les réformes annoncées ne suscitent des troubles. Il demande au tsar
l'autorisation de se retirer dans un monastère. Comme en réponse aux
inquiétudes de Kolytchov, une foule d'émeutiers excités par le clan
d'Efrossinya fait irruption en plein banquet. Sus au tsar, il est ensorcelé !
Des prodiges l'attestent : des maisons s'embrasent spontanément et des cloches
tombent toutes seules ! Grâce à sa haute stature et son autorité naturelle,
Ivan calme la foule et lui fait reprendre ses esprits. Il lui explique la
grande cause qu'il poursuit : remettre de l'ordre dans le royaume, écraser sans
pitié toute sédition, favoriser le travail et le commerce. La foule est conquise,
enthousiaste. C'est alors qu'un représentant du khan de Kazan vient défier le
tsar. Rompant son amitié avec Moscou, Kazan lui déclare la guerre. Le khan
offre un poignard à Ivan pour qu'il se suicide ... et évite la honte. C'en est
trop. Ivan jure de laver l'affront et d'en finir avec Kazan. Sans attendre, la
foule part au combat : tous à Kazan !
Ivan et son armée
s'installent devant la citadelle de Kazan et de formidables explosions
ébranlent les fondations de la citadelle. Les tours de siège sont poussées vers
les remparts. Sous le commandement du prince Kourbski, la cavalerie est lancée
à l'assaut de Kazan. Les fantassins accourent. Les canons tirent leurs boulets.
La citadelle cède rapidement. La victoire d'Ivan est totale. Elle lui donne
maintenant une légitimité incontestable. Il est bien le tsar de toutes les
Russies.
Ivan est revenu à
Moscou. Le temps a passé. Anastasia lui a donné un fils, Dimitri. Mais l'heure
est grave. Le tsar Ivan vient de tomber malade. Tous viennent aux nouvelles.
Quasi mourant, Ivan a fait venir l'archevêque Pimen pour recevoir
l'extrême-onction. Serait-ce une juste punition de Dieu, comme le pense
Efrossinya ? Mais avant de quitter ce monde, le tsar demande à tous de
s'approcher de lui et d'embrasser la croix en signe d'allégeance à son fils
Dimitri. Avec horreur, il voit chacun s'esquiver. Est-il possible que les
boyards n'aient rien compris de la grande cause russe ? Interpelés l'un après
l'autre par le tsar, les boyards restent muets. Ivan s'effondre. Anastassia les
maudit.
Effrossinya tient sa
vengeance et demande de jurer fidélité à son fils Vladimir. Seul le prince
Kourbski hésite encore car il réalise qu'il peut accéder au trône en épousant
la tsarine Anastassia. Mais celle-ci lui fait comprendre qu'il a peut-être
enterré Ivan un peu trop tôt. Ivan n'est pas encore mort... Kourbski tente
alors un coup audacieux. Devant l'assemblée des boyards il prête ostensiblement
serment non à Vladimir mais au tsarévitch Dimitri. Son serment consterne les
boyards, mais parvient aux oreilles d'Ivan qui, ayant repris quelques forces,
s'est levé de son lit d'agonisant et fait une apparition inattendue. L'audace
du prince a payé. Reconnaissant, Ivan lui confie une mission de grande
importance : libérer les terres russes de l'Ouest. Quant aux terres
méridionales, Ivan en confie la défense au fidèle Alexeï Basmanov, ennemi juré
des boyards.
Efrossinya et les
boyards se sont réunis pour examiner la situation. Ils se sentent opprimés par
le pouvoir autocratique d'Ivan et ont peur. Ivan ne les écoute plus, pire, il
accorde sa confiance à Basmanov, un homme de rien. Pour comble de malheur, le
métropolite Pimen leur annonce qu'Ivan l'a démis de son titre et l'envoie à
Novgorod. Une réaction s'impose. Pimen conseille de profiter de l'éloignement
de Kourbski pour affaiblir le tsar en s'opposant à ses campagnes. Quant à
Efrossinya, elle se propose de s'occuper personnellement d'Anastassia.
Le plan semble
fonctionner car, du côté du tsar, les nouvelles ne sont pas bonnes. Les canons
royaux manquent de plomb car les navires anglais sont bloqués par la ligue
hanséatique et ne peuvent commercer avec la Russie. Furieux, Ivan décide
d'ouvrir la voie septentrionale de la mer Blanche aux navires anglais. Ivan
charge Népéja d'aller faire sa proposition à la reine Élisabeth d'Angleterre et
de lui offrir un échiquier.
Allongé auprès de sa
femme, Ivan lui confie sa solitude. De fait, il a quelques raisons d'être
soucieux. Un messager apporte de mauvaises nouvelles de Riazan. Basmanov est en
difficulté dans la défense de la ville et les boyards s'opposent aux ordres du
tsar et sont prêts à livrer Riazan au khan de Crimée. La riposte doit être
impitoyable, comme il l'avait promis. Désormais, non seulement les traîtres
seront dépossédés de leurs terres mais les fiefs ne seront plus héréditaires !
Les terres ne seront données que pour le service rendu à l'État. Efrossinya,
effrayée par ces dernières décisions, décide de passer à l'action. Elle
empoisonne Anastassia. Plan diabolique car c'est Ivan lui-même qui apporte,
sans le savoir, la coupe mortelle aux lèvres d'Anastassia.
Au pied du catafalque
d'Anastassia, Ivan est anéanti. L'ambiance est angoissante. Maliouta, son
fidèle serviteur, lui lit les dernières nouvelles : ce ne sont que trahisons et
séditions. Même le prince Kourbski, son ami Andreï, a trahi la grande cause
russe en passant au service du roi de Pologne Sigismond. Ivan est en proie au
doute. A-t-il raison ? Est-il puni par Dieu ? Ivan veut réagir et fait le
compte de ses derniers amis. Ils sont peu nombreux. Il y a le fidèle Fiodor
Kolytchov qu'il veut voir revenir de son monastère. Il y a aussi Maliouta,
Alexeï Basmanov et son fils Fiodor. Ces deux derniers font comprendre au tsar
qu'il doit s'appuyer sur des hommes nouveaux, « l'anneau de fer », qui se
dévoueront corps et âme à la grande cause russe. Basmanov a raison, mais Ivan
voit plus loin : s'appuyer sur le peuple même et en obtenir une nouvelle
légitimité. Pour cela il quitte Moscou et se retire à Alexandrov où il attend
l'appel du peuple.
Le peuple est informé
du départ du tsar pour Alexandrov. Les hommes sont appelés à former la garde
personnelle du tsar. L'appel du tsar a été entendu. Une immense procession
rejoint la retraite d'Ivan. Celui-ci s'incline respectueusement devant la
foule, qui, à son tour, s'agenouille dans la neige. Il est temps pour Ivan de
retourner à Moscou.
Seconde partie, la
conjuration des boyards
Nous sommes à la cour
du Roi de Pologne Sigismond. Le roi remet une décoration au prince Kourbsky qui
vient de trahir la cause russe. Le prince affirme que les boyards vont bientôt
renverser le tsar reclus à Alexandrov. Il se dit prêt à monter sur le trône. Le
Roi trouve préférable de briser l'unité russe en rendant le pouvoir aux boyards
et expose avec enthousiasme ses projets ambitieux d'expansion à l'est. Soudain,
un messager accourt. C'est la consternation : Ivan fait marche sur Moscou !
À Moscou, devant les
boyards réunis, Ivan annonce que l'essentiel des terres reviendra aux boyards -
c'est la zemchtchina-- tandis qu'il administrera le reste avec sa garde
personnelle, l'opritchnina. Fedor Kolytchev, devenu le moine Philippe, fait son
apparition. Il tance sévèrement le tsar pour son autoritarisme. Ivan veut se
justifier. Nous revenons à l'adolescence d'Ivan, à l'époque où les boyards
gouvernaient en son nom. Nous revoyons l'empoisonnement de sa mère, les
manœuvres des boyards, leur hypocrisie et leur arrogance. Le jeune Ivan s'est
alors juré de devenir un tsar autocrate, débarrassé des boyards. Nous
retournons au tsar Ivan. Il fait le bilan de son action. Il a réussi à asseoir
son autorité en s'appuyant sur le peuple et la défend maintenant grâce à
l'opritchnina. Mais il se sent très seul. Anastasia n'est plus. Kourbski l'a
trahi. Il a besoin d'amis. Il conjure Kolytchev de ne pas l'abandonner. Pour
vaincre la réticence de Kolytchev-Philippe, qui est du côté des boyards, il lui
propose le titre de métropolite et lui concède même le droit d'intercéder pour
les condamnés.
Maliouta, devenu
opritchinik et âme damnée d'Ivan, reproche au tsar sa faiblesse envers le
nouveau métropolite Philippe. Il comprend la souffrance d'Ivan et veut le
soulager un peu du poids du pouvoir. Il se propose de se charger lui-même des
basses œuvres. Ivan accepte mais sent en lui un certain malaise.
En présence de Fiodor
Basmanov, fils d'Alexeï Basmanov, le tsar se rend compte qu'Anastasia a
peut-être été empoisonnée, et que c'est lui qui lui a apporté la coupe
empoisonnée, coupe présentée par Efrossinya. De terribles soupçons pèsent
maintenant sur la tante du tsar. Mais il faut encore des preuves.
Maliouta ne perd pas
de temps. Il s'en prend à trois des parents du métropolite Philippe: Kolytchev
"savant" et deux Kolytchev "non écrasés". Dans une parodie,
il prétend qu'Ivan les accuse de félonie et qu'il les a condamnés à être
décapités. Maliouta exécute lui-même la décapitation. Ivan arrive, contemple la
scène et s'incline devant les corps.
L'heure est grave.
Devant les trois cercueils des Kolytchev, une foule se recueille. Philippe
médite. Sous la pression de l'archevêque Pimen et d'Efrossinya, il décide de
passer à l'action. Son plan est de se rendre maître d'Ivan lors d'une cérémonie
religieuse, le lendemain, à la cathédrale.
La cérémonie évoque le
mythe des trois adolescents Anani, Azari et Missail, qu'un ange a
mystérieusement sauvés de la fournaise allumée sur ordre du "tsar
païen" Nabuchodososor. L'allusion aux Kolytchev et à Ivan est claire. Ivan
fait son entrée dans la cathédrale, accompagné de ses opritchniki. Il s'incline
devant Philippe et lui demande la bénédiction. Philippe refuse. Les deux se
défient mutuellement. Philippe exige la suppression de l'opritchnina. Ivan lui
intime l'ordre de se taire, puis voit dans la réaction d'Efrossinya l'aveu de
sa culpabilité. Fou de douleur, Ivan prévient qu'il sera dorénavant comme on le
nomme : terrible.
En compagnie des
boyards, Efrossinya et l'archevêque Pimen examinent la situation. Philippe est
arrêté. Il est perdu. Après lui Ivan s'attaquera aux autres. Il ne reste plus
qu'une seule solution, tuer Ivan. Pour cela, l'archevêque désigne Piotr
Volynets, un fanatique. En attendant l'assassinat du tsar, que faire concernant
Philippe ? Le cynique archevêque Pimen n'hésite pas à le sacrifier comme futur
saint et martyr. Resté seul avec sa mère, Vladimir prend peur. Pour le
rassurer, Efrossinya le prend dans ses bras et lui chante la chanson du castor
noir. Maliouta entre. Il offre une coupe de vin à Efrossinya et invite Vladimir
à venir au festin du tsar. Efrossinya y voit l'occasion rêvée pour Piotr d'approcher
le tsar et de l'assassiner. Le doigt de Dieu s'est donc exprimé. Mais
curieusement la coupe est vide…
Entouré de ses
opritchniki, Ivan, ses amis, son cousin Vladimir font bombance. Une troupe de
danseurs et Fiodor Basmanov entonnent une chanson vengeresse contre les
boyards. Ivan confie (faussement) sa solitude à Vladimir qui, un peu éméché
mais touché, veut lui prouver son amitié. Vladimir révèle à Ivan qu'on projette
de l'assassiner. Sans s'en rendre compte, il ajoute "qu'elle" veut le
voir, lui Vladimir, revêtir les vêtements de tsar. Puisqu'il en est ainsi, Ivan
imagine une bouffonnerie. Il fait revêtir à Vladimir des habits de tsar et
procède au couronnement. Tous s'inclinent respectueusement devant le faux tsar
Vladimir. Puis Vladimir est invité à les amener tous à la cathédrale. Plein
d'appréhension, Vladimir prend la tête du long cortège. À l'intérieur de la
cathédrale, embusqué derrière un pilier, Piotr attend le tsar. Vladimir
s'arrête un moment. Piotr surgit et le poignarde de dos sans pouvoir le
reconnaître. Vladimir s'écroule face contre terre. Piotr est maîtrisé.
Efrossinya surgit et crie victoire. Elle sera de courte durée. La foule
s'écarte pour laisser s'avancer Ivan. Terrorisée Efrossinya se jette à terre et
retourne le corps. C'est celui de son fils Vladimir. Ivan s'approche de Piotr
et le fait relâcher en tant qu'assassin d'un ennemi du tsar. Tous s'en vont en
cortège, derrière Ivan. Ils jurent fidélité à la grande cause russe.
Le film se termine sur
une brève exhortation du tsar Ivan. Les ennemis de l'unité de la terre russe
étant définitivement défaits, le tsar aura pour tâche de la défendre de ses
ennemis étrangers.
Fiche technique
Titre : Ivan le
Terrible, 1945
Titre original : Иван
Грозный
Réalisation : Sergueï
Eisenstein
Scénario : Sergueï
Eisenstein
Musique : Sergueï
Prokofiev
Texte des chansons :
Vladimir Lougovskoï
Prises de vues :
Andreï Moskvine (en studio) et Edouard Tissé (en extérieur)
Production : Sergueï
Eisenstein
Durée : 103 minutes
Distribution
Nikolaï Tcherkassov :
Ivan le Terrible, tsar de Russie
Erik Pyriev : Ivan,
jeune
Lioudmila
Tselikovskaïa : Anastasia Romanovna, tsarine de Russie, épouse d'Ivan
Serafima Birman :
Efrossinïa Staritskaïa, tante d'Ivan
Ada Voïtsik : Elena
Glinskaïa, mère d'Ivan
Pavel Kadotchnikov :
Vladimir Andreïevitch, fils d'Efrossinïa, cousin d'Ivan
Mikhail Nazvanov :
Prince Andreï Mikhalovitch Kourbski
Mikhaïl Jarov :
Maliouta Skouratov, opritchnik
Analyse
Le film est « une
réflexion sur la nature du pouvoir exercé par Staline ».
Ivan le terrible a été
tourné à Alma-Ata où les studios de Mosfilm avaient été évacués face à la
menace de l'avancée allemande. Ivan est joué par Nikolaï Tcherkassov qui avait
déjà interprété le rôle-titre d'Alexandre Nevski. Cet acteur, le préféré de Staline
et membre du parti communiste, est d'ailleurs imposé à Eisenstein pour Ivan le
Terrible2. Ceci permet plus facilement l'identification de Staline aux héros du
passé. D'ailleurs la première partie montrant un tsar lumineux, unificateur et
chef de guerre de grande qualité convient tout à fait à Staline. Quand elle
sort en 1944, elle reçoit de prestigieuses récompenses3.
La seconde partie
montre un Ivan vieillissant exerçant le pouvoir de manière despotique. Le film
est servi par l'interprétation exceptionnelle des acteurs, le talent des chefs
opérateurs Édouard Tissé et Andreï Moskvine qui installent un univers sombre et
angoissant3. Quand Staline découvre cette seconde partie, il décide aussitôt de
l'interdire. Eisenstein se voit reprocher la façon dont il a représenté la
garde personnelle d'Ivan avec « l'allure d'une bande de dégénérés ressemblant
au Ku Klux Kan américain4 ». Le film, perçu comme une critique de Staline et du
culte de la personnalité, n'est autorisé à être projeté en URSS qu'en 1958 et met
fin à la carrière d'Eisenstein qui meurt abandonné de tous en 1948.
Autour du film
C'est un film en noir
et blanc. Le film devait comporter une troisième partie qui ne fut pas
réalisée.
Le film reçut le Prix
de la photographie au Festival international du film de Locarno en 1946 et fut
classé septième des dix meilleurs films du cinéma mondial par la critique
professionnelle d'après le magazine anglais Sight and Sound en 1962.
La musique de ce film
a été composée par Sergueï Prokofiev. Peu après la sortie de ce film et sur la
base de la musique qu'il avait écrite pour S. Eisenstein, Prokofiev composa une
cantate pour grand orchestre, chœurs, alto, baryton et récitant. L'alto chante
notamment la Chanson du castor qu'interprète Efrossinia dans le film d'Eisenstein.
Le récitant tient le double rôle de l'auteur et d'Ivan.
Prokofiev avait déjà
collaboré avec Eisenstein pour Alexandre Nevski et en avait également tiré une
cantate. Malheureusement, le succès qu'avait rencontré Prokofiev avec Alexandre
Nevski ne s'est pas renouvelé avec sa cantate tirée d'Ivan le Terrible.
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Le Terrible. Ce nom inquiétant évoque toute une période de l’histoire moscovite, le XVIème siècle. Un des règnes les plus controversés de l’histoire, qui se révèle tantôt brillant, tantôt noir et violent, mais qui est incontestablement celui de l’essor, préparant le pays à son intégration dans le jeu des puissances occidentales.
Si rares sont ceux qui connaissent la Russie d’avant Catherine la Grande et Pierre le Grand, qui, en revanche, n’a jamais entendu parler d’Ivan le Terrible, premier Tsar de Russie ? Pour certains, il s’agit juste d’un surnom à la résonnance familière, pour d’autres il se rattache à la barbarie du peuple russe, personnifiée par ce souverain de tous les excès.
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Mais les caricatures de l’homme n’ont-elles pas éclipsé la véritable Histoire ? Pierre Gonneau propose ici une restitution objective des faits, avec un certain détachement, et une analyse plus juste de la personnalité de ce Tsar que l’on a dit, à tort ou à raison, complètement fou.
Procurez-vous Ivan le terrible, de Pierre Gonneau !
La mise en contexte
Une première partie de l’ouvrage est centrée sur les prédécesseurs d’Ivan. L’auteur nous présente son père, Vassili III, son grand-père, Ivan III, et même son arrière-grand père, Vassili II. Un portrait de chacun d’eux est brossé, ainsi que de leurs épouses, notamment Sophie Paléologue, une femme à poigne, la seconde d’Ivan III (donc grand-mère d’Ivan le Terrible). L’auteur aborde aussi, inévitablement, la Régence de la mère d’Ivan, Héléna Glinskaïa, période noire et chaotique pour le futur Tsar, qui doit durer quatre ans.
Cette phase que l’on peut qualifier “d’introductive” est assez longue, mais néanmoins nécessaire si l’on veut comprendre dans quel contexte difficile Ivan accède au trône et ce que fut la Russie avant sa prise de pouvoir : une contrée dans laquelle la Renaissance qui embrase l’Europe occidentale ne s’est pas encore frayée un chemin. Un bémol cependant : les sauts assez fréquents dans le temps rendent la compréhension parfois laborieuse. L’auteur nous parle-t-il de la grand-mère d’Ivan ou de sa mère ? De la première femme de Vassili III ou de la seconde d’Ivan III ? Au fil des chapitres l’auteur réalise des bonds d’un règne à l’autre… C’est un peu frustrant à la longue, mais cela n’empêche pas cette première partie d’offrir un tour d’horizon tout à fait pertinent des multiples protagonistes.
Pierre Gonneau s’engage ensuite dans le vif du sujet, découpant ses chapitres de façon à ce que le lecteur comprenne bien le basculement dans la Terreur d’un règne pourtant plein d’espoir à son commencement.
Le règne glorieux
Tout d’abord, voici le temps des années glorieuses, celles qui nous font découvrir un tout jeune grand-prince de Moscou avide de Justice et de Paix, porteur de l’espoir de toute une “nation”. Non, Ivan n’a pas toujours été sanguinaire et querelleur ! L’auteur insiste : mettant de côté ses pêchés de jeune homme, il se transforme en véritable souverain, réformateur de l’Elise et de la justice, ambitieux pour son pays, remodelant l’organisation militaire.
Mais déjà, il est évident qu’Ivan n’acceptera jamais de plier devant quiconque. Soumis à des forces contraires qui l’ont brimé dans son enfance, il ne supporte pas sa propre soumission : au contraire, il appelle et exige celle des autres, sans condition. Le souvenir de sa mère bataillant pour garder le pouvoir reste ancré dans son esprit et le restera toute sa vie. Il est intéressant en effet de le comprendre afin de mieux s’expliquer que, dès cette époque, Ivan se montre particulièrement attaché au respect de la hiérarchie et au respect que ses sujets doivent manifester envers sa personne. Traits de caractère qui ne feront que se durcir au fil du temps, pour atteindre leurs paroxysme avec la paranoïa et la cruauté du Tsar sous l’opritchnina…
Pierre Gonneau nous instruit de ses premiers succès aussi : les conquêtes du khanat de Kazan et de la Basse-Volga, enracinées dans l’Histoire comme les grands triomphes d’Ivan le Terrible. L’auteur détaille parfaitement les manœuvres entreprises par les russes et leurs adversaires, explique pourquoi la situation de ces régions s’avérait stratégique et ce qu’il en a coûté pour les conquérir.
Le règne sanglant
Ivan le Terrible – Pierre Gonneau
Sous la plume de l’auteur, nous assistons à la progressive “radicalisation” de celui qui se proclame Tsar de Russie. Son caractère se durcit, il se montre bientôt impitoyable à l’égard des boyards, affectionne de plus en plus l’humour noir et la perversion. Pierre Gonneau dresse le portrait d’un Tsar chez qui s’affronte un curieux mélange de bouffonnerie, de cruauté, d’autorité, de conscience très vite de la théâtralisation du pouvoir et d’intelligence politique (une personnalité qui rappelle celle du futur Pierre Ier, Pierre le Grand…)
La terreur pratiquée sous l’opritchnina symbolise l’apogée de cette sorte de “jeu sanglant“, comme l’écrit justement l’auteur. Pierre Gonneau sait nous plonger au cœur de cette Russie divisée, tenue par une main de fer tandis que les “sbires” d’Ivan parcourent les terres et commettent des atrocités, exécutent en masse. Il réussit, ce qui n’est pas aisé, à familiariser son lecteur avec ce système étrange qu’était l’opritchnina, et à l’éclairer sur son fonctionnement complexe.
Cette période de Terreur, durant laquelle le Tsar n’épargne personne, pas même sa famille, se maintient jusqu’au jour où Ivan se rend compte qu’elle ne peut plus durer. Aux yeux de tous et, plus grave encore, à ses propres yeux, il est allé trop loin. Des déboires extérieurs, notamment la guerre de Livonie qui n’en finit pas, le contraignent à faire machine arrière, sans réellement abolir le système…
Parfois difficile à suivre
En parallèle de ces grandes périodes du règne et de ces guerres expansionnistes, Pierre Gonneau s’applique à nous décrire minutieusement le fonctionnement de la Cour, la hiérarchie qui y préside, la place du système ecclésiastique. Parfois, on se perd un peu dans les explications car les noms des différentes grandes familles ont l’art de tous se ressembler plus ou moins ! De temps à autre, des petits rappels relatifs aux protagonistes (fonction, liens avec le Tsar, etc…) auraient été les bienvenus, évitant de s’essouffler à faire travailler notre mémoire ou à tourner les pages. Néanmoins la lecture reste agréable et très instructive.
Les écrits d’Ivan le Terrible, notamment la correspondance avec Kourbski, et l’analyse de ses rapports avec les grandes familles russes, illustrent la complexité de sa personnalité. Les meurtres et les exécutions, bien détaillées, ainsi que les humiliations qu’il fait subir aux ambassadeurs ou à ses conseillers, témoignent de ses folies, de ses excentricités. Les guerres incessantes avec les Tatars, la Suède, la Lituanie, la Pologne sont remarquablement développées. Ce Tsar, qui incarne une certaine puissance naissante de la Russie, le début de son expansion, était capable de mettre en œuvre des tactiques militaires complexes, qui prouvent bien qu’il n’était pas si fou qu’on a bien voulu le prétendre.
Même si Pierre Gonneau emploie souvent des termes russes sans en rappeler la signification française, ce qui peut se révéler un peu frustrant pour ceux qui ne sont pas des experts de l’ancienne société russe, il détaille le fonctionnement de ses institutions à cette époque peu connue. Et il est plaisant de s’instruire tout en ayant le sentiment que jamais le point de vue de l’auteur n’est partisan. Toutefois, certains sujets auraient mérité une analyse plus poussée.
Quelques sujets survolés
Les nombreux mariages contractés par Ivan constituent une source précieuse d’indices sur sa personnalité, et méritaient un examen plus approfondi. Voilà qu’il contracte déjà son cinquième mariage, alors que le lecteur n’a pas eut le temps de faire connaissance avec son épouse précédente. L’auteur ne s’attarde pas assez, à mon goût, sur ces différentes femmes qui ont partagé la vie d’Ivan le Terrible, et sur les relations que le Tsar entretenait avec elles. Pour quelles raisons s’est-il marié de si nombreuses fois ? Se montrait-il dans l’intimité aussi pervers et instable qu’en public ? Et les mœurs licencieuses dont fait mention l’auteur, à quel moment s’attarde-t-il sur le sujet ?
Le quotidien du Tsar est également passé à la trappe. Mis à part le plaisir qu’il prenait à visiter très souvent les monastères de son royaume, nous n’en savons pas beaucoup, en refermant ce livre, sur ce que furent ses habitudes. Le lecteur ne sait pas à quoi correspondait une « journée type » d’Ivan le Terrible.
Petit regret également, les informations concernant la mort étrange de son fils et l’implication d’Ivan dans cette fin tragique ne sont pas très claires. Le débat n’est pas engagé, quelle frustration ! Voilà qui peut laisser sur sa faim un lecteur exigeant. Mais les sources offrent-elles la possibilité d’étoffer davantage sur ces sujets ?
Reste que Pierre Gonneau démêle pour son lecteur la personnalité complexe d’Ivan. Fut-il un grand Tsar ou bien un tyran sanguinaire ? Eternelle question. Probablement les deux…https://artchive.ru/en/artists/67973~Masterpieces_of_unknown_artists/works/562102~Portrait_of_Ivan_the_Terrible_from_The_Tsars_Titular
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