Hitchcock l’insurpassable. Sueurs froides (Vertigo,1958) regardé de plus près.
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Ionel Magiru
Faculté des Lettres, Université Ovidius de Constanta, Roumanie
Hitchcock
l’insurpassable. Sueurs
froides (Vertigo,1958) regardé de plus près.
Les éléments qu'il est possible de prendre en
compte dans l'analyse de l'image sont multiples et extrêmement variés. Il n’existe pas de grille d’analyse toute faite,
valable en tous lieux et toutes circonstances. Une grille d’analyse est
toujours une construction faite à un moment donné pour un
objet précis, dans un objectif déterminé. Sa construction représente en
elle-même une démarche d’éducation à l’image. Interpréter c’est relier les
différents éléments “objectifs”, analysés dans un contexte thématique et
épistémologique plus ou moins délimité, avec la subjectivité du spectateur,
pour comprendre comment le sens se construit et quels sont ses niveaux de
profondeur. De manière générale, les auteurs de l’étude s'attachent à relever toutes les
particularités (formelles ou substantielles) qui font que certaines cadres,
plans, séquences, sont uniques et
représentatifs du film dont ils sont
issus. Il n’y a rien de neuf à dire que le motif floral est partout dans Vertigo, et ce dès le générique, si l’on
s’accorde à voir dans les spirales des calices et des corolles tourbillonnants.
Cependant, rares sont les analyses qui se sont attardées sur ce thème. La
section consacré à Sueurs froides
s’essaye à un inventaire ainsi qu’à quelques explorations thématiques visant à
prouver la stupéfiante consistance symbolique des détails visuels apparemment
anodins qui parsèment subrepticement l’arrière-plan et les marges des cadres
hithcockiens.
Sueurs
froides (Vertigo)
La
Mort aux trousses
(1959), le film présenté dans la première section de cette étude, a pour cadre
une Amérique cinétique, vitaliste et moderne. Le film réalisé par Hitchcock
l’année précédente (1958), dont l’action se passe à San Francisco, épicentre
d’une Amérique plus archaïque, plus somnolente et contemplative, est intitulé Sueurs froides ou Vertigo.
Avant de faire une analyse du
chef-d’oeuvre d’Hitchcock, on constate que beaucoup, énormément de choses, ont
déjà été dites. Des livres entiers analysent Vertigo en long, en
large et en travers: ce film est devenu la Mona
Lisa de tout cinéphile qui se respecte. Par conséquent, il est difficile et
intimidant de parler de ce film fétiche
La critique n’a cessé d’encenser Vertigo:
on a cité à son propos le romantisme, l’expressionisme, Platon, Orphée et
Eurydice, Pygmalion, Tristan et Iseut, Bruge
la Morte de Rodenbach, Sylvie de
Nerval, la madeleine de Proust, etc.
Pour ne pas tomber nous aussi
dans le bénitier des discours encomiastiques, nous allons commencer notre étude
par un bain de négativité, en citant les opinions démolissantes d’un jeune
critique français qui semble complètement immunisé contre le charme
hitchcockien: Yanick Rolandeau (http://yrol.free.fr/cinema.htm).
Selon lui, le film accuse de nombreux défauts et faiblesses:
l’invraisemblance du scénario, la lourdeur stylistique, le découpage répétitif,
les ellipses maladroites, la partition musicale, tantôt morbide tantôt
douceâtre, qui masque le vide psychologique des personnages en les saturant de
sentimentalité de mauvais aloi.
Le critique susmentionné a été
consterné par la cote du film dans les dernieres classifications (seconde ou
première place), d’où son verdict sévère:Vertigo,
c’est nul! La seule réponse lucide à ce jeu de massacre et de revisiter le film
et de vérifier s’il est encore capable de tenir la route, comme on dit. C’est
ce que nous avons fait, avant d’esquisser ces notes.
Pour commencer, un synopsis très
bref, pour mieux contextualiser les séquences dont il sera question dans la
suite. Ancien policier, John “Scottie” Fergusson est détective privé à San
Francisco. Il souffre d'une peur pathologique du vide à la suite d’un accident.
Sa maladie s’appelle acrophobie (peur
de la hauteur). Un ancien camarades d'école, Gavin Elster, lui demande de
suivre sa femme, Madeleine, en lui précisant qu’elle se croit possédée par
l’âme d'une ancêtre, Carlotta Valdez et qu’elle a des poussées suicidaires.
Scottie s’éprend de Madeleine, qu'il
sauve une première fois de la noyade. Malheureusement, son acrophobie l’empêche
de la sauver une deuxième fois, quand elle se jette dans le vide du haut d’un
clocher. En proie à une forte déprime, Scottie erre dans San Francisco et
rencontre, par hasard, une jeune employée de bureau, un peu vulgaire - Judy -
qui ressemble fortement à Madeleine. Il l'oblige à ressembler plus encore à
celle qu'il a aimée, jusqu’à découvrir qu'elle était “réellement" la
fausse Madeleine qu'il suivait, la vraie Madeleine ayant été assassinée par le
mari, Gavin Elster, et remplacée par Judy, la fausse Madeleine. Scottie veut se
venger: il l’oblige à grimper en haut du clocher d’où était tombée la vraie
Madeleine, la femme de Gavin Elster, et
lui fait avouer sa complicité. C'est alors qu'une nonne sugit dans le chocher.
Prise de panique, Judy tombe dans le vide au même endroit que Madeleine...
Un meurtre déguisé en suicide,
une femme qui fait semblant d’être hanté par l’esprit d’une autre femme décédée
cent ans plus tôt, un homme qui erre comme un somnambule au milieu de ce jeu de
faux semblants, hanté par un simulacre, par une pure image qui fait retour,
voilà le schéma sommaire de l’intrigue, construite sur trois piliers
thématiques; la hantise, le double et la mort en toile de fond. Au centre, le
mécanisme de la répetition et le sentiment de vertige qui l’accompagne
constamment.
Pour mette en évidence ces noyaux
thématiques, on s’est arrêté à trois séquences qui sont autant de mises en
tableau: 1) la première rencontre au restaurant Ernie’s (Chez Ernie), 2)
Madeleine parmi les fleurs au magasin de fleurs Podesta Baldocchi, 3) Madeleine
au Musée de la Légion d’honneur, devant le portrait de Carlotta Valdez.
Ces trois séquences représentent
autant d’unités narratives. Selon la définition la plus simple, le mot séquence
désigne un ensemble de plans se déroulant dans un même lieu et dans un même
temps. Mais, chez Hitchcock, chaque séquence possède le pouvoir étonnant de lancer
des tentacules proleptiques et analeptiques au delà de ces coordonnées
spatio-temporelles fixes, en enserrant le film et ses spectateurs dans un
réseau inextricables d’analogies qui donnent le vertige et de variations
thématiques qui s’organisent dans des formes quasi géometriques. L’analyse de
séquence est, selon les filmologues, l’équivalent de l’analyse de texte. C’est
une étape inconturnable qui donne accès aux mécanismes générateurs de sens qui
sont camouflés habilement dans les détails apparemment anodins de la matière de
l’oeuvre et qui restent invisibles au grand public (ou à la masse des lecteurs)
à cause du déroulement rapide de l’action ou à cause de la superficialité de
l’acte de lecture.
Première mise en tableau. Dans
l’analyse de la première séquence, on s’est appuyé sur l’expertise technique
très pointue de Stéphane Delorme, Hitchcock
Vertigo, parue dans Cahiers du cinéma, en septembre 2005. Au début du film, alors
que son ami Elster vient de lui demander de suivre sa femme Madeleine, Scottie
se rend Chez Ernie, restaurant chic
de San Francisco. Là, il a la possibilité de voir et d’observer pour la
première fois Madeleine. Au début de la séquence, la camera effectue un
travelling avant, assez rapide, sur l’entrée du restaurant Ernie’s. Faisons
l’inventaire des détails apparamment anodins, doués d’une étrange
fonctionnalité proleptique: la lettre E est visible devant les fenêtres et
au-dessus de l’entree (E de Ernie’s
mais aussi E de Elster). Deux autres indices
à peine visibles: 1. la plaque cuivrée ou dorée avec le nom du
restaurant, qui reflète l’image d’un
passant, ensuite l’ombre de Scottie. 2. le vitrail style nouveau de la porte, qui confère un aspect quasi religieux au
bâtiment, comme si Scottie entrait dans une église ou un temple. N’oublions pas
que les surfaces réfléchissantes constituent un motif important dans la
construction de l’oeuvre hitchcockienne, en tant que multiplicateurs
sémantiques camouflés.
Scottie est assis au bar, dans le
vestibule de la grande salle. Nous voyons cette salle grâce à un travelling
arrière qui, attention, ne suit pas l’axe du regard de Scottie. On entend les
premières mesures de la partition de Hermann, le thème élegiaque de Madeleine.
La caméra effectue un mouvement inverse, (travelling avant), vers le coin
gauche de la salle. L’oeil du spectateur, différent de l’oeil du personnage,
est accroché par la couleur verte émeraude d’une étole. Une femme blonde en
tailleur gris, acompagnée par un homme, traverse la salle est fait écran, pour
une seconde, à la femme blonde qui porte l’écharpe. C’est elle que Scottie
prendra pour Madeleine, lors de son pèlerinage retrospectif dans la deuxième
partie du film. Les murs sont tapissés d’une étoffe rouge écarlate. C’est un
rouge dense, lourd, qui semble s’imprimer sur la rétine. Les deux couleurs, le
vert et le rouge, seront les dominantes chromatiques du film. À gauche, on
aperçoit un décor pariétal en forme de paon (le symbole par excelence du fascinum), à droite, deux bouquets ou
plutôt deux gerbes de fleurs et deux appliques encadrent un tableau. La
suggestion subliminale opère sans que le spectateur s’en rende compte: son
regard est aimanté par une sorte d’autel
profane qui implique l’idée d’adoration cultique. Une seule rose rose dans un
vase est placée contre le mur du vestibule où se tient Scottie. À droite, une
femme assise, portant un béret décoré d’une sorte d’auréole blanche, ajoute un
élément supplémentaire à l’atmosphère empreinte d’une étrange sacralité qui
règne dans le grand salon du restaurant Ernie’s.
La caméra effectue un mouvement
inverse (contrechamp): Scottie observe la salle depuis le bar. On voit de
nouveau Madeleine du point de vue de Scottie. Elster, puis Madeleine, se lèvent
de table. On remarque que les places sont inversées par rapport au plan
antérieur, à cause du changement du point de vue. Madeleine s’approche, en
traversant lentement deux encadrements de portes. Elle présente pour la
première fois à Scottie et aux spectateurs la majesté de son profil, tandis que
la musique d’Herrmann- première
occurrence du thème de Madeleine, longuement dévelopée par la suite-, atteint
son crescendo Scottie se tourne vers le bar pour ne pas se faire remarquer.
Elle s’arrête juste derrière lui. Question cruciale: que voit Scottie? De dos,
il regarde du coin de l’oeil et ne peut pas voir ce qui est mis en scène pour
lui, derrière lui. L’œil qui capte, qui ravit, qui fascine: comme toujours, le
regard est au centre du cinéma d’Hitchcock.
Profil de Madeleine découpé sur
le fond rouge cramoisi des murs. La
lumière commence à s’intensifier imperceptiblement sur son visage. Le profil de
Madeleine ressemble à un medaillon. Un halo rose semble irradier de son visage,
telle une image de sainteté, née de la rencontre de l’extrême blancheur de son
teint et le rouge persan des somptueuses étoffes murales. Son regard n’est pas
focalisé, son sourire figé est celui d’une idole. C’est la scène primitive (au
sens psychanalytique du terme) où le regard subjectif a découpé le profil et a
declanché le coup de foudre. Le couple sort du restaurant en passant devant un
miroir mural qui double le miroir du début de la séquence. Vue de dos,
Madeleine et si élégante et gracieuse qu’elle semble glisser. Un instant, le
regard du spectateur confond la glace avec la porte mais il est surpris de voir
le changement de direction vers la gauche. Plan final: un fondu enchaîné nous
montre Scottie, ébloui et pensif dans sa voiture, commençant sa filature qui
désormais prend l’allure d’une quête.
Première remarque: Scottie
n’a vue qu’un fragment de la représentation théâtrale qui s’est
déroulée derrière lui car il a baissé
les yeux. Et pourtant il a vu le profil,
car plus tard, quand il regarde le portrait de Carlotta Valdez dans le
catalogue du Musée d’Art, le profil en médaille se superpose sur celui-ci. Une image visible/invisible
le hante. C’est cette image de profil
qu’il tentera de reconstituer tout au long du film. Il ne sait pas
encore que cette image sublime est l’émanation d’un simulacre. Il rencontrera
de nouveau ce profil découpé en noir, dans la lumière vert pistache des néons de l’Hotel Empire, dans la seconde
partie du film. La musique nous fait décoller du réel terre-à-terre: le temps a été suspendu,
l’espace a perdu sa matérialite figée, grâce aux effets spéculaires. La
topographie du restaurant aves ses trois espaces contigues-la salle ou dînent
Madeleine et Elster, le bar à la croisée des deux autres, le hall derrière
Scottie, le lieu de passage du réel et de l’apparence- se mêlent à cause de
l’incertitude créée par le miroir et par la multitude de micro-espaces
juxtaposés. Le cadrage resemble à l’encadrement d’un tableau tandis que
l’espace pluriel du restaurant ressemble à une scène de théâtre, à un écrin de
velours, à une grotte. La séquence
laisse au spectateur une sensation trouble où se mêlent la fascination
visuelle, la narcose musicale, le désarrois psychique. Le personnage et le
spectateur ont assisté à la même scénographie envoûtante mais leurs points de
vue restent distincts: à chacun son expérience. Le spectateur a vu plus que
Scottie mais la saturation fascinatoire est telle qu’il a besoin d’une pause
optique. Hitchcock le magicien, caché derrière le spectacle, nous offre la
“solution de Scottie “: baisser les yeux pour éviter la rencontre optique. C’est l’experience partagée des
regards qui se frôlent au lieu de se croiser. Le regard se détourne du
spectacle comme si sa force devenait trop intense ou comme si le spectacle
s’était intériorisé. C’est le point de départ du processus de cristallisation,
analysée par Stendhal dans son ouvrage De
l’amour.
À partir de là, un lien très fort
se crée entre Scottie et l’image de Madeleine, une cohérence indestructible se
tisse entre les deux personnages et le cadre environnant: San Francisco avec
ses restaurants et ses magazins de fleurs, ses monuments (le Golden Gate, la
Mission Dolores, la forêt Muir de séquoias géants) acquiert le charme poétique
atemporel et presque mythique d’un espace magique. Le fantasme n’est pas
quelque chose coupé de la réalité, quelque chose d’irréel, le fantasme est
précisément ce avec quoi la réalité peut se confondre. C’est le fantasme qui
donne une extraordinaire cohérence à l’univers de Scottie: renoncer à son
fantasme serait renoncer à son contact avec ce monde transfiguré.
Deuxième mise en tableau:
Madeleine chez le fleuriste Baldocchi. Le détective suit Madeleine dans les
rues de San Francisco. La scène du magasin de fleurs commence lorsque la
voiture de Madeleine s’arrête dans une rue étroite et sale de San Francisco.
Hitchcock choisit de ne pas faire entrer Madeleine par l’entrée habituelle du
magasin, mais par l’arrière. Scottie ouvre la porte, son ombre se découpe sur
la vitre de la porte. Ensuite, il se dirige vers une porte. Par cette porte
entrouverte, il voit une image paradisiaque: Madeleine parmi les fleurs. Le contraste est saisissant,
l’antichambre sombre, sale et triste donne vers un monde miraculeux où les
rouges et les verts éclatants des fleurs forment un cadre numineux à la femme- déesse. Nous voyons Madeleine choisir un bouquet
puis, en contrechamp, nous voyons les yeux de Scottie. Son regard est figé.
Juste à coté de la porte, dans le magasin, il y a un miroir qui renvoie l’image
de Madeleine.Tout d’abord, sur la gauche, tout à côté de la femme en tailleur
gris, on voit les boîtes vertes portant la marque du fleuriste (robe, voiture,
éclairage d’ambiance, le vert est depuis le commencement la couleur à laquelle
Madeleine est associée). Ces boîtes attendent leur bouquet, des écrins à
nouveau possibles, sur le même plan que le reflet de la femme qui l’obsède.
Alors que celle-ci contemple les étalages de fleurs chez le fleuriste, nous
sommes témoins de la réflexion de la jeune femme dans un miroir que Scottie ne
peut voir. On pourrait s’attarder longtemps sur la signification diégetique et
symbolique de cette juxtaposition sur le même plan d’un regard et de l’image
reflétée du spectacle regardé: les deux personnages restent séparés par le
miroir qui les réunit
La troisième mise en tableau.
Après avoir acheté un bouquet de mariée (nosegay)
chez le fleuriste Baldocchi, elle se rend
au cimetière de la mission Dolores ; elle se recueille sur une tombe où
Scottie lit le nom de Carlotta Valdes; elle enchaîne par la visite au musée et
s’assied devant un tableau dont il découvre qu’il s’intitule, précisément, “Le
portrait de Carlotta ”. Hitchcock
insiste, par le jeu du regard caméra, sur l’identité entre Madeleine et
Carlotta: le bouquet apporté par Madeleine est le même que celui dessiné sur le
tableau et la coiffure de Carlotta dessine une torsade qui se retrouve dans la
coiffure de Madeleine. Désormais, ce tableau est profondément associé à
Madeleine et lui permet de porter son amour pour elle au-delà de la réalité et
du temps.
Le problème de Scottie, ce qu’il
désire, ce qu’il aime, ce n’est pas une femme réelle mais ce n’est pas
davantage une simple apparence, une image trompeuse: c’est une idée. Cela le
pousse vers une traversée des apparences vers le vrai mais au bout de sa quête, arrivé au bord du gouffre, il découvre que ce qui se cache derrière la serie des
simulacres est un autre simulacre et que sa “guérison” a été inutile De ce point de vue, la scène de l’habillage
chez le couturier ou Scottie, comme un Pygmalion, cherche à ressusciter le
corps fantasme de Madeleine en parant Judy de tous les attributs de la défunte
met en abîme le film tout entier (Hitchcock voyait là la situation fondamentale
du film). L’énigme de Vertigo, la
femme irréelle ce n’est pas Madeleine, c’est Judy. Selon le critique Elie
During (Topologie de la hantise in Faux
raccords. La coexistence des images, Actes Sud, 2010) Judy est un
personnage invraisemblable, dont l’existence est douteuse. Elle a
l’inconsistence des revenants, en dépit du ou bien à cause de sa matérialité
grossière. Le problème de Vertigo c’est le double. L’inquiétante étrangeté telle que la définit Freud, n’est pas la
désoccultation de quelque secret étrange mais le retour sur le mode de
l’étrange de ce qui est connu et familier: le retour du même come comme différent.
Madeleine la vraie n’est jamas
présente: elle est remplacée par un simulacre, Judy, qui devient le support du
fantasme projeté par Scottie. Madeleine
est donc une image, un profil découpé sur les murs écarlates du restaurant Ernie’s. Cette image vit dans
le regard, dans le désir et finalement, dans le souvenir de Scottie. Mais la
situation est compliquée par le fait que derrière ces deux figures - Madeleine,
Judy - il y en a une autre, l’actrice
Kim Novak. Sa présence en filigrane accentue l’iréalité de Judy. L’actrice joue
la fille vulgaire: Judy n’est pas Judy
mais c’est Kim Novak qui joue la fille vulgaire. Madeleine recréée par Judy et Judy recréée
par Kim Novak accentuent la faille entre l’image et le support, entre réel et
simulacre. Le résultat est surprenant:
tout se passe comme si Madeleine c’était travestie en Judy plutôt que
l’inverse. Une femme capable d’interpréter le rôle d’une déesse revient à son
identite première qui devient invraisemblable: c’est une actrice et justement
une actrice est capable d’incarner ce rôle - Kim Novak, la Madeleine
personnelle de Hitchcock
En mars 1959, Eric Rhomer
affirmait dans les Cahiers du Cinéma:
“Vertigo est une sorte de parabole de la connaissance”. Cette remarque a gardé
toute sa validité: le détective fasciné par le passé qu’il croit réversible
sera continuellement renvoyé d’une apparence à une autre apparence au cours
d’une filature qui s’apparente à une véritable quête de la connaissance et de
l’amour. Tous ceux qui entrent dans la spirale du film découvrent que toute
grande oeuvre les analyse plus qu’ils ne l’analysent ou, plus précisement,
qu’elle les conduit sur la voie incertaine et parfois inquiétante d’une
autoanalyse infinie. Et l’emploi de la caméra subjective renvoie le spectateur
à sa propre fascination pour les images. Madeleine n’est qu’une image, mais le
film, les films sont faits d’images, simulacres trompeurs et fascinants
Le film se clôt sur le plan d’un
Scottie, les bras ballants au sommet de la tour, désemparé et incrédule, en
équilibre au bord du vide qui se creuse sous lui, dans le tintement funèbre des
cloches. Sa phobie du vertige a disparu, il est guéri (?) mais il se sait
coupable de la mort de Judy, perdue pour toujours. L’échec de son désir de
transfiguration le rend à sa solitude, et ce vide qu’il contemple à ses pieds
exprime toute la vacuité, sans doute définitive, d’une existence soudain privée
d’amour...et de fantasmes.
Mots-clés: analyse de l'image, consistance symbolique,
crise identitaire, découverte de la femme, grille d’analyse, mise en tableau, Sueurs froides (Vertigo).
Bibliographie
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Raymond, L’analyse du film, Éditions
Albatros, 1979
Bourdon, Laurent, Dictionnaire
Hitchcock, Larousse, (coll. “In extenso”), 2007
Douchet,
Jean, Hitchcock, Éditions Cahiers du cinéma, coll. Petite bibliothèque des
Cahiers du cinéma, 2003
Hitchcock / Truffaut,
Éditions Ramsay, 1985
McGilligan, Patrick, Alfred Hithcock.
A Life in Darkness and Light, Willey, 2003
Nussbaum Valentin, A
l’ombre des portraits en fleur. Symbolisme et trouble d’identité de Whistler à
Hithcock in Claus Clüver,Véronique Plesch,Leo H. Hoek,
Orientations.Space/time/image/word, Ed. Rodopi, Amsterdam, 2005
Serban, Alex. Leo, Hitchbook;
Verificand Vertigo. Cateva ganduri pe marginea unei conferinte, in De ce
vedem filme. Et in Arcadia cinema, Polirom 2006.
Stoichiţă, Victor Ieronim, Efectul Pygmalion. De la Ovidiu la Hitchcock,
Humanitas, 2011
Truffaut, François, Le Cinéma selon
Hitchcock, Robert Laffont, Paris, 1966.
Sitographie
http://www.cineclubdecaen.com/realisat/hitchcock/vertigo.htmSueurs froides
https://www.youtube.com/watchAnalyse de séquence -Vertigo
http://www.clermont-filmfest.com/03_pole_regional/lyceens06/film1/img/etude.pdf-Vertigo-point final
http://libresavoir.org/index.php?title=Vertigo_(Sueurs_froides)
http://www.filmsite.org/nort.html-Filmsite Movie Review North by Northwest (1959)
http://libresavoir.org/index.php?title=La_Mort_aux_trousses_d%27Hitchcock-La Mort aux trousses d'Hitchcock
http://lewebpedagogique.com/simplifier/2011/03/10/north-by-northwest/-La Mort aux trousses
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