sâmbătă, 4 februarie 2023

KATHARINE HEPBURN (1907-2003)

 
LES ACTRICES ET ACTEURS

KATHARINE HEPBURN

Katharine Hepburn a incarné, mieux qu’aucune autre star de Hollywood, le dynamisme, le courage et l’idéalisme. A travers des rôles très divers, elle a représenté, pour plusieurs générations de femmes, l’idéal de l’indépendance. Et elle le fit toujours avec fierté, conscience et rigueur.


« II fallait qu’elle ait le dernier mot ! » : ainsi le shérif interprété par John Wayne conclut-il le western Rooster Cogburn (Une Bible et un fusil, 1975), alors que Katharine Hepburn vient d’ajouter un affectueux post-scriptum à leur conversation d’adieu, puis de chevaucher vers le lointain sans lui laisser le temps de répondre. S’il est une chose que Katharine Hepburn a voulu et obtenu toute sa vie, c’est en effet le dernier mot. Au cinéma, elle crée un type de femme que le machisme hollywoodien n’avait guère envisagé : celle qui peut dominer les hommes par son intelligence et sa volonté, sans être ni une mégère ni une matrone. Elle a mené sa carrière de façon très entreprenante, et composé par la succession de ses rôles une œuvre de militante de tous les combats d’avant-garde, à commencer par le féminisme. Si, dans ses films avec son compagnon, Spencer Tracy, elle laisse celui-ci conclure, c’est pour lui permettre de sauver la face et donc de rendre plus acceptable une morale décapante, dans une Amérique encore très phallocrate ! Après une période de basses eaux au début des années 1940, Katharine Hepburn met au point un plan de reconquête qui fait de cette actrice progressiste une star de la conservatrice MGM. Elle continue de mettre son art au service du progrès des consciences, remplaçant le scandale par la pédagogie, et jouant un rôle actif dans l’acceptation des idées nouvelles par une majorité d’Américains. Au cœur des grands changements sociétaux du XXe siècle, elle incarne plus qu’aucune autre actrice le modèle de la femme indépendante. Esthétiquement aussi, elle s’affranchit pendant toute sa carrière des stéréotypes d’Hollywood. Longue, sportive, intellectuelle, elle combine une charpente androgyne avec un usage très féminin de ses appas, paradoxe que Cukor a su discerner et magnifier dès ses débuts. Douze fois nommée, elle est la seule actrice qui ait remporté quatre oscars, avec quarante-huit ans d’écart entre le premier, obtenu en 1934, et le dernier, reçu en 1982. Elle est considérée par l’American Film Institute comme la plus grande parmi toutes les actrices de légende de l’âge d’or des studios. [Katharine Hepburn, celle qui faisait plier le destin -Hollywood, la cité des femmes – Antoine Sire – Ed.Institut Lumière / Actes Sud (2016)]


Après sa brillante irruption au firmament de Hollywood au début des années 1930, confirmée par l’Oscar de la meilleure actrice en 1933 pour son interprétation dans Morning Glory, la carrière de Katharine Hepburn subit une dramatique récession. Les échecs commerciaux de Sylvia Scarlett (1936), de Mary of Scotland (Marie Stuart, 1936), de A Woman Rebels (La Rebelle, 1936) et de Quality Street (A travers le passé, 1937) avaient découragé et l’actrice et son producteur, Pandro S. Berman, de la RKO. Malgré le grand succès de Stage Door (Pension d’artistes, 1937) de Gregory La Cava et l’accueil enthousiaste réservé par la critique à Bringing Up Baby (L’Impossible M Bébé, 1938), de Howard Hawks, Harry Brant, président de l’Independent Theatre Owners of America, lui accola l’étiquette peu flatteuse de « poison du box-office », Hepburn rompit alors son contrat avec la RKO : ce fut le tournant le plus important de sa carrière.

Il faudra attendre les années 1940 (à l’exception d’une période d’inactivité au milieu de la décennie) pour voir son nom figurer de nouveau parmi ceux des stars, confirmation, en somme, des qualités essentielles du personnage qu’elle incarnait à l’écran eT dans la vie. Hepburn possédait une réputation de femme indépendante et de progressiste modérée sur le plan politique.

Dès 1933, avec son second film Christopher Strong (La Phalène d’argent), Hepburn donnait une composition réussie de femme libre et imposait sa forte personnalité en dépit de tous les compromis exigés par son rôle. Elle fera d’ailleurs de même dans d’autres films. Mais ce fut Bringing Up Baby qui, le premier, mit en évidence combien son tempérament obstinément indépendant pouvait servir à renouveler la comédie. Dans ce film, elle avait pour partenaire Cary Grant, qu’elle devait retrouver plus tard dans Holiday (Vacances, 1938) et dans The Philadelphia Story (Indiscrétions, 1940), films qui confirmèrent la verve et le très grand talent de l’actrice.

FÉMINISTE AVANT LA LETTRE

S’il fallait désigner le film qui représenta l’apogée de la carrière d’Hepburn, on citerait sans doute Woman of the Year (La Femme de l’année, 1942), non seulement pour la qualité de l’interprétation, mais aussi à cause d’une rencontre de plateau qui devait jouer un rôle fondamental dans la carrière et la privée d’Hepburn : celle de Spencer Tracy, qui deviendra son partenaire idéal et son mari. Après Woman of the Year, les deux comédiens se retrouvèrent dans d’autres films. Leur collaboration cinématographique fut en effet mise au service d’une série de comédies très populaires, telles que Adam’s Rib (Madame porte la culotte, 1949) et Pat and Mike (Mademoiselle Gagne-tout, 1952), deux films qui traitent de l’égalité des sexes et qui témoignent justement, de même que The African Queen (La Reine africaine, 1951) – dans lequel Hepburn avait pour partenaire Humphrey Bogart -, du poids de la femme dans la société de l’époque. Ils se présentent comme de véritables enquêtes sur la condition féminine : personnage de premier plan, la femme est en quête d’un rapport égalitaire avec l’homme. En outre, ces films présentent Hepburn comme une femme normale, dépourvue des avantages que conféraient la richesse et le rang social qui avaient caractérisé ses compositions précédentes dans Christopher Strong ou The Philadelphia Story.

Dans Pat and Mike, Katharine Hepburn est une femme sportive, subjuguée par un fiancé qui lui fait perdre toute confiance en elle. Sa rencontre avec un organisateur de compétitions sportives (Tracy) lui rendra courage et goût pour l’amour et la vie. Dans The African Queen, Charlie Allnut (Bogart), rude capitaine de bateau qui s’adonne à la boisson, cherche à traverser les lignes ennemies allemandes en remontant le cours d’un fleuve en compagnie d’une vieille fille acariâtre (Hepburn). Le réalisateur, John Huston, présente de manière efficace et sur un ton tragi-comique les rapports complexes qui s’instaurent entre les deux personnages. Il décrit avec beaucoup de sensibilité les sentiments amoureux qui naissent entre le capitaine et la vieille fille. Le respect réciproque et l’égalité des sexes sont montrés avec délicatesse. Finalement, la vieille fille succombera à l’amour mais sans agression de la part de Charlie : le réveil sexuel de la femme est la conséquence d’une acceptation mutuelle.

L’AUTRE MOITIÉ DE SPENCER TRACY

Hepburn et Tracy se retrouvèrent dans neuf films. Après Woman of the Year, le couple interpréta Keeper of the Flame (La Flamme sacrée, 1942), le premier film avec arrière-pensées politiques auquel Hepburn participa. Dans le rôle de Christine Forrest, veuve d’une éminente personnalité politique américaine, elle cherche à protéger la réputation de son défunt mari des enquêtes d’un journaliste (Tracy), qui le soupçonne, à juste titre, d’avoir eu des sympathies fascistes dans sa jeunesse. Ce film avait pour objectif de modifier l’attitude de l’opinion publique américaine à l’égard de la propagande fasciste menée aux États-Unis, mais il n’aboutit malheureusement qu’à un mélodrame d’inspiration sociale. Dans State of the Union (L’Enjeu, 1948), de Frank Capra, autre film politiquement engagé, Hepburn aidait son mari, candidat républicain à la présidence (Tracy), en lui faisant prendre conscience de la réalité : Tracy n’était qu’un instrument entre les mains de politiciens malhonnêtes.

Après Pat and Mike la carrière de l’actrice fut marquée dans une large mesure par des interprétations de qualité dans des films qui n’étaient pas toujours remarquables. Hepburn sera de nouveau une vieille fille refoulée qui vit un grand amour avec Rossano Brazzi dans Summer Madness (Vacances à Venise, 1955). Elle sera Lizzie, malheureuse et provinciale vieille fille, pour les besoins de The Rainmaker (Faiseur de Pluie, 1956), où elle faisait la rencontre de l’excentrique Starbuck (Burt Lancaster). Dans sa biographie consacrée à Hepburn et intitulée « Kate », Charles Higham notait : « L’impression de sécurité et le charme puissamment viril qui émanent de Starbuck brisent la coquille protectrice. Starbuck promet d’apporter la pluie au sol aride de l’État du sud-ouest ; sa promesse se vérifie métaphoriquement dans l’enrichissement qu’il apporte à la vie stérile et asexuée de Lizzie. »

A la suite du désastreux The Iron Petticoat (Whisky, vodka et jupon de fer, 1956), vague remake de Ninotchka (1939) de Lubitsch, et de l’agréable mais décevant Desk Set (Une femme de tête, 1957), en compagnie de Tracy, Hepburn fut engagée pour l’adaptation d’une pièce bouleversante de Tennessee Williams, Suddenly, Last Summer (Soudain, l’été dernier, 1959). Elle y interpréta le rôle difficile de la veuve riche et excentrique qui tente de cacher les circonstances qui ont entouré la mort de son fils homosexuel en faisant subir une lobotomie au seul témoin du drame, sa nièce, incarnée par Liz Taylor. Ce film de Mankiewicz doit être signalé pour son atmosphère chargée d’homosexualité refoulée et pour le personnage démoniaque et pervers de la mère, que la disparition de son fils a rendue folle. Il contribua à. lever bien des tabous cinématographiques.

En 1962, Hepburn montra tout son métier dans Long Day’s Journey Into Night (Le Long voyage dans la nuit) une mère droguée. Sa carrière subit ensuite une interruption de cinq ans. Elle passa cette période aux côtés de Tracy, alors gravement malade.

UNE COLLECTION D’OSCARS

Elle revint sur le plateau, avec Spencer, en 1967, pour interpréter Guess Who’s Coming to Dinner ? (Devine qui vient dîner). Ce film, dont le message, essentiellement libéral, se voulait une condamnation du racisme, valut à Hepburn son deuxième Oscar. Un troisième Oscar sera attribué à l’actrice en 1969 pour The Lion in Winter (Le Lion en hiver, 1968). Mais sa meilleure interprétation, durant les années 1960, fut celle de « Coco », une comédie musicale sur la vie de la célèbre couturière Coco Chanel, représentée au théâtre au début de la décennie.

En 1957, Hepburn joua avec Laurence Olivier dans Love Among the Ruins (Il neige au printemps), une délicieuse comédie contant les retrouvailles de deux anciens amants après des années de séparation. Ce film fut réalisé par George Cukor pour la télévision américaine et marqua le retour du réalisateur à son thème le plus cher : les rapports de force entre les sexes. L’intérêt du film tient à la délicatesse du portrait de cet ancien couple qui redécouvre les joies de l’amour. Hepburn joua de nouveau sous la direction de Cukor, et toujours pour la télévision, dans The Corn Is Green (Le Blé est vert, 1978), histoire d’une enseignante qui parvient à s’affirmer dans un village minier et qui aide un jeune mineur à obtenir une bourse d’études pour Oxford. Mais à cause de son intrigue trop simpliste, le film n’est guère convaincant.

LE COURAGE D’AFFICHER SES IDÉES

Outre les trois Oscars qu’elle remporta, Hepburn put s’enorgueillir de huit nominations à cette récompense. Mais, chose étrange, elle n’a pas fait l’objet de longues monographies, bien qu’elle ait toujours été considérée comme un des piliers du cinéma américain. Sa personnalité hors du commun, sa vie privée qui ne s’embarrassa guère de conventions (à commencer par son goût pour les vêtements de coupe masculine) mais qui sut rester discrète, surtout durant sa liaison avec Tracy, ont conféré à son personnage un halo de liberté. Ses films les plus réussis se nourrissent de cette image. Elle-même et ses héroïnes représentèrent un modèle pour beaucoup de femmes ; aujourd’hui, cette impression peut sembler exagérée dans la mesure où Hepburn appartient et reste liée à l’usine à rêves de Hollywood.

Née en 1907 dans une famille aisée qui avait des idées progressistes, Hepburn créa au cours des années 1930 de nombreux personnages de femmes indépendantes et émancipées, appartenant comme elle à la haute bourgeoisie. Ensuite, ses rôles dans Summertime et dans The Rainmaker dénotent un conformisme sexuel à l’égard de la virginité féminine. Une rétrospective de sa carrière ne doit pas écarter, cependant, ses films politiquement engagés, qui souffrent moins d’un manque de sincérité que d’une édulcoration propre aux idées libérales. Il faut en fait tenir compte de la réputation qu’eut Hepburn à partir des années 1930 et 1940 : elle sut être à l’écran l’interprète idéale d’une figure de femme sûre d’elle et dotée d’une énergie farouche ; une femme intelligente et sensible soutenue par un tempérament fort et fier porté aux choix anticonformistes et parfois dangereux.



Le film noir a permis à de grands metteurs en scène comme Fritz LangNicholas RayOtto Preminger et Anthony Mann de créer leurs œuvres les plus imaginatives. Malheureusement, le seul film noir de Minnelli, manque parfois de puissance malgré certaines qualités, défaut regrettable car on y trouve pourtant le style du metteur en scène.