joi, 18 iunie 2020

Acum 60 de ani / doua filme sovieto-ruse

Le Quarante et unième (titre original russe: Сорок первый) est un film soviétique réalisé par Grigori Tchoukhraï en 1956.

Réalisation: Grigori Tchoukhraï
Scénario: Boris Lavrenev (nouvelle)
Acteurs principaux: Izolda Izvitskaïa,Oleg Strijenov

Au cours de la Guerre civile russe (1918-1921), une unité de l’Armée rouge en marche dans une région désertique du Turkestan fait prisonnier un officier blanc. Il doit être emmené à l’état-major par un détachement de trois soldats, parmi lesquels Marioutka, tireuse d’élite, qui a déjà abattu 40 gardes blancs. Le détachement subit une tempête sur la mer d’Aral; Marioutka et le prisonnier trouvent refuge sur une île et dans cet isolement, vivent une histoire d’amour. Mais des gardes blancs débarquent sur l’île et Marioutka abat son prisonnier.
Prix spécial du Festival de Cannes, 1957
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In 1957 Mihail Kalatozov realizeaza Zboara cocorii (Летят журавли; Letiat juravli) cu Tatiana Samoïlova si Alexeï Batalov. Palme d’or la Cannes in 1958
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Le-am vazut la varsta matura de 8 ani, dupa intensa cura cu filme despre Lenin la Smolnii din anii anteriori.

Sergueï Mikhaïlovitch Eisenstein / Larousse



















Sergueï Mikhaïlovitch Eisenstein

https://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Sergue%C3%AF_Mikha%C3%AFlovitch_Eisenstein/117794

Serghei Eisenstein - Wikipedia


Cinéaste soviétique (Riga 1898-Moscou 1948).

LES ANNÉES DE JEUNESSE ET D'EXPÉRIENCE

Immédiatement après la révolution russe de 1917, un vaste courant d'art nouveau s'est développé en Russie soviétique, rompant catégoriquement avec l'esthétique prérévolutionnaire. En ce qui concerne le cinéma, le changement n'a pas été immédiat. Ce n'est qu'après 1922- au moment de la refonte des structures de la cinématographie entreprise sous l'impulsion de Lénine lui-même- que vont se dessiner des directions nouvelles. L'homme qui sera bientôt le plus important des cinéastes soviétiques s'appelle Sergueï Mikhaïlovitch Eisenstein.
Sa famille, bourgeoise- son père était un ingénieur attaché au port de la ville-, lui fait suivre un enseignement qui doit le conduire à la profession d'ingénieur. Il reçoit une éducation religieuse contre laquelle il se dressera plus tard, mais qui imprimera en lui un sens du rituel, du « grand spectacle » dont on retrouvera la marque dans nombre de ses films, notamment le dernier, Ivan le Terrible (Ivan groznyï). Passionné par les arts, le jeune Eisenstein va infléchir vers l'architecture le cours de ses études. Mais celles-ci sont interrompues par la guerre civile. À vingt ans, Eisenstein s'engage dans l'armée rouge. Une fois démobilisé, il vient à Moscou, où il est décorateur de théâtre au Proletkoult (organisation culturelle prolétarienne). Le hasard veut qu'il participe en 1920 à la mise en scène d'une pièce, le Mexicain (Meksikanets), d'après Jack London. Cette expérience est décisive. Elle permet à Eisenstein de tracer les premières lignes théoriques de ce que sera plus tard son esthétique du montage. Dans le même temps, Eisenstein subit d'importantes influences. L'une des plus marquantes est celle de Vsevolod Meyerhold (1874-1942), qui exerce une grande fascination sur les gens de théâtre. Eisenstein apprend de lui au GVIRM (Institut national supérieur des régisseurs) à privilégier la mise en scène. C'est à cette époque qu'il étudie avec passion l'une des formes du théâtre japonais, le kabuki. Les premières recherches d'Eisenstein portent sur une certaine façon de briser par la mise en scène la linéarité traditionnelle du récit théâtral en juxtaposant des éléments apparemment disparates, mais qui concourent tous à valoriser une même « idée » et à en renforcer l'expression. Il est à peu près certain qu'Eisenstein voit dans cette période les films de D. W. Griffith- et surtout Intolérance-, qui le confirment dans cette direction. Il résume ses premiers travaux théoriques dans un article capital publié par Maïakovski dans sa revue LefMontage-Attraction (« Montaj attraktsionov », mai 1923). En ces mêmes années 1922-1923, les grandes tendances du nouveau cinéma soviétique sont représentées par des courants très divers quant à leurs apparences, mais dont les buts sont identiques : servir la révolution. Le plus important de tous semble aux antipodes de celui que suit Eisenstein : Dziga Vertov, inventeur du « cinéma-œil », est partisan d'un cinéma « non joué », « explorant des faits vivants », fouillant la réalité, mais ne la restituant qu'à la faveur d'un montage qui lui donne son vrai sens. C'est au montage justement qu'Eisenstein accordera la plus grande importance. Pour bien comprendre le sens de l'œuvre, il faut s'attarder un instant à la théorie qui la sous-tend : le montage-attraction. Pour Eisenstein la juxtaposition de deux images- deux plans- d'un même film peut être conçue de manière à déclencher une sorte de choc. C'est ce choc qui servira à révéler, puis à éclairer une idée, un symbole précis. Dans son premier film, la Grève (Statchka, 1924), Eisenstein rapproche des termes aussi apparemment différents que l'image d'un bœuf que l'on égorge à l'abattoir et celle d'un groupe d'ouvriers grévistes pris sous le feu des soldats tsaristes. Par la violence de leur rapprochement, la signification est évidente. « Si le montage peut être comparé à quelque chose, les collisions successives d'un ensemble de plans peuvent être comparées à une série d'explosions dans un moteur d'automobile. Comme celles-ci impriment le mouvement à la machine, le dynamisme du montage donne l'impulsion du film et le conduit à sa finalité expressive » (S.M. Eisenstein).

LE CUIRASSÉ POTEMKINE

Au cours de l'année 1925, Eisenstein réalise le film qui va devenir son œuvre la plus célèbre, le Cuirassé « Potemkine » (Bronenossets « Potemkine »). Cette entreprise s'inscrit dans une série d'œuvres commandées par le Comité central pour célébrer la révolution de 1905. « Œuvre de propagande donc. Mais au sens le plus noble du mot. Comme le furent toutes les grandes œuvres de l'art qui reflétèrent un moment de la conscience universelle, l'élan de tout un peuple uni autour d'une même idée ou d'un même sentiment national. Comme le furent l'Iliade et l'Odyssée pour les Grecs, les chansons de geste ou les sagas scandinaves pour la civilisation occidentale, les Tragiques pour la Réforme, et tant d'autres encore » (Jean Mitry). Pour son deuxième film, Eisenstein porte à un point de totale perfection l'application de ses théories. Le film relate un fait authentique : au mois de juin 1905, une partie de l'équipage du cuirassé Potemkine se mutina à la suite de diverses humiliations que les officiers lui avaient fait subir. Afin d'arrêter le mouvement, l'exécution d'une vingtaine d'hommes est décidée. Mais le peloton n'obéit pas au commandement, car l'un des hommes juché sur la tourelle crie : « Frères ! Ne tirez pas sur vos frères ! » La révolte éclate, et les hommes s'emparent du bateau. Ils le conduisent à Odessa. Là, un grand élan de solidarité unit les ouvriers en grève du port et les matelots du Potemkine. Ceux-ci menacent de bombarder la ville si la répression militaire s'y poursuit. D'autres vaisseaux de guerre envoyés en renfort pour mater le Potemkine échouent dans leur mission, car, du pont de leur bateau, les marins révoltés engagent leurs camarades des autres cuirassés à neutraliser leurs propres officiers. Bien que ramené à sa seule anecdote, ce bref résumé peut donner une idée de l'originalité du sujet. Il ne peut montrer la nouveauté du traitement, la perfection du style d'Eisenstein. Il faut, pour cela, se remémorer certains épisodes du film et l'un des plus justement célèbres : la fusillade sur les escaliers d'Odessa. Cette séquence traite de la répression exercée dans la ville par les gardes blancs contre la population. La descente de l'escalier par la foule en désordre et apeurée, suivie par la descente quasi mécanique des gardes blancs au pas et tirant devant eux, est montrée par des alternances de plans dont les valeurs (angle de prises de vues, largeur du cadrage, rythme interne, durée) s'opposent, se heurtent selon une rythmique remarquablement précise et efficace.

OCTOBRE

Toujours dans le dessein de faire connaître- mais aussi de chanter- la révolution (cette fois, la révolution d'octobre 1917) en s'appuyant sur le récit fameux de John Reed Dix Jours qui ébranlèrent le monde, Eisenstein réalise en Octobre (Oktiabr). Il y pousse encore plus loin que dans les films précédents son esthétique du montage. Octobre est un film torrentiel, impétueux, où des images purement symboliques viennent se greffer dans le cours du récit. Une scène- la prise du palais d'Hiver- demeure un célèbre morceau d'anthologie.

LES VOYAGES EN EUROPE, AUX ÉTATS-UNIS ET AU MEXIQUE

Avant ce film, Eisenstein en avait entrepris et abandonné un autre, la Ligne générale (Generalnaia liniia), qu'il reprend en 1928-1929 sous le titre de l'Ancien et le nouveau (Staroïe i Novoïe) [« Ce que je veux, maintenant, c'est exalter le pathétique du quotidien, du quelconque, trouver dans ce quelconque le sens d'un enthousiasme collectif, polariser dans un geste, dans un fait, même anodin en soi, toutes les passions, tous les espoirs qui sont à la portée de l'homme et qui lui sont une raison de vivre. »] En suivant l'existence quotidienne d'une jeune femme, Marfa (rôle tenu par une vraie paysanne, Marfa Lapkina), Eisenstein montre les bouleversements de la vie rurale de son pays, comment la révolution a changé non seulement le mode de vie, mais l'esprit des gens de la terre. Quant au rythme et à l'originalité du montage, deux séquences demeurent exemplaires : la procession des paysans et du clergé pour que vienne la pluie ; la mise en route et l'utilisation de l'écrémeuse acquise par la collectivité agricole. Au moment de la sortie en Russie de son film, Eisenstein est en Europe occidentale, où il attend que se concrétisent différentes offres faites essentiellement par des compagnies américaines. De ses séjours dans les capitales européennes, on retient surtout sa rencontre à Paris avec James Joyce. Eisenstein était un grand admirateur d'Ulysse et de la manière dont Joyce développait le « monologue intérieur » (manière parallèle à sa propre technique du montage). L'éventualité d'une adaptation est même envisagée alors. Lorsque les propositions semblent se concrétiser, Eisenstein part pour les États-Unis en mai 1930. Il signe un contrat avec Paramount. Par le fait, soit de la société productrice, soit d'Eisenstein lui-même, divers projets sont évoqués puis abandonnés- notamment une adaptation de l'Or de Blaise Cendrars. Finalement, l'accord semble devoir se faire sur l'adaptation d'Une tragédie américaine, d'après le roman de Theodore Dreiser, mais les dirigeants de Paramount et Eisenstein ne parviennent pas à s'entendre sur le scénario, et le contrat est rompu. Le film sera réalisé par Josef von Sternberg.
La rencontre d'Upton Sinclair permet à Eisenstein d'envisager un autre projet que l'écrivain se charge de financer : le cinéaste part pour le Mexique, parcourt le pays en tous sens et entreprend en 1932 le film qui devait s'intituler Que viva Mexico ! Encadrées d'un prologue et d'un épilogue, quatre parties (Sandounga, Maguey, Fiesta, Soldadera) devaient montrer le Mexique d'aujourd'hui et d'hier, les résultats de la colonisation et de la christianisation, les luttes des « peones » et cette extraordinaire « unité de la mort et de la vie » qui frappa si fort Eisenstein dans ce pays. Le cinéaste, après avoir tourné 35 000 m de pellicule, se voit dans l'incapacité de contrôler le montage de cette œuvre gigantesque et quitte les États-Unis le 19 avril 1932. Les Américains utilisèrent le matériel d'Eisenstein dans Tonnerre sur le Mexique (1933), Kermesse funèbre (1933), Time in the Sun (1939), films aux images admirables- tournées par le grand opérateur Édouard Tissé (1897-1961)-, mais sans rapport aucun avec les intentions de l'auteur, car, nous le savons, le montage était pour lui l'étape déterminante de la mise en forme d'un film.

LES DERNIÈRES ŒUVRES THÉORIQUES ET CINÉMATOGRAPHIQUES

Après son retour en Russie, Eisenstein entreprend divers projets, qui échouent tous. Il se consacre alors à l'une des activités essentielles de son existence : l'enseignement. « Les cours d'Eisenstein à VGIK sont un phénomène rigoureusement unique et jamais vu. Année par année, dans ses conférences, Eisenstein construisait cet édifice- et son travail vient enrichir non seulement la littérature soviétique, mais toute la littérature mondiale consacrée au problème de la mise en scène. […] La pédagogie était pour lui un besoin organique et formait une part importance aussi bien de son expression artistique que de son œuvre de savant. » (Mikhaïl Romm.) Pendant plus de dix ans et jusqu'en 1943, juste avant le tournage de son dernier film, Eisenstein se passionnera pour la pédagogie au VGIK (Institut cinématographique d'État). Les témoignages que nous possédons montrent un Eisenstein vif, enthousiaste, stimulant, faisant partager à ses élèves aussi bien sa profonde culture que l'intense travail théorique qu'il avait accompli jusque-là.
Comme si la malchance semblait s'acharner sur lui, Eisenstein ne pourra mener à son terme le film qu'il entreprend alors : le Pré de Béjine (Bejine Loug, 1936-1937). Le directeur de la cinématographie soviétique, Boris Choumiatski, fait interrompre le tournage et mettre la pellicule sous séquestre. Il ne reste aujourd'hui que des photogrammes et le scénario (adapté d'une nouvelle de Tourgueniev et de l'histoire du pionnier Pavel Morozov) qui présente la vie d'un kolkhoz. En 1938- Choumiatski ayant perdu ses fonctions-, Eisenstein peut entreprendre Alexandre Nevskie. Ce film fait partie d'un ensemble d'œuvres commandées pour évoquer certaines grandes figures russes (Pierre le Grand, Lénine, Gorki, etc.). Il s'agit réellement du premier film sonore d'Eisenstein si l'on omet le Pré de Béjine. Eisenstein met fortement l'accent sur l'« aspect audio-visuel » du film. Sans pour autant changer de manière et sans rejoindre le baroquisme d'un film comme Octobre, il travaille de près la construction générale de son œuvre avec le musicien Sergueï Prokofiev, afin que musique et image s'imbriquent parfaitement en un rythme unique. Il n'est pas besoin de rappeler l'extraordinaire traitement plastique (opposition entre le blanc des chevaliers teutoniques et le noir des troupes de Nevski), non plus que la perfection de certaines scènes clés (la bataille sur la glace).
Après ce film, Eisenstein écrit plusieurs scénarios qui ne seront pas tournés. Au théâtre Bolchoï de Moscou, il met en scène la Walkyrie de Richard Wagner en 1940. Puis il se consacre à l'œuvre monumentale qui sera en quelque sorte son testament d'artiste : Ivan le Terrible (1943-1947). « La puissance de la Russie et la lutte épique pour sa grandeur », tel est le propos du film rappelant la Russie en lutte contre l'Allemagne à travers l'épopée du tsar du xvie s. Le film est à la dimension de son principe : opéra, épopée dont la part plastique est prépondérante- plus maintenant que le montage lui-même. Admirables images souvent statiques, dont la composition est remarquablement élaborée et qui trouvent leur aboutissement dans une fin tournée en couleurs. Une crise cardiaque devait arrêter Eisenstein dans son travail. De cette période de repos datent quelques-uns de ses écrits les plus importants. Eisenstein espérait continuer Ivan le Terrible, lorsqu'il fut terrassé par une ultime crise, seul dans son appartement, le 11 février 1948.
Son influence ne doit pas être limitée à son œuvre, mais, à parts égales, à son enseignement et à ses théories.

FILMUL PIERDUT al lui Serghei Eisenstein

Sergueï Mikhaïlovitch Eisenstein, 1935.
SERGHEI EISENSTEIN, 1935
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Le film perdu de Sergueï Mikhaïlovitch Eisenstein

Il y a 90 ans, le cinéaste russe tourna un film au château de La Sarraz avec plusieurs grands noms de l’avant-garde. Mais on en a perdu toute trace.

Célèbre pour ses longs métrages tels que « Le cuirassé Potemkine », sorti en 1925, ou « Ivan le terrible », diffusé en 1945, le cinéaste russe Sergueï Mikhaïlovitch Eisenstein, avide de nouveautés cinématographiques, avait été autorisé par le gouvernement bolchevique à se rendre en Europe de l’Ouest en 1929. De passage à Zurich avec son opérateur Edouard Tissé et son assistant Grigori Alexandrov, le réalisateur avait été invité au château de La Sarraz, dans le canton de Vaud, par la propriétaire des lieux, Mme Hélène de Mandrot, mécène alors très en vogue dans le monde interlope des artistes.
La dame, née Revilliod de Muralt, grande famille du patriciat genevois, qui devait se faire connaître par la suite pour l’organisation de Congrès internationaux d’architecture moderne – auxquels participa, notamment, Le Corbusier – se plaisait à organiser, année après année, des rencontres artistiques et intellectuelles. En 1929, elles furent consacrées au cinéma indépendant. Le premier Congrès International de Cinéma Indépendant devait ainsi se tenir dans l’arrière-pays vaudois ! Eisenstein, intéressé par la perspective de croiser d’autres réalisateurs, accepta l’invitation et séjourna ainsi dans la demeure médiévale, du 3 au 7 septembre, en compagnie de cinéastes de différents pays.
Au cours de ces journées - largement sacrifiées à l’art dînatoire – les artistes décidèrent de remercier leur hôtesse en tournant un film dans le château. Le projet était de se servir du décor naturel que représentait la bâtisse tout en puisant dans l’antique fatras hétéroclite entassé dans les combles du château. L’œuvre devait être baptisée ! On la nomma « Tempête sur La Sarraz », allusion ironique au combat du cinéma indépendant contre le cinéma commercial et clin d’œil aux conversations de salon qui venaient de se dérouler. Et c’est à Eisenstein que fut confiée la tâche de réaliser ce pamphlet cinématographique. Il commença par distribuer les rôles, confiant à l’auteur hongrois Béla Balázs l’interprétation du commandant de l’armée du cinéma commercial, à la romancière et historienne Janine Bouissounouse celle de l’esprit évanescent du cinéma libre, à l’écrivain français Léon Moussinac le rôle de D’Artagnan, Eisenstein jouant pour sa part le commandant de l’armée du cinéma indépendant. Les autres participants à la fête de Mme de Mandrot ne furent pas en reste puisque dans le film apparaîtraient encore Jack Isaacs, Hans Richter, Walther Ruttmann, Fritz Rosenfeld, Mannus Franken et Tsuchiva Moichiro.
Témoin actif de ces journées, Pierre Zénobel photographia la petite équipe et les acteurs grimés, attestant par ses images déposées à la Cinémathèque suisse que le film fut bel et bien tourné. Dans la troupe, un Japonais, Hiroshi Higo, lui aussi cinéaste et communiste, devait participer au projet. C’est lui qui pour des raisons inconnues, prit le film à l’issue du séjour et l’emporta à Tokyo. Connu pour avoir fait connaître au Japon plusieurs films avant-gardistes avant la guerre, Hiroshi Higo devait proposer à son parti le film, renommé « Kokusai Dokoritsu Eiga Kaigi ».
Madame de Mandrot (au centre) lors d’un congrès d’architecture au château de La Sarraz, 1928.
Madame de Mandrot (au centre) lors d’un congrès d’architecture au château de La Sarraz, 1928.
Sergueï Mikhaïlovitch Eisenstein, 1935.
Sergueï Mikhaïlovitch Eisenstein, 1935.
Le peintre et graphiste Pierre Zénobel (1905-1996) photographia ces événements mémorables au château.
Le peintre et graphiste Pierre Zénobel (1905-1996) photographia ces événements mémorables au château.
Collection de la Cinémathèque suisse
Tokyo, 1930. Nous sommes dans l’ère Taishô, l’exemple russe a fait son chemin, et d’authentiques partis politiques sont apparus au Japon depuis une dizaine d’années. En 1922 se crée le Nihon Kyôsantô, parti communiste japonais. En 1926, deux nouveaux partis prolétaires plus modérés se développent avec l’aval du gouvernement : le Rōdōnōmintō (parti des travailleurs et des paysans) et le Nihon Rônôtô (parti japonais des travailleurs et des paysans). Dans le même temps, les mouvements fascistes éclosent et enflent, en autant de bubons malins, notamment le Kokuhonsha, fondé en 1924, qui regroupe de nombreux militaires, mais également des professeurs et des fonctionnaires. Face à cette mouvance inquiétante, le gouvernement met en place un organe répressif, sorte de Gestapo : la haute police spéciale Tokkô, qui ne tarde pas à persécuter les communistes et les syndicats actifs.
C’est dans ce contexte que le film d’Eisenstein tourné dans le canton de Vaud devait être montré aux membres du parti communiste le 13 juin 1930, lors d’une soirée de la Ligue japonaise du cinéma prolétarien, la police ayant pris des mesures de sécurité particulière. Mais l’œuvre ne passa pas le couperet de la censure. Elle fut inscrite sur les listes de la censure japonaise sous le numéro E 7612, preuve que le film subsista au moins un temps. Car si le Musée national d’Art moderne de Tokyo conserve toujours en mémoire ce numéro d’inventaire, le film, lui, a disparu depuis des décades.
Vues du tournage. Collection de la Cinémathèque suisse
Vues du tournage. Collection de la Cinémathèque suisse
Vues du tournage. Collection de la Cinémathèque suisse
Vues du tournage.
Collection de la Cinémathèque suisse
Les recherches menées par des spécialistes, et notamment par le délégué de la critique cinématographique soviétique Kazuo Yamada, mandaté par la Gosfilmofond, l’organisme gérant les archives centrales du cinéma russe, n’ont rien donné jusqu’à ce jour, à tel point que certains estiment que ce film n’a jamais existé, malgré les témoignages photographiques qu’on en conserve en Suisse. On ne sait pas non plus si Eisenstein, de retour en Union Soviétique, parla de ce film, ou s’il préféra taire son séjour chez une aristocrate helvétique.
Christophe Vuilleumier
Christophe Vuilleumier est historien et membre du comité de la Société suisse d’histoire. On lui doit plusieurs contributions sur l’histoire helvétique du XVIIe siècle et du XXe siècle.
Blog. Musée national Suisse

Le lieu du tournage : le château de La Sarraz (VD) sur un cliché de Max van Berchem, vers 1900.
Bibliothèque nationale suisse